La jeunesse, génération sacrifiée ?

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par Guillaume Allègre

La jeunesse serait-elle sacrifiée par la génération des baby-boomers ? Dans cette note de l’OFCE, nous faisons le point sur les inégalités entre âges et générations et montrons comment la thèse du conflit de génération s’appuie sur une analyse partiale de la situation des jeunes qui occulte les avantages dont bénéficie au moins une partie de la jeunesse. Loin de la spoliation des jeunes par les baby-boomers, c’est à la transmission intergénérationnelle des inégalités, via le diplôme scolaire et les solidarités familiales, que l’on assiste.

La jeunesse fait face à des conditions d’insertion dans la vie active dégradées : le taux de chômage des 16-25 ans est passé de 9,7 % en 1976 à 17,9 % en 2007 pour atteindre 22,1 % en 2009. Cette montée du chômage s’est accompagnée d’un développement important de l’emploi temporaire, entraînant des écarts de salaires entre les jeunes et les moins jeunes nettement plus importants que dans les années 1970. La forte augmentation du prix des logements depuis 1998 s’est faite au détriment des non-propriétaires et donc des générations les plus jeunes. Alors que la montée en charge du système de retraites a permis la forte diminution du taux de pauvreté des plus de 60 ans, la pauvreté a rajeuni : en 2008 le taux de pauvreté des 18-29 ans s’élevait à 16,7 % contre 13 % pour l’ensemble de la population et 8 % pour les 60 à 74 ans.

Pourtant, si le constat d’une ‘génération sacrifiée’ part de faits avérés, l’approche consistant à évaluer ces phénomènes exclusivement sous le prisme de l’âge ou de la génération est trompeuse. En effet, l’approche générationnelle masque les inégalités au sein des générations. Les difficultés liées à l’entrée dans la vie active ne sont en effet pas partagées par l’ensemble des jeunes. Clerc et al. (2011) montrent que les non-diplômés sont particulièrement exposés à la conjoncture lors de leur entrée sur le marché du travail, alors que les diplômés accèdent toujours rapidement à l’emploi stable. Ce constat corrobore celui fait par le Cereq. Or, diplôme et origine sociale restent liés. Le logement constitue une autre voie de la transmission intergénérationnelle des inégalités : à terme, les gains liés à l’augmentation des prix de l’immobilier seront transmis aux enfants. Dès aujourd’hui, on peut constater une forte augmentation de l’écart d’accès à la propriété entre catégories sociales. Outre les aides liées à l’accès au logement, les jeunes issus des familles les plus aisées bénéficient de fortes solidarités familiales. Loin de la spoliation des jeunes par les baby-boomers, c’est bien à la transmission intergénérationnelle des inégalités, via le diplôme scolaire et les solidarités familiales, que l’on assiste.

Les politiques s’appuyant sur un diagnostic purement générationnel risquent de rater leur cible. Une CSG allégée pour les jeunes bénéficierait à ceux qui s’en sortent déjà alors que l’alourdissement de la CSG sur les pensions de retraite toucherait les petits retraités et les locataires autant que les bénéficiaires de retraites-chapeau et les propriétaires. Les retraités sont plus aisés que les jeunes actifs : la taxation progressive des revenus réduirait cette inégalité sans en créer une autre. Ils sont plus souvent propriétaires que les plus jeunes : il faut alors imposer les revenus du patrimoine qui échappent à l’impôt, les plus-values immobilières réelles et la valeur locative des logements occupés par leurs propriétaires (ou, à l’inverse, permettre aux locataires de déduire leur loyer de leur  revenu imposable et augmenter pour tous le barème de l’impôt sur le revenu). Les non-diplômés s’insèrent difficilement sur le marché du travail : c’est aux sorties sans diplôme du système scolaire et au chômage des non-diplômés qu’il faut prioritairement s’attaquer.