Dette italienne : plus de peur que de mal ?

par Céline Antonin

Le spectre d’une crise de la dette souveraine en Italie fait trembler la zone euro. Depuis leur arrivée au pouvoir, Matteo Salvini et Luigi di Maio multiplient en effet les déclarations fracassantes en matière budgétaire, montrant leur volonté de s’abstraire du cadre budgétaire européen qui prône le retour à l’équilibre selon des règles précises[1]. Ainsi, l’annonce d’un dérapage budgétaire lors de la publication de la mise à jour du Document économique et financier fin septembre 2018 a attisé la nervosité des marchés financiers et déclenché une nouvelle hausse des taux obligataires (graphique).

Pour autant, faut-il céder à la panique ? La question cruciale est celle de la soutenabilité de la dette publique italienne. A l’horizon 2020, la situation de la troisième économie de la zone euro est moins dramatique qu’il n’y paraît. En stabilisant le taux d’intérêt au niveau de fin septembre 2018, la dette publique serait largement soutenable. Elle décroîtrait en 2019, passant de 131,2 % à 130,3 % du PIB. Etant données nos hypothèses[2], seule une très forte et durable remontée des taux d’intérêt obligataires, supérieure à 5,6 points conduirait à une hausse du ratio d’endettement public. Autrement dit, il faudrait que le taux obligataire dépasse le niveau atteint au paroxysme de la crise des dettes souveraines de 2011. Si une telle situation devait se produire, il serait difficile de croire que la BCE n’interviendrait pas pour rassurer les marchés et éviter une contagion à la zone euro.

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Une impulsion budgétaire fortement positive en 2019

L’évolution du ratio d’endettement public dépend fortement des hypothèses que l’on retient. Il est fonction du solde des administrations publiques, du taux de croissance du PIB, du déflateur, et du taux d’intérêt apparent sur la dette publique (voir formule de calcul infra).

En matière budgétaire, malgré leurs dissensions, les deux partis composant le gouvernement italien (La Ligue et le Mouvement 5 Etoiles) semblent au moins s’accorder sur un point : la nécessité de desserrer la contrainte budgétaire et de relancer la demande. Le contrat de gouvernement, publié en mai 2018, était d’ailleurs sans équivoque. Il annonçait un choc fiscal d’un montant approximatif de 97 milliards d’euros sur 5 ans, soit 5,6 % du PIB sur la durée du quinquennat. Mais bien que les mesures aient été progressivement revues à la baisse, le projet présenté au Parlement italien prévoit un déficit public de 2,4 % du PIB pour 2019, loin de l’objectif initial de 0,8 % inscrit dans le Pacte de stabilité et de croissance transmis à la Commission européenne le 26 avril 2018. Nous faisons l’hypothèse que le budget 2019 sera adopté par le Parlement, et que le déficit sera bien de 2,4 % du PIB. Ainsi, nous anticipons une impulsion budgétaire positive de 0,7 point de PIB en 2019. Cette impulsion se décompose comme suit :

– Une baisse des prélèvements obligatoires de 5 milliards, soit 0,3 point de PIB, liée à l’introduction progressive de la « flat tax » à 15 % pour les PME, une mesure défendue par la Ligue. L’extension de la « flat tax » à l’ensemble des entreprises et aux ménages a été repoussée à plus tard dans le mandat, sans autre précision ;

– Une hausse des dépenses publiques, que l’on chiffre globalement à 7 milliards d’euros, soit 0,4 point de PIB. Citons d’abord la mesure emblématique du Mouvement 5 Etoiles, l’introduction d’une pension de citoyenneté (en janvier 2019) et d’un revenu de citoyenneté (en avril 2019), pour un montant total estimé à 10 milliards d’euros. La pension de citoyenneté sera destinée à compléter la pension de tous les retraités pour la porter à 780 euros par mois. Pour les actifs, le principe sera similaire – compléter le salaire à hauteur de 780 euros –, mais sous conditions : ils devront néanmoins s’engager à suivre une formation et à accepter au moins une des trois premières propositions d’emploi qui leur seront présentées par le Centre pour l’emploi. La révision de la réforme des retraites, qui prévoit la « règle des 100 », permettra en outre le départ à la retraite lorsque la somme entre l’âge et les années travaillées atteint 100, sous certaines conditions. Cela devrait coûter 7 milliards d’euros en 2019. Enfin, un fonds d’investissement de 50 milliards d’euros est prévu sur 5 ans ; nous inscrivons pour notre part une hausse de l’investissement public de 4 milliards d’euros en 2019. Pour financer la hausse des dépenses sans accroître le déficit public au-delà de 2,4 %, le gouvernement devra donc économiser 14 milliards d’euros, soit l’équivalent de 0,8 point de PIB. Pour l’instant, ces mesures sont très imprécises (poursuite de la rationalisation des dépenses et mesures d’amnistie fiscale).

Pour 2020, le gouvernement italien annonce une baisse du déficit public à 2,1 % du PIB. Or, pour arriver à ce chiffre, étant données nos hypothèses de croissance, cela nécessiterait d’inscrire une politique budgétaire légèrement restrictive, ce qui est peu crédible. Par conséquent, nous supposons une politique budgétaire quasi-neutre en 2020, qui se traduit par un maintien du déficit à 2,4 % du PIB.

Avec une impulsion budgétaire très positive en 2019, la croissance annuelle (1,1 %) serait supérieure à celle de 2018. Cette accélération est plus visible en glissement annuel : au quatrième trimestre 2019, la croissance est de 1,6 %, contre 0,6 % au quatrième trimestre 2018. La croissance, certes faible, reste néanmoins supérieure à la croissance potentielle (0,3 %) en 2019 et 2020. En effet, l’écart de production (output gap) est toujours creusé et entraîne un rattrapage de 0,4 point de PIB par an. Ainsi, la croissance spontanée[3] atteint 0,7 point de PIB en 2019 et 2020. Par ailleurs, nous anticipons une impulsion budgétaire beaucoup plus forte en 2019 (0,7 point de PIB) par rapport à 2020 (0,1 point de PIB). Les autres chocs, comme le prix du pétrole ou la compétitivité-prix, sont en revanche plus positifs ou moins négatifs en 2020 qu’en 2019.

L’évolution du ratio d’endettement public dépend également de l’évolution du déflateur du PIB. Or, les prix restent contenus en 2019 et 2020, notamment sous l’effet de la modération salariale. Ainsi, la croissance nominale avoisinerait les 2 % en 2019 et 2020.

Enfin, nous supposons que les taux d’intérêt sur la dette restent au niveau de début octobre 2018. Etant donnée la maturité de la dette publique (sept ans), la remontée des taux inscrite en prévision pour 2019 et 2020 est très progressive.

Baisse de la dette publique jusqu’en 2020

Sous toutes ces hypothèses, la dette publique baisserait continûment jusqu’en 2020, passant de 131,2 % en 2018 à 130,3 % du PIB en 2019, puis à 129,5 % en 2020 (tableau). Etant données nos hypothèses, la dette publique décroîtra en 2019 si le taux d’intérêt apparent reste inférieur à 3,5 % du PIB, autrement dit si la charge d’intérêt rapportée au PIB est inférieure à 4,5 %.

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Or, pour que les taux d’intérêt apparents sur la dette passent de 2,7 % en 2018 à 3,5 % en 2019, étant donnée la maturité de la dette de 7 ans, il faudrait que le taux d’intérêt demandé par les marchés s’accroisse d’environ 5,6 points en moyenne sur l’année, et ce, pendant un an. Même si l’on ne peut exclure ce scénario, il semble certain que la BCE interviendrait pour permettre à l’Italie de se refinancer à moindre coût et éviter une contagion.

Reste que même si les taux d’intérêt n’atteignent pas ce niveau, toute nouvelle hausse des taux d’intérêt limitera davantage les marges de manœuvre budgétaires du gouvernement italien, ou conduira à un accroissement du déficit plus fort que prévu. Par ailleurs, le déficit prévu par le gouvernement s’appuie sur une hypothèse optimiste de croissance du PIB de 1,5 % en 2019 ; or si la croissance est plus faible, le déficit pourrait davantage se creuser, attisant la nervosité des marchés et des investisseurs, et mettant en péril la soutenabilité de la dette.

[1] L. Clément-Wilz (2014), « Les mesures « anti-crise » et la transformation des compétences de l’Union en matière économique », Revue de l’OFCE, 103.

[2] Pour davantage de détails, on pourra se reporter à la prévision 2018-2020 pour l’économie mondiale, Revue de l’OFCE, à paraître (octobre 2018).

[3] La croissance spontanée, pour une année donnée, se définit comme la somme de la croissance potentielle et de la fermeture de l’écart de production.




L’indicateur avancé : pas de signal de fin de cycle

par Hervé Péléraux

Selon l’indicateur avancé de l’OFCE pour la France, bâti sur les enquêtes de conjoncture publiées par l’INSEE le 21 juin, la croissance de l’économie française serait de +0,4 % au deuxième et au troisième trimestre 2018. Après la nette embellie de 2017, et la retombée de la croissance au premier trimestre (+0,2 %), les perspectives trimestrielles apparaissent nettement moins favorables en 2018 qu’en 2017.

Graphe_post22-06Tabe_post22-06Les publications successives des enquêtes de conjoncture confirment depuis le début de l’année le repli de l’opinion des chefs d’entreprise et des ménages interrogés par l’INSEE. Le climat des affaires reste certes à niveau élevé, mais sa trajectoire récente laisse penser qu’il a atteint un pic au tournant de 2017 et de 2018.

CaptureLes indicateurs de confiance restent néanmoins largement au-dessus de leur moyenne de longue période dans toutes les branches, ce qui laisse entendre que l’activité reste supérieure à sa croissance tendancielle. Par conséquent, même si la croissance ralentit en 2018, cette baisse de régime n’est pas le signal d’une inversion du cycle en cours en l’état actuel de l’information sur les enquêtes.

Un tel signal serait donné par le passage du taux de croissance du PIB sous le taux de croissance tendanciel (que l’on peut assimiler au taux de croissance potentiel de l’économie), évalué par l’estimation de l’indicateur à +0,3 % par trimestre, seuil auquel les prévisions actuelles sont supérieures. La poursuite du mouvement de fermeture de l’écart de production n’est donc pas remise en question.

Le passage à vide actuel peut être mis en rapport avec la politique fiscale du gouvernement qui pèse, au premier semestre 2018, sur le pouvoir d’achat des ménages (voir sur ce point P. Madec et alii, « Budget 2018 : pas d’austérité mais des inégalités », Policy Brief de l’OFCE, n° 30, 15 janvier 2018). L’alourdissement transitoire de la fiscalité lié à la bascule cotisations sociales / CSG, à la hausse du tabac et à la fiscalité écologique a retenti négativement sur le pouvoir d’achat et la consommation des ménages. S’ajoute à ces facteurs négatifs le regain d’inflation lié à la hausse des prix de l’énergie et de l’ensemble des matières premières qui, entre décembre 2017 et mai 2018, a relevé en France la progression des prix en glissement annuel de 1,2 % sur un an à 2 %. Commun à l’ensemble des économies européennes (voir E. Heyer, « Que doit-on déduire des chiffres d’inflation ? »), le choc inflationniste affecte la dynamique de croissance générale en Europe, ce qui en retour pèse sur le commerce extérieur français.

Le choc de demande négatif propre à la France, lié à la politique fiscale du gouvernement, ne serait toutefois que ponctuel et devrait jouer en sens inverse au second semestre avec la montée en charge de certaines mesures, notamment la baisse de la taxe d’habitation et la seconde tranche de baisse de cotisations-salariés qui contribueront très positivement à l’évolution du pouvoir d’achat des ménages.

 




L’indicateur avancé : baisse de régime de l’économie française

par Hervé Péléraux

Selon l’indicateur avancé de l’OFCE pour la France, bâti sur les enquêtes de conjoncture publiées par l’INSEE le 24 mai, la croissance de l’économie française serait voisine de +0,4 % au deuxième et au troisième trimestre 2018. Après la nette embellie de 2017, et la retombée de la croissance au premier trimestre (+0,3 %) marquée par le calendrier des mesures fiscales (voir « Économie française : ralentissement durable ou passager ? »), les perspectives trimestrielles apparaissent moins favorables en 2018 qu’en 2017.

Graphe1_post25-5Tabe_post25-5Les publications successives des enquêtes de conjoncture confirment depuis le début de l’année le repli de l’opinion des chefs d’entreprise interrogés par l’INSEE. Le climat des affaires reste certes à un niveau élevé, mais sa trajectoire récente laisse penser qu’il a atteint un pic au tournant de 2017 et de 2018.

Graphe2_post25-5Les indicateurs de confiance restent néanmoins largement supérieurs à leur moyenne de longue période dans toutes les branches, ce qui laisse entendre que l’activité reste supérieure à sa croissance tendancielle. Par conséquent, même si la croissance devrait ralentir dans le courant de l’année 2018, ce passage en creux ne serait aucunement le signal d’une inversion du cycle de croissance en cours en l’état actuel de l’information sur les enquêtes.

Un tel signal serait donné par le passage du taux de croissance du PIB sous le taux de croissance tendanciel (que l’on peut assimiler au taux de croissance potentiel de l’économie), évalué par l’estimation de l’indicateur à +0,3 % par trimestre, seuil auquel les prévisions actuelles sont supérieures.

Le passage à vide actuel peut être mis en rapport avec la politique fiscale du gouvernement qui pèse, au premier semestre 2018, sur le pouvoir d’achat des ménages (voir sur ce point P. Madec et alii, « Budget 2018 : pas d’austérité mais des inégalités », Policy Brief de l’OFCE, n° 30, 15 janvier 2018). L’alourdissement transitoire de la fiscalité lié à la bascule cotisations sociales / CSG, à la hausse du tabac et à la fiscalité écologique ont retenti négativement sur le pouvoir d’achat et la consommation des ménages. Ce choc de demande négatif ne serait toutefois que ponctuel et devrait jouer en sens inverse au second semestre, avec la montée en charge de certaines mesures visant à soutenir le pouvoir d’achat. Mais cet horizon est à l’heure actuelle trop lointain pour être inscrit dans les enquêtes de conjoncture.

 




L’indicateur avancé : trou d’air au premier semestre

par Hervé Péléraux

La publication le 22 mars dernier des enquêtes de conjoncture dans les différentes branches de production confirme le tassement de l’opinion des chefs d’entreprises interrogés par l’INSEE en mars. Les climats des affaires restent certes au voisinage de leurs pics précédents (2007 et 2011), mais depuis décembre plus aucune branche n’affiche de progression. La confiance des ménages, quant à elle, est en net recul en février depuis son sommet de juin 2017.

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Au stade actuel, il convient d’être prudent quant à l’interprétation de ces signaux. D’abord, les séries d’enquêtes ne sont pas exemptes de volatilité à l’échelon mensuel et cette volatilité se manifeste aussi sur les hauts de cycle, comme on l’a vu en 2007, avec des mouvements ponctuels contraires à l’orientation générale des données. Ensuite, la confiance reste largement supérieure à sa moyenne de longue période dans toutes les branches, laissant entendre que l’activité reste supérieure à sa croissance de moyen terme. Par conséquent, même si la croissance devait probablement ralentir au début de l’année 2018, ce passage à vide ne serait aucunement le signal d’une inversion du cycle en cours en l’état actuel de l’information sur les enquêtes.

Le hoquet actuel des enquêtes de conjoncture peut être mis en rapport avec la politique fiscale du gouvernement qui pèsera, au premier trimestre 2018, sur le pouvoir d’achat des ménages (voir sur ce point P. Madec et alii, « Budget 2018 : pas d’austérité mais des inégalités », Policy Brief N°30, 15 janvier 2018).  L’alourdissement transitoire de la fiscalité lié à la bascule cotisations sociales / CSG, à la hausse du tabac et à la fiscalité écologique devraient retentir négativement sur la consommation des ménages. Les données quantitatives disponibles jusqu’en janvier, l’indice de production industrielle et la consommation des ménages en biens, confirment ces inquiétudes pour le début de l’année, avec des acquis de croissance très négatifs pour le premier trimestre, respectivement -1,9 et -1,7 %. Cet effet négatif de la fiscalité serait toutefois ponctuel et pourrait jouer en sens inverse au second semestre avec la montée en charge de certaines mesures visant à soutenir le pouvoir d’achat.

 Par rapport au mois dernier, les anticipations de l’indicateur avancé répercutent à nouveau à la baisse le tassement des enquêtes : estimée à +0,6 % en février, la croissance pour le premier trimestre 2018 est en repli à +0,5 % selon l’estimation de mars. Pour le deuxième trimestre, l’estimation de février à +0,5 % est révisée en mars à +0,4 %, rythme qui demeure toutefois très largement supérieur à la croissance moyenne du PIB estimée à 1,1 % en rythme annuel depuis la mi-2011.

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La croissance française en 2018-2019 : ce qu’en disent les prévisionnistes …

Par Sabine Le Bayon et Christine Rifflart

Alors que l’INSEE vient de publier la première version des comptes du quatrième trimestre 2017 et donc une première estimation de la croissance annuelle, nous nous interrogeons sur les perspectives 2018 et 2019 à travers une analyse comparative des prévisions réalisées sur la France par 18 instituts (publics et privés, dont l’OFCE), entre septembre et décembre 2017. Ce billet de blog présente les points saillants de cette analyse, détaillée dans le Policy brief de l’OFCE (n° 32 du 8 février 2018), intitulé « Une comparaison des prévisions macroéconomiques sur la France », et le document de travail (n° 06-2018) associé (où figurent les tableaux des prévisions par institut).

Après la profonde récession de 2008-2009 et la crise de la zone euro de 2011, la croissance française avait amorcé en 2013 un timide mouvement de récupération qui s’est accéléré fin 2016. L’année 2017 est donc une année de reprise, avec une croissance légèrement plus dynamique que ce qu’anticipaient récemment la plupart des prévisionnistes : 1,9 % selon la première estimation de l’INSEE contre 1,8 % prévue en moyenne. En 2018 et 2019 cette dynamique devrait se poursuivre puisque la moyenne des prévisions atteint 1,8 % et 1,7 % respectivement. Les écarts-types sont faibles (0,1 point en 2018 et 0,2 en 2019), les prévisions restant assez proches pour 2018 et divergeant plus nettement en 2019 (1,4 % pour la prévision plus basse à 2,2 % pour la plus haute) (graphique 1). En 2019, 5 instituts sur 15 prévoient une accélération de la croissance et 8 prévoient un ralentissement.

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Globalement, tous les instituts, sauf 4, prévoient un rééquilibrage des moteurs de la croissance sur la période avec un commerce extérieur moins pénalisant que par le passé et une demande intérieure toujours dynamique (graphique 2). Pour autant, le redressement du commerce extérieur fait débat face aux pertes chroniques des parts de marché enregistrées depuis le début des années 2000. Il semble en effet que l’accélération anticipée des exportations en 2018 soit davantage le fruit du rebond de la demande étrangère adressée à la France et du dégonflement des stocks accumulés en 2016 et 2017 dans certains secteurs (matériel de transport, aéronautique notamment) et destinés à être exportés, qu’à un regain de compétitivité. Pour 2019 des avis diffèrent concernant l’impact des politiques d’offre mises en place depuis 2013 sur la compétitivité prix et hors prix des entreprises françaises. Certains instituts inscrivent une amélioration des performances à l’exportation et donc un redressement des parts de marché à l’horizon 2019, tandis que d’autres maintiennent des baisses du fait d’investissements jugés insuffisants dans les secteurs à forte valeur ajoutée, et d’un coût du travail encore trop pénalisant pour les entreprises.

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Un autre débat porte sur les prévisions d’emplois et de salaires et notamment sur l’impact de la baisse des emplois aidés, l’effet des politiques de baisse des coûts du travail en 2019 (transformation du CICE en baisse des cotisations sociales patronales), et la productivité (tendance et cycle). En moyenne, le taux de chômage devrait passer de 9,5 % en 2017 à 8,8 % en 2019 allant de 8,1 % pour les plus optimistes à 9,2 % pour les plus pessimistes. L’appréciation du degré de tensions sur le marché du travail et aussi l’impact sur les salaires de la décentralisation des négociations collectives mise en place en 2017 sont des éléments d’explication sur les écarts de prévisions sur les salaires. De 1,8 % en 2017, le salaire progresserait en moyenne de 1,9 % en 2018 et 2 % en 2019 (avec 1,3 % pour les plus bas et 2,6 % pour les plus élevés).

Dans ce contexte, la croissance progressera beaucoup plus vite que la croissance potentielle estimée par la plupart des instituts autour de 1,25 % (certains instituts prévoient une accélération du fait de l’impact positif des réformes structurelles et des investissements réalisés, d’autres inscrivent une croissance potentielle plus faible). Si en 2017, l’écart de croissance – mesurant la différence entre le PIB observé et le PIB potentiel – est franchement négatif (entre –2,2 et –0,7 point de PIB potentiel), il se réduirait en 2019. Pour une majorité des instituts (parmi ceux qui nous ont fourni des données chiffrées ou des informations qualitatives), l’output gap se refermerait (proche de 0 ou clairement positif) et des tensions inflationnistes pourraient apparaître. Pour 4 instituts, l’output gap serait aux alentours de –0,7 point.

Enfin, le déficit budgétaire devrait repasser sous le seuil des 3 % du PIB dès 2017 pour la totalité des instituts. La France sortirait de la Procédure de déficit excessif en 2018. Mais malgré la vigueur de la croissance, et en l’absence d’une consolidation budgétaire plus stricte, le déficit public resterait élevé sur la période pour une majorité d’instituts.




Exit la croissance ?

Département analyse et prévision (équipe internationale)

Ce texte s’appuie sur les perspectives 2016-2018 pour l’économie mondiale et la zone euro dont la version intégrale est disponible ici.

Après avoir évité le Grexit pendant l’été 2015, les Européens devront faire face au Brexit. Au-delà de l’impact qui devrait être significatif sur l’économie du Royaume-Uni se pose la question des effets de ce choc sur les autres pays. Alors que tous les clignotants semblaient s’être mis au vert permettant à la zone euro de sortir d’une double récession liée à la crise financière de 2007-2008 puis à la crise des dettes souveraines, la perspective du Brexit ne risque-t-elle pas d’interrompre ce mouvement de reprise ? Cette crainte est d’autant plus fondée que la reprise tardive n’a pas permis de résorber l’ensemble des déséquilibres qui ont résulté des années de crise. Le taux de chômage de la zone euro dépassait encore 10 % au deuxième trimestre 2016. Un coup d’arrêt sur la croissance ne ferait qu’accentuer la crise sociale et alimenterait en retour les doutes – et donc la défiance – sur la capacité de l’Europe à satisfaire ses ambitions inscrites en préambule du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et rappelées à Lisbonne en  2000.

Pourtant, alors que l’on pouvait craindre un nouveau choc financier, force est de constater que celui-ci ne s’est pas produit. Certes, le Brexit sera le fruit d’un long processus qui n’a pas encore démarré, mais il semble que le pire a été évité pour l’instant. L’économie britannique verrait sa croissance divisée par deux en 2017. Mais les effets négatifs à court terme sur les autres pays de la zone euro seraient assez limités, sauf peut-être en Irlande où l’interdépendance avec le Royaume-Uni est plus forte. La reprise mondiale poursuivrait donc sa route. Néanmoins, la croissance ralentirait dans la zone euro et passerait de 1,9 % en 2015 à 1,3 % en 2018. En effet, les nombreux facteurs qui avaient permis d’amorcer la reprise[1] vont en partie s’essouffler. Le prix du pétrole a déjà entamé une hausse après un point bas à moins de 30 dollars en janvier 2016. Il dépasse aujourd’hui à nouveau les 50 dollars le baril. Quant à l’euro, il fluctue depuis le début de l’année autour de 1,1 dollar alors qu’en 2014 et 2015, il s’était déprécié de 12,5 et 11,3 % respectivement. Par contre, La politique monétaire de la BCE reste expansionniste et les politiques budgétaires sont beaucoup moins restrictives qu’entre 2011 et 2014. En 2015 et 2016, l’impulsion agrégée a même été légèrement positive. Enfin, le commerce mondial connaît un fort ralentissement, qui va bien au-delà du changement de modèle de croissance de l’économie chinoise qui se traduit par une décélération de ses importations. On espérait cependant qu’après l’amorçage de la reprise, une dynamique vertueuse de croissance s’enclencherait dans la zone euro. L’accélération de la croissance liée à des facteurs en partie exogène permettrait des créations d’emplois, la hausse des revenus et de meilleures perspectives pour les ménages et les entreprises. Ces éléments devaient être propices au retour de la confiance et stimuler en retour l’investissement et la consommation. Les dynamiques de l’investissement productif en France ou en Espagne au cours des derniers trimestres donnaient du crédit à ce scénario. La reprise ne serait certes pas avortée mais un tel rythme de croissance semble bien insuffisant pour réduire les déséquilibres induits par de longues années de récession ou de faible croissance. A la fin de l’année 2018, le taux de chômage de la zone euro serait encore près de 2 points supérieur à celui de la fin 2007 (graphique). Pour les cinq principaux pays de la zone euro, cela représente près de 2,7 millions de chômeurs en plus. Dans ces conditions, bien plus que le Brexit, c’est sans doute la situation sociale de la zone euro qui met à mal le projet européen. L’Europe ne peut certainement pas être tenue seule responsable du faible dynamisme de la croissance et du niveau de chômage dans chacun de ses pays mais les perspectives actuelles témoignent que nous n’avons sans doute pas atteint les objectifs qui avaient été fixés à Lisbonne en 2000, c’est-à-dire faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ».

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[1] Voir la précédente synthèse d’avril 2016 sur  la conjoncture internationale de l’OFCE.




France : croissance malmenée

par le Département Analyse et prévision

Ce texte résume les perspectives 2016-2017 pour l’économie française. Cliquer ici pour consulter la version complète.

 

La publication, le 28 octobre, d’une croissance de l’économie française de 0,2 % au troisième trimestre 2016 constitue un signal conjoncturel conforme à notre analyse de la conjoncture de l’économie française. Ce chiffre, proche de notre dernière prévision (+0,3% prévu au troisième trimestre), reste en ligne avec notre scénario de croissance à l’horizon 2018.

En effet, après trois années de croissance très faible (0,5 % en moyenne sur la période 2012-14), un modeste rebond de l’activité s’est dessiné en France en 2015 (1,2 %), tiré par la baisse des prix du pétrole, la dépréciation de l’euro et une consolidation budgétaire moins forte que par le passé. Pour la première fois depuis 2011, l’économie française a renoué avec les créations d’emplois salariés dans le secteur marchand (98 000 sur l’ensemble de l’année), favorisées par les dispositifs fiscaux réduisant le coût du travail. Cumulées à une hausse des effectifs dans le secteur non-marchand (+ 49 000) et des créations d’emplois non-salariés (+56 000), le nombre de chômeurs au sens du BIT a diminué en 2015 (-63 000, soit -0,2 point de la population active). De son côté, dynamisé par le suramortissement fiscal sur les équipements industriels, l’investissement des entreprises a connu un redémarrage en 2015 (+3,9 % en glissement annuel). 

La moins bonne performance de la croissance française par rapport à celle de la zone euro depuis 2014 s’explique, outre le fait qu’elle ait aussi mieux résisté sur la période 2008-2013, par deux éléments majeurs : d’une part, par un ajustement budgétaire plus conséquent que celui de ses voisins européens sur la période 2014-16, et d’autre part par la maigre contribution de ses exportations à la croissance, alors même que les orientations fiscales de la politique de l’offre visent à redresser la compétitivité des entreprises françaises. Or, il semblerait que les exportateurs français aient fait le choix, à partir de 2015, de redresser leurs marges plutôt que de réduire leurs prix à l’exportation, sans effet sur les volumes exportés. Si ce comportement se traduit par des pertes de parts de marché depuis plusieurs trimestres, il peut en revanche, à travers le rétablissement des situations financières des exportateurs hexagonaux, devenir un atout à plus long terme, notamment si ces marges étaient réinvesties dans la compétitivité hors-coût pour favoriser la montée en gamme des produits fabriqués en France.

En 2016, malgré un premier trimestre dynamique (+0,7 %) tiré par une demande intérieure hors stocks exceptionnellement soutenue (+0,9 %), la croissance du PIB plafonnerait à 1,4 % en moyenne sur l’année (tableau 1). Le trou d’air du milieu d’année, marqué par les grèves, les inondations, les attentats ou la fin initialement programmée du suramortissement fiscal, explique en partie la faiblesse de la reprise en 2016. Sous l’effet du redressement du taux de marge, d’un coût du capital historiquement bas et du prolongement du suramortissement fiscal, l’investissement continuerait cependant à croître en 2016 (+2,7 % en glissement annuel). Les créations d’emplois salariés marchands seraient relativement dynamiques (+149 000), soutenues par le CICE, le Pacte de responsabilité ou la prime à l’embauche. Au total, en tenant compte des non-salariés et des effectifs dans le secteur non-marchand, 219 000 emplois seraient créés en 2016. Le taux de chômage baisserait de 0,5 point sur l’année, dont 0,1 serait lié à la mise en place du dispositif « 500 000 formations », et s’établirait à 9,4 % de la population active en fin d’année. Le déficit public, quant à lui, baisserait à 3,3 % du PIB en 2016, après 3,5 % en 2015 et 4 % en 2014.

En 2017, avec un taux de croissance de 1,5 %, l’économie française continuerait à croître à un rythme légèrement supérieur à son potentiel (1,3 %), la politique budgétaire nationale ne pesant plus sur le PIB pour la première fois depuis sept ans. Par contre, la France doit faire face, par rapport à la prévision de printemps, à deux nouveaux chocs, l’impact négatif du Brexit sur le commerce extérieur et celui des attentats sur la fréquentation touristique. Ces deux chocs amputeraient de 0,2 point de PIB la croissance en 2017 (après 0,1 en 2016). L’économie française créerait 180 000 emplois, dont 145 000 dans le secteur marchand, et le taux de chômage se réduirait de « seulement » 0,1 point, en raison du rebond de la population active avec le retour progressif sur le marché du travail des personnes ayant bénéficié du plan formation. Sous l’effet de la remontée du prix du pétrole et de la baisse de l’euro, l’inflation serait de 1,5 % en 2017 (après 0,4 % en 2016). Enfin, le déficit public atteindrait 2,9 % du PIB en 2017, repassant sous la barre des 3 % pour la première fois depuis dix ans. Après s’être stabilisée à 96,1 % du PIB en 2015 et en 2016, la dette publique baisserait très légèrement, pour revenir à 95,8 % en 2017.

L’économie française, bien que malmenée par de nouveaux chocs et loin d’avoir effacé tous les stigmates de la crise, se redresse peu à peu, comme en témoigne l’amélioration graduelle de la situation financière des agents économiques : hausse du taux de marge des entreprises, rebond du pouvoir d’achat des ménages, baisse du déficit et stabilisation de la dette publique.

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La révision des comptes nationaux, une étape obligée

Par Hervé Péléraux

La révision des comptes nationaux, depuis les comptes trimestriels vers les comptes annuels définitifs, est usuelle et découle de l’intégration progressive dans le système statistique d’une information s’améliorant au fil du temps. Les estimations trimestrielles du taux de croissance du PIB renseignent en cours d’année sur la trajectoire conjoncturelle de l’économie et permettent, une fois connu le quatrième trimestre, à la fin janvier de l’année suivante, de disposer d’une première estimation de la croissance sur l’ensemble de l’année avant que ne soit publiée la première version du compte annuel à la mi-mai sur lequel le compte trimestriel est recalé. Le compte annuel est lui-même révisé deux fois avant l’établissement du chiffre définitif.

L’élaboration de la prévision est tributaire des comptes trimestriels qui fixent le point de départ de l’exercice, par l’acquis de croissance[1] qui s’en déduit et par la dynamique de l’économie qu’ils décrivent sur le passé récent. Partant de ces considérations, on peut évaluer l’ampleur des révisions opérées depuis quelques années et leur implication pour les exercices semestriels de prévision.

Depuis la sortie de récession de l’économie française en 2010, les révisions ont systématiquement conduit à des réévaluations des taux de croissance annuels, en moyenne de 0,3 point entre la version purement trimestrielle des comptes, c’est-à-dire n’ayant fait l’objet d’aucun calage sur les données annuelles, et la dernière version disponible des comptes, publiée le 26 août 2016 (tableau). Les révisions de 2010 et de 2011, années de reprise après la récession, ont été notables, avec à chaque fois une majoration de +0,4 point du taux de croissance annuel. Les révisions des années 2013 et 2014 sont un peu moindres, +0,3 point, mais conduisent à un doublement des taux de croissance estimés initialement. Il est à noter que le compte annuel de l’année 2015 est provisoire ; la révision entre le compte trimestriel et le compte actuel est donc moindre que celle des années antérieures, mais ce dernier sera encore révisé deux fois jusqu’à sa version définitive publiée en mai 2018.

La révision des comptes nationaux modifierait virtuellement le point de départ des prévisions conduites au printemps et à l’automne, et amènerait à modifier la croissance annuelle prévue et ce sans même modifier les taux de croissance trimestriels inscrits en prévision.

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Le plus souvent, l’acquis de croissance connu à l’époque de la prévision était inférieur à celui connu aujourd’hui sur la base des comptes révisés qui ont été systématiquement revus à la hausse au cours des six dernières années. Pour les prévisions de printemps, l’acquis des derniers comptes est supérieur de 0,3 point à celui des comptes provisoires en 2011 et en 2013, de 0,2 point pour 2015 mais qui n’en n’est comme on l’a déjà dit, qu’à un stade de révisions tout à fait préliminaire.

A l’automne, les révisions ont aussi joué positivement sur le calcul de l’acquis, notamment en 2011 et en 2013 à hauteur de 0,5 point. La révision de l’acquis à l’automne pour l’année 2014 est moindre, 0,2 point. Mais au-delà de la révision de l’acquis, l’instabilité des estimations du taux de croissance trimestriel peut rendre confuse l’appréciation de la dynamique de l’économie à court terme. Ainsi, l’estimation des deux premiers trimestres de 2014 a longtemps retracé une trajectoire de récession au sens technique du terme (deux trimestres consécutifs de baisse du PIB), pour finalement ne plus décrire qu’une phase de stagnation de l’économie française (graphique). La baisse cumulée du PIB sur le 1er semestre 2014 s’est creusée jusqu’à -0,33 % à la publication d’avril 2016, pour finalement s’inverser en une hausse de 0,14 % à la dernière publication d’août 2016, soit une révision en hausse de près de 0,5 point de la croissance sur le semestre.

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En cette rentrée, l’exercice de prévision s’appuie sur un acquis de croissance pour 2016, à partir de comptes nationaux connus jusqu’au 2ième trimestre, de 1,1 %. En prolongeant ces comptes avec notre précédente prévision de printemps pour les deux derniers trimestres de cette année (0,4 % à chaque fois), la croissance de 2016 serait de +1,4 %. Mais les étapes ultérieures de révision des comptes, si l’on en croît l’expérience passée sur les six dernières années, pourraient conduire à une réévaluation de cet acquis. Une croissance de 1,6 % en 2016 n’est donc pas hors de portée, si les révisions s’effectuent dans le même sens que depuis 2010.

[1] L’acquis de croissance du PIB pour une année N correspond au taux de croissance du PIB entre l’année N-1 et l’année N que l’on obtiendrait si le PIB demeurait jusqu’à la fin de l’année N au niveau du dernier trimestre connu. L’acquis traduit les effets de la croissance trimestrielle passée sur le taux de croissance annuel. La révision des taux de croissance trimestriels passés modifie donc spontanément l’acquis et donc la croissance annuelle.

 




Le meilleur du contre-choc pétrolier est à venir !

par Eric Heyer et Paul Hubert

Après avoir connu une forte baisse au cours des 2 dernières années, le prix du baril de pétrole est reparti à la hausse depuis le début de l’année. Alors qu’il se situait aux alentours des 110 dollars début 2014,  puis à 31 dollars début 2016, il frôle actuellement les 50 dollars.

Cette remontée du prix du pétrole va-t-elle remettre en cause le schéma de reprise graduelle qui semblait s’enclencher en France en 2016 ?

Dans une étude récente, nous avons tenté de répondre à trois questions autour de l’impact du prix du pétrole sur la croissance française : son impact est-il immédiat ou existe-t-il un décalage temporel entre les variations du prix du pétrole et son incidence sur le PIB ? Les effets des variations du prix du pétrole sont-ils asymétriques entre hausses et baisses ? Ces effets dépendent-ils du cycle conjoncturel ?Les principaux résultats de notre étude peuvent être résumés de la manière suivante :

  1. Il existe un décalage de l’impact d’une variation du prix du pétrole sur le PIB français. Ce décalage serait en moyenne, sur la période 1985-2015, de 4 trimestres ;
  2. L’effet, à la baisse comme la hausse, n’est significatif que pour des variations des prix du pétrole supérieures à 1 écart-type ;
  3. L’effet asymétrique est extrêmement faible : l’élasticité de l’activité au prix du pétrole est identique dans le cas d’une hausse ou d’une baisse de ce dernier. Seule la vitesse de diffusion diffère (3 trimestres dans le cas d’une hausse contre 4 dans celui d’une baisse) ;
  4. Enfin, l’effet des variations du prix du pétrole sur l’activité dépend de la phase du cycle conjoncturel : l’élasticité n’est pas significativement différente de zéro dans des états de « crise » et de « haute conjoncture ». En revanche l’élasticité est très largement supérieure en valeur absolue lorsque l’économie se situe en croissance modérée (basse conjoncture).

Appliquons maintenant ces résultats à la situation observée depuis 2012. Entre le premier trimestre 2012 et le premier trimestre 2016, le prix du baril de Brent est passé de 118 dollars à 34 dollars, soit une baisse de 84 dollars en 4 ans. Si on tient compte du taux de change euro-dollar et des évolutions du prix de consommation en France, cette baisse équivaut à une réduction de 49 euros au cours de cette période (graphique 1).

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Nous avons évalué l’incidence d’une telle baisse sur le PIB trimestriel français en tenant compte du retard, de l’asymétrie et de la phase du cycle conjoncturel mis en avant précédemment.

Les résultats de ces variantes indiquent que l’effet du contre-choc pétrolier n’est finalement pas très visible en 2015. Comme l’illustre le graphique 2, l’effet devrait se faire sentir à partir du premier trimestre 2016 et ce quelles que soient les hypothèses retenues. L’effet positif du contre-choc pétrolier est donc à venir !

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Chômage : la douche froide

Département Analyse et Prévision (Équipe France)

Après un mois de septembre encourageant sur le front du chômage (-24 000 inscrits en catégorie A), l’augmentation en octobre de 42 000 demandeurs d’emploi en catégorie A inscrits à Pole Emploi ressemble à une douche froide. C’est en effet le plus mauvais chiffre mensuel depuis 25 mois. Le basculement d’un certain nombre de chômeurs des catégories B (-6 800) et C (-22 100) vers la catégorie A confirme l’idée que la sortie de certains demandeurs d’emploi en catégorie A, par le biais de contrats de très courte durée, n’a été que provisoire : une part importante de ces contrats n’a a priori pas été renouvelée ou transformée en contrats de plus longue durée.

Bien que les enquêtes de conjoncture sur les perspectives d’emploi soient en amélioration, notamment dans les services, cela montre combien la sortie de crise est fragile, les entreprises hésitant à s’engager dans un cycle d’embauches au sein d’un environnement macroéconomique encore très incertain. Eponger les surcapacités de production héritées de la crise prendra du temps et la timide reprise de la croissance (+0,3% au 3e trimestre et +0,4% attendu au 4e trimestre 2015) n’est pas encore suffisante pour inverser la courbe du chômage.

Seule nouvelle positive, le chômage des jeunes de moins de 25 ans en catégorie A se stabilise en octobre 2015. Il est en baisse de près de 20 000 depuis le début de l’année, et se situe à un niveau comparable à celui observé fin 2012. Cela confirme que les politiques d’emplois aidés ciblées sur les jeunes, en particulier les emplois d’avenir, fonctionnent. A l’inverse, faute de véritable reprise sur le marché du travail, avec 2 436 600 chômeurs inscrits en catégories A, B et C depuis plus d’un an, le chômage de longue durée atteint de nouveaux records de mois en mois.

Ce maintien du chômage à un niveau élevé se traduit aussi par une déformation de sa composition. La part des demandeurs d’emploi de longue durée (ceux inscrits depuis plus d’un an) dans l’ensemble des inscrits en catégories A, B et C a crû de 15 points, passant de 29,8 % en avril 2009 à 44,8 % en octobre 2015. Cette évolution préoccupante témoigne de la difficulté de certaines personnes à pouvoir s’extraire du chômage. Les frémissements du marché du travail depuis le début de l’année ont profité en priorité aux chômeurs les moins éloignés de l’emploi.

L’allongement de la durée au chômage s’accompagne d’une perte des droits à l’indemnisation au-delà de 2 ans (3 ans pour les 50 ans et plus) qui se traduit par une dégradation de la situation personnelle des sans-emploi. La part des demandeurs d’emploi indemnisés, passée de près de 50 % au début de 2009 à environ 41 % aujourd’hui évolue à l’inverse de celle des demandeurs d’emploi ayant deux ans d’ancienneté ou plus, cette dernière s’étant accrue de 10 points depuis 2009.

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