« RUE » : une ambition à financer

par Pierre Madec et Xavier Timbeau

Cette évaluation du Revenu universel d’existence (RUE), proposition phare de Benoît Hamon, met en lumière un impact potentiellement important du dispositif sur le niveau de vie des ménages les plus modestes et sur les inégalités de niveau de vie. S’il était mis en œuvre, le Revenu universel d’existence aurait pour effet de faire de la France l’un des pays les plus égalitaires de l’Union européenne. En contrepartie, le coût « net » du dispositif pourrait s’avérer élevé, de l’ordre de 45 à 50 milliards d’euros. Compte tenu du coût de la mesure, son financement par une réforme de l’impôt sur le revenu pourrait accroître encore la redistribution du système socio-fiscal français mais conduirait à une hausse considérable des taux marginaux supportés par les ménages les plus aisés.

En en faisant l’une des propositions phares de son programme pour la présidentielle, Benoît Hamon a relancé le débat autour du revenu universel. Projet radical et sujet à de nombreuses controverses (voir par exemple Allègre et Sterdyniak, 2017), la quantification d’un tel projet est nécessaire. En partant du projet de Benoît Hamon, significativement modifié ces dernières semaines, nous tentons ici, sous un certain nombre d’hypothèses importantes (individualisation totale ou partielle, dépendance aux autres prestations sociales) un premier travail d’évaluation. L’idée ici n’est pas d’entrer dans le débat de savoir si les modalités d’application retenues sont ou non pertinentes, à l’exemple de l’exclusion des retraités, ou de juger si la proposition dans sa forme actuelle s’est éloignée d’un idéal d’universalité. Le but ici est de s’extraire de ce type de débat et de qualifier et quantifier les effets de la mise en œuvre du RUE tel que proposé par le candidat à la présidentielle.

La dernière version de la première étape du revenu universel d’existence (RUE) peut se résumer ainsi : « le revenu universel correspond à une hausse de revenu net qui commence à 600 euros pour les personnes sans ressources et s’annule ensuite à 1,9 SMIC brut ».

Ainsi posée, la proposition est celle d’une allocation différentielle permettant de ne pas faire apparaître un surcroît d’impôt artificiel chez ceux dont la situation de revenu n’est pas modifiée par le revenu universel.

Pour les couples mariés, le dispositif n’est pas automatiquement individualisé puisqu’il laisse le choix de maintenir ou non une imposition commune. Les couples dont le quotient conjugal est inférieur au montant potentiel de RUE devraient choisir l’individualisation. C’est le cas des couples au sein desquels les ressources et la différence de revenu sont faibles. A contrario, les couples pour lesquels le quotient conjugal procure un avantage plus élevé que le RUE devraient faire le choix de maintenir une imposition commune[1]. Ce sera notamment le cas des couples au sein desquels l’un des individus a des revenus très élevés et l’autre aucun revenu[2].

Pour les ménages les plus modestes le RUE remplace le RSA et la Prime d’activité, et le calcul des prestations sociales (allocations logement et familiales, Allocation adulte handicapé, bourses, …) n’est pas modifié, leurs montants étant inclus dans les ressources servant de référence pour le calcul du revenu universel.

Dans le cadre général, pour l’ensemble des foyers fiscaux dont les ressources sont inférieures à 1,9 SMIC brut, soit 2 800 euros brut par mois, le RUE est égal à la différence entre le montant de base de 600 euros par mois (7 200 euros par an) et 27,4% des ressources brutes du foyer fiscal. Pour les foyers fiscaux non imposables, le RUE est considéré comme un impôt sur le revenu négatif. Pour les foyers imposables ayant des ressources comprises entre 1,5 et 1,9 SMIC brut (3,8 SMIC dans le cas d’un couple marié), le RUE vient diminuer l’impôt dû, augmentant le revenu disponible pour le ménage, ce revenu supplémentaire s’annulant à 1,9 SMIC. Le coût pour les finances publiques de la mesure pour ces ménages correspond donc à la différence entre le montant du RUE et l’impôt sur le revenu actuellement acquitté. Pour les foyers fiscaux dont les ressources brutes sont supérieures à 1,9 SMIC brut (3,8 SMIC pour les couples mariés), le système actuel s’applique et le gain est nul (graphique 1).

Formellement, le montant mensuel de RUE perçu par le foyer fiscal composé d’un seul adulte et ayant des ressources inférieures à 1,9 SMIC brut est assis sur la formule suivante :

RUE = 600 – 0,274 x RB

RB, les ressources brutes, correspondent au revenu imposable brut (RIB), au sens du code des impôts, du foyer fiscal augmenté d’un coefficient 1,33 permettant d’approximer la conversion entre revenu imposable et ressources brutes des charges et cotisations, assiette retenue pour le calcul du RUE. Dans le cas d’un couple marié, le RUE est calculé de la façon suivante, le RUE tel que proposé n’étant alors pas individualisé :

RUE = [600 – 0,274 x RB/2] x 2

Afin de mesurer l’impact redistributif de la mesure, nous avons mobilisé le modèle de micro simulation INES[3] de la DREES et l’INSEE (voir encadré)La dernière version opérationnelle du modèle datant de 2015, les résultats présentés devront être interprétés en écart à la législation de 2015. De fait, des dispositifs tels que la Prime d’activité, mise en place en 2016, ne sont pas ici pris en compte au contraire de la Prime pour l’emploi (PPE).

 

RUE graph 1

Les plus de 18 ans encore rattachés fiscalement au foyer fiscal de leurs parents, éligibles au RUE, devraient, dès janvier 2018, quitter le foyer fiscal de leurs parents afin de pouvoir bénéficier du RUE. Il est à noter que ce cas n’est pas traité dans notre évaluation, compte tenu de la complexité de la prise en compte des transferts entre parents et enfants lorsqu’ils ne sont pas dans le même foyer fiscal. Nous nous concentrerons ainsi sur les ménages pour lesquels la personne de référence était âgée de 18 à 64 ans soit 20 millions de ménages parmi les 28,3 millions de ménages français, les autres, retraités, n’étant pas éligibles au dispositif.

Le RUE a été modélisé comme une ligne supplémentaire dans le calcul de l’impôt sur le revenu, son montant venant se soustraire, sous les conditions d’âge, de ressources et de statut marital explicitées précédemment, à cette dernière.

Sous ces hypothèses, le RUE devrait bénéficier à 11,6 millions de ménages dont la personne de référence est âgée de 18 à 64 ans pour un coût brut de l’ordre de 51 milliards d’euros soit une moyenne de 4 400 euros par an et par ménage bénéficiaire.

Le coût brut n’est pas le coût pour les finances publiques. En effet, la mise en place du RUE engendrerait de facto la disparition du RSA-socle et de la Prime d’activité du système socio-fiscal français. En 2016, ces deux dispositifs ont eu un coût budgétaire proche de 15 milliards d’euros (10 milliards d’euros pour le RSA et 5 milliards pour la Prime d’activité). De plus, les interactions entre le revenu universel et les autres prestations sociales ne sont pas encore tout à fait arrêtées dans la proposition de Benoît Hamon[4]. Si le montant perçu de RUE venait à être pris en compte pour le mode de calcul des autres prestations sociales, les montants versés au titre de celles-ci se réduiraient significativement. Le coût brut du revenu universel resterait inchangé mais des économies pourraient être réalisées sur des prestations sociales. Nous faisons l’hypothèse ici que le montant perçu en prestations sociales par le ménage est pris en compte lors du calcul définitif. Autrement dit, nous soustrayons au montant de RUE perçu par le ménage 27,4% du montant de l’ensemble des prestations sociales en espèces (allocation logement et familiale, bourses, Allocation adulte handicapée, …, soit 32 milliards d’euros par an pour les bénéficiaires potentiels du RUE) qu’il perçoit. Si cette prise en compte des prestations dans le calcul du montant du RUE est rendue complexe par la structure du modèle de microsimulation, il est possible d’estimer la réduction du montant global de RUE versé en prenant en compte l’ensemble des prestations sociales à environ 6 milliards d’euros.

Dans le cas où cette option serait privilégiée – ce que nous supposons faute de plus de précisions – le coût « net » du RUE, exclusion faite des 18-25 ans rattachés fiscalement à leurs parents, serait alors de l’ordre de 30 milliards d’euros, soit un montant proche de celui affiché par le candidat, montant auquel une fois encore il conviendra d’additionner le montant dû aux individus âgés de 18 à 24 ans qui sont aujourd’hui fiscalement rattachés à leurs parents. En 2015, sur les 5,2 millions d’individus de 18 à 24 ans, 1,7 million étaient fiscalement indépendants de leurs parents. En le majorant du coût brut supplémentaire (si tous les 18-24 ans ne sont plus rattachés au foyer fiscal de leurs parents) il serait donc de l’ordre de 25 milliards d’euros auquel il conviendrait de soustraire 27,4 % des bourses (0,115 milliard d’euros par an environ) et aides au logement versées (1,4 milliard d’euros par an) ainsi que l’avantage fiscal dont bénéficient actuellement les parents des dits individus (avantage majoré à 1 500 euros par an et par enfant, au maximum 5,2 milliards si tous les foyers sont au plafond).

Ciblé sur les ménages à bas revenus, le dispositif, non financé par une augmentation de l’imposition des ménages ou une baisse des prestations sociales, impacterait positivement le bas de la distribution des niveaux de vie (graphique 2)[5].

En moyenne, les ménages du premier décile de niveau de vie devraient voir leur niveau de vie augmenter de 257 euros par mois et par unité de consommation (UC), soit une hausse de 38% de leur niveau de vie moyen. Le gain pour les ménages du deuxième décile devrait être quant à lui deux fois inférieur à 137 euros par mois et par unité de consommation, soit une augmentation de 13% de leur niveau de vie moyen.

RUE graphe 2

Compte tenu du fait que le RUE, contrairement à nombre de prestations, soit attribué non pas aux ménages mais aux foyers fiscaux, certains membres (non rattachés fiscalement mais cohabitants comme les couples non mariés non pacsés) de quelques ménages des derniers déciles de la distribution des niveaux de vie devraient percevoir le RUE (et le dernier décile plus que le neuvième par un effet de composition). En d’autres termes, il existe des foyers fiscaux à faible revenu brut au sein de ménages à niveau de vie élevé[6].

Sous ces hypothèses d’application du RUE, le niveau de vie médian serait relevé de 3,6% et le taux de pauvreté, c’est-à-dire la part des ménages français ayant des ressources inférieures à 60% du niveau de médian, c’est-à-dire environ 1 000€/mois/unité de consommation, atteindrait 8,5% contre 13,4% à l’heure actuelle. Le niveau de vie médian des ménages les plus pauvres – c’est-à-dire ceux ayant un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté –  atteindrait 11%. L’intensité de la pauvreté, mesurée comme l’écart relatif entre le niveau de vie médian de la population pauvre et le seuil de pauvreté, se verrait elle aussi réduite d’un tiers passant de 17% aujourd’hui à 11%.

Enfin, le coefficient de Gini de niveau de vie, indicateur d’inégalité, serait lui diminué de 0,04 à un niveau de 0,26, faisant ainsi passer la France d’une situation médiane en termes de Gini au niveau européen à une situation parmi les moins inégalitaires, le Gini médian européen se situant en 2015 à 0,30 (et le plus bas à 0,25).

Sans les jeunes (18-24 ans) rattachés fiscalement à leurs parents, le coût net du RUE serait de l’ordre de 30 milliards d’euros. En les ajoutant, sous réserve d’une évaluation plus fine, le coût net serait de l’ordre de 49 milliards. Ces montants sont loin des 400 milliards un temps annoncés, mais restent non négligeables[7]. Si l’on finançait le RUE par une réforme de la fiscalité des personnes, cela conduirait à une hausse considérable des taux marginaux touchant les déciles les plus élevés de la distribution des revenus. Pour rappel, l’impôt sur le revenu des personnes physiques est une ressource de 74 milliards annuels. La mobilisation d’une autre base fiscale comme le patrimoine est également possible mais aboutirait à une hausse très significative de cette fiscalité. La taxe foncière et l’ISF apportent aujourd’hui un peu moins de 30 milliards d’euros. Par ailleurs, les effets redistributifs du RUE – conséquents selon notre évaluation –, seraient amplifiés par une hausse des fiscalités déjà progressives.

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Encadré : Le modèle de micro simulation Ines (Sources : INSEE, DREES)

Ines est l’acronyme d’« Insee-Drees », les deux organismes qui développent conjointement le modèle. Le modèle est basé sur les enquêtes Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) de l’Insee, qui comprennent plusieurs centaines d’informations sur chaque individu et des données précises et fiables sur les revenus, issues des déclarations fiscales. Il permet de simuler toutes les années législatives récentes sur les millésimes d’ERFS récents.

Ce modèle est utilisé pour réaliser des études à périodicité annuelle, mais il est aussi mobilisé dans le cadre d’études approfondies afin d’éclairer le débat économique et social dans les domaines de la redistribution monétaire, la fiscalité ou la protection sociale. Enfin, il est parfois utilisé comme outil d’appui à la réflexion pour répondre à des sollicitations ponctuelles de divers Hauts conseils, de ministères de tutelle ou d’organismes de contrôle (IGF, Cour des comptes, Igas).

Le modèle Ines simule :

— les prélèvements sociaux et fiscaux directs : les cotisations sociales, la CSG, la CRDS et l’impôt sur le revenu (y. c. la prime pour l’emploi) ;

— les prestations sociales autres que celles correspondant à des revenus de remplacement : les aides personnelles au logement ; les principaux minima sociaux : le revenu de solidarité active (RSA), l’Allocation pour adulte handicapé (AAH) et ses compléments, les allocations du minimum vieillesse et l’Allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) ; les prestations familiales : allocations familiales (AF), complément familial, Allocation de rentrée scolaire (ARS) et les bourses du secondaire, Prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) et ses compléments (complément libre choix d’activité – CLCA – et complément libre choix du mode de garde – CMG), les subventions publiques pour la garde d’enfants en crèches collectives et familiales, l’Allocation de soutien familial (ASF) et l’Allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ; la Prime d’activité.

Les principales omissions concernent les taxes et aides locales (taxe foncière par exemple) et l’Impôt de solidarité sur la fortune. Les pensions de retraite, les allocations chômage et la taxe d’habitation ne sont pas simulées mais sont présentes dans les données. Les prélèvements indirects n’entrent pas non plus dans le champ d’analyse du modèle Ines stricto sensu. Le modèle simule, sur barèmes, les différentes prestations auxquelles chaque ménage a droit et les impôts et prélèvements qu’il doit acquitter. Ines est adossé à l’enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) de l’Insee qui réunit les informations sociodémographiques de l’enquête Emploi, les informations administratives de la Cnaf, la Cnav et la CCMSA et le détail des revenus déclarés à l’administration fiscale pour le calcul de l’impôt sur le revenu.

Ines est un modèle dit « statique » : il ne tient pas compte des changements de comportement des ménages, par exemple en matière de natalité ou de participation au marché du travail, que pourraient induire les évolutions des dispositions de la législation socio-fiscale. Depuis 1996, le modèle est mis à jour chaque année durant l’été afin de simuler la législation la plus récente, portant sur la dernière année révolue. Par exemple, à l’été 2016, Ines a été mis à jour pour simuler la législation de l’année 2015. Sur la base de ces mises à jour, les équipes de l’INSEE et de la DREES contribuent annuellement au Portrait social de l’INSEE dans lequel elles analysent le bilan redistributif des mesures de prélèvements et de prestations prises au cours de l’année précédente. La dernière publication s’intitule « Les réformes des prestations et prélèvements intervenues en 2015 opèrent une légère redistribution des 30 % les plus aisés vers le reste de la population » (André, Biotteau, Cazenave, Fontaine, Sicsic, Sireyjol).

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[1] Rappelons que le quotient conjugal donne droit à une réduction d’impôts maximale de 30 000 euros annuel. La suppression du quotient conjugal rapporterait 5,5 milliards d’euros (HCF 2011) mais coûterait l’ensemble des  RUE versés aux conjoints avec un revenu inférieur qui ont choisi l’individualisation.

[2] Nous avons fait le choix de ne pas prendre en compte ces mécanismes d’optimisation fiscale au sein des ménages mais il est entendu que l’évaluation proposée du coût du dispositif est dès lors sous-estimée.

[3] Le code source et la documentation du modèle de micro-simulation INES a été ouvert au public en juin 2016 (https://adullact.net/projects/ines-libre). Nous utilisons la version en libre accès de 2015 depuis le 1er octobre 2016.

[4] En particulier, l’utilisation d’un modèle de micro simulation comme INES permet d’explorer les conséquences des choix d’articulation sur la situation des intéressés, sur la redistribution nette opérée et sur le reste à financer. Un changement dans les règles d’attribution ou de calcul d’une prestation sociale peut avoir des impacts importants sur le coût net et sur les effets redistributifs.

[5] Le dispositif proposé modifie significativement la distribution des niveaux de vie. De fait, certains ménages voient leur appartenance à un décile de niveau de vie, positivement ou négativement. Les déciles sont ici maintenus à leur niveau avant réforme.

[6] A titre d’illustration, l’âge moyen des personnes de référence des ménages du dernier décile de niveau de vie bénéficiaires du RUE est supérieur à 55 ans. On peut ainsi supposer que ces ménages abritent en leur sein des jeunes adultes  indépendants fiscalement et aux ressources faibles.

[7] L’évaluation présentée ici est dite « statique ». Elle ne prend donc pas en considération les possibles modifications de comportement des individus vis-à-vis de l’emploi engendrées par l’entrée en vigueur de la mesure.




Vers une grande réforme fiscale, enfin ?

par Guillaume Allègre,  @g_allegre

En début de semaine, Jean-Marc Ayrault a annoncé une remise à plat de la fiscalité qui pourrait, entre autre, passer par un rapprochement entre impôt sur le revenu et CSG. L’OFCE participera certainement à ce débat qu’il a déjà essayé d’éclairer à de nombreuses reprises, notamment à l’occasion d’un numéro spécial « Réforme fiscale » de la Revue de l’OFCE, dirigé par Mathieu Plane et moi-même, et sorti en avril 2012.

Mentionnons quelques contributions. Jacques Le Cacheux y discutait des finalités et moyens d’une réforme fiscale (« Soutenabilité et justice économique »), rappelant ainsi quels sont les fondamentaux de la politique fiscale. Nicolas Delalande effectuait une analyse historique des résistances aux réformes fiscales et évaluait les contraintes qui pèsent sur l’élaboration et l’application des réformes (« L’économie politique des réformes fiscales »), autant de sujets qui semblent avoir été rattrapés par l’actualité. Il souligne que : « En effet, il peut se révéler plus compliqué d’agréger des soutiens positifs à une mesure que de rallier temporairement des oppositions hétéroclites aux motivations parfois antagonistes, surtout s’il s’agit de créer un nouvel outil de prélèvement ou de toucher à des situations acquises». Mathieu Plane posait la question des conséquences d’une hausse de la fiscalité (qui a bien eu lieu en 2012-2013): « Dans un contexte de hausse du chômage, sera-t-il possible de générer un nouveau choc fiscal d’ampleur sans faire plonger la France dans une nouvelle crise ? La volonté de réduire les déficits publics uniquement par des ajustements structurels pèse sur la dynamique de croissance et de chômage» (« Finances publiques : vers une nouvelle hausse de la fiscalité? »). Si le gouvernement annonce aujourd’hui vouloir réformer la fiscalité à prélèvement constant, la question de l’impact des ajustements budgétaires (cette fois, à travers la baisse des dépenses publiques) sur la croissance et, in fine,  l’acceptabilité sociale d’une réforme structurelle de la fiscalité se pose toujours pour la période 2014-2017. Le gouvernement parviendra-t-il à mettre en place une réforme structurelle dans un contexte où le chômage est élevé et ne baisse pas ?

La fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu pose de nombreuses questions, déjà abordées dans un article de la Revue de l’OFCE en 2007 (« Vers la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG ? »). Le législateur devra trancher la question de la conjugalisation (imposition commune des conjoints) ou de l’individualisation de l’impôt fusionné ainsi que la prise en compte des enfants (« Faut-il défendre le quotient familial ? »). Ce sujet, qui touche à la représentation de la famille et aux relations entre l’Etat et la famille est particulièrement sensible. Il a fait l’objet de débats au sein même de l’OFCE (« Réformer le quotient conjugal », « Pour défendre le quotient familial »).

En entremêlant intérêts privés (quelles charges pour quels ménages?) et sociaux (quels instruments pour quels objectifs?), la question fiscale a toujours été au centre du débat démocratique. Le rôle de l’OFCE est d’alimenter ce débat par des argumentations solides et quantifiées. Les chercheurs de l’OFCE continueront de proposer leur propre vision de la « bonne » réforme fiscale, en discutant des objectifs, des conséquences et de la soutenabilité de façon transparente et rigoureuse.




La débâcle de l’austérité

par Xavier Timbeau

 

Ce texte résume les prévisions d’octobre 2012 de l’OFCE

 

 

L’année 2012 s’achève et les espoirs d’une sortie de crise sont, cette fois, bien déçus. Après une année 2012 marquée par la récession, la zone euro connaîtra une nouvelle année catastrophique en 2013 (-0,1 % de croissance du PIB en 2013 après -0,5 % en 2012, selon nos prévisions, voir tableau). Le Royaume-Uni n’échappe pas à cette évolution et s’enfonce un peu plus dans la crise (-0,4 % en 2012, 0,3 % en 2013). Au-delà des chiffres de croissance de l’activité, ce sont les évolutions du chômage qui rappellent la gravité de la situation. A l’exception de l’Allemagne et quelques autres pays développés, aucune économie occidentale n’échappe à la persistance d’un chômage élevé, voire en progression comme en zone euro (le taux de chômage atteindrait 12 % en 2013 en zone euro au lieu de 11,2 % au deuxième trimestre 2012). Or, la persistance du chômage entraîne une dégradation de la situation de ceux qui ont perdu leur emploi, et qui, pour certains, basculant dans la catégorie des chômeurs de longue durée, doivent faire face à l’épuisement de leurs droits à indemnisation. Bien que connaissant une croissance de l’activité plus favorable que celle de la zone euro, le marché du travail aux Etats-Unis illustre bien une économie américaine engluée dans la Grande Récession.

Cette catastrophe, dont la zone euro est l’épicentre, est-elle du genre des événements imprévisibles ? Une fatalité qu’il nous faudrait accepter et dont il faudrait se préparer à supporter les conséquences ? Non, en réalité, le retour en récession découle d’un diagnostic erroné et de l’incapacité des institutions européennes à faire face rapidement à la logique de la crise. Cette nouvelle plongée est le résultat des politiques d’austérité massives, surdimensionnées, dont les impacts ont été sous-estimés. En voulant à tout prix et en urgence restaurer l’équilibre des finances publiques et la crédibilité de la gestion économique de la zone euro, on aboutit à  la démonstration inverse. Pour sortir de cette ornière, il faudra  un renversement de la politique économique en Europe.

La difficulté de la situation actuelle trouve sa source dans le creusement des déficits publics et le gonflement des dettes publiques qui atteignent en 2012 des niveaux record. Rappelons que ces déficits et ces dettes publics ne sont pas la cause de la crise de 2008-2009 mais une conséquence. Pour interrompre la spirale récessive de 2008-2009, les gouvernements ont laissé jouer les stabilisateurs automatiques, mis en œuvre des plans de relance et de soutien au secteur financier et socialisé une partie des dettes privées qui menaçaient de déstabiliser l’ensemble de la finance mondiale. C’est cela qui a provoqué des déficits publics. C’est pour mettre un terme à la chute libre que l’on s’est résolu à la socialisation du problème.

Le retour en récession découle ainsi de la difficulté à soutenir cette socialisation des dettes privées. En effet, en zone euro, chaque pays doit faire face au financement de son déficit sans le contrôle de sa monnaie. La conséquence est immédiate : un concours de beauté des finances publiques les plus rigoureuses s’instaure entre les pays de la zone euro. Chaque agent économique européen cherche légitimement le support le plus fiable pour ses actifs et trouve le plus grand attrait aux titres de dette publique allemande. Les autres pays se trouvent dès lors menacés à plus ou moins long terme, ou immédiatement, d’une sanction directe : l’assèchement du financement par le marché. Pour attirer les capitaux, ils doivent alors accepter une hausse des taux d’intérêt et entreprendre dans l’urgence une purge de leurs finances publiques. Mais ils courent après une soutenabilité qui disparaît avec la récession, quand ils cherchent à la trouver par la restriction.

Pour les pays qui ont la maîtrise de leur politique monétaire, comme les Etats Unis ou le Royaume Uni, la situation est différente. En effet, l’épargne nationale s’expose au risque de change si elle est tentée de fuir vers d’autres pays. En outre, la banque centrale apporte la garantie de dernier ressort. L’inflation pourrait s’ensuivre, mais, quoi qu’il en soit, un défaut de paiement sur la dette publique est inenvisageable. Au contraire, dans la zone euro, cette perspective devient possible et le seul refuge à court terme est l’Allemagne, puisqu‘elle sera le dernier pays à s’écrouler. Elle s’écroulera irrémédiablement elle aussi quand tous ses partenaires se seront écroulés.

La solution à la crise de 2008-2009 a donc consisté à socialiser des dettes privées devenues insoutenables après l’éclatement des bulles spéculatives. Pour la suite, la solution consiste à résorber ces dettes désormais publiques sans engendrer la panique que l’on était parvenu à contenir à l’été 2009. Deux conditions sont nécessaires. La première est d’apporter la garantie qu’il n’y aura de défaut sur aucune dette publique, ni partiel, ni complet. Cette garantie ne peut être donnée en zone euro que par une forme de mutualisation des dettes publiques. Le dispositif annoncé par la BCE en septembre 2012, l’OMT (Outright Monetary Transaction), permet d’envisager une telle mutualisation. Il se heurte cependant à une possible contradiction. Il conditionne en effet le rachat des titres de dettes (et donc leur mutualisation par le biais du bilan de la BCE) à l’acceptation d’un plan d’assainissement des finances publiques. Or l’Espagne, qui a besoin de ce dispositif pour échapper à la pression des marchés, ne veut pas entrer à n’importe quelles conditions dans l’OMT. Relâcher la pression des marchés ne vaut que si cela autorise à sortir du cercle vicieux de l’austérité.

Car à l’impréparation des institutions européennes à une crise financière s’est ajoutée une erreur d’appréciation quant au fonctionnement des économies. Le cœur de cette erreur est l’évaluation erronée de la valeur des multiplicateurs qui permet de mesurer l’impact des politiques d’assainissement des finances publiques sur l’activité. En sous-estimant les multiplicateurs budgétaires, les gouvernements européens ont cru pouvoir rétablir rapidement et sans dommage l’équilibre de leurs finances publiques par une restriction rapide et violente. Influencés par une abondante littérature économique qui pouvait même laisser croire qu’une austérité pouvait être source de croissance, ils se sont engagés dans un programme de restriction budgétaire sans précédent.

Cependant, aujourd’hui, comme l’illustrent les spectaculaires révisions du FMI ou de la Commission européenne, les multiplicateurs budgétaires seraient bien plus importants, parce que les économies connaissent des situations de chômage involontaire prolongées. Un faisceau d’éléments empiriques converge dans ce sens, de l’analyse des erreurs de prévisions au calcul des multiplicateurs à partir des performances constatées en 2011 ou estimées en 2012 (voir les textes complets de notre prévision d’octobre 2012). Aussi estimons-nous le multiplicateur pour l’ensemble de la zone euro en 2012 à 1,6, soit une évaluation comparable à celles établies pour les Etats Unis et le Royaume Uni.

Ainsi, la seconde condition au rétablissement des finances publiques réside dans une estimation réaliste de l’effet multiplicateur. Plus le multiplicateur est élevé,  plus une restriction budgétaire a un fort effet sur les finances publiques, et, en conséquence, un faible effet sur la réduction du déficit public. C’est de cette mauvaise combinaison que résulte la débâcle par l’austérité qui compromet la perspective du retour à l’équilibre des finances publiques. L’Espagne illustre à nouveau parfaitement cette implacable logique menée jusqu’à l’absurde d’une économie où un quart de la population active est sans emploi et qui risque la désintégration politique comme sociale.

Mais l’existence d’un multiplicateur élevé indique également la marche à suivre pour sortir du cercle vicieux de l’austérité. Il faut, au lieu de chercher à réduire à court terme à n’importe quel coût le déficit public, laisser l’économie revenir dans une zone de fonctionnement où les multiplicateurs sont plus faibles en retrouvant leur configuration usuelle. Il s’agit donc de reporter l’ajustement budgétaire à un moment où le chômage sera significativement réduit pour que la restriction budgétaire puisse produire son effet.

Reporter l’ajustement à plus tard suppose que la pression des marchés soit contenue par une banque centrale qui apporte la garantie nécessaire à la dette publique. Cela suppose également que les taux d’intérêt sur cette dette publique soient les plus bas possibles pour faire participer financièrement les parties prenantes qui bénéficieront in fine de la soutenabilité des finances publiques. Cela suppose également en zone euro que la mutualisation des dettes publiques soit associée à une forme de contrôle sur la soutenabilité dans le long terme des finances publiques de chacun des Etats membres, autrement dit, d’un abandon partiel d’une souveraineté nationale devenue inopérante, au profit  d’une souveraineté supranationale, seule à même de dégager des marges de manœuvre nouvelles qui permettent de sortir de la crise.

 




Gouvernance des finances publiques: du Pacte budgétaire à la loi organique

par Henri Sterdyniak

Ainsi, le gouvernement français a fait voter par le Parlement une « loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques », traduction dans le droit français du Pacte budgétaire (le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance), que la France s’était engagée à ratifier. Cette loi qui peut être appréciée de deux points de vue, celui de la conformité au Traité ou celui de sa pertinence propre, va-t-elle améliorer la politique budgétaire française ?

En fait, comme le Conseil constitutionnel lui en avait ouvert la possibilité, le gouvernement a choisi une prise en compte a minima du Traité, puisque la nouvelle procédure budgétaire n’est pas intégrée dans la Constitution. Nous le verrons, le Traité prévoit certaines procédures automatiques contraignantes, que le loi organique tempère ou n’évoque pas.

La loi organique comporte trois chapitres, concernant respectivement la loi de programmation des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques et le mécanisme de correction.

La loi de programmation

L’article 1 de la loi organique stipule : « Dans le respect de l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques énoncé à l’article 34 de la Constitution, la loi de programmation des finances publiques fixe l’objectif à moyen terme des administrations publiques mentionné à l’article 3 du TSCG ».

L’article 34 de la Constitution, adopté le 31 juillet 2008, ne fixait qu’un objectif de moyen terme non contraignant. Il n’a guère eu d’influence sur la politique budgétaire suivie depuis. En période de crise, les orientations pluriannuelles perdent vite toute influence. Ce fut le cas, par exemple, en 2009. Le déficit de 2009, qui devait être de 0,9% du PIB selon la loi de programmation quadriennal de janvier 2008, de 3,9% du PIB selon celle de janvier 2009, fut finalement de 7,5%. Faut-il renoncer à cette souplesse ?

Par ailleurs, comment la loi de programmation peut-elle « fixer l’objectif » alors que cet objectif découle de l’article 3 du Traité, qui dit clairement que l’objectif doit être un déficit structurel inférieur à 0,5 % du PIB et que la trajectoire d’ajustement permettant une convergence rapide vers l’équilibre sera proposée par la Commission européenne ?

L’ambiguïté de cet article ne vise-t-elle pas à concilier l’inconciliable : la souveraineté du Parlement en matière budgétaire et l’engagement de la France à respecter les consignes de la Commission ?

L’article 1 de la loi organique continue : « La loi de programmation détermine la trajectoire des soldes structurels et effectifs annuels successifs… Le solde structurel est le solde corrigé des variations conjoncturelles et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires ». L’article 3 précise que la période couverte est d’au moins trois ans.

Ainsi, la loi ne tient aucun compte de l’expérience du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) : il est impossible de fixer la trajectoire des finances publiques, en termes structurel et effectif, pour une durée de trois ans. En janvier 2008, la France s’était ainsi engagée à avoir un solde équilibré en 2012. Elle en sera loin. Faut-il prendre des engagements impossibles à tenir ?

Impossible pour deux raisons. D’une part, les fluctuations économiques imprévisibles rendent nécessaire d’adapter en permanence la politique économique. En cas de crise profonde, comme depuis 2009, il faut à la fois laisser jouer les stabilisateurs économiques et prendre des mesures discrétionnaires (qui creusent le déficit dit structurel). S’il est pris au sérieux, le Traité interdit toute politique de soutien de l’activité en période de chute de l’activité. A l’automne 2008, la France avait, selon la Commission, un déficit structurel de 3,2 % du PIB. Si le Traité avait été en vigueur, elle aurait dû le réduire rapidement, passer à 2,5 % en 2009. En fait, la France est passée à un déficit dit structurel de 6 % du PIB, selon l’évaluation de la Commission. Soit 3,5 points de plus. Le gouvernement a-t-il eu tort de soutenir l’activité, de venir au secours des banques ? Aurait-il dû se lancer dans une politique fortement restrictive pour compenser la chute des recettes fiscales ?

Certes, le texte est ambigu. D’une part, il est indiqué que le déficit structurel ne tient pas compte des mesures « ponctuelles et temporaires ». L’aide aux banques est sans doute une mesure ponctuelle, mais aussi, pourquoi pas, l’ensemble des mesures de relance de 2009 ou, en sens inverse, la tranche de l’IR à 75 %, prévue pour 2 ans ? Qui en décidera ? D’autre part, le Traité reconnaît qu’un pays peut s’écarter de son objectif ou de sa trajectoire d’ajustement en cas de « circonstances exceptionnelles », qui, depuis la révision du PSC, peuvent être interprétées comme une croissance négative ou un écart de production important. Mais, la Commission se refuse à reconnaître que la plupart des pays de la zone euro sont dans ce cas de figure depuis 2009 et persiste à vouloir leur imposer des politiques de réduction rapide de leur déficit.

D’autre part, un Etat n’a aucune raison économique de se fixer une norme d’équilibre des finances publiques. Selon la vraie « règle d’or des finances publiques », celle qui a été énoncée par l’économiste Paul Leroy-Baulieu  à la fin du XIXe siècle, il est légitime de financer par l’endettement les investissements publics. Dans le cas de la France, un déficit structurel de l’ordre de 2,4 % du PIB est légitime.

Comme le Traité, l’article 1 de la loi organique fait référence au solde structurel, celui que la France connaîtrait si elle était à sa production potentielle, la production maximale compatible avec la stabilité de l’inflation. Mais la mesure de cette production potentielle, qui n’est pas observable, est un sujet de discussions entre les économistes. Les diverses méthodes aboutissent à des résultats divergents, soumis à de forte révisions. Le déficit structurel français en 2012 serait de 3,6 % selon le gouvernement français ; de 3 % selon la Commission, de 2,8 % selon l’OCDE ; de 0,5 % selon nous, puisque la crise nous a fait perdre 8 % de PIB par rapport à notre croissance tendancielle. Le Traité impose que c’est la méthode de la Commission qui sera utilisée. Est-ce scientifiquement légitime ? La France pourra-t-elle remettre en cause cette évaluation ?

L’article 5 précise que les hypothèses de croissance potentielle devront être présentées dans un rapport annexe, mais la définition de la croissance potentielle est encore plus contestable que celle de la production potentielle. Par exemple, le dernier projet de loi de finances retient, pour la France, une croissance potentielle de 1,5 % l’an d’ici 2017, en renonçant donc à tout jamais à combler les 8 points d’activité perdus du fait de la crise.

La loi organique oublie l’article 4 du Traité (qui oblige un pays ayant une dette supérieure à 60 % du PIB à réduire l’écart d’un vingtième par an). Elle oublie l’article 5 qui précise qu’un pays soumis à une Procédure de Déficit Excessif (PDE) est mis sous tutelle, doit soumettre au Conseil et à la Commission des plans budgétaires annuels ainsi que la liste des réformes structurelles qu’il mettra en œuvre pour une correction durable de son déficit. C’est cet article qui oblige la France, comme beaucoup de pays de l’UE, à tout faire pour atteindre les 3 % de déficit en 2013, quelle que soit l’évolution économique, puisque, en cas de PDE, la contrainte porte sur le solde effectif et non sur le solde structurel. Elle oublie l’article 7 qui précise que, dans ce cadre, les décisions de la Commission s’imposent (les pays membres ne pouvant s’y opposer qu’à la majorité qualifiée, le pays concerné ne votant pas).

La loi de programmation portera sur une période de quatre à cinq ans, mais sera revotée chaque année, de sorte que la contrainte ainsi introduite pourra être tournée par le vote d’une nouvelle loi de programmation, comme c’est le cas en France, depuis que le PSC existe. Ainsi, la loi de programmation n’introduit pas, en elle-même, de contrainte supplémentaire à celle qu’imposent déjà les textes européens.

Le Haut conseil des finances publiques

La loi organique met en place un Haut Conseil des finances publiques qui donnera son avis sur les prévisions macroéconomiques sous-jacentes au Projet de Loi de Finances, au Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale, aux Projets de Loi de Finances rectificatives, au Programme de stabilité que la France doit fournir aux instances européennes, à la Loi de programmation. Il évaluera le respect des engagements européens de la France ; il vérifiera que le PLF est conforme à la trajectoire annoncée dans la loi de programmation. Il donnera son avis sur l’évocation de « circonstances exceptionnelles ».

Présidé par le Président de la Cour des comptes, le Haut conseil comprendrait quatre magistrats de la Cour des comptes et quatre membres désignés en raison de leur compétence en matière de finances publiques par les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et des deux commissions des finances. Cette prédominance de la Cour des comptes est problématique. Les magistrats de la Cour des comptes ne sont pas a priori des experts en macroéconomie ; ils sont souvent, par fonction, plus attachés à l’équilibre des finances publiques qu’à la croissance et à l’emploi. Les derniers rapports de la Cour des comptes sous-estiment par exemple l’écart de production, soutiennent la thèse que le multiplicateur de dépenses publiques est proche de zéro, qu’il vaut mieux réduire les dépenses publiques qu’augmenter les impôts. On aimerait être certain que la composition, les travaux et les rapports du Haut conseil refléteront la diversité d’opinions qui existe en matière de politique budgétaire.

Plus fondamentalement, on peut se demander si ce Haut conseil aura une marge d’appréciation. Aura-t-il le droit de considérer que la trajectoire d’ajustement est trop restrictive, que l’objectif de moyen terme n’est pas réaliste ? Quelle sera la stratégie préconisée par ce Haut conseil en cas de ralentissement de l’activité : une politique expansionniste pour soutenir la croissance ou une politique restrictive pour restaurer les finances publiques ?

Supposons par exemple que le gouvernement présente pour 2013 un budget basé sur une croissance de 1,2 % aboutissant à un déficit de 3 %. Le Haut conseil considère que la croissance ne sera que de 0,6 %, ce qui provoquera une baisse de rentrées fiscales, donc un déficit de 3,3 %. Préconisera-t-il de tout faire pour aboutir à un déficit de 3 % ? En supposant que le multiplicateur est de 1, il faudra trouver 12 milliards de hausses d’impôts (ou de baisses de dépenses), soit 0,6 % du PIB, pour ex post avoir un déficit de 3 %, mais une croissance nulle. Ainsi, le risque est grand d’aboutir à des politiques pro-cycliques. Il sera certes atténué quand la France ne sera plus soumise à une PDE car le Haut conseil pourra raisonner en termes de déficit structurel, mais il persistera car tout dépendra alors de l’évaluation du déficit structurel.

Se pose enfin la question : quelle sera la légitimité de ce Haut conseil ? Le choix de la politique budgétaire doit être soumis à des procédures démocratiques. L’appréciation de la politique économique fait parti du débat scientifique et démocratique. Doit-elle être confiée à un Haut conseil, majoritairement composé de magistrats plutôt que d’économistes d’une part, aux représentants de la Nation de l’autre ?

Certes le Haut conseil ne fera que donner des avis, que ni le gouvernement, ni le parlement ne seront obligés de suivre, mais le risque est grand que ces avis influencent les marchés financiers et la Commission et que le gouvernement ne puisse s’en écarter sans risque.

Le mécanisme de correction

Pour garantir que les pays suivront bien la trajectoire d’ajustement, le Traité impose aux pays de prévoir un mécanisme de correction automatique si des écarts sont constatés par rapport à cette trajectoire. Dans l’esprit des négociateurs des pays du Nord et des membres de la Commission, ce mécanisme devrait stipuler que si un écart de 1 % du PIB apparaît l’année N, la Constitution prévoit que, automatiquement, tel impôt (la TVA par exemple) est relevé de 0,5 point de PIB tandis que telles dépenses (les prestations sociales par exemple) sont diminuées de 0,5 point de PIB.

En fait, le chapitre 3 de la loi organique française prévoit que le Haut conseil signale un tel écart, que le gouvernement expose les raisons de cet écart et qu’il en tienne compte dans l’élaboration du prochain PLF. Les droits du Parlement sont respectés, mais l’automaticité n’est heureusement pas assurée.

Conclusion

Dans l’esprit de ses initiateurs, le Traité budgétaire doit mettre fin à la possibilité de politiques budgétaires nationales autonomes. Les politiques budgétaires doivent devenir automatiques. L’objectif de la politique budgétaire doit être l’équilibre budgétaire, comme celui de la politique monétaire doit être la lutte contre l’inflation, la croissance et l’emploi devant être recherchés par des réformes structurelles libérales.

La loi organique apparaît comme un compromis ambigu. La France ratifie le Traité, mais ne le met en œuvre qu’avec réticence. Il ya fort à parier que, comme le Pacte de stabilité, les tensions seront vives dans la zone euro entre les rigoristes qui demanderont une application stricte du Traité et ceux qui ne voudront pas lui sacrifier la croissance.

 




Comment rétablir l’équilibre commercial de la France*

par Eric Heyer

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault s’est engagé à rétablir la balance commerciale de la France, hors énergie, d’ici à la fin du quinquennat. Sans revenir sur cette curiosité qui consiste à soustraire de l’analyse commerciale de la France le déficit énergétique, comme si ce dernier ne comptait pas dans la dépendance de la France vis-à-vis du reste du monde, nous allons tenter d’examiner les différentes solutions que le gouvernement pourrait appliquer pour y parvenir.

La première solution est de ne rien faire et d’attendre que la politique d’austérité mise en place dans l’hexagone par l’intermédiaire des baisses des dépenses publiques et des hausses d’impôts casse le pouvoir d’achat des ménages. Aidée par la hausse du chômage et l’épargne de précaution des ménages qui en résulte, la consommation des Français baisserait. Or une partie de celle-ci est réalisée hors de France, ce qui limiterait alors les importations de la France en provenance de l’extérieur et améliorerait, toutes choses égales par ailleurs, notre balance commerciale.

Cette solution, vous l’aurez compris, n’est non seulement pas vertueuse, puisqu’elle s’appuie sur une baisse du pouvoir d’achat des salariés et une hausse du chômage, mais a également peu de chance d’aboutir car elle suppose que les exportations françaises ne suivent pas le même chemin que les importations et continuent de croître. Or, nos pays partenaires s’engageant dans la même stratégie de retour rapide à des finances publiques équilibrées, leurs politiques d’austérités réduiront, par le même mécanisme que décrit précédemment pour la France, leur demande intérieure et par là même leurs importations dont une partie forment nos exportations.

En conséquence, et puisque les plans d’austérité sont plus conséquents chez nos partenaires que chez nous, il y a une probabilité forte pour que nos exportations décroissent plus vite que nos importations, aggravant alors notre déficit commercial.

La deuxième solution consiste à accroître nos exportations. Dans un contexte de croissance faible, voire négative, chez nos partenaires européens qui constituent 60 % de nos échanges, cela ne peut passer que par des gains de parts de marché. La baisse du coût du travail paraît être le moyen le plus rapide pour y parvenir. Mais baisser les charges salariales dans un contexte de retour à l’équilibre des finances publiques ne peut se réaliser qu’en les transférant vers un autre impôt : c’est la logique de la « TVA sociale » mise en place par le gouvernement précédent mais abrogée par le nouveau qui semble pencher davantage vers un transfert sur la CSG dont l’avantage est d’avoir une assiette plus large, touchant l’ensemble des revenus, y compris ceux du capital.

Mais, outre le fait que cette stratégie n’est pas coopérative puisqu’elle s’apparente à une dévaluation compétitive et consiste pour l’essentiel à gagner des parts de marché sur nos partenaires de la zone euro, rien n’indique que celle-ci sera suffisante. En effet, rien n’empêcherait nos partenaires à utiliser le même procédé et ce d’autant plus que leur situation économique s’avère davantage dégradée que la nôtre, ce qui annulerait tout ou partie des gains potentiels de compétitivité.

La dernière solution consiste alors à améliorer notre compétitivité en augmentant la productivité de nos salariés et en se spécialisant dans des secteurs à forte valeur ajoutée, non soumis à la compétitivité des pays émergents à bas coûts.

Cette stratégie, de moyen terme, nécessite la mise en place de politiques favorisant l’innovation, la recherche et le développement, la formation continue. Elle passe également par une montée en gamme de nos produits traditionnels comme l’automobile mais aussi par  une spécialisation dans des secteurs d’avenir.

La nécessité d’une transition écologique vers un mode de production plus économe en énergie peut être ce secteur d’avenir et donc la solution à notre déficit extérieur.

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* Ce texte est issu d’une série de chroniques réalisées par Eric Heyer sur France Culture dans « Les carnets de l’économie ». Il est possible de réécouter ces chroniques sur France Culture.




Les projets fiscaux de François Hollande

par Henri Sterdyniak

 

La réforme fiscale est un des thèmes importants du programme de François Hollande. L’objectif affiché est d’aller vers une fiscalité plus juste, pesant plus sur les grandes entreprises, le système financier et les ménages aisés, moins sur les PME et les classes moyennes, en revenant sur les réductions d’impôt que le Président Sarkozy (et même le Président Chirac) ont effectuées depuis 10 ans, en particulier sur la loi TEPA. En même temps, il s’agit d’augmenter le taux de prélèvements obligatoires (TPO) pour réduire le déficit public, en limitant la pression sur les dépenses publiques (puisque François Hollande reprend les objectifs du précédent gouvernement en matière de réduction du déficit). Augmenter les impôts sur les plus riches, les banques, les grandes entreprises devrait permettre de limiter l’impact de cette réduction du déficit public sur la demande. 

Cependant, si le gouvernement Fillon a effectivement réduit les prélèvements obligatoires de 2007 à 2010, il les a fortement augmentés en 2011 et 2012 (tableau 1), en particulier sur les revenus du capital (tableau 2). Il va être difficile d’aller au-delà. D’ailleurs, le Rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques de juillet 2012 ne prévoit qu’une hausse de 44,8 % à 46,5 % durant le quinquennat (soit 1,7 point de PIB, environ 35 milliards d’euros), sachant que la Loi de finances rectificative (LFR) de juillet 2012 comporte déjà des hausses à hauteur de 19 milliards d’euros (en année pleine). Le gouvernement doit marcher sur une crête étroite entre les préoccupations de justice sociale et celles de préservation de la demande des ménages, celles de compétitivité des entreprises et de santé financière des banques et le risque d’évasion à l’étranger des plus riches.

 

Les mesures de hausses d’impôt déjà prises ou annoncées par le nouveau gouvernement représentent 20 milliards d’euros en année pleine (voir tableau 3). Elles ont permis de rendre notre système fiscal plus juste, en augmentant la taxation des revenus du capital, en supprimant des niches fiscales ou sociales injustifiées, en luttant contre l’optimisation fiscale, en augmentant la taxation des successions. Seule la suppression des exonérations des heures supplémentaires touche les classes populaires et moyennes et risque d’avoir un effet important sur la consommation, mais ces exonérations constituaient une niche fiscale et sociale économiquement contestable et brisaient l’universalité de la CSG.

Toutefois, le rétablissement du barème antérieur de l’ISF, mais sans bouclier fiscal, aboutit à des prélèvements importants sur certains ménages que le Conseil constitutionnel n’a accepté qu’à titre temporaire : l’ISF devra être repensé. Du point de vue de l’équité fiscale, il  serait souhaitable qu’il frappe ceux qui échappent à l’IR : les propriétaires de l’appartement qu’ils habitent et  les bénéficiaires de plus-values non-réalisées.

Le taux de l’IR à 45 % est élevé ; s’appliquant à des revenus salariaux qui ont déjà été soumis à la CSG et aux cotisations maladie et famille, la taxation globale s’élève à 60 %, niveau qui n’existe qu’en Belgique et en Suède. Le taux de 75% est lui exorbitant par rapport aux taux étrangers. Il marque une volonté politique de lutter contre l’étirement de la hiérarchie salariale et contre des salaires jugés exorbitants comme ceux de certains chefs d’entreprise et de traders. Une réforme alternative serait de sanctionner, par une taxe spécifique, les entreprises qui distribuent des revenus supérieurs à un certain niveau (20 fois le salaire minimum dans leur entreprise) et de demander que ces revenus soient explicitement autorisés par l’assemblée des actionnaires. Ceci serait cohérent avec la décision déjà prise par le gouvernement de plafonner à ce niveau (environ 450 000 euros par an) le salaire des dirigeants des entreprises publiques. L’objectif n’est pas tant de rapporter de l’argent aux finances publiques que de décourager fortement les entreprises de verser des rémunérations excessives.

Reste une quinzaine de milliards d’euros à trouver pour satisfaire aux objectifs fiscaux du quinquennat, parmi un ensemble de mesures envisageables qui pourrait rapporter jusqu’à 40 milliards d’euros, frappant surtout les ménages.

Ces mesures poseront toutes des questions d’acceptabilité par les personnes concernées, que ce soit les retraités, les fonctionnaires, les non-salariés. Leur impact sur la consommation risque d’être important. Imposer à la CSG-CRDS les loyers fictifs des propriétaires-occupants pourrait rapporter plus de 10 milliards d’euros mais serait très impopulaire. Remettre en cause certaines avantages fiscaux des revenus du capital (exonération des PEA et de l’assurance-vie, l’abattement forfaitaire sur les dividendes) pourrait rapporter 2 milliards d’euros. La remise en cause de la TVA à taux réduit des hôtels, cafés, restaurants rapporterait à elle seule 5 milliards d’euros. Faut-il procéder par petites touches, au risque d’accumuler les mécontentements ? Faut-il une grande réforme abolissant toutes les niches fiscales afin de revoir à la baisse les taux du barème ?

En ce qui concerne les entreprises, le gouvernement a renoncé à remettre en cause le crédit impôt-recherche ou les exonérations de cotisations sociales employeurs. La hausse de la taxation des plus-values à long terme sur les titres de participation, une remise en cause de la déductibilité des charges d’intérêt à l’IS et la lutte contre l’optimisation fiscale pourraient rapporter 5 milliards d’euros, prélevés surtout sur les grandes entreprises.

Faut-il ajouter à l’objectif de réduire le déficit public celui de donner un choc de compétitivité aux entreprises, soit 40 milliards d’euros de réduction de cotisations employeurs, qu’il faudrait là aussi prélever sur les ménages par une hausse de 3,5 points de la CSG, au risque de peser lourdement sur la consommation ? La stratégie la plus prudente serait sans doute de retarder l’objectif de réduction du déficit et de consacrer certains des  gains obtenus par l’alourdissement de la fiscalité sur les ménages aisés à la réduction des cotisations employeurs.

 

 

 




La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires va-t-elle créer des emplois ?

par Eric Heyer

Avant la conférence de presse du 26 juillet 2012 au cours de laquelle l’OFCE présentera une évaluation du projet économique du gouvernement Ayrault, nous dressons un bilan de la défiscalisation des heures supplémentaires et de son exonération de cotisations sociales, puis évaluons l’impact sur l’emploi et les finances publiques de la suppression de cette mesure.

Le nouveau gouvernement a décidé de revenir sur la mesure de défiscalisation des heures supplémentaires et son exonération de cotisations sociales qui s’appliquait depuis le 1er octobre 2007 à l’ensemble des salariés des secteurs public et privé en France. A compter du 1er septembre 2012, l’exonération de charges pour les salariés sera supprimée, quelle que soit la taille de l’entreprise. L’exonération de charges patronales, quant à elle, ne sera maintenue que dans les PME de moins de 20 salariés. Enfin, les heures supplémentaires effectuées à partir du 1er août 2012 seront soumises à l’impôt sur le revenu.

Dans ce billet, nous tenterons dans un premier temps de dresser un bilan de cette mesure en s’intéressant tout particulièrement à ses conséquences sur l’emploi et les finances publiques (1). Dans un deuxième temps, nous évaluerons l’impact sur l’emploi et les finances publiques de cette réforme pour les années à venir (2).

1.     Quel bilan peut-on tirer de la défiscalisation des heures supplémentaires ?

a) Quel coût ex-ante sur les finances publiques ?

En 2011, selon l’ACOSS, le nombre d’heures supplémentaires exonérées au titre de la loi TEPA s’est élevé à 739 millions. Plus de la moitié de ces heures ont été réalisées dans les entreprises de plus de 20 salariés (57,7 %)[1]. Le montant des exonérations afférentes a été de 3,107 milliards d’euros dont plus de 77 % proviennent des baisses de charges salariales. Concernant les baisses de cotisations patronales, elles représentent 693 millions d’euros en 2011 dont 65,5 % sont en faveur des entreprises de moins de 20 salariés[2] (tableau 1).

Par ailleurs, cette mesure permettait aux salariés d’exonérer d’impôt sur le revenu les rémunérations versées au titre des heures supplémentaires effectuées dans la seule limite d’une majoration de 25 %. D’après le PLF 2012, cela a entraîné un manque à gagner de 1,4 milliard d’euros pour les finances publiques en 2011. Au total, le coût ex-ante pour les finances publiques de cette mesure s’est élevé à environ 4,5 milliards d’euros en 2011.

b) Cette mesure a-t-elle induit  une augmentation du nombre d’heures supplémentaires ?

Un des objectifs de cette mesure était d’inciter à une durée du travail plus longue par le biais d’un recours accru aux heures supplémentaires. Cela fut-il le cas ? Compte tenu de la faiblesse de la longueur des séries et d’une impossibilité de comparaison avec un épisode conjoncturel similaire, il apparaît difficile de répondre catégoriquement à cette question. Il nous semble toutefois possible, à la lecture des données fournies par l’ACOSS, de formuler une hypothèse de travail.

Comme l’illustre le graphique 1, après une montée en charge progressive du dispositif au cours des premiers trimestres d’application, le nombre d’heures supplémentaires a atteint un premier pic en fin d’année 2008 avec près de 188 millions au quatrième trimestre. Au cours du premier trimestre 2009, le nombre d’heures supplémentaires s’est effondré de près de 12 %, s’établissant à 165 millions. Si cette baisse est cohérente avec la forte dégradation d’activité observée en France à cette époque, la remontée du volume d’heures supplémentaires depuis est plus surprenante : alors que l’activité ne repartait pas suffisamment pour permettre une décrue du chômage, rendant compte d’une position cyclique dégradée de l’économie, le volume d’heures supplémentaires a franchi un nouveau pic en 2011, atteignant plus de 190 millions au quatrième trimestre. Ce rebond contra-cyclique peut être dû à la défiscalisation associée aux heures supplémentaires : sans elle, compte tenu de la situation conjoncturelle toujours dégradée, leur nombre aurait dû rester voisin de celui observé en début d’année 2009.

Sous cette hypothèse, en 2011, cette mesure aurait favorisé une hausse de près de 80 millions d’heures supplémentaires, soit un supplément de 11 %.

c) Quel impact sur l’emploi ?

L’impact  sur l’emploi est ambigu. En effet, deux effets de sens contraire se superposent :

  1. Le premier est positif et relatif à la baisse du coût du travail et à la hausse du pouvoir d’achat des salariés. Face à la baisse du coût des heures supplémentaires, les entreprises seraient incitées à augmenter le temps de travail des salariés en place, en particulier dans les secteurs où le recrutement de la main-d’œuvre connaît des tensions (bâtiment, hôtellerie, santé ou éducation). La rémunération de ces heures supplémentaires permettrait une augmentation du pouvoir d’achat irriguant l’ensemble de l’économie avec un effet positif sur l’emploi ;
  2. Le deuxième est négatif pour l’emploi : en abaissant le coût d’une heure supplémentaire, cela incite les entrepreneurs à allonger la durée du travail, favorisant alors la situation des insiders (salariés) au détriment de celle des outsiders (les chômeurs). Cela engendre une augmentation de la productivité par tête des salariés français, ce qui est positif pour la croissance potentielle de l’économie française mais défavorable à l’emploi à court terme. Dans un travail antérieur (Heyer, 2011a), mené sur des données regroupant 35 secteurs de l’économie française, nous avons estimé qu’une hausse de 1 % des heures supplémentaires détruirait près de 6 800 emplois salariés du secteur marchand (soit 0,04 % des salariés marchand) dont les trois quarts seraient des emplois intérimaires ;

D’après nos simulations, réalisées à l’aide du modèle macroéconomique de l’OFCE, emod.fr, et dont les principaux résultats sur l’emploi sont résumés dans le tableau 2, l’effet négatif l’emporterait sur l’effet positif : la défiscalisation des heures supplémentaires aurait détruit plus de 30 000 emplois en 2011.

Ce résultat conforte l’idée selon laquelle, dans un contexte conjoncturel dégradé, comme cela est le cas dans la période récente, la défiscalisation des heures supplémentaires apparaît clairement inadaptée et contre-productive pour l’emploi (Heyer, 2011b). Face à un choc négatif imprévu, les entreprises commencent généralement par réduire le temps de travail, puis se séparent de leurs emplois précaires et en particulier de leurs intérimaires, avant finalement de procéder à des licenciements économiques.

Par ailleurs, la baisse des charges salariales et patronales ainsi que l’exonération d’impôt sur le revenu,  coûtent 4,5 milliards d’euros ex-ante (0,22 point de PIB) et ne sont pas financés. En tenant compte de plus du coût pour les finances publiques de la dégradation du marché du travail (-30 000 emplois), cette mesure aurait creusé le déficit public de 6,8 milliards d’euros, soit 0,34 point de PIB en 2011.

Le financement de cette mesure alourdirait son bilan sur l’emploi : selon le mode de financement retenu, les pertes d’emplois auraient finalement été comprises entre 52 000 et 95 000 postes en 2011 (tableau 3).

2.     Quel impact de cette réforme ?

A compter du 1er septembre 2012, l’exonération de charges pour les salariés est supprimée, quelle que soit la taille de l’entreprise. L’exonération de charges patronales, quant à elle, n’est maintenue que dans les PME de moins de 20 salariés.

a) Cette réforme  va-t-elle induire  une baisse du nombre d’heures supplémentaires ?

En maintenant l’exonération de charges patronales pour les entreprises de moins de 20 salariés, il est possible d’imaginer que cette réforme n’aura pas d’impact sur le volume d’heures supplémentaires effectuées dans ces PME. En revanche, pour les autres entreprises, l’incitation à un plus fort recours disparaissant, on peut supposer que ce volume diminuera en revenant vers un niveau plus compatible avec le cycle conjoncturel.

Nous faisons alors l’hypothèse qu’à compter de 2013, le volume d’heures supplémentaires dans les entreprises de moins de 20 salariés se maintiendrait à plus de 310 millions. Dans les autres entreprises, nous faisons l’hypothèse que le volume annuel d’heures supplémentaires en 2013 reviendrait vers celui enregistré fin 2009-début 2010, à savoir proche de 380 millions (graphique 2).

Au total, selon nos hypothèses, la baisse des heures supplémentaires pourrait être de 1,2 % en 2012 et de 5,9 % en 2013, soit une baisse de 7,1 % par rapport au niveau observé aujourd’hui.

b) Quel impact sur l’emploi et les finances publiques à l’horizon 2014 ?

Sur la période 2011-2014, si la baisse des heures supplémentaires prévue se réalise, cette réforme permettra la création ou la sauvegarde de 17 900 emplois. Ce résultat est la conséquence de deux effets de sens inverse (tableau 4) : le premier est négatif et est lié à la baisse du pouvoir d’achat des salariés bénéficiant des heures supplémentaires (-29 000 emplois) ; le second est positif et résulte de la réduction du recours aux heures supplémentaires dans les entreprises de plus de 20 salariés (46 900 emplois).

Sur la même période, la suppression de la défiscalisation permettra d’économiser 2,6 milliards d’euros d’exonération de charges sociales et permettra d’engranger un surplus de 1,3 milliard d’euros d’impôt sur le revenu. Par ailleurs, les créations d’emplois supplémentaires entraîneront un supplément de recettes fiscales et une économie de dépenses sociales de 1,3 milliard d’euros. Au total, une fois le bouclage macroéconomique réalisé, cette réforme permettra de réduire le déficit des APU de 5,2 milliards, soit 0,26 point de PIB en 2014 (tableau 4).

Références bibliographiques

Heyer É. (2011a), « Faut-il revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires ? Simulation et première évaluation de ce dispositif», Note de l’OFCE, n° 2, septembre.

Heyer É. (2011b), « The effectiveness of economic policy and position in the cycle: the case of tax reductions on overtime in France », Oxford Review of Economic Policy, vol. 27, n° 2, summer.

Sévin É. et Y. Zhang (2012), « Les heures supplémentaires au premier trimestre 2012 », Acoss Stat, n°150, mai.


[1] Rappelons toutefois que près de 70 % des salariés travaillent dans des entreprises de plus de 20 salariés.

[2] Rappelons que cette mesure introduit une réduction forfaitaire des charges patronales de 1,5 euro  par heure supplémentaire effectuée dans les entreprises de moins de vingt salariés et de 0,5 euro dans les entreprises de plus de vingt salariés. Pour plus de détails sur la mesure, se référer à Heyer (2011b).




Moins d’austérité = plus de croissance et moins de chômage

Eric Heyer et Xavier Timbeau

La Commission européenne vient de publier ses prévisions de printemps et anticipe une récession (légère selon les mots de la Commission, -0,3% tout de même) en 2012 pour la zone euro, rejoignant ainsi l’analyse de la conjoncture de l’OFCE de mars 2012. L’austérité budgétaire brutale engagée en 2010, accentuée en 2011 et encore durcie en 2012 dans pratiquement tous les pays de la zone euro (à l’exception notable de l’Allemagne, tableau 1 et 1 bis) pèse lourdement sur l’activité en zone euro. En 2012, l’impulsion négative en zone euro, combinaison de hausses d’impôt ou de réduction du poids des dépenses dans le PIB, dépasse 1,5 point de PIB. Dans une situation budgétaire dégradée (de nombreux pays de la zone euro ont un déficit supérieur à 4 % en 2011) et afin de pouvoir continuer à emprunter à un coût raisonnable, la stratégie d’une réduction à marche forcée des déficits s’est imposée.

 

 

 

Cette stratégie s’est appuyée sur des annonces de retour au seuil de 3% pour l’année 2013 ou 2014 puis d’un déficit public nul dès 2016 ou 2017 pour une majorité de pays. Cependant, les objectifs sont apparemment trop ambitieux puisqu’aucun pays ne tiendrait ses objectifs pour l’année 2013. La raison en est que le ralentissement de l’activité compromet les rentrées de recettes fiscales nécessaires pour le rétablissement budgétaire. Une prise en compte trop optimiste des effets de la restriction budgétaire sur l’activité (ce que l’on appelle le multiplicateur budgétaire) conduit à se fixer des objectifs irréalistes et à constater que les prévisions de croissance du PIB doivent in fine être systématiquement revues à la baisse. La Commission européenne revoit ainsi ses prévisions de printemps de 0,7 point en baisse pour la zone euro en 2012 par rapport aux prévisions de l’automne 2011. Il existe pourtant aujourd’hui un consensus large sur le fait que les multiplicateurs budgétaires à court terme sont élevés et ce d’autant plus que le plein emploi est encore hors d’atteinte (là encore, de nombreux auteurs rejoignent des analyses faites à l’OFCE). En sous-estimant la difficulté à  atteindre des cibles inaccessibles, les pays de la zone euro se sont enfermés dans une spirale où la nervosité des marchés financiers est le moteur d’une austérité toujours plus grande.

Le chômage augmente encore en zone euro alors même qu’il n’a pratiquement pas cessé d’augmenter depuis 2009. La dégradation cumulée de l’activité économique compromet aujourd’hui la légitimité du projet européen et le remède de cheval menace la zone euro de dislocation.

Que se passerait-il si la zone euro changeait de cap dès 2012 ?

Supposons que les impulsions budgétaires négatives soient de -0,5 point de PIB au lieu des -1,8 point prévu au total dans  la zone euro). Cet effort budgétaire moindre pourrait être répété jusqu’à ce que le déficit public ou la dette publique atteigne un objectif à définir. Par rapport aux plans actuels, parce que l’effort est plus mesuré, le fardeau de l’ajustement pèserait de façon plus juste sur les contribuables de chaque pays, évitant l’écueil des coupes sombres dans les budgets publics.

Le tableau 2 résume le résultat de cette simulation. Moins d’austérité conduit à plus de croissance dans tous les pays (tableau 2 bis) et ce d’autant plus que la restriction budgétaire annoncée pour 2012 est forte. Notre simulation tient compte également des effets de l’activité d’un pays sur les autres pays via le commerce extérieur. Ainsi, l’Allemagne, qui ne change pas son impulsion budgétaire dans notre scénario, voit sa croissance supérieure de 0,8 point en 2012.


Dans le scénario « moins d’austérité », le chômage baisserait au lieu de continuer à augmenter. Dans tous les pays, sauf la Grèce, le déficit public serait réduit en 2012 par rapport à 2011. Certes, cette  réduction serait moindre que dans le scénario initial dans quelques pays, notamment ceux qui ont annoncé des impulsions négatives très fortes (l’Espagne, l’Italie, l’Irlande, le Portugal et … la Grèce) et qui sont ceux qui subissent le plus la défiance des marchés financiers. A l’inverse dans certains pays, comme en Allemagne ou aux Pays-Bas, le déficit public se réduirait plus que dans le scénario initial, l’effet indirect positif d’une croissance plus forte l’emportant sur l’effet direct d’une moindre rigueur budgétaire. Pour la zone euro dans son ensemble, le déficit public serait de 3,1 points de PIB contre 2,9 points dans le scénario initial. Une différence faible en regard d’une dynamique de croissance plus favorable (2,1 %) et d’une baisse du chômage (-1,2 point, tableau 2) au lieu d’une hausse dans le scénario initial.

La clef du scénario « moins d’austérité » est de permettre aux pays les plus en difficulté, et donc les plus contraints à une rigueur qui précipite leurs économies dans une spirale redoutable, d’adopter une réduction plus lente de leurs déficits. La zone euro est coupée en deux camps. D’un côté, il y a ceux qui réclament une austérité forte et brutale pour rendre crédible la soutenabilité des finances publiques et qui ont sous estimé ou ignoré délibérément les conséquences pour la croissance ; de l’autre, ceux qui, comme nous, recommandent moins d’austérité pour préserver plus de croissance et un retour au plein emploi. Les premiers ont failli : la soutenabilité des finances publiques n’est pas assurée et la récession et le défaut d’un ou plusieurs pays guettent. La seconde stratégie est la seule voie de retour à la stabilité sociale, économique mais aussi budgétaire puisqu’elle concourt à la soutenabilité des finances publiques par un meilleur équilibre entre restriction budgétaire et croissance et emploi, comme nous l’avons proposé dans une lettre au nouveau président de la République française.

 





Italie : le défi de Mario Monti

par Céline Antonin

Dès son arrivée au pouvoir, le 12 novembre 2011, l’objectif de Mario Monti était explicite et s’articulait autour du triptyque : rigueur budgétaire, croissance et équité. Réussira-t-il à relever le défi ?

Mario Monti a succédé à Silvio Berlusconi alors que la défiance des investisseurs vis-à-vis de l’Italie ne cessait de croître, comme en attestaient le creusement de l’écart de taux obligataire avec l’Allemagne et la forte augmentation des prix des CDS.

 


Pour remplir son premier objectif de rigueur budgétaire, l’une des premières mesures du gouvernement a été l’adoption d’un plan d’austérité en décembre 2011, chiffré à 63 milliards d’euros sur 3 ans. Ce plan, le troisième de l’année, portant le nom évocateur de Salva Italia (Sauver l’Italie), a pour but de revenir à un quasi-équilibre des finances publiques dès 2013 (voir « Italie : le pari de Mario Monti »).

Quant au deuxième objectif, celui de restaurer la croissance et de renforcer la compétitivité du pays, il apparaît dans le plan « Croissance de l’Italie » (Cresci Italia) adopté par le Conseil des ministres le 20 janvier 2012 dans des conditions houleuses. Outre une simplification des procédures administratives (procédures d’appels d’offre, création d’entreprises, passage au numérique, …) et des libéralisations dans les professions réglementées, l’énergie, les transports, et les assurances, ce plan prévoit des réformes complémentaires, concernant notamment la flexibilité du marché du travail. Autant les mesures de rigueur ont été adoptées facilement, autant ce deuxième plan a été assez mal accueilli, notamment les discussions autour des modifications de l’article 18 du Code du travail qui confère aux employés et aux ouvriers dans les entreprises de plus de quinze salariés une protection contre les licenciements.

Enfin, sur le plan de l’équité, les progrès sont encore timides, notamment en matière de lutte contre l’évasion fiscale et contre l’économie souterraine.

La population sait que les mesures seront douloureuses : le quotidien économique Il Sole 24 Ore a ainsi annoncé que l’augmentation annuelle des impôts pour une famille moyenne vivant en Lombardie atteindrait 1 500 euros par an, et presque 2 000 euros pour une famille du Latium. Pourtant la population italienne a jusqu’à présent fait montre d’un grand sens de l’intérêt national, acceptant avec résignation la cure d’assainissement budgétaire. Quant aux marchés financiers, ils ont dans un premier temps relâché la pression sur le pays, l’écart de taux publics à long terme avec l’Allemagne passant de 530 à 280 points de base entre début janvier et mi-mars 2012. L’action de Mario Monti n’est pas la seule explication : grâce au rachat de titres obligataires fin 2011 et aux deux opérations de refinancement du système bancaire à 3 ans (LTRO) pour un montant total de 1 000 milliards d’euros, dont ont largement profité les banques italiennes, la BCE a activement participé à cette détente des taux. En outre, la réussite du plan d’échange de la dette grecque avec les créanciers privés a également contribué à détendre les taux.

La situation n’en demeure pas moins fragile et volatile : il a suffi que l’Espagne montre des signes de faiblesse budgétaire pour que l’Italie pâtisse de la méfiance, que l’écart de taux publics à long terme avec l’Allemagne se creuse à nouveau, atteignant 400 points de base début mai 2012 et que les primes sur CDS se remettent à progresser (graphique).

Quelles sont donc les perspectives pour les deux années à venir ? Après une récession entamée en 2011, avec deux trimestres de croissance négative, l’Italie devrait connaître une année 2012 difficile, avec une forte contraction du PIB de 1,7 %, conséquence des trois plans de rigueur votés en 2011. Cet effet se poursuivrait en 2013, avec une nouvelle contraction du PIB de -0,9 %[1]. En l’absence de mesure de rigueur supplémentaire, elle réduirait son déficit, mais moins qu’escompté en raison de l’effet multiplicateur : le déficit atteindrait 2,8 % du PIB en 2012, et 1,7 % en 2013, soit un rythme de réduction des déficits inférieur à son engagement qui prévoit de revenir à l’équilibre en 2013.


[1] Le FMI donne une prévision plus pessimiste pour 2012, avec -1,9 % de croissance en 2012 et plus optimiste pour 2013, avec -0,3 %.




Vers une grande réforme fiscale ?

Sous la direction de Guillaume Allègre et Mathieu Plane

Plus que jamais la fiscalité est au centre de la campagne électorale et du débat public. La crise économique et financière, couplée à l’objectif de réduction rapide des déficits, bousculent nécessairement les discours électoraux et nous obligent à nous confronter à la complexité des mécanismes fiscaux. Comment les impôts interagissent-ils entre eux ? Avec quels effets ? Selon quelles mesures ? Quel consentement et quelles contraintes pour la fiscalité ? Comment répartir la charge fiscale entre les acteurs économiques ? Comment financer notre protection sociale ? Doit-on défendre une  « révolution fiscale » ou des réformes incrémentales ?. « Réforme fiscale », le nouvel ouvrage de la série Débats et politiques de la Revue de l’OFCE, publié sous la direction de Guillaume Allègre et Mathieu Plane, entend éclairer et approfondir le débat sur la fiscalité.

La première partie de l’ouvrage traite des contraintes et des principes de la fiscalité. Dans un article introductif, Jacques Le Cacheux définit du point de vue de la théorie économique, les grands principes qui devraient inspirer une nécessaire réforme fiscale. Nicolas Delalande, dans une analyse historique, souligne le rôle des ressources politiques, des contraintes institutionnelles et des compromis sociaux dans l’élaboration des politiques fiscales. Dans un cadrage budgétaire, Mathieu Plane revient sur les évolutions passées de la fiscalité et analyse la contrainte qui pèse aujourd’hui sur les finances publiques. Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux proposent la mise en place d’une taxe sur le carbone ajouté qui permettrait d’apporter une réponse fiscale face aux émissions de carbone importées.

Dans une deuxième partie, la question du partage de la charge fiscale entre ménages est posée. Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez répondent à l’article critique d’Henri Sterdyniak concernant la « révolution fiscale » qu’ils préconisent. Clément Schaff et Mahdi Ben Jelloul proposent une réforme globale de la politique familiale. Guillaume Allègre tente d’éclairer le débat sur le quotient familial. Enfin, Guillaume Allègre, Mathieu Plane et Xavier Timbeau proposent de réformer la fiscalité pesant sur le patrimoine.

La troisième partie concerne la question du financement de la protection sociale. Dans une vaste revue de littérature, Mireille Elbaum revient sur l’évolution du financement de la protection sociale depuis le début des années 1980 et examine les alternatives en débat et leurs limites. Eric Heyer, Mathieu Plane et Xavier Timbeau analysent plus spécifiquement l’impact de la mise en place de la « quasi-TVA sociale » votée par le Parlement. Frédéric Gannon et Vincent Touzé présentent une estimation du taux de prélèvement marginal implicite du système de retraite français.