Chômage : évolutions à la carte

 

Département Analyse et Prévision (Équipe France)

Les chiffres du mois de février 2017 publiés par Pôle Emploi font apparaître une légère baisse (-3 500) du nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) n’exerçant aucune activité (catégorie A). En intégrant à ces chiffres l’évolution du nombre de demandeurs en catégorie B et C, le nombre de demandeurs d’emploi a cru de 28 800 au cours du dernier mois. Sur un an, le nombre d’inscrits en catégorie A a diminué de 3,2% et celui d’inscrit en catégories A, B, C a cru de 1%.

Les évolutions au cours du quinquennat

Cette publication du mois de mars constitue la dernière publication de Pôle Emploi avant le premier tour de l’élection présidentielle ; elle est donc l’occasion de mettre en lumière un bilan quasi définitif du quinquennat au travers l’évolution du nombre de demandeurs d’emploi depuis le mois de mai 2012.

Entre mai 2012 et février 2017, le nombre de demandeurs d’emplois inscrits en catégorie A a augmenté de 541 500 en France métropolitaine et de 561 400 en France entière. Sur cette période, le nombre de demandeurs d’emplois inscrits en catégorie A, B et C a, lui, augmenté de plus de 1,1 million de personnes.

Le nombre d’inscrits en catégorie A de moins de 25 ans, après une hausse de +60 000 entre les mois de mai 2012 et avril 2013, a entamé une décrue. En février 2017, ils étaient 475 500 inscrits à Pole Emploi, soit 24 500 de moins que 5 ans auparavant. Par contre, l’inversion attendue du nombre d’inscrits en catégorie A âgés de 25 à 49 ans a été très longue à se dessiner et n’est intervenue qu’il y a un an, en février 2016. Malgré une baisse de près de 90 000 au cours des 12 derniers mois, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A de cette tranche d’âge a augmenté de +256 600 au cours du quinquennat, soit une hausse de 14%. Bien qu’importante, cette augmentation est loin d’être celle ayant le plus contribué à l’augmentation observée du nombre de demandeurs d’emploi en France métropolitaine. En effet, depuis mai 2012, ce sont les inscrits en catégorie A de 50 ans et plus qui ont vu leur nombre progresser le plus, de +309 900, soit une hausse de plus de 50% par rapport au niveau qui était le leur en mai 2012.

Des évolutions géographiques contrastées

Si ces évolutions contrastées de la situation des demandeurs d’emploi selon leur catégorie d’âge sont notables, l’âge est loin d’être l’unique critère discriminant dans l’évolution du marché du travail. En effet, à un niveau géographique fin apparaissent des situations particulièrement hétérogènes (cartes 1 et 2)[1].

L’échelle géographique retenue ici est celle de la zone d’emploi. Arrêtées par l’INSEE, ces zones constituent « un espace géographique à l’intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, et dans lequel les établissements peuvent trouver l’essentiel de la main-d’œuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts ». Utilisé pour les études locales du marché du travail, ce zonage a le mérite d’arrêter des frontières territoriales pertinentes permettant l’analyse en termes de « bassin de vie », concept basé sur les flux de déplacements domicile-travail des actifs observés lors du recensement.

La comparaison des taux de chômage, au sens du BIT, entre le deuxième trimestre 2012 et le troisième trimestre 2016 permet de mettre en lumière les importantes hétérogénéités sur le territoire national en termes de niveau du chômage et de dynamique.

Les zones d’emploi sont regroupées par quintile de taux de chômage au deuxième trimestre 2012. Autrement dit, au troisième trimestre 2012, 20% des zones d’emploi avaient un taux de chômage compris entre 4,4% et 7,5%, et 20% affichaient un taux de chômage supérieur à 11%.

Tout d’abord, il existe d’importantes disparités entre grandes régions géographiques. En 2012, les Hauts de France et le bassin méditerranéen abritaient les territoires les plus durement touchés par le chômage. L’ouest de la France, dont l’activité économique est plus tournée vers le tourisme et les activités tertiaires était moins touché par le chômage en 2012. Néanmoins la montée du chômage au cours du quinquennat n’a pas épargné ces zones d’emploi.

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Si la hiérarchie observée en 2012 n’a pas été bouleversée au cours du quinquennat et si les hétérogénéités de taux de chômage persistent, les dynamiques à l’œuvre sont inquiétantes. En effet, une forte dégradation de la situation de nombreux territoires, pourtant relativement épargnés en 2012, s’est produite. Si quelques zones d’emploi ont vu leur taux de chômage baisser très légèrement ou se maintenir[2] – le plus souvent à un niveau élevé – au cours de la période, la plupart des territoires analysés ont connu une hausse de leur taux de chômage depuis le deuxième trimestre 2012. Les zones d’emploi bretonnes, relativement préservées jusqu’en 2012 des taux de chômage élevés, ont subi une forte dégradation de leur marché du travail (Carte 3). C’est également le cas des zones limitrophes aux territoires aux taux de chômage « historiquement » élevés (pourtour du bassin méditerranéen, nord de la France), mais aussi des territoires limitrophes aux agglomérations telles que Paris ou Lyon qui ont vu leurs taux de chômage largement augmenter au cours de la période.

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[1] Pour des raisons techniques, la Corse et les départements d’outre-mer ont été ici exclus de l’analyse.

[2] Notons que ces évolutions peuvent être expliquées par des mécanismes de mobilité démographique entre bassins d’emplois.




La baisse du chômage annoncée par l’Insee confirmée en juillet par Pôle emploi

Département Analyse et prévision (Equipe France)

Les chiffres du chômage du mois de juillet 2016 publiés par Pôle Emploi font apparaître, après les deux hausses consécutives de mai (+ 9 200) et juin (+ 5 400), une baisse du nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) n’exerçant aucune activité (catégorie A) de 19 100 personnes en France métropolitaine. Sur les trois derniers mois la baisse est de 4 500 personnes et sur un an, le nombre de demandeurs d’emploi n’exerçant aucune activité s’est réduit de 44 100 individus. Ces évolutions viennent confirmer l’amélioration du marché du travail en France depuis le début de l’année et confirmée à la mi-août par la publication de l’INSEE du chômage au sens du BIT (cf. ci-dessous). Le chômage de longue durée a amorcé sa décrue (-2,2 % sur les trois derniers mois) alors même qu’il n’avait cessé de croître depuis la fin de l’année 2008 et le chômage des seniors continue de s’infléchir légèrement (-0,2 % sur 3 mois). Notons toutefois que la montée en charge du plan de formation instauré par François Hollande au début de l’année explique en partie ces évolutions encourageantes. Ainsi, au cours des 3 derniers mois, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits en catégorie D a crû de 10,1 %, soit près de 30 000 personnes supplémentaires, sous l’effet principalement des entrées dans les dispositifs de formation comptabilisées dans cette catégorie[1].

Focus : l’évolution du chômage au sens du BIT depuis un an

Le 18 août dernier, l’Insee publiait ses statistiques portant sur les chômeurs au sens du BIT pour le deuxième trimestre 2016. Durant ce trimestre, le taux de chômage a diminué de 0,3 point par rapport au trimestre précédent. La baisse du nombre de chômeurs au sens du BIT entamée au second semestre 2015 se confirme donc. Elle est cependant plus marquée du côté du BIT que de Pôle Emploi. Le nombre de chômeurs au sens du BIT a ainsi baissé de 133 000 personnes entre le deuxième trimestre 2015 et le deuxième trimestre 2016 (graphique 1). Dans le même temps, le nombre de DEFM inscrits en catégorie A à Pôle Emploi a diminué de seulement 27 000 personnes. Comment peut-on expliquer un tel écart ?

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Outre leurs différences méthodologiques (enquête Emploi pour le BIT et source administrative pour Pôle emploi), les deux sources statistiques diffèrent par leur définition du chômage. Pour être comptabilisé comme chômeur au sens du BIT, il faut remplir trois conditions : être sans emploi, disponible pour en occuper un et effectuer une recherche active d’emploi. La seule inscription à Pôle emploi n’est cependant pas suffisante pour remplir cette dernière condition puisque les inscrits en catégorie A[2] à Pôle Emploi qui n’ont pas effectué de recherche active ne sont pas comptabilisés comme chômeurs au sens du BIT. Le critère du BIT est donc plus restrictif. Historiquement, le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi est plus élevé que celui calculé au sens du BIT pour les personnes âgées de 25 ans et plus[3].

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Dans un contexte de reprise des créations d’emplois et donc d’amélioration du marché du travail, un certain nombre de personnes auparavant inactives, souhaitant désormais travailler, s’inscrivent à Pôle emploi et sont comptabilisées en tant que demandeurs d’emploi dans la catégorie A. Du fait de leur désir déclaré de reprise d’emploi, elles ne sont plus comptabilisés comme inactives au sens du BIT mais comme chômeurs dès lors qu’elles remplissent toutes les conditions énoncées auparavant. Cependant, une partie de ces personnes n’est pas nécessairement immédiatement disponible pour travailler. Cela a pour conséquence une augmentation du « halo » du chômage composé en partie de personnes souhaitant travailler, recherchant activement un emploi, mais non disponibles rapidement. Sur un an, le « halo » du chômage a augmenté de 43 000 personnes. Cette hausse s’explique exclusivement par les personnes souhaitant travailler mais non disponibles pour travailler dans les deux semaines (+54 000) et ce pour diverses raisons : personne achevant ses études ou sa formation, garde des enfants, personne s’occupant d’une personne dépendante, … (tableau 2). Cette évolution du halo confirmerait donc l’amélioration des perspectives sur le marché du travail et ne peut être considéré uniquement comme un phénomène de découragement des chômeurs. De la même façon, l’analyse des motifs de la baisse observée du chômage BIT au deuxième trimestre 2016 laisse présager l’amorçage d’une boucle vertueuse.

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Depuis un an, la baisse du taux de chômage au sens du BIT n’est pas artificielle

Le taux de chômage peut baisser pour deux raisons : l’amélioration de l’emploi ou le découragement de certains chômeurs qui basculent alors dans l’inactivité. Les dernières statistiques du BIT confirment que la baisse de 0,5 point du taux de chômage depuis un an s’explique intégralement par l’amélioration de l’emploi et non par le découragement. D’ailleurs, l’amélioration de l’emploi s’est aussi traduite par une hausse du taux d’activité – qui mesure le pourcentage de personnes actives dans la population âgée de 15 à 64 ans –, les chômeurs auparavant découragés reprenant leur recherche d’emploi (tableau 3).

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Dans le détail, l’arrivée des jeunes sur le marché du travail se traduit par une hausse du chômage de 0,1 point pour cette catégorie, et ce malgré un emploi qui repart. En effet, l’accélération de la croissance n’est pas assez forte pour absorber l’ensemble des jeunes arrivants sur le marché du travail. Chez les seniors, le taux d’emploi continue toujours à augmenter (de 0,8 point) du fait du recul de l’âge de départ effectif à la retraite. Certes, le chômage au sens du BIT baisse chez les seniors, mais la hausse des inscriptions à Pôle Emploi dans cette classe d’âge (tableau 1) traduit certainement une modification dans leur comportement de recherche d’emploi : de plus en plus de seniors ne font plus acte de recherche d’emploi et sont désormais classés dans le «halo» du chômage.

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Le chômage en quelques chiffres

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[1] Cette catégorie comptabilise les demandeurs d’emploi non tenus de rechercher un emploi (en raison d’une formation, d’une maladie, …), sans emploi.

[2] Les inscrits en catégorie A n’ont exercé aucune activité, pas même réduite, à la différence des inscrits en catégories B et C.

[3] Les moins de 25 ans ont un intérêt moindre à s’inscrire à Pôle emploi car pour ouvrir un droit à indemnisation au titre du chômage et percevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi, il faut justifier de 122 jours d’affiliation ou de 610 heures de travail au cours des 28 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (36 mois pour les 50 ans et plus).




Chômage : ça va (un peu) mieux

Département Analyse et prévision (Equipe France)

Les chiffres du chômage du mois d’avril 2016 publiés par Pôle Emploi font apparaître, après la baisse exceptionnelle enregistrée au mois de mars (–60000), une nouvelle baisse du nombre de demandeurs d’emploi n’exerçant aucune activité (catégorie A) de 19 900 personnes en France métropolitaine[1]. Ces deux mois de baisse consécutifs interviennent après une séquence d’alternance de baisses et de hausses mensuelles depuis le mois d’août 2015. Les statistiques mensuelles des demandeurs d’emplois sont habituellement volatiles, mais il n’en reste pas moins que l’inflexion de la trajectoire est perceptible. En 3 mois cette baisse est de 41 500. Elle se monte à 22 500 sur un an, soit la première baisse observée depuis le mois de septembre 2008, mois de la faillite de la banque Lehman Brothers (cf. graphique).

 

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La baisse importante du nombre de demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an (–11 900 sur trois mois), ainsi que celle du nombre de demandeurs d’emploi de plus de 50 ans (-3 100 sur 3 mois) sont autant de signes positifs de l’amélioration en cours sur le marché du travail. Là encore, de telles baisses n’ont pas été observées depuis 2008 pour ces publics les plus éloignés de l’emploi.

Ces évolutions sont la suite logique de l’accélération de la croissance de l’économie française observée depuis l’année 2015 (+1,2% en moyenne annuelle en 2015) et de la montée en puissance des politiques de baisse du coût du travail (CICE et Pacte de responsabilité et prime à l’embauche). Cette année-là a ainsi vu une accélération des créations d’emplois totales tirée par le secteur marchand (+122 000), avec en parallèle un moindre dynamisme des créations d’emplois aidés dans le secteur non-marchand. De fait, contrairement aux années précédentes, les créations d’emplois ne sont plus soutenues par les contrats aidés dans le secteur non-marchand.

Perspectives : la baisse devrait s’amplifier

Cette dynamique positive devrait se poursuivre en 2016 et 2017, années pour lesquelles nous prévoyons une croissance de 1,6% de l’activité. Ce retour de la croissance permettrait une accélération des créations d’emplois dans le secteur marchand (177 000 en 2016 et 134 000 en 2017 en glissement annuel). De plus, la montée en charge du plan de formations[2] dans les prochains mois devrait renforcer la baisse du chômage observée depuis la fin de l’année 2015 [3]. Ainsi, le taux de chômage au sens du BIT devrait baisser de 0,5 point en deux ans, pour atteindre 9,5% de la population active fin 2017 et la baisse des inscrits en catégorie A devrait se poursuivre.

Ce rythme d’amélioration restera toutefois insuffisant pour effacer rapidement les stigmates de la crise. Rappelons qu’en 2008, le taux de chômage au sens du BIT s’élevait en France métropolitaine à 7,1%. Au rythme actuel, Il faudrait encore une dizaine d’années pour retrouver le niveau de chômage d’avant-crise.

 

[1] Cette baisse est toutefois marquée par une hausse anormale des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation (+50 700 par rapport à la moyenne observée sur les trois premiers mois de l’année), qui semblerait concerner principalement les demandeurs d’emploi inscrits en catégories B et C. Cela n’invaliderait donc pas la baisse observée des inscrits en catégorie A.

[2] Le gouvernement a annoncé 500 000 formations supplémentaires pour 2016 dans le cadre du Plan d’urgence pour l’emploi

[3] La hausse du nombre de demandeurs d’emploi en formation devrait se traduire par un transfert essentiellement des demandeurs d’emploi de la catégorie A (demandeurs d’emploi tenus de rechercher un emploi, sans emploi) vers la catégorie D (demandeurs d’emploi non tenus de rechercher un emploi (en raison d’une formation, d’une maladie…) y compris les demandeurs d’emploi en contrat de sécurisation professionnelle (CSP), sans emploi).




Croître et durer

par Hervé Péléraux

Un environnement macroéconomique toujours favorable à une reprise

La publication, le 29 avril dernier, d’une croissance de l’économie française de 0,5 % au premier trimestre 2016, en ligne avec nos dernières prévisions, est un signal conjoncturel encourageant. Elle confirme d’abord le changement du régime de croissance engagé à partir de la seconde moitié de 2014, passé de 0,1 % par trimestre en moyenne entre le deuxième trimestre 2011 et le deuxième trimestre 2014 à 0,3 % depuis (graphique). Elle semble ensuite indiquer que la capacité de croissance de l’économie française ne s’est pas éteinte après les crises à répétition survenues depuis 2008 et que l’appareil productif est à même de pouvoir répondre aux sollicitations de la demande intérieure à court terme, notamment en services. Enfin, en atteignant 2,2 % en rythme annualisé, la croissance du premier trimestre 2016 s’est élevée, comme aux deux trimestres précédents (respectivement 1,5 et 1,4 %), au-delà de la croissance potentielle évaluée à 1,3 % l’an selon nos estimations, ce qui pourrait signer une entrée de l’économie française dans une phase de reprise si le rythme d’expansion se maintenait durablement au-dessus de ce seuil.

Sous cet angle, l’expérience récente a montré que les signaux de reprise lancés par les comptes trimestriels pouvaient être trompeurs : les derniers épisodes de croissance forte au deuxième trimestre 2013 et au premier trimestre 2015 sont en effet restés sans suite, avec une retombée immédiate du taux de croissance le trimestre suivant. Ces précédents pourraient laisser craindre le renouvellement d’un tel scénario dans la première moitié de 2016, mais l’accumulation de signaux positifs, contrairement à début 2015, diminue le risque de cette éventualité à l’heure actuelle.

D’abord, le contre-choc pétrolier engagé à la mi-2014 semble n’avoir pas encore développé en totalité ses effets favorables sur l’économie, le décalage entre les fluctuations du prix du pétrole et de l’activité pouvant être estimé à 4 trimestres (voir sur ce point « Trois questions autour de l’impact à court terme des variations du prix du pétrole sur la croissance française »). Ce décalage, peu apparent dans les variantes traditionnelles issues du modèle e-mod.fr, constitue un aléa à la hausse sur notre prévision d’avril. L’élévation du taux de marge des sociétés non financières en 2015, renforcée par la montée en charge du CICE et du Pacte de responsabilité, et celle du taux d’épargne des ménages, en sont le signe. L’accumulation de ces capacités financières nouvelles devrait continuer à soutenir la consommation et l’investissement en 2016, après des hausses respectives au premier trimestre de 1,2 et 1,6 % (et de 2,6 % pour la FBCF  en produits manufacturés).

Les deux gros points noirs qui subsistaient en 2015, le secteur du bâtiment et l’investissement des administrations publiques, devraient s’atténuer en 2016. D’un côté, le redressement des résultats des enquêtes de conjoncture dans la construction témoigne de l’amélioration graduelle du secteur, et, de l’autre, l’amélioration des comptes publics permettra une sortie progressive de la politique d’austérité qui se traduira par une contribution deux fois moins négative de l’investissement des administrations en 2016 qu’en 2015. Enfin, l’environnement extérieur de la France devrait rester favorable, avec un pétrole bon marché, un euro faible et des taux d’intérêt historiquement faibles.

Climats de reprise

Cette nouvelle donne macroéconomique au début de 2016 est appuyée par les signaux favorables émanant des enquêtes de conjoncture qui témoignent de l’amélioration déclarée par les chefs d’entreprise de leur activité. Délivrant une information qualitative résumant les soldes d’opinions relatifs aux différentes questions posées sur l’activité des entreprises, les indicateurs de confiance peuvent être convertis en une information quantitative au moyen d’une équation économétrique reliant le taux de croissance trimestriel du PIB et les climats. Au vu de leur significativité, ne sont sélectionnés que les climats des affaires dans l’industrie, les services et la construction (tableau). Les autres séries, notamment l’indicateur de confiance des consommateurs, ne sont pas significatives et n’apportent pas, économétriquement, d’information supplémentaire pour retracer la trajectoire du taux de croissance du PIB.

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L’indicateur ne doit pas être considéré comme un prédicteur exact de la croissance du PIB (graphique). En revanche, d’un point de vue qualitatif, il parvient à délimiter assez correctement les phases durant lesquelles la croissance est supérieure ou inférieure à la croissance moyenne ou de long terme (la constante de la régression estimée à 0,4 % par trimestre), proche de la notion de croissance potentielle[1]. Sous cet angle, l’indicateur peut être vu comme un indicateur de retournement du cycle économique. Depuis le deuxième trimestre 2011, aucun franchissement du taux de croissance de long terme n’avait été envisagé par l’indicateur, malgré les faux signaux lancés à deux reprises par les chiffres trimestriels du PIB, au deuxième trimestre 2013 et au premier trimestre 2015. Sur la base des données d’enquêtes disponibles jusqu’en avril 2016, la croissance escomptée par l’indicateur serait de 0,4 % au deuxième trimestre 2016, rythme équivalent à celui de la croissance de long terme. Une telle prévision, si elle se réalisait, porterait l’acquis de croissance à 1,3 % à la mi-2016, rapprochant un peu plus l’économie française d’une croissance de 1,6 % pour l’ensemble de l’année, comme nous l’escomptons dans notre prévision d’avril. Il est toutefois à noter qu’à ce stade de l’information conjoncturelle en provenance des enquêtes, seul le mois d’avril est connu pour le deuxième trimestre. Les climats de confiance étant extrapolés sur les mois manquants, mai et juin, ces prévisions de croissance sont plus incertaines qu’à un stade plus avancé de l’information.

Mais il n’en demeure pas moins qu’à la différence de l’année dernière à la même époque, l’amélioration de l’environnement macroéconomique s’accompagne désormais de signaux qualitatifs de reprise émanant du bloc « enquêtes ». Ce qui accroît maintenant très fortement la probabilité de l’enclenchement d’une phase de réelle reprise en 2016.

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[1] La croissance de long terme considérée ici n’est pas la croissance potentielle estimée par ses déterminants structurels au moyen une fonction de production, mais la moyenne du taux de croissance du PIB telle qu’elle ressort de l’estimation de l’indicateur.




Très cher Pinel …

par Pierre Madec

Le vendredi 8 avril dernier, le Président de la République a annoncé la prolongation du dispositif d’incitation à l’investissement locatif dit « Pinel ». « Puisque ça marche, il n’y a pas de raison de changer » a ainsi déclaré François Hollande. Accueillie très favorablement par les professionnels du secteur, en particulier les promoteurs immobiliers qui réalisent une grande part de leur activité sur l’investissement locatif privé (près de la moitié en 2015), cette annonce a le mérite d’apporter une certaine continuité à un secteur en proie à une grande instabilité. Du dispositif Méhaignerie instauré au milieu des années 1980 au dispositif Pinel mis en place à l’été 2014, plus d’une dizaine d’instruments différents ont été utilisés au cours des 30 dernières années pour doper le secteur de l’investissement locatif[1]. Il est clair que cette forte volatilité des dispositifs ne permet pas de les évaluer correctement dans un temps long. Malgré tout, certaines critiques semblent se dégager ces dernières années concernant l’utilité même de ce type de dispositifs de défiscalisation dont l’objectif initial était de développer, dans les zones les plus tendues, une offre de logement « intermédiaire » en direction des classes moyennes. Qu’en est-il ? Le Pinel est-il, comme l’a indiqué le Président de la république, un dispositif « qui marche » ? A-t-il permis, en remplaçant le décrié dispositif « Duflot », d’enclencher le redémarrage du marché de la construction en France ? Permet-il de remplir l’objectif affecté de développement d’un parc locatif intermédiaire ? Si oui à quel coût ?

Le « Pinel » qu’est-ce que c’est ?

Le dispositif Pinel est donc un dispositif d’incitation à l’investissement locatif. En contrepartie d’une défiscalisation plus ou moins importante, un investisseur s’engage à mettre son bien immobilier neuf en location, pour un durée allant de 6 à 12 ans, tout en respectant des plafonds de loyers et de revenus des locataires fixés par décret. Le logement doit se situer dans une zone dite « tendue » définie elle aussi par décret et respecter un certain nombre de critères de performance énergétique.

En 2016, les plafonds de loyers et de ressources sont les suivants :

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Selon l’engagement initial de location (6 ans ou 9 ans), le taux de la réduction d’impôt varie de 12% à 18% du montant de l’opération dans la limite d’un investissement de 300 000 euros et 5 500 euros par mètre carré habitable. Cet engagement initial peut être prolongé de 3 ans, une ou deux fois, dans la limite d’un engagement total de 12 ans. Chaque prolongation donnant droit à une réduction d’impôt supplémentaire de 3% du montant de l’investissement.

Enfin, contrairement à son prédécesseur, est offerte à l’investisseur Pinel la possibilité de louer à l’un de ses ascendants ou de ses descendants.

Le « Pinel » : pour quoi faire ?

Au travers la mise en place du dispositif Pinel en août 2014, le gouvernement souhaitait apporter des réponses à la fois au secteur de la construction, confronté à une crise importante, et à la crise du logement cher qui traverse la France depuis maintenant plus de trois décennies. En l’absence de données précises sur les investissements Pinel réalisés depuis la mise en place du dispositif, il paraît complexe de conclure positivement ou négativement sur l’impact de ce dispositif tant pour les investisseurs que pour les locataires. Certes, les ventes de logements par les promoteurs se sont bien rétablies en 2015 (100 200 unités soit +7% par rapport à l’année précédente), néanmoins elles restent très inférieures aux niveaux observés en 2013 (103 770) mais surtout entre 2010 et 2012 (117 400 en moyenne annuelle), temps des dispositifs Scellier (jusqu’en 2012) puis Duflot. Si le redémarrage du marché de la construction semble indéniable (hausse des mises en chantier et des permis de construire depuis la mi-2015), conclure à un impact des dispositifs d’investissement locatif semble très prématuré d’autant plus que ces derniers ne représentent qu’une faible part de l’ensemble de la production neuve. Si l’on parle ainsi de 50 000 « Pinel » produits en 2015, rappelons que cette année a vu se construire près de 400 000 logements.

Concernant l’impact de ce type de dispositif sur l’émergence d’un parc accessible aux classes moyennes éprouvant des difficultés à se loger dans le parc locatif privé « traditionnel » et trop « aisées » pour accéder au parc social, là aussi les conclusions ne peuvent être tirées définitivement compte-tenu du manque de données sur l’occupation des biens ainsi produits. Malgré tout, les plafonds de revenu et de loyer définis par la loi laissent à penser que l’objectif initial semble lointain. Concernant les plafonds de loyer, ils sont en réalité très proches des loyers pratiqués sur les marchés. Selon l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne, le loyer moyen acquitté par les locataires du parc privé de la petite couronne parisienne, en partie incluse dans la Zone A bis visée par le dispositif Pinel, était en 2015 de 16,5 euros le m². A titre de comparaison, le plafond défini pour pouvoir bénéficier du dispositif Pinel était, pour une zone relativement comparable, de 16,83 euros par m². Si les zones considérées ne sont pas parfaitement comparables, ces données permettent de relativiser le caractère « intermédiaire » des loyers proposés. Il paraît clair que l’objectif de proposer des loyers inférieurs de 20% aux loyers de marché ne semble pas rempli. Pour ce qui est des plafonds de revenu, ils ne semblent pas cibler prioritairement les ménages aux revenus proches de la  « moyenne ». A titre d’exemple, en 2012, les personnes seules déclaraient un revenu médian de 17 800 euros annuel. Le dernier décile de revenu déclaré était de 35 800 euros (ERFS, 2012). Clairement, les plafonds de revenu définis au sein du dispositif Pinel ne semblent pas le flécher vers les ménages aux revenus insuffisants pour se loger correctement dans le parc locatif privé traditionnel.

De même, le zonage afférent à la mesure, largement critiqué et déjà remanié lors de la mise en place du Duflot, reste encore largement perfectible. Bien que les caricatures observées lors de la mise en œuvre du Scellier aient en grande partie disparues, il demeure que certaines zones concernées ne correspondent pas tout à fait à la définition de zones « en tension », c’est-à-dire de zones où l’offre de logement est largement insuffisante.

Enfin, si la possibilité offerte de louer à ses ascendants ou descendants est pour le moins curieuse, la réduction de la durée minimale de mise en location, réclamée par les professionnels afin d’intégrer de la « flexibilité » dans l’investissement est quant à elle très critiquable. Rappelons que ce type de dispositif avait pour objectif initial de développer en France un parc de logements dits « intermédiaires ». Alors que la fixation de plafonds de loyers et de ressources élevées ne permet pas de cibler correctement les locataires pouvant correspondre aux critères initialement souhaités, les durées d’engagement posent question. Peut-on subventionner des logements dont la durée de mise en location est si courte alors même que la nécessité de développer durablement un parc de logements abordables semble faire consensus ?

Le « Pinel », combien ça coûte ?

Le coût des dispositifs d’incitation à l’investissement locatif est l’une des principales critiques qui leur est adressé. Ainsi, malgré l’existence de plafonds d’investissement, excluant d’ailleurs de fait certaines zones très tendues telle que celle de Paris, le coût budgétaire par logement peut s’avérer très élevé. Par exemple, une personne seule au revenu déclaré de 77 000 euros par an et investissant dans un Pinel à hauteur du plafond (300 000 euros) pour une durée de 12 ans, serait amenée à déduire de ses impôts plus de 53 000 euros. A titre de comparaison, l’ensemble des aides publiques affectées à la production d’un logement social du type PLAI – dont les plafonds de loyers sont de 5,94 euros par m² pour la zone équivalente à la zone A bis du dispositif Pinel – s’élève à 59 000 euros alors même que la production de logements sociaux s’inscrit par définition dans un temps bien plus long.

Conscient du caractère « extrême » de ce cas de figure et afin d’évaluer le coût budgétaire potentiel du Pinel, nous nous sommes basés sur la méthodologie proposée par le Ministère du Logement en 2008. Nous considérons dans un premier temps la dépense fiscale moyenne par logement puis multiplions cette dépense par le nombre de « Pinel » produit pour l’année 2015. Cela nous fournit une estimation du coût budgétaire d’une génération de « Pinel ».

La dépense fiscale par logement est calculée à partir des paramètres micro-économiques moyens : le logement considéré est un logement standard, invariant sur la période, d’une surface habitable de 65 m² ; son prix est déterminé à partir du prix moyen au mètre carré de vente des appartements neufs par les promoteurs, tel que donné par l’enquête « Commercialisation des logements neufs » (ECLN) pour le quatrième trimestre 2015 (3 892€/m²) ; et enfin l’investisseur considéré est une personne mariée avec un enfant disposant d’un revenu de 60 000 € environ.

Les simulations n’intègrent ni les revenus émanant de l’investissement (les loyers perçus) ni le cumul possible avec d’autres niches fiscales. La durée de mise en location est la durée intermédiaire de 9 ans. In fine, pour cet investissement, le coût budgétaire est pour l’Etat de 20 077 euros. Sous l’hypothèse de 50 000 Pinel produit en 2015, le coût budgétaire d’une génération de Pinel dépasse donc le milliard d’euros.

Si cette estimation ne donne qu’un ordre de grandeur des coûts induits, elle livre tout de même un certains nombres d’enseignements. Un milliard d’euros d’aides de l’Etat adressé à la construction de logement type PLAI, en plus d’engendrer tout autant d’emplois que la construction de Pinel[2],  permettrait la création de près de 30 000 PLAI supplémentaires chaque année …

[1] Méhaignerie, Quilès-Méhaignerie, Périssol, Besson, Robien, Daubresse, Robien recentré, Borloo Populaire, Scellier, Scellier intermédiaire, Duflot et Pinel.

[2] François Hollande soulignait justement dans la même intervention que la production d’un logement générait la création de 2 emplois.




Vers un lent rétablissement du pouvoir d’achat en France

par Pierre Madec et Mathieu Plane

Le portrait social de la France livré par l’INSEE il y a quelques jours indique que le niveau de vie moyen, par unité de consommation, a baissé de près de 400 euros entre 2012 et 2013 soit la baisse la plus importante mesurée depuis 2008. La reprise annoncée de l’économie française dans les prochains trimestres sera-t-elle à même de redresser le niveau de vie et le pouvoir d’achat des ménages ?

Nous étudions ici l’évolution du pouvoir d’achat par ménage[1] au sens de la comptabilité nationale depuis 1999, avec un focus particulier sur la période  de la crise (2008-2016)[2]. A partir du compte des ménages, nous analysons les composantes du revenu des ménages de façon à identifier à la fois l’impact direct des politiques budgétaires sur le pouvoir d’achat (prestations sociales et prélèvements obligatoires) mais aussi la dynamique des revenus du  travail et du capital. Pour les années 2015 et 2016, nous avons repris la prévision contenue dans le Rapport Economique Social et Financier du Projet loi de finances pour 2016.

Si la période d’avant crise (1999-2007) a clairement été une période faste pour le pouvoir d’achat des ménages (+540 euros par ménage en moyenne annuelle), tirée par le dynamisme des revenus du travail et du capital, ce dernier a été fortement amputé depuis le début de la crise. Sur la période 2008-2014, le pouvoir d’achat par ménage s’est ainsi réduit de plus de 1200 euros. Si le pouvoir d’achat par ménage s’est relativement bien maintenu lors de la première partie de la crise, c’est-à-dire de 2008 à 2010, sous l’effet notamment du plan de relance et des prestations sociales qui ont joué leur rôle contra-cyclique en amortissant le revenu (+ 1020 euros par ménage sur la période), la consolidation budgétaire entamée en 2011 a considérablement impacté le pouvoir d’achat. La forte augmentation des prélèvements obligatoires sur les ménages de 2011 à 2014  a réduit le pouvoir d’achat par ménage de 1120 euros en quatre ans. Cela tend à montrer que les politiques fiscales sont pro-cycliques depuis 1999 : la hausse des impôts sur le revenu et le patrimoine a été maximale lorsque les ressources des ménages se sont le plus contractées (-50 euros en moyenne par an sur la période 2011-14). A l’inverse,  les charges liées à ces deux types d’impôt ont très faiblement augmenté  au cours de la période précédant la crise (+48 euros par ménage par an en moyenne sur la période 1999-2007) alors que les ressources des ménages ont connu une très forte croissance sur cette période (+690 euros en moyenne par an par ménage). La baisse du nombre d’emplois par ménage et la quasi-stagnation des rémunérations réelles ont quant à elles contribué à réduire les revenus réels du travail par ménage de 350 euros par an sur la période 2001-14. Et la baisse des revenus réels du capital a conduit à diminuer le pouvoir d’achat de 320 euros par ménage. Seules les prestations sociales ont contribué positivement au pouvoir d’achat (650 euros par ménage sur quatre ans). Au final, le pouvoir d’achat par ménage s’est contracté de 1330 euros sur la période 2011-14, et ce malgré une année 2014 marqué par le début du redressement du pouvoir d’achat (+200 euros par ménage) tirée par la hausse des revenus du travail en raison de salaires réels dynamiques, dans un contexte d‘inflation nulle, et d’une légère amélioration de l’emploi total (+ 81 000).

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Selon les prévisions contenues dans le PLF 2016 présenté par le gouvernement, le pouvoir d’achat par ménage croitrait en 2015 et 2016 de 335 euros en moyenne par an, soit une légère accélération par rapport à 2014. La contribution annuelle des revenus du travail au pouvoir d’achat (240 euros) serait proche de celle observée en 2014  grâce à une masse salariale relativement dynamique. En revanche, les revenus réels du capital connaitraient une forte augmentation, contribuant à accroitre le pouvoir d’achat par ménage de 160 euros par an, soit un rythme légèrement supérieur à la moyenne d’avant crise (140 euros par an sur la période 1999-2007). Toutefois, malgré la baisse votée de l’IR, la pression fiscale continuerait à peser sur le pouvoir d’achat (-115 euros en moyenne par an et par ménage)  en raison de l’augmentation des autres types de prélèvements. Enfin, sous l’impulsion des 50 milliards d’économies prévues sur la période 2015-17, dont 11 proviennent d’économies sur les prestations sociales, ces dernières ne contribueraient à augmenter le pouvoir d’achat par ménage que de 60 euros par an, soit près de trois fois moins que la hausse annuelle de la période précédant la crise (1999-2007), période qui a pourtant été marquée par une baisse  du chômage.

La politique budgétaire, bien que moins restrictive que par le passé, continuera donc à peser sur la dynamique du revenu des ménages. Ces derniers ne récupéreraient en 2016 qu’environ 50 % de la perte de revenu encaissée sur la période 2011-13. Au final, malgré un redressement du revenu sur la période 2015-16, le pouvoir d’achat par ménage resterait en 2016  proche de celui observé dix ans auparavant.

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[1] Le pouvoir d’achat par ménage correspond au revenu disponible brut,  en euros constants, divisés par le nombre de ménages.

[2] De façon à équilibrer l’analyse, nous avons séparé 2 périodes avec des durées équivalentes, celle de l’avant crise qui s’étale sur les 9 ans précédant la crise (1999-2007) et celle après la crise qui dure également 9 ans (2008-16)




Peut-on déjà parler de reprise ?

par Hervé Péléraux

La publication d’une croissance de l’économie française de 0,3 % au troisième trimestre 2015 a quelque peu rassuré après la déception du deuxième trimestre où le PIB avait stagné, coupant court au fort rebond du premier trimestre (+0,7 %). Cette relative bonne nouvelle, conforme à notre prévision, conforte l’idée, qu’à partir du second semestre 2014, la croissance a changé de régime (+0,3 % en moyenne par trimestre) en comparaison de la période antérieure (+0,1 % par trimestre entre le deuxième trimestre 2011 et le deuxième trimestre 2014, voir graphique). Au-delà de ses à-coups trimestriels, la croissance hexagonale est bien positive, mais insuffisante pour signer une entrée en phase de reprise proprement dite comme on a pu le voir dans le passé. Un tel schéma suppose en effet que la croissance s’installe durablement au-dessus de la croissance potentielle (évaluée à 1,3 % l’an, soit un peu plus de 0,3 % par trimestre) et que s’enclenche de ce fait un mouvement de convergence du PIB vers le PIB potentiel, mettant fin au retard d’activité accumulé depuis le début de la crise.

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L’expérience passée montre qu’en général, les signaux de reprise lancés par les comptes trimestriels ne sont pas ambigus et laissent rarement place à l’incertitude sur le passage de l’économie d’une phase descendante à une phase montante. Même si l’estimation de la croissance potentielle fait débat, et donc le seuil à partir duquel la croissance effective s’inscrit dans une phase de reprise, cette incertitude ne joue pas sur la datation des points de retournement. L’enclenchement des phases de reprise porte sans ambiguïté le taux de croissance du PIB à un niveau suffisamment élevé pour asseoir solidement le diagnostic d’une entrée en phase de reprise. Ce fut le cas lors des reprises de 1987, 1994 et 1997, tant à l’examen des comptes provisoires qu’à celui des comptes définitifs (tableau).

Mais les reprises de 2003 et de fin 2009 ont été moins bien détectées par les comptes provisoires : annoncée initialement à 0,4 % au troisième et au quatrième trimestre 2003 dans les premiers comptes, la croissance est évaluée à 0,7 et 0,9 % dans la version actuelle des comptes nationaux, ce qui, une fois intégrée la révision des estimations, modifie le diagnostic sur la trajectoire de l’économie. Semblable constat peut être fait pour la reprise de la fin de l’année 2009, avec un premier signal qualitatif de reprise émanant des comptes provisoires au quatrième trimestre 2009, signal non confirmé au trimestre suivant (hausse du PIB de +0,1 %) et par la suite une sous-estimation chronique de la croissance qui pouvait faire douter du sentier de reprise emprunté par l’économie de la fin 2009 au début de l’année 2011 (en moyenne, sur cette période, la première version des comptes annonçait une croissance de 0,5 % par trimestre alors que les comptes définitifs affichent une croissance moyenne de 0,7 %). Dans la version définitive des comptes, toute ambiguïté sur l’engagement dans cette trajectoire est levée : la révision en hausse de la croissance au premier trimestre 2010 – de +0,1 % à +0,4 % – assoit définitivement le signal de reprise.

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Les doutes que l’on peut avoir sur une éventuelle reprise au premier semestre 2015 ont pour toile de fond la mesure de l’activité par les comptes nationaux. Il n’est donc pas exclu, à l’instar de la reprise de fin 2009/début 2010, que l’amélioration de l’information statistique au fil du temps délivre finalement des signaux qualitatifs sur la trajectoire de l’économie française plus favorables que ceux perçus aujourd’hui.

Pour l’heure, le diagnostic que l’on peut formuler en l’état actuel de l’information statistique n’est pas celui d’une entrée en phase de reprise de l’économie française. Malgré l’amélioration de l’environnement extérieur depuis un an, grâce à la baisse de l’euro face au dollar, à la baisse du prix du pétrole et au bas niveau des taux d’intérêt, nombreux sont en effet les facteurs s’opposant pour le moment encore à une croissance plus vigoureuse à court terme. Ces derniers ne manquent en effet pas avec l’inertie des anticipations après plusieurs années d’espoirs déçus, avec la permanence de surcapacités de production qui limitent l’investissement et les embauches, avec la dégradation du tissu productif laminé par le retard d’investissement, avec la crise immobilière, avec le ralentissement chinois et enfin avec la poursuite de la consolidation budgétaire, même si elle est moins virulente en 2015 qu’au cours des années précédentes. Et c’est seulement à partir de 2016 qu’une partie de ces freins devrait se desserrer, avec à la clé une reprise durable de l’activité.




Le marché du travail sur la voie de la reprise

par Bruno Ducoudré

Les chiffres du mois de septembre 2015 publiés par Pôle Emploi font apparaître, après la hausse enregistrée du mois d’août (+20 000), une baisse significative du nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pole Emploi et n’exerçant aucune activité (catégorie A) de 23 800 personnes.  Si ce chiffre est encourageant, il est à mettre en regard avec les augmentations observées en catégories B et C (+25 600). Ainsi, si des reprises d’emploi ont bien eu lieu, elles n’ont pas entraîné de sorties du chômage tel que mesuré par Pôle Emploi, n’enrayant ainsi pas la hausse continue du nombre de demandeurs d’emploi de longue durée (+10,4% en an). Malgré tout, ces évolutions viennent conforter les enseignements tirés de l’analyse conjoncturelle et visant à mettre en lumière l’enclenchement d’une reprise de l’activité.

Après 76 000 emplois créés en France en 2014 grâce au dynamisme des emplois non-marchands, le premier semestre 2015 a été marqué par une augmentation des effectifs dans le secteur marchand (+26 000) conduisant à une accélération des créations d’emplois dans l’ensemble de l’économie (+45 000) sur la première moitié de l’année. Les statistiques récentes portant sur l’emploi confirment cette tendance à l’accélération pour le troisième trimestre 2015 : ainsi sur un an, les déclarations d’embauche de plus d’un mois enregistrées par l’Acoss augmentent de 3,7 %, après +0,7 % au trimestre précédent. Les enquêtes auprès des entreprises signalent également une hausse des intentions d’embauches au troisième trimestre, celles-ci étant redevenues positives depuis le début de l’année dans le secteur des services, et le creux dans la construction ayant été vraisemblablement atteint en début d’année (cf. graphique 1).

Notre analyse du marché du travail à l’horizon 2017, détaillée dans le dernier exercice de prévisions de l’OFCE d’octobre 2015, indique que le secteur marchand continuerait à créer des emplois d’ici la fin d’année 2015 (+0,1 % aux troisième et quatrième trimestres). Ce rythme de créations d’emplois resterait toutefois trop faible pour envisager une baisse du taux de chômage d’ici la fin de l’année, compte tenu de notre prévision pour le taux de croissance du PIB (+0,3 % au troisième trimestre et de +0,4 % au quatrième trimestre 2015) et de la présence de sureffectifs dans les entreprises, que nous évaluons à 100 000 au deuxième trimestre 2015. Le taux de chômage se stabiliserait ainsi à 10 % jusqu’à la fin de l’année. Avec une croissance du PIB de 1,8 %, l’année 2016 serait marquée par une nette accélération des créations d’emplois dans le secteur marchand une fois les sureffectifs absorbés par les entreprises, permettant une baisse du taux de chômage à partir du deuxième trimestre 2016. Cette baisse se poursuivrait jusqu’à la fin de l’année 2017.

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Les trois dernières années de faible croissance ont pesé sur l’emploi dans le secteur marchand (-73 000 emplois entre le début d’année 2012 et la fin 2014, cf. tableau). La vigueur de l’emploi dans le secteur non-marchand, soutenue par la montée en charge des contrats aidés (emplois d’avenir et contrats uniques d’insertion non-marchands) a permis de compenser ces destructions d’emplois marchands, l’emploi total progressant de 164 000 sur la même période, ce qui a freiné la progression du taux de chômage au sens du BIT : celui-ci est passé de 9 % de la population active fin 2011 à 10,1 % fin 2014 en France métropolitaine, soit +1,1 point d’augmentation.

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L’année 2015 marque une transition, avec une reprise des créations d’emplois dans le secteur marchand (+73 000 prévus sur l’ensemble de l’année) et un moindre dynamisme des créations d’emplois dans le non-marchand. Sur l’ensemble de l’année, l’accélération de la croissance (+1,1% prévu en moyenne annuelle en 2015 mais 1,4 % en glissement annuel) et la montée en puissance des politiques de baisse du coût du travail (CICE et Pacte de responsabilité) soutiendraient les créations d’emplois. Les effets cumulés du CICE et du Pacte de responsabilité, une fois pris en compte l’effet du financement, permettraient de créer ou de sauvegarder 42 000 emplois en 2015. Toutefois, les créations d’emplois seraient freinées par la présence de sureffectifs dans les entreprises[1] : en période d’accélération de l’activité économique, les entreprises absorbent généralement la main-d’œuvre sous-utilisée avant d’augmenter le volume d’emploi.

Du côté du secteur non-marchand, la politique de l’emploi continue de soutenir le marché du travail en 2015, via la hausse des contrats aidés. L’augmentation est cependant moins rapide que les années précédentes, le nombre d’emplois d’avenir atteignant un plafond en 2015 (graphique 2). Finalement, l’emploi total progresserait de 103 000 en 2015, ce qui permettrait une stabilisation du taux de chômage à 10 % d’ici la fin de l’année.

Pour 2016 et 2017, l’accélération de la croissance (avec respectivement 1,8 % et 2 %) combinée à la poursuite de la montée en puissance des politiques de baisse du coût du travail et à la fermeture du cycle de productivité courant 2016 permettraient une accélération des créations d’emplois dans le secteur marchand. Les créations d’emplois s’élèveraient, en glissement annuel, à 238 000 en 2016 et 245 000 en 2017 pour le seul secteur marchand, soit un rythme comparable à celui observé entre la mi-2010 et la mi-2011 (+234 000 emplois créés). En revanche, en 2016, le nombre de contrats aidés dans le non-marchand prévu dans le Projet de loi de finances pour 2016 baisse par rapport aux années antérieures (200 000 CUI-CAE et 25 000 emplois d’avenir en 2016 contre respectivement 270 000 et 65 000 pour l’année 2015). Pour 2017, nous avons retenu l’hypothèse d’une stabilisation du stock de contrats aidés non-marchands. (cf. graphique 2). Au total, le retour durable des créations d’emplois dans les entreprises enclenchera la baisse du taux de chômage à partir du deuxième trimestre 2016. Bien que poussive, cette baisse devrait être durable, le taux de chômage atteignant 9,8 % de la population active fin 2016 et 9,4 % fin 2017.

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[1] La présence de sureffectifs dans les entreprises provient de l’écart de la productivité du travail à sa tendance de long terme, appelé cycle de productivité. Ce dernier est le résultat du délai d’ajustement de l’emploi à l’activité. Voir Ducoudré et Plane, 2015, « Les demandes de facteurs de production en France », Revue de l’OFCE, n°142.




Baisse de la fiscalité sur les entreprises mais hausse de celle sur les ménages

par Mathieu Plane et Raul Sampognaro

A la suite de la remise du Rapport Gallois en novembre 2012, le gouvernement a fait le choix, au début du quinquennat de François Hollande, de donner la priorité à la réduction de la fiscalité sur les entreprises. Mais depuis 2015, le Président de la République semble avoir entamé une nouvelle phase de son quinquennat en poursuivant l’objectif d’alléger la pression fiscale sur les ménages, dont le marqueur a été la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu (IR) et l’aménagement d’un nouveau mécanisme de décote qui atténue la progressivité du bas du barème  de l’IR. Mais plus globalement, que peut-on dire de l’évolution des prélèvements obligatoires (PO) sur les ménages et sur les entreprises en 2015 et 2016, mais aussi sur une période plus longue ?

A partir des données fournies par l’Insee, nous avons recomposé les évolutions des PO depuis 2001 en distinguant les prélèvements supportés par les entreprises de ceux supportés par les ménages (graphique). Si cette analyse est purement comptable et ne repose pas sur l’incidence finale de l’impôt, elle permet néanmoins d’avoir une vision du découpage de la pression fiscale[1]. En particulier, cet exercice s’attache à identifier les PO par la nature du payeur direct en supposant les salaires et les prix hors taxes constants. Ce découpage comptable ne fait donc pas l’objet d’un bouclage macroéconomique et ne traite pas des effets redistributifs et intergénérationnels[2] de la fiscalité.

De 2001 à 2014, les chiffres sont connus et constatés. Ils sont donc ex post et intègrent à la fois les effets des mesures discrétionnaires votées mais aussi les effets des plus/moins-values fiscales qui sont sensibles au cycle conjoncturel. En revanche, pour 2015 et 2016, les évolutions des PO pour les ménages et les entreprises sont ex ante, c’est-à-dire qu’elles reposent uniquement sur les mesures discrétionnaires ayant un impact en 2015 et 2016 et chiffrées dans le cadre du Rapport économique social et financier du Projet de loi de finances pour 2016.  Elles n’intègrent donc pas, pour ces deux années, les effets potentiels liés aux variations des élasticités fiscales pouvant modifier les taux de PO apparents. Par ailleurs, les crédits d’impôts, tels que le CICE, sont ici considérés comme des baisses de PO et non pas comme une dépense publique au sens des nouvelles normes comptables issues du SEC 2010. De plus, le CICE est comptabilisé au niveau des PO en versement effectif et non en droits constatés.

Sur la période récente, il en ressort quelques éléments majeurs. Tout d’abord, les taux de prélèvements augmentent fortement sur la période 2010-2013, représentant une hausse de 3,7 points de PIB, dont 2,4 points portent sur les ménages et 1,3 point sur les entreprises. Sur cette période, l’austérité fiscale a porté de façon relativement équilibrée sur les ménages et les entreprises, les deux connaissant une hausse de leur fiscalité plus ou moins proportionnelle à leur poids respectif dans les taux de PO[3].

En revanche, à partir de 2014 est apparu un découplage entre l’évolution des PO des ménages et celle des PO des entreprises, et qui se confirme en 2015 et 2016. En effet, en 2014, les taux de PO des entreprises, sous l’effet de la mise en place du CICE (6,4 milliards, soit 0,3 point de PIB), ont commencé à se réduire de 0,2 point de PIB alors que ceux des ménages ont continué d’augmenter de 0,4 point de PIB en raison notamment de la hausse de la TVA (5,4 milliards), de l’augmentation de la fiscalité écologique (0,3 milliard avec la mise en place de la taxe carbone) et de la hausse de la contribution au service de l’électricité (CSPE) (1,1 milliard), ainsi que l’accroissement des cotisations sociales pesant sur les ménages (2,4 milliards), principalement avec la hausse des taux de cotisation du régime général, de ceux des régimes complémentaires ainsi que l’alignement progressif des taux des fonctionnaires sur ceux du privé.

En 2015, le taux de PO des entreprises baisserait de 9,7 milliards (0,5 point de PIB) avec la montée en charge du CICE (6 milliards), les premières mesures du Pacte de responsabilité (5,9 milliards liés à la première tranche d’allègements de cotisations sociales patronales, d’un abattement sur l’assiette de la C3S et du suramortissement fiscal de l’investissement) alors que d’autres mesures, comme celles issues de la réforme des retraites, alourdissent la fiscalité sur les entreprises (1,7 milliard au total). A l’inverse, le taux de PO sur les ménages augmenterait en 2015 de 4,5 milliards (0,2 point de PIB) malgré la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu (-2,8 milliards) et l’allègement des cotisations des indépendants (-1 milliard). La hausse de la fiscalité écologique (taxe carbone et TICPE) et de la CSPE, ainsi que la non reconduction en 2015 de la mesure exceptionnelle de baisse d’IR de 2014 représentent respectivement une hausse de la fiscalité sur les ménages de 3,7 et 1,3 milliards. D’autres mesures, comme celles sur les taux de cotisations des régimes de retraites généraux, complémentaires et des fonctionnaires (1,2 milliard), ou celles sur la fiscalité locale (1,2 milliard), avec notamment la modification du plafond des DMTO et les mesures sur les taxes de séjour et de parking, viennent alourdir la fiscalité sur les ménages.

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En 2016, le taux de PO des entreprises se réduirait de 5,9 milliards (0,3 point de PIB), principalement en lien avec la seconde phase du Pacte de responsabilité. Les allègements de cotisations sociales patronales sur les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC (3,1 milliards d’euros), la suppression de la surtaxe IS (2,3 milliards), le deuxième abattement sur l’assiette de la C3S (1 milliard), la montée en charge du CICE (0,3 milliard) et du dispositif de suramortissement de l’investissement (0,2 milliard) ne sont que partiellement compensés par des hausses de fiscalité sur les entreprises, avec principalement la hausse des taux de cotisation retraite (0,6 milliard). En revanche, à l’instar des années précédentes, le taux de PO sur les ménages augmenterait, en 2016, de 4,1 milliards (0,2 point de PIB) malgré une nouvelle baisse de l’IR (2 milliards). Les principales mesures qui augmentent la fiscalité des ménages sont semblables à celles de 2015, que ce soit la fiscalité écologique avec la hausse de la taxe carbone (1,7 milliard) et la CSPE (1,1 milliard), les mesures sur le financement des retraites (0,8 milliard) ou la hausse attendue de la fiscalité locale (1,1 milliard). A noter que la suppression de la Prime pour l’emploi (PPE) en 2016 conduira à augmenter mécaniquement les PO sur les ménages de 2 milliards[4], mais cette hausse serait compensée par la nouvelle Prime d’activité pour un montant équivalent.

Au final, sur la période 2010-2016, les PO sur les ménages augmenteraient de 66 milliards d’euros (3,1 points de PIB) et ceux sur les entreprises de 8 milliards (0,4 point de PIB). Le taux de PO sur les ménages atteindrait un plus haut historique en 2016, à 28,2 % du PIB. A l’inverse, le taux de PO sur les entreprises reviendrait en 2016 à 16,4 % du PIB, soit un niveau inférieur à celui d’avant la crise de 2008. Et en 2017, la dernière phase du Pacte de responsabilité (avec la suppression totale de la C3S et la réduction du taux d’IS) et les remboursements attendus liés au CICE devraient conduire à réduire la fiscalité des entreprises d’environ 10 milliards d’euros, amenant le taux de PO des entreprises à un plus bas historique depuis le début des années 2000.

La nécessité de financer à la fois les mesures de compétitivité des entreprises et la réduction du déficit public structurel font porter pleinement l’ajustement budgétaire sur les ménages. Ainsi, la baisse de l’impôt sur le revenu en 2015 et 2016 ne permet pas de compenser la hausse des autres mesures fiscales, pour la plupart décidées dans le cadre des Lois de finances antérieures à 2015, et semble bien faible au regard du choc fiscal subi par les ménages depuis 2010. En revanche, l’effet sur la croissance de l’évolution récente de la fiscalité et son impact sur les inégalités va dépendre de l’utilisation faite par les entreprises des nouvelles ressources générées par la baisse massive des PO depuis 2014. Ces ressources peuvent induire une hausse des salaires, de l’emploi, de l’investissement ou une baisse des prix ou bien encore une augmentation des dividendes ou une réduction de l’endettement. Selon les arbitrages réalisés par les entreprises, les effets à attendre sur le niveau de vie en France et sur les inégalités ne seront bien sûr pas les mêmes. L’évaluation de l’effet de ces évolutions des PO ne manquera pas de donner lieu à des études et débats à venir.

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[1] Sont considérés comme des PO sur les ménages, les impôts directs (CSG, CRDS, IRPP, taxe d’habitation, …), les impôts indirects (TVA, TICPE, CSPE, accises…), les impôts sur le capital (ISF, DMTG, taxe foncière, DMTO, …), les cotisations sociales salariées et non salariées. Sont considérés comme des PO sur les entreprises, les impôts divers sur la production (Cotisation sur la VA et Cotisation foncière sur les entreprises (ex-TP), taxe foncière, C3S, …), les impôts sur les salaires et la main-d’œuvre, les impôts sur les sociétés et les cotisations sociales patronales.

[2] Par exemple, les cotisations sociales patronales pour les retraites sont analysées ici comme un PO sur les entreprises et non pas comme un salaire différé pour les ménages ou un transfert de revenu des actifs vers les retraités.

[3] En 2013, 61 % des PO concernaient les ménages et 39 % les entreprises. Or, sur la période 2010-2013, la hausse de la fiscalité portait à 64 % sur les ménages et à 36 % sur les entreprises, soit peu ou prou leur poids respectif dans la fiscalité.

[4] La PPE sera remplacée par la Prime d’activité d’un montant équivalent, englobant aussi le RSA « activité », mais qui est considérée comptablement comme une dépense publique. Or, cette nouvelle mesure ne devrait pas changer macroéconomiquement le revenu des ménages mais seulement la nature du transfert. Ainsi, hors prise en compte de la suppression de la PPE, le taux de PO sur les ménages augmenterait de 2,1 milliards en 2016.

 




France : retour sur désinvestissement. Prévisions 2015-2017 pour l’économie française

par  Mathieu Plane, Bruno Ducoudré, Pierre Madec, Hervé Péléraux et Raul Sampognaro

Ce texte résume les perspectives économiques 2015-2017 de l’OFCE pour l’économie française

 

Après un mouvement de reprise hésitant au premier semestre 2015 (avec des taux de croissance respectivement de 0,7 % et 0 % au premier et au deuxième trimestre), l’économie française enregistrerait une faible croissance au second semestre, affichant au final une hausse du PIB de 1,1 % en moyenne sur l’ensemble de l’année. Avec un taux de croissance du PIB de +0,3 % au troisième trimestre et de +0,4 % au quatrième trimestre 2015, rythmes équivalents à ceux de la croissance potentielle, le taux de chômage se stabiliserait à 10 % jusqu’à la fin de l’année. La consommation des ménages (+1,7 % en 2015), favorisée par le redressement du pouvoir d’achat lié en particulier à la baisse du prix du pétrole, soutiendrait la croissance en 2015 mais l’investissement des ménages (-3,6 %) et celui des administrations publiques (-2,6 %) continueraient de freiner l’activité. Dans un contexte de croissance molle et de consolidation budgétaire modérée, le déficit public continuerait sa lente décrue, pour atteindre 3,7 % du PIB en 2015.

Avec une croissance du PIB de 1,8 %, l’année 2016 serait celle de la reprise, marquée par la hausse du taux d’investissement des entreprises. En effet, tous les facteurs d’une reprise de l’investissement sont réunis : d’abord le redressement spectaculaire du taux de marge depuis la mi-2014 grâce à la baisse des coûts d’approvisionnement en énergie et à la montée en charge du CICE et du Pacte de responsabilité ; ensuite le niveau historiquement bas du coût du capital, favorisé par la politique monétaire non conventionnelle de la BCE ; enfin l’amélioration des perspectives d’activité. Ces facteurs permettraient une accélération de l’investissement des entreprises en 2016, qui  augmenterait de 4 % en moyenne sur l’ensemble de l’année. La consommation des ménages resterait soutenue en 2016 (+1,6 %), tirée par les créations d’emplois dans le secteur marchand et par une légère baisse du taux d’épargne. Alimenté par la remontée des mises en chantier et des permis de construire, l’investissement en logement repartirait (+3 %), après quatre années successives de contraction. Sous l’effet de la dépréciation passée de l’euro et des politiques de compétitivité poursuivies par le gouvernement, le commerce extérieur contribuerait positivement à la croissance (+0,2 point de PIB en 2016, soit une contribution identique à celle de 2015). Une fois les effets du contrechoc pétrolier épuisés, l’inflation reviendrait à un rythme positif mais toujours faible en 2016 (+1 % en moyenne annuelle après deux année de quasi-stagnation), soit un rythme proche de l’inflation sous-jacente. Le rythme de croissance trimestriel du PIB en 2016 serait compris entre 0,5 et 0,6 %, déclenchant la fermeture progressive de l’écart de production et la lente baisse du taux de chômage qui finirait l’année à 9,8 %. Le déficit public se réduirait de 0,5 point de PIB, sous l’effet des économies réalisées sur la dépense publique, au travers notamment de la contraction de l’investissement public (-2,6 %), de la faible croissance de la consommation des administrations publiques (+0,9 %), et sous l’effet de la remontée des recettes fiscales avec la reprise de l’activité.

Sous l’hypothèse d’un environnement macroéconomique durablement favorable, la fermeture de l’écart de production devrait se poursuivre en 2017. Avec une croissance du PIB de 2 %, le déficit public atteindrait 2,7 % du PIB et repasserait sous la barre des 3 % pour la première fois depuis 10 ans. Grâce aux politiques de l’emploi et la résorption des sureffectifs effectuée dans les entreprises, le taux de chômage continuerait à baisser pour atteindre 9,4 % de la population active à la fin de l’année 2017.