La zone euro est-elle sortie de récession ?

Par Philippe Weil

Le Euro Area Business Cycle Dating Committee du Centre for Economic Policy Research (CEPR) de Londres s’est penché le 9 octobre dernier à l’OFCE sur cette épineuse question (voir ici la composition de ce comité que je préside). La mission du comité est d’établir une chronologie des récessions et expansions dans la zone euro, inspirée de celle, remontant à 1854, que le National Bureau of EconomicResearch a fixé pour les Etats-Unis.

Une telle chronologie présente deux intérêts.

Le premier intérêt est qu’elle permet aux économistes de s’interroger sur les caractéristiques de la conjoncture européenne. Les récessions sont-elles de durée courte ou longue ? Fréquentes ou rares ? Profondes ou légères ? La zone euro évolue-t-elle de concert avec l’économie américaine ? Le ralentissement de l’activité économique dû à la crise financière est-il inhabituel (plus persistant que d’ordinaire, plus marqué) ? Sans une définition précise du calendrier des hauts et des bas de l’activité économique et sans un portrait-robot des fluctuations conjoncturelles, on ne peut apporter de réponse à ces questions pourtant élémentaires.

Le second intérêt de cette chronologie est que son établissement exige de se pencher sur toutes les composantes de l’activité économique : le PIB, bien sûr, mais aussi la consommation, l’investissement et surtout l’emploi (nombre de personnes en emploi, nombre d’heures travaillées). Selon l’exercice de datation du CEPR, une expansion est en effet une période où l’activité économique, dans toutes ses facettes, croît de façon significative. Ce n’est donc pas nécessairement un épisode d’au moins deux trimestres consécutifs (et encore moins d’un seul trimestre !) d’augmentation du PIB. Par exemple, le comité de datation du CEPR a identifié comme une récession de la future zone euro la période courant du premier trimestre de 1980 au troisième trimestre de 1982 alors que le PIB réel avait crû durant plusieurs trimestres pendant cette période et qu’il était plus élevé à la fin de la récession qu’au début ! Les coupables en étaient l’investissement et l’emploi qui avaient fortement décliné pendant cette période.

Pour rajouter à la complexité de l’exercice de datation, il faut se rappeler qu’il doit composer avec une dure réalité : les statistiques économiques nous parviennent avec retard et sont ensuite révisées, parfois significativement, au cours du temps. Contrairement aux météorologistes qui connaissent la température au sommet de la Tour Eiffel en temps réel, les économistes n’ont en effet aucune idée, par exemple, du niveau du PIB du mois ou du trimestre courant. Les premières estimations ne sont publiées qu’après plusieurs mois (par exemple, le premier flash estimate du PIB de la zone euro pour le troisième trimestre de 2013 ne sera publié par Eurostat que le 14 novembre 2013) et il arrive que des taux de croissance qui semblent positifs d’après les premières estimations se révèlent, après révisions ultérieures, négatifs – ou vice-versa. En se penchant sur tous les déterminants de l’activité économique (notamment l’emploi), et pas seulement sur le PIB, le comité pare (jusqu’à présent avec succès) à cette imperfection des données et évite de déclarer l’existence, par exemple, d’une récession qui ne serait qu’un mirage statistique effacé après révision ultérieure des données. Ainsi, le comité n’avait pas déclaré en septembre 2003 l’existence d’une récession entre 2001 et 2003 alors que les données montraient à l’époque une baisse du PIB (mais jamais, il est vrai, pendant deux trimestres consécutifs). Il avait conclu à l’existence d’une pause prolongée dans un épisode d’expansion. Bien lui en a pris, car les révisions ultérieures du PIB ont effacé ces trimestres de déclin de l’activité économique (voir graphique 1). Son diagnostic était donc avisé.

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Revenons à la zone euro telle que nous l’observons en octobre 2013. Elle a connu un pic d’activité au troisième trimestre 2011 et, depuis son entrée en récession à cette date, elle a connu une croissance trimestrielle faiblement positive au deuxième trimestre de 2013. La première estimation du troisième trimestre 2013 ne sera connue, comme je l’ai indiqué plus haut, que le 14 novembre prochain. Certes, plusieurs indices concordants indiquent que l’activité sera orientée à la hausse et que les perspectives macroéconomiques pour 2014 sont plus favorables. Mais le comité de datation a néanmoins observé le 9 octobre dernier qu’il était prématuré, à la date où il s’est réuni, de conclure que la zone euro était sortie de récession. En effet, ni la durée ni l’ampleur de la reprise putative de l’activité économique ne sont suffisantes pour conclure d’ores et déjà à la fin de la récession. Ce jugement n’est pas basé sur l’absence, pour l’instant, de deux trimestres consécutifs de croissance du PIB car tel n’est pas le critère, mécanique, qui guide la réflexion du comité. Il ne reflète pas non plus un pessimisme quelconque sur les perspectives économiques pour 2014 car le comité ne fait pas de prévision. L’évaluation du comité repose simplement sur l’examen de l’ensemble des données disponibles le jour de sa réunion. Le comité n’exclut pas que la zone euro ne connaisse qu’une pause dans la récession commencée il y a un an.

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Des toits ou des plafonds ?

par Philippe Weil

Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové prévoit d’encadrer les loyers «principalement dans les agglomérations où existe un fort déséquilibre entre l’offre et la demande de logements et où les loyers ont connu la progression la plus forte au cours des dernières années ».  Les loyers dépassant de plus de 20 % un loyer médian, fixé par quartier et type de logement,  « auront vocation à être abaissés ». L’objectif de ce plafonnement est certes louable puisqu’il « vise à combattre la crise du logement, marquée depuis de nombreuses années par une forte augmentation des prix, une pénurie de logements et une baisse du pouvoir d’achat des ménages ». L’enfer est hélas pavé de bonnes intentions car les plafonds d’aujourd’hui détruisent bien souvent les toits de demain :

  • Le plafonnement des loyers […] entraîne une répartition aléatoire et arbitraire des logements et rend leur utilisation inefficace. Il retarde la construction de nouveaux logements et prolonge indéfiniment le plafonnement des loyers, ou déprime la construction future en subventionnant aujourd’hui la construction résidentielle. Un rationnement formel des logements par les autorités publiques aurait des effets sans doute pire encore.

S’opposer au plafonnement des loyers ne signifie pas cependant se résoudre aux inégalités qui se manifestent en matière de logement :

  • Le constat que, dans des conditions de marché, ceux qui ont des revenus ou patrimoines plus élevés occupent de meilleurs logements est plutôt une raison de prendre des mesures de long terme pour réduire les inégalités de revenus et de richesse. Pour ceux qui, comme nous, voudraient encore plus d’égalité qu’aujourd’hui – en matière de logement comme pour tous les produits –, il est certainement préférable d’attaquer directement à leur source les inégalités existantes de revenu et de richesse plutôt que de rationner chacun des centaines des produits et services qui déterminent notre niveau de vie. Permettre aux individus de recevoir des revenus monétaires inégaux puis prendre des mesures complexes et coûteuses afin de les empêcher d’en bénéficier est le comble de la folie.

Les auteurs de ces deux citations, qui nous enjoignent de laisser le système de prix libre d’allouer aux locataires les logements disponibles tout en préconisant d’attaquer à leur source les inégalités de revenu et de richesse, ne sont autres que Milton Friedman et George Stigler – les deux fondateurs de l’école de Chicago. Le titre de ce billet est emprunté – qu’ils me le pardonnent – à leur article de 1946 « Roofs or Ceilings : the Current Housing Problem ».[1]

Le projet de loi Duflot envisage un mécanisme d’encadrement des loyers bien plus sophistiqué que celui que dénonçaient Friedman et Stigler il y a près de soixante-dix ans. Ses effets sur le parc immobilier français pourront être évalués dans quelques années mais la littérature économique récente nous prévient que les mécanismes de contrôle des loyers dits de « seconde génération » ont des effets souvent ambigus[2] – pas toujours négatifs mais pas obligatoirement positifs[3]. On peut regretter, dans ces conditions, qu’une expérimentation préalable, que la prudence exigerait, ne soit pas envisagée dans certaines villes choisies aléatoirement. L’urgence politique plaide certes contre les retards qu’elle entraînerait mais, en économie comme en médecine, il convient de s’assurer qu’on ne tue pas le patient en tentant de le guérir.

Reste, pour finir, l’avertissement de Friedman et Stigler : les inégalités de revenus et de patrimoine doivent être attaquées à leur source et pas dans leurs manifestations.

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[1] Foundation for Economic Education, Irvington-on-Hudson, NY.

[2] Cf., par exemple, The Economics and Law of Rent Control, par Kaushik Basu et Patrick Emerson, Banque mondiale, 1998.

[3] Le lecteur pourra consulter Le Bayon, Madec et Rifflart (2013) pour une évaluation de la régulation du marché locatif français.

 




Lettre au Président de la République française, François Hollande

par Jérôme Creel, Xavier Timbeau et Philippe Weil

Le 15 mai 2012, nous adressions une lettre au Président de la République française pour faire part de nos craintes sur la poursuite de politiques de restriction budgétaire entamant le potentiel de croissance de l’Union européenne. Nous proposions un Pacte budgétaire intelligent, un Smart Fiscal Compact. La lettre initiale a été préparée en anglais, car elle s’inscrit dans le cadre d’un débat résolument européen. En voici la traduction française.

Monsieur le Président,

La France et l’Union européenne sont à un tournant économique critique. Le chômage est élevé, la perte d’activité  induite par la crise financière depuis 2008 n’est pas résorbée et vous avez promis, dans ce contexte dégradé, d’éradiquer les déficits publics français d’ici 2017.

Votre prédécesseur s’était engagé à atteindre le même objectif, quoiqu’un peu plus tôt, en 2016 et votre campagne a été marquée par la priorité que vous avez donnée à faire participer les plus riches à l’effort fiscal. Cette différence est importante et elle a probablement pesé dans le résultat final mais, d’un point de vue macroéconomique, elle reste secondaire tant que le long terme de l’économie européenne et française ne dépend pas de son court terme.

Selon la macroéconomie standard qui a longtemps constitué le cadre de la politique économique, les multiplicateurs budgétaires sont positifs dans le court terme mais nuls dans le long terme, long terme déterminé par la productivité et l’innovation. Dans ce cadre, réduire les déficits à un rythme moins soutenu allège un peu le fardeau dans l’immédiat mais ne change rien à long terme. Au bout du compte, l’austérité est la seule solution pour réduire durablement le ratio dette sur PIB et elle est douloureuse – très douloureuse même. Notons en effet que :
•    La fable selon laquelle les multiplicateurs à court terme pourraient être négatifs a définitivement été éventée. Une restriction budgétaire a un impact négatif sur l’activité, sauf dans le cas très particulier d’une petite économie ouverte qui, en régime de changes flexibles mène une politique monétaire accommodante, ce qui est loin de pouvoir s’appliquer à la France d’aujourd’hui. Parce que la France de 2012 n’est pas la Suède de 1992, la perspective d’un meilleur état futur des finances publiques n’est pas à même de compenser les effets récessifs directs et immédiats d’une restriction fiscale.
•    Si, comme le dit le FMI, la crise financière a durablement réduit l’activité économique, alors le déficit public que connaît la France est structurel – pas conjoncturel. Dans ce cas de figure, la seule solution est une restriction budgétaire pour assurer la soutenabilité à long terme.
•    Par ailleurs, il existe désormais un consensus sur le fait que les multiplicateurs budgétaires de court terme sont élevés en bas de cycle et plus faible en haut de cycle. Ainsi, laisser croître la dette en période faste et chercher à réduire les déficits en période de ralentissement est très coûteux.

Cette analyse est cependant périmée car il semble de plus en plus évident que la crise financière a profondément changé le contexte macroéconomique. Les multiplicateurs budgétaires y sont toujours positifs à court terme mais ne sont pas nuls à long terme à cause de deux effets contradictoires :
•    Le premier est le cauchemar des dirigeants français et européens, alimenté par le travail historique de Carmen Reinhart et de Kenneth Rogoff et illustré par les difficultés que l’Italie, l’Espagne ou la Grèce ont rencontrées lorsqu’il a fallu refinancer leur dette publique. Dans ce cauchemar, le pire se produirait après que le rapport de la dette au PIB aurait franchi un seuil  se situant autour de 90%. Passé ce seuil, les investisseurs réaliseraient brutalement qu’il n’y a plus de moyen facile de ramener la dette à un niveau contrôlable sans inflation ou sans répudiation. Ils exigeraient alors des taux plus élevés pour couvrir ce risque, impliquant une dégradation des comptes publics et alimentant l’effet “boule de neige” sur la dette. La restriction budgétaire qui  serait alors imposée par la dégradation des conditions de financement achèverait de creuser la récession – validant ainsi les doutes des investisseurs sur la soutenabilité des finances publiques. Le franchissement du seuil déclencherait une spirale irréversible. Pour l’éviter, il faudrait s’infliger immédiatement une restriction budgétaire conséquente pour en éviter une future encore plus considérable. Dans ce schéma, notre salut (économique) passerait par un changement radical et immédiat de cap pour échapper à la tempête qui s’annonce.
•    Mais il existe un danger symétrique : dans un contexte de finances publiques dégradées non pas par le laxisme budgétaire (ce qui exclut la Grèce) mais par la crise financière de 2008, une restriction budgétaire maintenant peut provoquer un effondrement social, politique ou économique ou détruire durablement la capacité productive. La restriction budgétaire ne serait donc pas simplement récessive à court terme mais également à long terme. L’expansion budgétaire serait alors une condition nécessaire pour la prospérité à long terme et la soutenabilité des finances publiques. Dans ce schéma, notre salut exigerait que nous gardions le cap dans la tempête.

Monsieur le Président, la pertinence de votre stratégie visant à « équilibrer les comptes publics en 2017 » dépend celui de ces deux écueils que vous considérerez comme le plus menaçant ou inéluctable. Devez-vous craindre que la négligence budgétaire finisse toujours par se payer au prix fort ou devez-vous redouter par-dessus tout qu’une rigueur brutale compromette le futur de notre économie et n’alimente frustrations et désespoirs ?

Pour répondre à ces questions redoutables, les préjugés ou l’idéologie sont de mauvais conseils. Nous vous pressons au contraire de considérer les éléments les plus factuels :

•    Les notations des dettes souveraines de pays dont les déficits et les dettes publics sont considérables, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ont été dégradées par les agences de notation sans conséquence particulière. Votre prise de fonctions ne s’est pas, elle non plus, traduite par une dégradation des conditions de financement de l’Etat.  Ceci laisse à penser que les marchés comprennent mieux, semble-t-il, que certains dirigeants, que le problème principal des finances publiques européennes n’est ni la dette ni les déficits mais bien la gouvernance de la zone euro et ses politiques monétaire et budgétaire. Un prêteur en dernier ressort — il n’y en a pas en zone euro —résoudrait facilement et directement les crises de dette souveraine. L’objection voulant que cela forcerait la Banque centrale européenne à monétiser les dettes publiques, en violation de ses statuts et de son objectif de stabilité des prix, ne tient pas. La simple possibilité d’une monétisation réduirait en effet la prime de risque et en éliminerait la nécessité, de sorte qu’il n’y aurait plus de panique autoréalisatrice sur le financement d’un Etat et de crise de dette souveraine italienne, espagnole, voire française.
•    En outre, Ugo Panizza et Andrea Presbitero ont montré qu’il n’existe pas de preuve historique convaincante que la réduction de la dette engendre une croissance plus forte. Dès lors, l’affirmation courante selon laquelle la réduction de la dette publique est un prérequis à la reprise de l’activité est au mieux une corrélation, au pire fallacieuse, mais en aucun cas une causalité impliquée par les données.
•    Vingt années de stagnation au Japon nous rappellent que la déflation est un piège durable et délétère. La sous-activité pousse les prix inexorablement à la baisse. Paul Krugman et Richard Koo ont montré comment les taux d’intérêt réels anticipés enclenchent une spirale de désendettement lorsque les anticipations de prix se verrouillent sur la déflation. Si de surcroît, la déflation des bilans touche le secteur bancaire, l’effondrement du crédit nourrit la contraction.
•    Un des effets pervers de l’austérité budgétaire découle de la destruction de capital humain par de longues périodes de chômage. Les cohortes de jeunes qui entrent sur un marché du travail dégradé prendront un mauvais départ qui les marquera durablement. Plus longtemps le taux de chômage persistera au-dessus de son niveau d’équilibre, plus profondes seront les frustrations issues d’un avenir bouché.
•    Au-delà du capital humain, les entreprises sont le lieu d’accumulation d’une grande variété  de capital, allant du capital social aux actifs immatériels produit par la R&D. Philippe Aghion et d’autres ont montré qu’à travers ce canal la volatilité de court terme de l’activité avait un impact (négatif) sur le potentiel de croissance. Dans un monde compétitif, le sous-investissement en R&D se traduit par des pertes de parts de marché. En rendant l’activité plus volatile, la restriction budgétaire pèse ainsi durablement sur le potentiel de croissance.
•    Ce qui est vrai pour l’investissement dans les actifs immatériels privés l’est encore plus en ce qui concerne les actifs immatériels publics, c’est-à-dire des actifs qui génèrent des flux de biens publics que les incitations individuelles peinent à produire. Les règles d’or habituellement évoquées négligent ce type d’actifs dont la comptabilité est par nature complexe. En conséquence, la recherche d’une réduction prompte des déficits se fait bien souvent aux dépens des investissements dans ces actifs publics immatériels, bien qu’ils aient une profitabilité (sociale) élevée et qu’ils seront essentiels lorsqu’il s’agira d’assurer la transition la moins brutale possible vers une économie plus économe en carbone.

Sur la base de ces constats, nous prenons la liberté de vous suggérer une stratégie en quatre points :

1.    Vous devez affirmer que l’austérité budgétaire est mauvaise à la fois à court terme et à long terme. Il faut rappeler à Madame Merkel que, par conséquent, la plus grande prudence s’impose quand on prône la rigueur.
2.    Ralentir le rythme auquel la restriction budgétaire est infligée aux pays de l’Union européenne est essentiel  aussi bien pour réduire le chômage dans le court terme que pour maintenir la prospérité à long terme. Sans prospérité de long terme, la réduction des ratios de dette sur PIB sera impossible sauf à accepter inflation et répudiation.
3.    Vous devez reconnaître que les peurs de votre prédécesseur étaient fondées : sans un prêteur de dernier ressort ou sans mutualisation des dettes publiques, une rigueur budgétaire moins déterminée expose à un risque de hausse des taux d’intérêt souverains en déclenchant une anxiété autoréalisatrice. L’exemple des Etats-Unis nous montre que le meilleur moyen de traiter ce risque est d’avoir une banque centrale bien armée qui agit comme un prêteur de dernier ressort. Il faut donc une modification rapide du traité de Maastricht dans ce sens. Amender les objectifs de la BCE en intégrant la préoccupation de la croissance est secondaire.
4.    Madame Merkel a raison de croire qu’une banque centrale qui sauve les Etats de la faillite est la porte ouverte à l’aléa moral. Vous devez donc accepter, en contrepartie de la modification des statuts de la banque centrale, qu’un pacte budgétaire (le Fiscal Compact) gouverne les finances publiques européennes. Mais vous devez lutter pour un pacte « intelligent », un Smart Fiscal Compact (SFC). Ce SFC doit renforcer la soutenabilité des finances publiques dans un monde où le long terme n’est pas écrit et invariant à l’avance et dépend de la trajectoire économique dans le court terme. Il doit s’appuyer sur des institutions européennes légitimes investies du pouvoir de contrôler et de veiller au respect des engagements budgétaires de chaque pays. Cette tâche nécessitera du pragmatisme et une solide approche empirique de l’économie plutôt que de la numérologie budgétaire ou les règles simplistes qui sont pour l’instant prévues.

Ne pas réduire les déficits publics en Europe conduira à une débâcle. Les réduire brutalement est la voie la plus sûre vers le désastre. Croire que de vieilles astuces comme la dérégulation du marché du travail stimuleront la croissance est illusoire, comme nous le rappelle l’OIT dans son dernier rapport. Le risque de bouleversements et basculements soudains dans les modes de fonctionnement économiques ou sociaux interdit les demi-mesures. La montée rampante de déséquilibres de long terme oblige à des actions rapides. Ce qui est vrai pour la France est encore plus vrai pour nos partenaires : l’ensemble des membres de l’Union européenne ont un besoin impératif de marges de manœuvres immédiates, sans quoi le futur risque bien d’être fort compromis.

Nous espérons, Monsieur le Président, que vous trouverez utiles ces quelques suggestions et nous vous prions de bien vouloir agréer l’expression de notre respectueuse considération.




A letter to President François Hollande

by Jérôme Creel, Xavier Timbeau and Philippe Weil [1]

Dear Mr. President,

France and the European Union are at a crucial economic juncture. Unemployment is high, the output loss to the financial crisis since 2008 has not been recovered and you have promised, in this dismal context, to eliminate French public deficits by 2017.

Your predecessor had committed to achieving the same objective a tad faster, by 2016, and a distinctive feature of your campaign has been your insistence that the major burden of the coming fiscal retrenchment be borne by the richest of taxpayers. These differences matter politically (you did win this election) but they are secondary from a macroeconomic viewpoint unless the long-run future of France and Europe depends on short-run macroeconomic outcomes.

In the standard macroeconomic framework, which has guided policy in “normal” and happier times, fiscal multipliers are positive in the short run but are zero in the long run where productivity and innovation are assumed to reign supreme. In such a world, giving your government an extra year to reduce public deficits spreads the pain over time but makes no difference in the long run. When all is said and done, austerity is the only way to reduce the debt to GDP ratio durably – and it hurts badly:

  • The fantasy that short-run multipliers might be negative has been dispelled: a fiscal contraction depresses economic activity unless you are a small open economy acting alone under flexible exchange rates and your own national central bank runs an accommodative monetary policy – hardly a description of today’s France. Since France 2012 is not Sweden 1992, the prospect of a rosier fiscal future is not enough to outweigh the immediate recessionary effects of a fiscal contraction.
  • To add insult to injury, if the financial crisis has lowered economic activity permanently (as previous banking or financial crises did, according to the IMF), public finances are now in structural deficit. To insure long-term debt sustainability, there is no way to escape fiscal restriction.
  • On top of this, the consensus now recognizes that short-run fiscal multipliers are low in expansions and high in recessions. As a result, accumulating public debt in good times and refraining from running deficits in order to control debt in bad times is very costly: it amounts to squandering precious fiscal ammunition when there is no enemy and to scrimping on it in the heat of combat.

It increasingly looks like, that we are living, since the financial crisis, in a “new normal” macroeconomic environnent in which fiscal multipliers are still positive in the short run but non-zero in the long run because of two conflicting effects:

  • A primal fear of French and European policy makers – fed by the outstanding historical work of Carmen Reinhardt and Kenneth Rogoff and the difficulties encountered by Italy, Spain or Greece to roll over their public debt – is that bad things might happen when the debt to GDP ratio steps over 90%. For instance, the sudden realization by investors that, past that level, there is no easy way to bring debt back to “normal” levels without inflation or outright default might lead to a rapid rise in sovereign interest rates. These high rates precipitate an increase in the debt to GDP ratio by raising the cost of servicing the debt and impose intensified deficit reduction efforts that further shrink GDP. Thus, crossing the 90% threshold might lead to a one-way descent into the abyss. This implies that fiscal contraction, although recessionary in the short run, is beneficial in the long run. Fiscal pain now is thus an evil necessary for long-run prosperity and debt sustainability. According to this narrative, we may survive – but only if we stop dancing right away.
  • An opposite danger is that fiscal contraction now – in a context of public finances damaged (except for Greece) not by fiscal laxity but by the slowdown in economic activity engendered by the financial crisis since 2008 – might cause a social, political and economic breakdown or durably destroy productive capacity. Fiscal contraction is thus recessionary both in the short run and in the long run. Short-run fiscal expansion is then a necessary condition for long-run prosperity and debt sustainability. In this narrative, we may survive – but only if we keep dancing!

The advisability of your proposal to reduce the public deficits to zero by 2017 depends, Mr. President, on which of these two dangers is the most intense or the most difficult to thwart. Should you be more concerned that loose fiscal policy may hurt long-run growth by increasing the cost of debt service, or should you fear instead first and foremost that strict fiscal policy may harm output durably by leading to social unrest or by reducing productive capacity?

To answer these portentous questions, whose answer is not a matter of ideology or of economic paradigm, we urge you to look at the evidence:

  • The sovereign rating of countries with large deficits and debts, like the US and the UK, has been downgraded without any adverse effect on interest rate. This suggests that markets understand, seemingly better than policymakers, that the key problem with EU public finances nowadays is not deficits and debt per se but the governance of the euro zone and its fiscal and monetary policy mix. With a lender of last resort – the euro zone has none –, managing a national debt crisis would be easy and straightforward. The counter-argument that it would lead the ECB to monetize public debts, in sharp contrast with the statutes of this institution and its duty to reach price stability, is invalid: the ex-ante ability to monetize debt would reduce risk premia by eliminating self-fulfilling runs on national debts.
  • Ugo Panizza and Andrea Presbitero have shown that there is no convincing historical evidence that debt reduction leads to higher economic growth. Hence the statement that public debt reduction is a prerequisite to economic growth is at worse an assumption, at best a correlation, but in any case not a causal relation supported by data.
  • Twenty years of Japanese stagnation remind us that deflation is a deadly and durable trap. Under-activity pushes prices down slowly but surely. Paul Krugman and Richard Koo have shown how real expected interest rates feed a spiralling of deleveraging when deflation locks into prices expectation. If deleveraging extends to the banking sector, it adds a credit squeeze to the contraction.
  • One of the pernicious drawbacks of fiscal austerity is the destruction of human capital by long unemployment spells. Young cohorts entering now on the job market will undergo a problematic start and may never recover. The longer unemployment remains over its natural rate, the larger the frustration stemming from a bleak future will grow.
  • Beyond human capital, firms are the place where all sorts of capital are accumulated, ranging from social capital to immaterial assets such as R&D. Philippe Aghion and others have argued that this channel links short-term macroeconomic volatility to long-term growth potential. Moreover, in a competitive world, underinvestment in private R&D impairs competitiveness. Hence, austerity, by making output more volatile, has a negative long-term impact.
  • What is true for private immaterial assets is even truer for public assets, that is to say assets that generate flows of public goods that individual incentives fail to produce. Typically, so-called golden rules neglect such assets which are by their very nature hard to measure. As a result, the pursuit of quick deficit reduction is usually carried out at the expense of investment in assets which have a high social profitability and are essential to ensure a smooth transition to a low carbon economy.

Drawing on these facts, please let us suggest you a four-pronged strategy:

  1. You should argue that fiscal austerity is bad for both short-term and long-term growth and remind Mrs. Merkel that, as a result, it should be handled with the utmost care.
  2. Slowing down the pace at which austerity is imposed on EU countries is vital – both to reduce unemployment in the short-run and to maintain the long-run prosperity without which the reduction of debt-to-GDP ratios will be impossible.
  3. You should acknowledge that the fears of your predecessor were well-founded: in the absence of a lender of last resort or without debt mutualization, slowing down austerity does expose sovereign debt to the risk of rising interest rates by provoking the self-fulfilling anxiety of creditors. But the experience of the US shows that the best way to deal with this danger is to have a full-fledged central bank that can act as a lender of last resort. The Maastricht Treaty should be amended fast in that dimension. Endowing the ECB with growth as a second mandate is not essential.
  4. Mrs. Merkel is right that allowing the ECB to bail out States is a sure recipe for moral hazard. You should therefore agree, as a complement of the modification of ECB statutes, with her insistence that a Fiscal Compact governs Europe but you should strive for a Smart Fiscal Compact. This Smart Fiscal Compact should aim at enforcing the sustainability of public finances in a world where the long run is not given but depends on the short-run fiscal stance. It should draw its strength from legitimate European political institutions endowed with the power to control and enforce the commitment of each country to fiscal discipline. This task will require pragmatism and evidence-based economic policy – rather than budgetary numerology and simple-minded rules.

Failing to reduce deficits in Europe may end in a debacle. However, reducing them cold turkey is a sure recipe for disaster. Believing that old tricks like deregulating job markets will bring back economic growth lost in the recession is delusional, as the ILO warned in its last report. The possibility of brutal switches in economic or social trends rules out half-measures. The creeping build-up of long-term disequilibria requires prompt and decisive action in the short run. What is true for France is even truer for our main neighbors: the whole EU needs room for maneuver, and it needs it fast for the sake of its future.

Yours faithfully.

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[1] Jérôme Creel is deputy director of the Research Department, Xavier Timbeau is director of the Analysis and Forecasting Department, and Philippe Weil is president of OFCE.




A letter to President François Hollande

by Jérôme Creel, Xavier Timbeau and Philippe Weil [archivage et redirection]

[version française ; english version]




L’emprunt forcé : l’arme de destruction massive de la politique budgétaire

par Jean-Paul Fitoussi, Gabriele Galateri di Genola et Philippe Weil

Il est grand temps, pour rappeler les marchés à la réalité, de ressortir l’emprunt forcé de l’arsenal budgétaire/ Time is ripe for governments to take out of their fiscal armoury the weapon that has served them so well in war and peace alike: forced borrowing

Financial Times – 15 September 2011

http://www.ft.com/cms/s/0/b6850d0c-dec1-11e0-a228-00144feabdc0.html

Forced borrowing: the WMD of fiscal policy

By Jean-Paul Fitoussi, Gabriele Galateri di Genola and Philippe Weil

 

 

A spectre is haunting Europe – the spectre of sovereign default. All the powers of old Europe have entered into a holy alliance to exorcise this spectre: Brussels and Frankfurt, Angela Merkel and Nicolas Sarkozy, French socialists and German Christian Democrats. Churchillian doctors, they prescribe blood, sweat and tears – fiscal consolidation, tax increases and spending cuts. They swear, for the umpteenth time, that they will never surrender: Greece will be saved, Italy and Spain will not be abandoned and the rating of France will not be downgraded. In the face of adversity, they assure us that what cannot be achieved by austerity can be achieved by more austerity. An epidemic of holier-than-thou fiscal virtue is spreading throughout Europe and is fast transforming a series of uncoordinated fiscal retrenchments into a euro-wide contraction with dire implications for growth and employment.

To be sure, eurozone policymakers are in a maddening situation. The threat to monetise public debt, which in the old days could be waved by each country to remind investors it need not ever default outright, has been removed from national arsenals. No one knows for sure whether it will ever be brandished from Frankfurt or if European treaties even allow it. Eurobonds would have every economic merit but they hurt Germany which, having been left on its own to finance reunification, is understandably cold towards die Transfer-Union. Creating separate northern and southern euro areas would probably precipitate the end of the single market – and where would France fit? Wide-ranging fiscal reform designed to increase tax revenue equitably, while sorely needed, is a pipe dream: it requires elusive European co-ordination in an area in which the temptation to compete is strong and it is best done at its own pace – not under the pressure of fickle market sentiment or rising sovereign spreads.

Add to this powerlessness the terrifying failure of the old engine of European policymaking (putting the cart before the horse in the hope that the cart will conjure up the horse) and you will understand the ghoulish visions gripping our leaders. Monetary union has not begotten the expected fiscal union. Imposing, as a substitute, austerity plans from Brussels or Frankfurt, or racing to be first to impose “golden rule” constitutional strictures on parliaments that should remain sovereign in fiscal matters is stoking the fire of civil unrest. The English Civil War and American Revolution were ignited by much less. It would be wise to recall, as John Hampden did in contesting the Ship Money tax levied by Charles I, that what leaders have no right to demand, a citizen has a right to refuse.

Yet Europe’s fate is not sealed. The spectre of sovereign default and rising spreads in Italy, Spain, Belgium and other countries can be chased away in one fell swoop and the panic of contractionary fiscal policies can be stopped. National governments must simply take out of their fiscal armoury the weapon that has served them so well in war and peace alike: forced borrowing.

It consists in coercing taxpayers to lend to their government. California did this in 2009 when it added a premium to the income tax withheld from paychecks, to be repaid the following year. In France, the first Mitterand government forced rich taxpayers to fund a two-year bond issue – and both the US and UK have used moral suasion in patriotic sales of war bonds. Compulsory lending is an unconventional weapon but it is high time it be used, even on a small scale, to remind investors that sovereigns are not private borrowers: they need never default because they can always force-feed debt issues to their own residents.

Central banks have been bold and dared resort to unconventional policies to respond to the exceptional circumstances of this crisis. Large sovereign borrowers should be as defiant and intrepid. The invaluable asset of fiscal sovereignty guarantees that their public debt is completely risk-free in nominal terms. Investors who buy sovereign credit default swaps against the spectre of French or Italian default are wasting their money. Policymakers rushing to austerity should wake up from their nightmare and save growth and employment before it is too late.

Jean-Paul Fitoussi is former president and Philippe Weil is president of OFCE, the Observatoire français des conjonctures économiques in Paris. Gabriele Galateri di Genola is president of Generali. The views expressed are their own.

Copyright The Financial Times Limited 2011

 




Forced borrowing: the WMD of fiscal policy

By Jean-Paul Fitoussi, Gabriele Galateri di Genola and Philippe Weil

A spectre is haunting Europe – the spectre of sovereign default. All the powers of old Europe have entered into a holy alliance to exorcise this spectre: Brussels and Frankfurt, Angela Merkel and Nicolas Sarkozy, French socialists and German Christian Democrats. Churchillian doctors, they prescribe blood, sweat and tears – fiscal consolidation, tax increases and spending cuts. They swear, for the umpteenth time, that they will never surrender: Greece will be saved, Italy and Spain will not be abandoned and the rating of France will not be downgraded. In the face of adversity, they assure us that what cannot be achieved by austerity can be achieved by more austerity. An epidemic of holier-than-thou fiscal virtue is spreading throughout Europe and is fast transforming a series of uncoordinated fiscal retrenchments into a euro-wide contraction with dire implications for growth and employment.

To be sure, eurozone policymakers are in a maddening situation. The threat to monetise public debt, which in the old days could be waved by each country to remind investors it need not ever default outright, has been removed from national arsenals. No one knows for sure whether it will ever be brandished from Frankfurt or if European treaties even allow it. Eurobonds would have every economic merit but they hurt Germany which, having been left on its own to finance reunification, is understandably cold towards die Transfer-Union. Creating separate northern and southern euro areas would probably precipitate the end of the single market – and where would France fit? Wide-ranging fiscal reform designed to increase tax revenue equitably, while sorely needed, is a pipe dream: it requires elusive European co-ordination in an area in which the temptation to compete is strong and it is best done at its own pace – not under the pressure of fickle market sentiment or rising sovereign spreads.

Add to this powerlessness the terrifying failure of the old engine of European policymaking (putting the cart before the horse in the hope that the cart will conjure up the horse) and you will understand the ghoulish visions gripping our leaders. Monetary union has not begotten the expected fiscal union. Imposing, as a substitute, austerity plans from Brussels or Frankfurt, or racing to be first to impose “golden rule” constitutional strictures on parliaments that should remain sovereign in fiscal matters is stoking the fire of civil unrest. The English Civil War and American Revolution were ignited by much less. It would be wise to recall, as John Hampden did in contesting the Ship Money tax levied by Charles I, that what leaders have no right to demand, a citizen has a right to refuse.

Yet Europe’s fate is not sealed. The spectre of sovereign default and rising spreads in Italy, Spain, Belgium and other countries can be chased away in one fell swoop and the panic of contractionary fiscal policies can be stopped. National governments must simply take out of their fiscal armoury the weapon that has served them so well in war and peace alike: forced borrowing.

It consists in coercing taxpayers to lend to their government. California did this in 2009 when it added a premium to the income tax withheld from paychecks, to be repaid the following year. In France, the first Mitterand government forced rich taxpayers to fund a two-year bond issue – and both the US and UK have used moral suasion in patriotic sales of war bonds. Compulsory lending is an unconventional weapon but it is high time it be used, even on a small scale, to remind investors that sovereigns are not private borrowers: they need never default because they can always force-feed debt issues to their own residents.

Central banks have been bold and dared resort to unconventional policies to respond to the exceptional circumstances of this crisis. Large sovereign borrowers should be as defiant and intrepid. The invaluable asset of fiscal sovereignty guarantees that their public debt is completely risk-free in nominal terms. Investors who buy sovereign credit default swaps against the spectre of French or Italian default are wasting their money. Policymakers rushing to austerity should wake up from their nightmare and save growth and employment before it is too late.

Jean-Paul Fitoussi is former president and Philippe Weil is president of OFCE, the Observatoire français des conjonctures économiques in Paris. Gabriele Galateri di Genola is president of Generali. The views expressed are their own.

Copyright The Financial Times Limited 2011