Pigeons : comment imposer le revenu des entrepreneurs ? (2/2)

Par Guillaume Allègre et Xavier Timbeau

Après avoir proposé dans le projet de loi de finances 2013 d’imposer les gains de cession de valeurs mobilières au barème progressif de l’IR,  et non plus à un taux proportionnel de 19%, le gouvernement a promis de corriger sa copie, sous la pression d’un groupe d’entrepreneurs qui s’est mobilisé sur le web sous le hashtag #geonpi (pigeons). Un amendement proposé par le gouvernement prévoit une dérogation à l’imposition au barème sous condition de durée de détention (2 ans), de pourcentage de détention des titres (10% des droits de vote) et d’activité salariée ou dirigeante. Les entrepreneurs resteraient ainsi soumis à l’imposition au taux proportionnel de 19%. Dans un premier billet, nous avons décrit comment les plus-values devaient être imposées de manière à respecter l’équité avec les revenus du travail. En quoi la situation des entrepreneurs et des personnes possédant une part significative du capital d’une entreprise justifie-t-elle une prise en compte particulière des gains de cession de valeurs mobilières ?

A première vue, l’imposition conjointe des revenus du capital et du travail est particulièrement pertinente pour les entrepreneurs qui peuvent choisir de se rémunérer soit sous forme de salaires, soit, de façon différée sous forme de plus-values de cession. Dans ce contexte, la neutralité de l’impôt est équitable et efficace dans la mesure où elle ne distord pas le choix de l’entrepreneur.

Les défenseurs d’un traitement spécifique de l’entreprenariat avancent plusieurs arguments.  (1) L’entreprenariat apporte une forte externalité positive en termes d’innovation, de croissance et l’emploi. (2) Les entrepreneurs sont méritants (ils travaillent dur et prennent des risques). (3) Le risque pris par les entrepreneurs est non-diversifiable. Ils ne peuvent pas compenser leurs moins-values et plus-values, l’imposition des plus-values seules réduit le rendement ex-ante de l’entreprenariat, et donc le nombre d’entrepreneurs, la croissance et l’emploi.

Les contre-arguments à ces arguments sont :

(1)   L’impôt sur le revenu est un mauvais instrument pour prendre en compte les externalités : à ce jeu-là, les chercheurs, les professeurs, les travailleurs sociaux, les médecins, et en général toutes les professions dans les activités produisant des externalités (santé, éducation, culture, etc.) pourraient prétendre à un avantage fiscal (les journalistes ont réussi à conserver le leur) ; il est donc à craindre, dans ce contexte, que l’avantage fiscal reflète plus le pouvoir d’influence que l’externalité économique.

(2)   Du point de vue de l’équité, il n’y a pas de raison de traiter différemment le revenu risqué des entrepreneurs et les revenus du travail. Un jeune sans réseau qui s’engage dans des études longues prend également un risque : comme l’entrepreneur, il renonce à un salaire immédiat pour un revenu futur incertain (il peut échouer dans ces études, choisir une filière peu porteuse…). Le revenu de l’entrepreneur tient déjà compte du risque et de l’effort : c’est parce que l’entreprenariat est une activité risquée et demandant des efforts qu’elle est potentiellement rémunératrice. Les pouvoirs publics ne peuvent pas – et ne devraient pas – distinguer la part de revenu (du travail ou du capital) qui provient du risque, de l’effort, du talent, de celle qui provient du hasard, du réseau social, et des circonstances. Enfin, tenir compte du risque, en récompensant ceux qui ont la chance de sortir gagnants (ceux qui ont des plus-values) relève d’une vision particulière de l’équité : en présence de hasard, l’équité préconise de compenser les perdants, plutôt que d’abonder la récompense des gagnants.

(3)   En termes d’efficacité, en présence d’un aléa, compenser les perdants agit comme une assurance, ce qui incite à la prise de risque. Domar et Musgrave (1944) soulignaient déjà que l’imposition proportionnelle des revenus de l’entreprise encourageait à la prise du risque entrepreneurial. Ce résultat repose sur l’hypothèse d’un impôt négatif lorsqu’il y a des pertes, de sorte que l’Etat se comporte comme un partenaire solidaire. Si cette hypothèse est justifiée pour les grands groupes qui peuvent consolider les gains et les pertes de leurs filiales et/ou reporter en avant certaines pertes, elle est moins légitime pour les entrepreneurs qui ne peuvent pas diversifier les risques qu’ils prennent. La société à responsabilité limitée, la limitation des biens que l’entrepreneur peut gager, la possibilité de pouvoir refuser un héritage et donc que les dettes éventuelles (y compris fiscales et sociales) des entrepreneurs confrontés à l’échec peuvent alors être effacées (alors que les éventuels actifs, en cas de succès, peuvent être transmis) sont autant de dispositifs favorisant la prise de risque individuelle. Un régime plus favorable d’imputation et de report en avant des déficits et moins-values de cession pour les entrepreneurs et individus détenteurs d’une part significative d’une entreprise pourrait renforcer ces possibilités et accroître les incitations à entreprendre.

Les entrepreneurs doivent pouvoir bénéficier d’un environnement juridique et administratif simple et accessible. Les pouvoirs publics peuvent renforcer l’écosystème entrepreneurial  en rapprochant entrepreneurs, financiers (notamment la Banque publique d’investissement), incubateurs et laboratoires de recherches.

Ex-post, du point de vue de l’équité comme de l’efficacité, ce sont les entrepreneurs qui échouent, et non ceux qui réussissent, qu’il faut aider via des lois sur la faillite personnelle, l’indemnisation chômage, et  des régimes favorables de déductibilité et report en avant des déficits. Les subventions implicites à ceux qui réussissent, via l’impôt sur le revenu, alors que les récompenses sont déjà potentiellement extrêmement importantes, relèvent au contraire d’une forme de darwinisme social.

 




Pigeons : comment imposer les plus-values mobilières (1/2)

Par Guillaume Allègre et Xavier Timbeau

Après avoir proposé dans le Projet de loi de finances 2013 d’imposer les gains de cession de valeurs mobilières au barème progressif de l’IR,  et non plus à un taux proportionnel de 19 %, le gouvernement a promis de corriger sa copie, sous la pression d’un groupe d’entrepreneurs qui s’est mobilisé sur les réseaux sociaux sous le hashtag #geonpi (« pigeons »). Un amendement au projet de loi a été voté en ce sens. Nous discutons ici de l’imposition équitable des plus-values mobilières. Dans un second billet, nous discuterons de la spécificité de l’entreprenariat.

Le projet de loi de finances traduit l’engagement de François Hollande de réaliser une grande réforme fiscale afin de rendre la contribution de chacun plus équitable : « les revenus du capital seront imposés comme ceux du travail » (engagement 14 des 60 engagements pour la France). Lorsque le capital résulte de l’épargne de revenus du travail et qu’il a été rémunéré à un taux « normal », sa taxation présente un défaut de double imposition et peut paraître discutable. Il faut cependant noter que dans une économie financiarisée, les revenus du capital ne sont pas que la conséquence d’une épargne mais également le résultat direct d’une activité (voir le numéro 122 de la revue de l’OFCE dédié à la réforme fiscale et en particulier Allègre, Plane, Timbeau : « Réformer la fiscalité du patrimoine ?»). En ce sens, les revenus du capital procèdent de la faculté contributive des ménages, au même titre que les revenus du travail. L’imposition progressive sur le revenu doit donc s’appuyer sur l’intégralité des revenus, qu’ils proviennent du capital ou du travail, afin de respecter le principe d’équité horizontale « à revenu égal, impôt égal ».

Concernant les gains de cession, seule la variation de la valeur réelle du capital peut être considérée comme un revenu : si la valeur d’un bien a augmenté au même rythme que l’inflation, la plus-value nominale même positive ne couvre pas le coût implicite de détention. Le projet de loi prévoyait que les plus-values des cessions bénéficient d’un abattement en fonction de la durée de détention, copié sur celui s’appliquant aux plus-values immobilières. L’amendement réduit les durées de détention par rapport au texte initial :

– les gains de cession imposables au barème de l’impôt sur le revenu « sont réduits d’un abattement égal à :

a) 20 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins deux ans et moins de quatre ans à la date de la cession ;

b) 30 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de six ans à la date de la cession;

c) 40 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins six ans.

 

Ce type d’abattement sur la plus-value nominale est un mauvais instrument pour tenir compte de l’inflation [1] : si la variation de la valeur réelle du capital est nulle alors l’imposition doit être nulle (il n’y a pas de revenu réel), alors qu’un abattement ne fera que la réduire ; au contraire, si la variation de la valeur réelle du capital est très largement supérieure à l’inflation, l’abattement sera trop favorable ; l’abattement est forfaitaire par palier, alors que la hausse des prix est un phénomène continu. Au moins, l’abattement n’atteint pas 100%, ce qui est encore le cas pour les plus-values de cession immobilières, totalement exonérées de plus-values après 30 ans de détention. Un bon système n’appliquerait pas d’abattement à la plus-value nominale, mais actualiserait le prix d’achat par un indice reflétant la hausse des prix, ce qui permet de déterminer la variation de valeur réelle du patrimoine.

Exemples : un bien est acheté en janvier 2000, pour une valeur de 100. Il est revendu 200 en janvier 2011. La plus-value nominale est de 100. L’abattement de 40% s’applique et donc dans le système proposé par le gouvernement, la taxation portera sur 60, intégré dans l’impôt sur le revenu. La variation de la valeur réelle du capital est de 79, ce qui est la base la plus justifiée pour la taxation (on ne s’intéresse pas ici au taux de taxation mais à la base taxable).

Si au contraire, en janvier 2011, le bien est revendu 120, le montant retenu par le système d’abattement est de 8 alors que la variation de la valeur réelle du capital  est de -1 ;

Le tableau suivant représente la base d’imposition suivant le système d’abattement et la variation de la valeur réelle du capital (entre parenthèses) en fonction de la valeur de revente  et de la date d’acquisition pour un bien acquis pour une valeur de 100 et vendu en 2012.

 

Note de lecture : Pour un bien acheté 100 en 1990 et revendu 110 en 2012, la base d’imposition après abattement de 40% est de 6 alors que la variation de la valeur réelle du capital est de -36, compte tenu de l’inflation. Alors que le revenu économique est négatif (il y a perte de pouvoir d’achat), avec le système d’abattement, l’assiette fiscale augmente. Pour un bien acheté 100 en 2005 et revendu 250 en 2012, la base d’imposition après abattement est de 90 alors que la variation de la valeur réelle du capital est de 138 : le système d’abattement est très favorable lorsque la plus-value est importante.

La base d’imposition devrait être la plus-value compte tenu de la taxe inflationniste (variation de la valeur réelle du capital). Mais il ne faut pas pour autant soumettre directement cette base fiscale au barème progressif. Les gains de cession sont en effet différés et doivent subir une imposition équivalente à un revenu régulier durant toute la période de détention. Le lissage par un système de quotient qui dépend de la durée de détention répond à ce point. Un tel système consiste à diviser ce revenu par le nombre d’années de détention[2], d’appliquer le barème progressif à ce « revenu régulier équivalent », en ajoutant les autres revenus de l’année courante du foyer, puis à multiplier l’augmentation de l’imposition liée au revenu exceptionnel par le nombre d’années de détention[3]. Une alternative est d’imposer les plus-values de cession à un taux constant égal au principal taux marginal (30 %, auquel il convient d’ajouter la CSG).

A ces quelques remarques, il faut ajouter les points suivants :

  • Les systèmes de compensation générale entre plus-values et moins-values pendant une période longue (aujourd’hui 10 ans) permettent de tenir compte des risques et des possibilités de pertes, au moins pour les investisseurs diversifiés ;
  • Les revenus du travail pouvant être facilement convertis en revenus du capital (par le biais d’instruments financiers divers, de structures de portage), aligner les deux impositions permet de limiter les tentations d’optimisation fiscale qui ouvrent la voie à l’évasion fiscale ;
  • A ce titre, une Exit Tax, assise sur les plus-values latentes, permet de minimiser l’intérêt à l’exil fiscal, croissant avec les plus-values accumulées et la fiscalité potentielle ;

Les donations, notamment lorsqu’elles se font hors droits de succession, ne devraient pas permettre d’effacer les plus-values, comme c’est le cas aujourd’hui. Cette disposition, qui avait pour objectif initial d’éviter une double imposition, permet aujourd’hui d’échapper complètement à l’impôt.


[1] Ajouté le 09/11/2012 : Ce n’est pas non plus un bon instrument pour tenir compte de la double imposition (Impôt sur les sociétés et Impôt sur le revenu). En effet, contrairement à la distribution de dividendes qui nécessite d’avoir réalisé des bénéfices avant de les distribuer, les plus-values ne correspondent pas entièrement à des profits non-distribués. Le prix de vente ne reflète pas non plus nécessairement la charge future de l’IS (ce qui est le cas si l’acquéreur réussit à échapper à l’impôt via de l’optimisation fiscale). Comme il n’y a pas nécessairement double imposition, un système d’abattement universel ne peut pas répondre équitablement à ce problème. En présence d’optimisation fiscale et de taux d’IS effectivement payés par les entreprises très hétérogènes, seul un système d’avoir fiscal permet de répondre au problème de double imposition.

[2] En se basant sur l’équivalence de traitement fiscal pour un revenu régulier et un revenu exceptionnel, il apparaît que la division se fait par un coefficient qui dépend du taux d’intérêt. En pratique, pour des taux d’intérêt faibles, ce coefficient est égal au nombre d’années de détention.

[3] Ce calcul est équivalent à l’imposition au fil de l’eau si les revenus courants du foyer sont représentatifs de ses revenus (hypothèse de revenus réguliers) pendant la durée de détention et si le barème de l’impôt est relativement stable.

 




Taxes on wealth: what kind of reform?

By Guillaume Allègre, Mathieu Plane and Xavier Timbeau

Why and how should wealth be taxed? Are France’s wealth taxes fair and efficient? In an article entitled, “Reforming the taxation of wealth?”, published in the special Tax Reform issue of the Revue de l’OFCE [in French], we examine these issues and propose some possible ways to reform the taxation of wealth.

We show that in recent years real economic income from capital has been very substantial. The visible income from capital (interest, dividend, rents received, etc.) exists alongside less visible income (capital gains net of the consumption of fixed capital and inflationary tax). As only a portion of potential capital gains are realized, this less visible income forms a significant part of average personal income. Between 1998 and 2010, despite two financial crises, capital gains increased real per capita income by an annual average of 12% (33% on average from 2004 to 2007). This growth was due in large part to the sharp rise in property prices.

We also show that the actual tax rate on income from wealth is low, even though the nominal interest rates on capital income are high, and the tax rate on income that is actually taxed is even higher due to not taking into account inflationary tax in the calculation of taxes [1]. After taking into account all taxation based on household wealth, including wealth which is held (“ISF” wealth tax, property tax) or which is passed on (property transaction taxes i.e. “stamp duty”) and income from wealth (income tax, “CSG” wealth tax, etc.), the actual rate of taxation on economic income from capital [2] comes to an average of 11.1%. This low rate for the actual taxation of capital income is due to the fact that a large portion of this income fully or partially escapes taxation: real property gains on principal residences are totally exempt, and secondary residences are partly exempt; the housing enjoyed by owner-occupiers (“imputed rent”) is not taxable, even though, net of interest, it constitutes income; gifts serve to “purge” any capital gains, even when these are not taxed (there is a tax allowance of 159,000 euros per child for gifts to direct heirs, which is renewable every ten years); and some financial income avoids income tax (life insurance, tax-exempt bank accounts, etc.).

Next we discuss possibilities for reform that would lead to taxing all income from wealth. We believe that income from wealth (net increased income from wealth) should be taxed in the same way as labour income. This principle is fair (in the sense that households are then taxed on their contributory capacity, regardless of the source of their income), and it would also help to combat tax avoidance. In an increasingly financialized economy, the interface between labour income and capital income has become porous. Taxing capital income differently opens the door to tax schemes. Any reform of wealth taxation should make it a priority to tax all real capital gains, in particular real property gains, which currently are subject to specific rules. In addition, since property is a fixed asset, the existing rules cannot be justified as due to tax competition in Europe. They are occasionally defended based on the need to take account of inflation or due to the unique character of the principal residence. But taking inflation into account cannot justify the total exemption of real property gains on secondary residences after they have been held for a certain time (currently 30 years, previously 22 years): not only does the exemption on capital gains seem unfair, but it can also prompt some households to keep their property, in particular during speculative bubbles. Furthermore, the specific character of property cannot be invoked once there has been a definitive withdrawal from the market. The taxation of realized capital gains, net of inflation, of the consumption of fixed capital and of renovation costs, would thus be preferable to a system of allowances based on the period of ownership. This could take place when the sale is not followed by another purchase – so as not to penalize mobility – and during inheritance (taxation of unrealized gains, before calculating inheritance tax). The taxation of real property gains upon a definitive withdrawal from the market could gradually replace the system of property transaction taxes or “stamp duty”, which would promote mobility and greater horizontal fairness.

In light of these arguments, what do we make of the proposals by the new French President François Hollande with regard to the taxation of wealth? He proposes (1) to tax capital income at the same rate as labour income is taxed; (2) to roll back the tax breaks on the ISF wealth tax and to raise the rate of taxation on the top income brackets; and (3) to reduce the inheritance tax allowance from 159,000 euros per child to 100,000 euros (it was raised from 50,000 euros to 150,000 euros in 2007).

(1) The first point would also involve eliminating the flat-rate withholding tax and the various tax loopholes that permit tax avoidance. It is similar to our proposals, so long as the income subject to tax takes into account inflationary tax and the consumption of fixed capital. This kind of proposal would involve taxing imputed rent, which constitutes an imputed income from capital. Nevertheless, given the difficulty of estimating the tax base, imputed rent has not been taxed since 1965 (see the article by Briant and Jacquot). One solution to this difficulty is to permit renters and first-time buyers to deduct their rent or loan interest payments from their taxable income, while increasing the average income tax rate to offset this.

(2) The second point departs from our proposals, but the ISF tax offers one solution for taxing large estates bit by bit, even when they do not procure any taxable income (when there are unrealized capital gains but an absence of dividends or earned rent, for example). In a situation like this, the ISF tax makes sense only if it is not capped based on the taxable income (or a similar notion). The ISF tax on wealth makes even more sense when the actual yields, including the unrealized gains on the assets, are not very heterogeneous (but it is then equivalent to a tax on the income from the assets) or when the supervision of the asset owners can improve their yields (taxation based on holding the wealth, and not on income, then serves as an additional incentive “to owners to ‘activate’ their estate,” in the words of Maurice Allais). In contrast, if the asset yields are heterogeneous and strong incentives to optimize the wealth already exist, then a tax on the income from the wealth is preferable from the viewpoint of fairness and not undermining economic efficiency.

(3) Higher inheritance taxes seem legitimate from the perspective of equal opportunity. We feel, however, that this should go further, at least by eliminating the purge of capital gains, in particular when the goods have been exempted from inheritance tax.

* This text is taken from the article Reforming the taxation of wealth? published in the special Tax Reform issue of the Revue de l’OFCE, available on the OFCE website.


[1] As Henri Sterdyniak points out: “It is thus erroneous to claim that capital income is taxed at a lower rate. When it is actually taxed, this is at higher rates.”

[2] Defined as the ratio between the sum of taxes based on wealth and the net increased income from the wealth after having subtracted the consumption of fixed capital and inflationary tax.

 




On the taxation of household income and capital

By Henri Sterdyniak

The idea is very widespread that in France unearned income benefits from an especially low level of taxation and that the French system could be made fairer by simply raising this level. In an OFCE Note, we compare the taxation on capital income with that on labour income, and show that most of it is taxed just as highly. The reforms adopted in 2012 further increase the taxation of capital income. So there is little room for manoeuvre. However, there are tax loopholes and a few exceptions, the most notable being the current non-taxation of imputed rent (which benefits households that own their own residence).

The table below compares the marginal tax rates for different types of income. The effective economic tax rates (including the “IS” corporate income tax, non-contributory social charges, the CSG wealth tax, social security taxes) are well above the posted rates. The interest, rental income, dividends and capital gains that are taxed are taxed at approximately the same level as the highest salaries. It is therefore wrong to claim that capital income is taxed at reduced rates. When it is actually taxed, this is at high levels.

The official tax rate on capital income increased from 29% in 2008 to 31.3% in 2011 due to a 1.1 percentage point increase in payroll taxes to finance the RSA benefit, a 1 point increase in withholding tax and a 0.2 point increase to fund pensions. The government has financed the expansion of social policy by taxing capital income. This rate will increase to 39.5% (for interest) and to 36.5% for dividends on 2012 income.

Should we advocate a radical reform: submission of all capital income to the tax schedule on personal income? This might be justified for the public image (to show clearly that all income is taxed similarly), but not on purely economic grounds.

With respect to interest income, this would mean ignoring the inflation rate. The 41% bracket would correspond to a levy of 108% on the real income of an investment remunerated at 4% with an inflation rate of 2%. For dividends, one must not forget that the income in question has already paid the “IS” tax; the 41% bracket (by eliminating the 40% allowance) would correspond to a total tax of 70%. We must make a policy choice between two principles: a single economic tax rate for all income (which paradoxically would lead to preserving a special tax on capital income) or higher taxation on capital income, since this goes mostly to the better-off and is not the fruit of effort (which paradoxically would lead to subjecting it to the same tax schedule as labour income, while forgetting the IS tax and inflation).

The problem lies above all in schemes that allow tax avoidance. For many years, the banks and insurance companies managed to convince the public authorities that it was necessary to make income from household financial capital tax exempt. Two arguments were advanced: to prevent the wealthy from moving their capital abroad; and to promote long-term savings and high-risk savings. Exemptions were thus made for PEA funds, PEP funds, and UCITS mutual funds. Governments are gradually pulling back from these exemptions. Two principles should be reaffirmed: first, all capital income should be subject to taxation, and tax evasion should be combated by European  agreements on harmonizing tax systems; and second, it is the responsibility of issuers to convince investors of the value of the investments they offer – the State should not fiscally favour any particular type of investment.

There remains the possibility that wealthy families will succeed in avoiding taxes on capital gains through donations to children (alive or upon their death) or by moving abroad before taxation takes place. Thus, a wealthy shareholder can hold his securities in an ad hoc company that receives his dividends and use the company securities as collateral for loans from the bank, which then provides him the money needed to live. The shareholder thus does not declare this income and then passes on the company securities to his children, meaning that the dividends and capital gains he has received are never subjected to income tax.

The other black hole in the tax system lies in the non-taxation of imputed rent. It is not fair that two families with the same income pay the same tax if one has inherited an apartment while the other must pay rent: their ability to pay is very different.

Two measures thus appear desirable. One is to eliminate all schemes that help people avoid the taxation of capital gains, and in particular to ensure the payment of tax on any unrealized capital gains in the case of transmission by inheritance or donation or when moving abroad. The second would be gradually to introduce a tax on imputed rent, for example by charging CSG / CRDS tax and social security contributions to homeowners.

Having done this, a policy choice would be needed:

–         Either to eliminate the ISF wealth tax, as all income from financial and property capital would clearly be taxed at 60%.

–         Or to consider that it is normal for large estates to contribute as such to the running costs of society, regardless of the income the estates provide. With this in mind, the ISF tax would be retained, without comparing the amount of the ISF to the income from the estate, since the purpose of the ISF would be precisely to demand a contribution from the assets themselves.

 

 




De l’imposition des revenus et du capital des ménages

par Henri Sterdyniak

L’idée qu’en France les revenus du patrimoine bénéficieraient d’une fiscalité particulièrement faible de sorte qu’il serait possible de rendre le système français plus équitable en augmentant leur imposition est très répandue. Dans une note de l’OFCE, nous comparons la fiscalité portant sur les revenus du travail et celle portant sur les revenus du capital. Nous montrons que la plupart des revenus du capital sont autant imposés que les revenus du travail. Les réformes décidées pour 2012 augmentent encore la taxation des revenus du capital. Les marges de manœuvre sont faibles. Il existe cependant des niches fiscales et quelques exceptions, la plus notable aujourd’hui étant la non-imposition des loyers implicites (ceux dont bénéficie le ménage qui possède son logement).

Le tableau compare les taux d’imposition marginaux des différents types de revenus. Les taux économiques (intégrant IS, cotisations non contributives, CSG, prélèvements sociaux) sont nettement supérieurs aux taux affichés. Les intérêts, les revenus fonciers, les dividendes et les plus-values taxées sont approximativement imposés comme les salaires les plus élevés. Il est donc erroné de prétendre que les revenus du capital sont taxés à des taux réduits. Quand ils sont effectivement taxés, ils le sont à des taux élevés.

Le taux d’imposition affiché des revenus du capital a augmenté de 29 % en 2008 à 31,3 % en 2011 du fait de la hausse de 1,1 point du taux des prélèvements sociaux pour financer le RSA, de 1 point du taux de prélèvement libératoire et de 0,2 point du taux de prélèvement sociaux pour financer les retraites. Le gouvernement a financé l’extension de la politique sociale en taxant les revenus du capital. Ce taux passera à 39,5 % (pour les intérêts), à 36,5% pour les dividendes sur les revenus de 2012.

Faut-il préconiser une réforme radicale : la soumission de tous les revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu ? Ceci peut être justifié pour des raisons d’affichage (bien montrer que tous les revenus sont pareillement imposés), mais pas sur le plan purement économique.

En ce qui concerne les revenus d’intérêts, ce serait oublier le taux d’inflation. La tranche de 41 % correspondrait à un prélèvement de 108 % sur le revenu réel d’un placement rémunéré à 4 % pour un taux d’inflation de 2 %. Pour les dividendes, ce serait oublier que les revenus concernés ont déjà payé l’IS ; la tranche de 41 % (en supprimant l’abattement de 40%) correspondrait ainsi à une imposition total de 70 %. Il faut effectuer un choix politique entre deux principes : un même taux de taxation économique pour tous les revenus (qui amènerait paradoxalement à conserver une fiscalité spécifique pour les revenus du capital) et une taxation plus forte des revenus du capital puisque ceux-ci sont surtout reçus par les plus aisés et ne sont pas les fruits de l’effort (qui amènerait paradoxalement à les traiter selon le même barème que les revenus du travail, en oubliant IS et inflation).

Le problème réside surtout dans les dispositifs qui permettent d’échapper à la taxation.  Pendant de longues années, les banques et les sociétés d’assurances avaient réussi à convaincre les pouvoirs publics qu’il fallait détaxer les revenus du capital financier des ménages. Deux arguments étaient utilisés : éviter que les plus riches placent leurs capitaux à l’étranger ; favoriser l’épargne longue et l’épargne à risque. C’est ainsi qu’avaient été exonérés les PEA, le PEP, les OPCVM de capitalisation. Les gouvernements sont progressivement revenus sur la plupart de ces dispositifs. Deux principes devraient  être réaffirmés : d’une part, tous les revenus du capital doivent être soumis à taxation, l’évasion fiscale devant être combattue par les accords européens d’harmonisation de la fiscalité ; d’autre part, c’est aux émetteurs de convaincre les épargnants de l’intérêt des placements qu’ils proposent, l’Etat n’a pas à favoriser fiscalement telle ou telle forme de placement.

Reste la possibilité qu’utilisent les familles aisées d’échapper à la taxation des plus-values par la donation aux enfants (en vie ou au moment du décès) ou par le départ à l’étranger avant leur réalisation. Ainsi, un riche actionnaire peut loger ses titres dans une société ad hoc qui reçoit ses dividendes, utiliser les titres de cette société comme caution pour obtenir des prêts de sa banque qui lui fournissent les sommes dont il a besoin pour vivre et ainsi ne pas déclarer de revenu ; puis léguer les titres de cette société à ses enfants, de sorte que les dividendes et les plus-values dont il a bénéficié ne sont jamais imposées à l’IR.

L’autre trou noir de la fiscalité réside dans la non-imposition des loyers implicites. Il n’est pas juste que deux familles de même revenu payent le même impôt si l’une a hérité d’un appartement et l’autre doit payer un loyer : leur capacité contributive est très différente

Deux mesures apparaissent donc souhaitables. La première consisterait à supprimer tous les dispositifs qui permettent d’échapper à la taxation des plus-values, en particulier faire payer l’impôt sur les plus-values latentes en cas de transmission par donation et héritage ou de départ à l’étranger. La deuxième serait d’introduire progressivement une taxation des loyers implicites, par exemple en faisant payer la CRDS-CSG et les prélèvements sociaux aux propriétaires de leur logement.

Ceci fait, il faudra faire un choix politique :

–         Soit supprimer l’ISF, puisque tous les revenus du capital financier et foncier seraient bien taxés à  60 %.

–         Soit considérer qu’il est normal que les patrimoines élevés contribuent en tant que tels aux frais de fonctionnement de la société, indépendamment des revenus qu’ils procurent. Dans cette optique, il faut maintenir l’ISF et ne pas comparer le montant de l’ISF au revenu du patrimoine dans la mesure où le but de l’ISF est précisément de mettre à contribution les patrimoines eux-mêmes.