Cotisations sociales des salariés et des non-salariés : vers la divergence ?

par Henri Sterdyniak

Dans le cadre de la
réforme des retraites, le gouvernement envisage de réduire l’assiette de la
CSG-CRDS payé par les non-salariés, à la fois pour compenser la hausse des
cotisations retraites et pour faire converger l’imposition des salariés et des
non-salariés. Ces deux objectifs sont-ils compatibles ? Nous montrerons
ici que non.



La comparaison des taux de
cotisations sociales entre salariés et non-salariés est particulièrement
délicate : les taux affichés diffèrent, mais aussi l’assiette (le salaire
brut versus le revenu professionnel).
Les barèmes de réduction des cotisations se font à des niveaux différents
(tableau 1). Enfin les droits à prestations ne sont pas les mêmes. La
comparaison a été rendue encore plus délicate par le remplacement de
cotisations salariés, chômage et maladie de remplacement, par la CSG.

Actuellement, les
cotisations sont basées sur le salaire brut pour les salariés, sur le revenu
moins les cotisations (dit revenu professionnel) pour les non-salariés. La
distinction cotisations salariales / cotisations patronales n’a guère de sens
économique à long terme et repose sur des évolutions historiques. Les seules
notions pertinentes sont celles de salaire extra-brut et de salaire net. Pour
les non-salariés, cette distinction n’existe pas ; on calcule un revenu
professionnel en soustrayant les cotisations et la CSG déductible du revenu
global, ce qui a le défaut d’introduire une certaine circularité. La CSG-CRDS
est basée sur le salaire brut pour les salariés, tandis qu’elle l’est sur le
revenu global pour les non-salariés, incluant donc les cotisations. Le
gouvernement envisage de réduire l’assiette de la CSG-CRDS pour les
non-salariés pour compenser la hausse de leur cotisation retraite (article 21
du Projet de loi de réforme des retraites). 
Les cotisations des non-salariés comme leur CSG-CRDS seraient basées sur
leur revenu après un abattement de 30 %. Ceci va-t-il dans le sens de la
convergence des prélèvements ? 

Nous allons comparer les
cotisations portant sur un salarié et un membre d’une profession libérale, en
assimilant le salaire extra-brut (y compris cotisations employeurs) des
salariés et le revenu des professionnel (avant cotisations), ceci pour deux
niveaux de revenu, moyen et supérieur : un salaire brut de 2 500 euros
correspondant à un revenu de 42 000 euros pour le professionnel ; un
salaire brut de 6 000 euros correspondant à un revenu de 100 000 euros
pour le professionnel.

On peut d’abord constater
que le rapport entre revenu professionnel et revenu, salaire brut et salaire
extra-brut est proche de 70 %, actuellement, pour les deux niveaux de
revenus, de sorte que la simplification envisagée par le gouvernement de fixer
le revenu professionnel à 70 % du revenu pour les non-salariés n’induit
pas d’effets majeurs.

Les tableaux 2 et 3
montrent qu’effectivement les non-salariés paient actuellement plus de CSG-CRDS
que les salariés. Introduire un abattement de 30 % apparaît donc
justifiable. Par contre, les cotisations non-contributives (maladie, famille,
dépendance, logement, transport) sont nettement plus fortes pour les salariés.
De sorte que globalement, les impositions ne rapportant pas de droits
spécifiques ont un poids identique pour les salariés et les non-salariés (voir
ligne 5 des tableaux) au niveau d’un revenu extra-brut de 42 000 euros (2 500
euros de salaire brut mensuel) et ont un poids plus élevé pour le salarié au
niveau du revenu extra-brut de 100 000 euros (6 000 euros de salaire
brut mensuel).

Les salariés paient
actuellement plus de cotisations contributives que les non-salariés. Ceci est
justifié puisqu’ils bénéficient de prestations chômage et accident du travail
que n’ont pas les non-salariés ; ils bénéficient aussi de prestations
retraites plus généreuses.

La réforme des retraites
n’augmente guère les cotisations des salariés (la hausse est de 0,35 point en
dessous du Pass, de 1,12 point au-dessus). Par contre, elle augmente fortement
les cotisations des non-salariés (de 24,75 à 28,12 % en dessous du Pass,
de 8,6 à 12,94 %, au-dessus). Comme le montrent les tableaux 2 et 3, la baisse envisagée
de la CSG-CRDS, permet finalement de réduire le poids des cotisations sur les
non-salariés (de 0,62 point pour le revenu moyen, de 1,1 point pour le revenu
supérieur).

Ainsi, la hausse des
cotisations contributives des non-salariés est compensée par une baisse de
leurs impositions non-contributives (via
la baisse de la CSG-CRDS, mais aussi la baisse de l’assiette des cotisations
pour les plus hauts revenus), de sorte que l’écart se creuse avec les salariés.
Or, les cotisations contributives ouvrent des droits dépendant des cotisations,
tandis que la CSG-CRDS comme les cotisations non-contributives sont des
prélèvements qui n’ouvrent aucun droit et qui doivent donc être les mêmes entre
contribuables à revenu donné. En fait, les écarts de taux d’imposition se
creusent :  de 5,46 à 8,8 points
(revenu moyen) ; de 3,43 à 10,16 points (haut revenu). Cela ne va pas dans
le sens de la convergence.

Par ailleurs, la mesure de
rééquilibrage se traduit par une baisse des ressources de la CSG-CRDS au
détriment de l’équilibre financier des branches de la Sécurité sociale, autres
que la retraite.

Au total, le souci de ne pas augmenter des cotisations des non-salariés écarte de l’objectif d’équité entre non-salariés et salariés. On peut estimer qu’il est nécessaire de soutenir les non-salariés, dont l’activité est souvent fragile.  On peut estimer, en sens inverse, que la baisse de la CSG sur les non-salariés devrait s’accompagner, dans un souci de neutralité, d’une hausse de leurs cotisations maladie et famille, en particulier pour les hauts revenus.