La dérive du chômage des seniors se poursuit au mois d’août

Département Analyse et Prévision (Équipe France)

Les chiffres du mois d’août 2015 publiés par Pôle Emploi font apparaître, après deux mois de relative stabilité, une hausse significative du nombre de personnes inscrites en catégorie A (+20 000), soit 156 000 demandeurs d’emploi de plus sur un an. Si ce chiffre est incontestablement décevant, il faut toutefois rappeler l’incertitude entourant les évolutions mensuelles des inscriptions à Pôle Emploi. Malgré la baisse des inscrits en catégories B et C au cours du dernier mois (- 11 600), le nombre de demandeurs d’emploi ayant fait des actes positifs de recherche d’emploi a cru de près de 332 000 depuis août 2014. 

Ce chiffre nuance la publication du taux de chômage au sens du Bureau International du Travail (BIT) qui donne une image moins négative en apparence du marché du travail français. En effet, cette statistique indique une légère baisse du taux de chômage au 1er semestre (-0,1 point) largement imputable à une baisse de la population active (-0,2 point).

Au-delà du chiffre global, la publication du mois d’août confirme les divergences observées au sein des différentes classes d’âge. Alors que le nombre d’inscrits de 50 ans ou plus en catégorie A à Pôle Emploi était inférieur à celui des moins de 25 ans jusqu’en septembre 2010, les séniors au chômage sont désormais 330 000 de plus que les jeunes au chômage (graphique). Le creusement de cet écart depuis 2010 résulte de plusieurs facteurs.  La montée en charge des réformes de retraite successives (2003, 2010), couplées à la suppression des dispenses de recherche d’emploi pour les séniors, a conduit à un allongement de la durée d’activité et à un recul de l’âge légal de départ à la retraite. Dans un contexte de faible croissance, la hausse du taux d’emploi des séniors a été insuffisante pour absorber la dynamique de population active de cette classe d’âge, avec pour conséquence une hausse du chômage des plus de 50 ans. En revanche, la faible augmentation du nombre de jeunes au chômage résulte de deux facteurs principaux.  Premièrement les politiques de l’emploi  développées depuis 2013 ciblent particulièrement les jeunes avec la mise en place des emplois d’avenir. Deuxièmement, les faibles créations d’emplois observées dans le secteur marchand se font principalement sous la forme d’emplois temporaires (CDD, intérim), type d’emploi dans lequel les jeunes sont particulièrement représentés (34,2 % des jeunes en emploi sont en CDD ou en intérim contre 8,4 % des autres catégories d’âge).

Enfin, si les séniors sont moins souvent au chômage que les jeunes (4,6 % des 50-64 ans contre 8,6 % pour les 15-24 ans), ils sont cependant plus exposés au chômage de longue durée. 62 % des séniors inscrits à Pole Emploi le sont depuis plus d’un an contre 21 % pour les jeunes.

Ainsi, seule une politique macroéconomique visant à rehausser le niveau global de l’emploi permettra de lutter simultanément contre le chômage des jeunes et des seniors. A défaut, des politiques orientées sur certaines catégories, bien qu’efficaces pour le public ciblé, peuvent induire des effets négatifs sur les autres catégories dans un contexte d’insuffisance de l’emploi.

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Les effets redistributifs du QE de la BCE

par Christophe Blot, Jérôme Creel, Paul Hubert, Fabien Labondance et Xavier Ragot

L’augmentation des inégalités de revenus et de patrimoine est devenue un sujet incontournable dans les discussions de politique économique, jusqu’à s’immiscer dans les évaluations des effets des politiques monétaires menées aux Etats-Unis et au Japon, précurseurs des politiques massives de Quantitative Easing (QE). La question se pose donc de savoir si la politique de QE de la BCE a eu ou aura des effets redistributifs.

Dans un document préparé pour le Parlement européen, Blot et al. (2015) rappellent que deux conclusions opposées se dégagent de la littérature empirique. Aux Etats-Unis, la baisse des taux directeurs par la Fed y réduirait les inégalités. A l’inverse, une politique expansionniste de type QE au Japon y augmenterait les inégalités. Mais qu’en est-il en Europe ?

A partir de données macroéconomiques agrégées pour l’ensemble de la zone euro, Blot et al. (2015) montrent que les politiques monétaires européennes, conventionnelles et non conventionnelles, ont eu un effet, certes, mais limité, sur le taux de chômage, le nombre d’heures travaillées et le taux d’inflation (voir graphiques). Ce résultat suggère donc que la politique monétaire expansionniste de la BCE a bien eu un effet de réduction sur les inégalités, mais mineur. Lorsque la BCE décidera d’en finir avec ses politiques expansionnistes, il faudra donc s’attendre à un effet faible mais à la hausse sur les inégalités. En raison de cet effet, aussi faible soit-il, Blot et al. (2015) suggèrent que la BCE ne devrait pas rendre des comptes uniquement sur la stabilité des prix ou sur la croissance économique, mais aussi sur les répercussions de ses politiques en termes d’inégalités et des moyens mis en œuvre pour en tenir compte.

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