Heurs et malheurs du système universel de retraite

par André Masson (CNRS, PSE, EHESS, Chaire TDTE) et Vincent Touzé

L’année 2020 aurait dû voir
naître un système universel de retraite (SUR) à la suite de l’adoption des
projets de loi par l’Assemblée nationale le 5 mars 2020.

Le nouveau système prévu est
universel, ce qui signifie qu’il a pour vocation de remplacer les 42 régimes
actuels de retraite. Le principe de la répartition est préservé : les
cotisations prélevées sur les revenus des travailleurs financent les pensions
des retraités. Le système prévoit un socle contributif de pension à points
(chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits) et un socle solidaire avec une
garantie d’une pension minimum fixée à 85 % du SMIC net pour une carrière
complète.



Cette nouvelle organisation devait
être mise en place progressivement dès 2025. Il n’en sera rien. Le 16 mars
2020, en raison de la crise économique et sanitaire consécutive de la pandémie
de la Covid-19, le Président Macron a annoncé que la réforme était désormais
suspendue.

Pour comprendre l’avenir de cette
réforme en suspens, nous proposons de revenir sur les « heurs » et « malheurs »
de cet ambitieux projet présenté dans le Policy
brief
de l’OFCE n° 83 (https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2021/OFCEpbrief83.pdf).

Dans un premier temps, la réforme
a reçu un accueil plutôt favorable en raison d’attentes sociales fortes pour
une plus grande égalité et simplicité dans le mode d’attribution de droits à la
retraite. En 2017, la formule de campagne présidentielle d’Emmanuel Macron « un
euro cotisé offre les mêmes droits quel que soit le statut » a contribué à la
popularité du projet. La consultation citoyenne lancée en 2018, en parallèle à
celle des partenaires sociaux, devait consolider le soutien des Français.

Dans un second temps,
l’élaboration pratique de la réforme s’est heurtée à une difficulté majeure :
celle de dégager une large adhésion sur un projet aussi ambitieux. Plusieurs
facteurs expliquent cette difficulté :

– L’instauration d’un système «
super-universel » a été confrontée, simultanément, au problème posé par les
problèmes de financement du système actuel en cas de croissance faible ;

– Le problème des transitions a
été sous-estimé et s’est heurté à la question inéluctable des gagnants et
perdants ;

– Les propositions de réforme
bénéficient rarement, par nature, d’un large consensus initial dans la mesure
où elles engendrent des oppositions idéologiques ; de plus, il subsiste des
désaccords profonds au sein même de ses partisans.