Droits de succession : pourquoi les économistes ne sont-ils pas écoutés ?

par Guillaume Allègre

Le 12 décembre 2021 le Centre d’Analyse Economique, instance
pluraliste de conseil du Premier ministre sous l’autorité de celui-ci, publiait
une note, Repenser l’héritage, plaidant notamment pour
l’augmentation des droits de succession. Le diagnostic est relativement
consensuel. La valeur du patrimoine relative au revenu a fortement
augmenté (300% du revenu national en 1970, 600% en 2020) ; le patrimoine
est très concentré, beaucoup plus que le revenu, et il n’est pas consommé en
fin de vie mais transmis. Par conséquent la part de l’héritage dans le
patrimoine total est passée de 35% au début des années 1970 à 60% aujourd’hui.
Ceci pose un problème d’équité dans la constitution du patrimoine, d’autant
plus grand que sa valeur est élevée et que certains actifs ne sont plus
accessibles sans apport. À l’image du discours de Vautrin
repris par Piketty dans son livre Le Capital au XXIe siècle,
pour avoir une bonne position économique dans la société, il vaut mieux épouser
une héritière que de trouver un travail bien rémunéré. Ce type de situation
pose un problème économique, politique et moral. La Note du CAE ne
s’appesantit pas sur la littérature ou la morale mais souligne justement que si
l’on se fixe un objectif d’accès équitable au patrimoine (et à son revenu),
l’imposition des successions de façon progressive et sans exemption, en tenant
compte de l’ensemble des actifs reçus au long de la vie, est préférable au
système actuel. Le rapport souligne, sur la base d’études empiriques, que les
différentes exemptions ne sont pas justifiées d’un point de vue économique.
Aussi, pour les auteurs l’augmentation des droits de succession pourrait
permettre de financer la garantie d’un capital  pour tous, versé à la majorité.



Alors que la note fait parler d’elle entre la bûche de Noel et la galette des rois – la question de la transmission est un marronnier des repas familiaux –, le Président de la République, dans un entretien au Parisien du 4 janvier, annonce qu’il n’a pas l’intention d’augmenter les droits de succession, mais au contraire de les réduire pour les petites transmissions. En réalité, la séquence ressemble à celle qui a déjà eu lieu il y a cinq ans : en janvier 2017, France Stratégie publie un rapport semblable, signé par un des auteurs de la Note du CAE. France Stratégie est alors présidé par Jean Pisani-Ferry, qui fut ensuite en charge de l’écriture du projet d’En Marche. Or, aucune réforme des droits de succession ne figure dans le programme d’En Marche. L’impôt ne fera pas plus l’objet d’une réforme durant le quinquennat, contrairement aux deux précédents. En effet, sous la présidence de Sarkozy, le seuil d’imposition pour les donations avait été augmenté et la durée entre chaque donation défiscalisée, raccourcie. La présidence Hollande opéra un retour en arrière complet. Au final, que ce soit via l’alternance ou le « en même temps », la fiscalité sur les successions a assez peu évolué : l’assiette est mitée mais les taux peuvent être très élevés, ce qui pose des problèmes d’équité horizontale, notamment entre ceux qui préparent leur succession et ceux qui ne la préparent pas.

Pourquoi les économistes ne sont-ils pas écoutés ? Il
n’y a pas de grands mystères : les sondages et les enquêtes plus poussés
montrent tous que les droits de succession sont apparemment impopulaires. Une
des raisons, pointée par la Note du CAE est que les individus
connaissent mal les caractéristiques de l’impôt sur la succession et
surestiment son poids et la probabilité d’être eux-mêmes soumis à cet impôt.
Toutefois, cette explication n’est pas suffisante : l’impôt progressif est
impopulaire auprès de toutes les catégories sociales. Son impopularité ne
proviendrait pas seulement du fait que les individus évaluent mal leur intérêt
(plus de 80% des successions en ligne directe ne paient pas de droits), mais aussi
parce qu’ils trouvent juste de pouvoir léguer leur patrimoine à leurs enfants :
selon un sondage récent, même les individus qui ont peu de
chance de recevoir un héritage sont contre une augmentation des droits. Il est
donc probable que plus de pédagogie n’y changerait rien et que les économistes,
s’ils veulent peser, doivent changer leur fusil d’épaule et proposer une
réforme MAYA (Most Advanced Yet Achievable), plutôt qu’une réforme
optimale. Il est utile de réfléchir en termes de taxation optimale mais il n’est
pas toujours évident que la taxation optimale soit celle à mettre en avant dans
le débat, compte-tenu des préférences fiscales du public et des
caractéristiques actuelles du système fiscal, de toute façon très éloignées de
l’optimal théorique. Aussi, certains rapports mériteraient peut-être une
approche pluridisciplinaire[1],
surtout si la problématique initiale est : « Pour chacun de ces
défis, des solutions existent : pourquoi y a-t-il peu de progrès ? » (Blanchard et Tirole, p. 13).

Si l’on suit le diagnostic de la Note du CAE, le poids
grandissant de l’héritage dans les patrimoines est dû au poids grandissant du
patrimoine ainsi qu’à sa concentration. Tous les instruments qui pèsent sur ces
deux métriques auront donc un effet sur l’objectif poursuivi en termes de
mobilité sociale. C’est vrai de tous les impôts qui pèsent sur l’ensemble du
patrimoine, d’autant plus s’ils sont progressifs. C’est donc particulièrement
vrai d’un impôt sur la fortune et des impôts sur le revenu du patrimoine (CSG,
IR). L’impôt sur les hauts revenus (du travail ou du capital) réduit également
la concentration du patrimoine car les hauts revenus nets sont pour l’essentiel
épargnés et contribuent ainsi à l’accumulation du patrimoine. Tous ces impôts
concourent, à moyen-terme, à la mobilité patrimoniale intergénérationnelle. À l’instar de la Note du CAE, un autre objectif que
l’on peut assigner à une réforme est l’équité horizontale : les différents
revenus et patrimoines sont imposés de façon équitable. Cela impliquerait
d’imposer les revenus réels du patrimoine au barème de l’IR et de remettre en
place un ISF sur les patrimoines immobiliers et financiers. Ces mesures font
néanmoins l’objet de controverses dont l’évaluation dépasse ce billet.  

Il existe néanmoins au moins une réforme avancée et réalisable,
potentiellement populaire dans l’opinion, qui pourrait augmenter l’équité
horizontale et la neutralité fiscale. Il s’agit d’imposer toutes les
plus-values réelles, sans oubli, effacement, abattement ou exemption.
Aujourd’hui, les plus-values sur la résidence principale sont exonérées. Les
autres plus-values immobilières et certaines plus-values mobilières sont
exonérées après une certaine durée de détention. Enfin, lors de successions et
de donations, les plus-values sont effacées même lorsque aucun droit de
succession n’est payé : à la revente, le prix d’acquisition qui entre dans
le calcul de la plus-value est supposé être le prix auquel le bien a été
transmis et non le prix d’acquisition initial. Par conséquent, un montant
important de revenus réels en euros sonnants et trébuchants échappe totalement
(ou partiellement) à l’impôt au moment de la revente. La masse de plus-values
est très importante : une grande part de l’augmentation du poids du
patrimoine dans le Pib (de 300 à 600 points) est liée à une augmentation de la
valeur du patrimoine plutôt qu’à une augmentation de son volume[2].

Une grande aversion, individuelle et sociale, au sujet de
l’imposition du capital est de devoir vendre du patrimoine pour payer l’impôt.
Cela explique d’ailleurs en partie l’impopularité des droits de succession,
ainsi qu’un ISF déplafonné sur la fameuse maison de l’agriculteur sur l’Île de Ré. L’imposition des plus-values réalisées ne pose pas ce problème
puisqu’elle arrive à un moment où les ménages ont des vrais revenus en euros.
Concernant la résidence principale ou secondaire, les ventes ne seraient
imposées que si le foyer n’utilise pas le revenu lié à la revente pour acheter
un nouveau bien, comme cela se fait dans d’autres pays[3].

Se pose enfin la question des biens qui sont transmis sur
plusieurs générations : le château, l’appartement parisien, la petite
entreprise familiale éventuellement devenue multinationale. Il y a plusieurs
approches pour les imposer. La première consiste à favoriser la détention et
transmission familiale : c’est l’approche suédoise qui depuis 2007 ne taxe
ni les successions ni le patrimoine. Le patrimoine est essentiellement taxé sur
le revenu, y compris toutes les plus-values nominales sans abattement selon
la durée de détention. Ceci réduit la concentration du patrimoine sans toucher
à la transmission. Le château familial, l’entreprise, peuvent être transmis de
génération en génération sans imposition. Seuls les aléas (familiaux,
économiques) peuvent permettre de disperser le patrimoine mais l’impôt sur le
revenu freine son accumulation.

Dans une seconde approche, les Canadiens imposent les
plus-values latentes lors des successions, hors conjoint et résidence
principale (l’imposition des plus-values latentes est aussi discutée dans la Note
du CAE
mais plus comme aparté que comme élément central du débat). Dans le
système canadien, c’est le défunt (l’Estate soit la propriété du défunt)
qui paye l’impôt et non les héritiers : les actifs, hors résidence
principale, sont considérés comme vendus immédiatement avant la mort, la
plus-value est calculée et intégrée à 50% dans l’impôt sur le revenu de la
personne décédée de l’année courante[4].
Ce n’est que lorsque tous les impôts ont été payés que la propriété est transmise
officiellement aux héritiers. La législation fiscale canadienne prévoit de plus
une exemption de 900 000 dollars sur les plus-values tout au long de la
vie sur les petites entreprises familiales et les fermes. En dehors de ces cas,
pour les gros patrimoines, l’Estate est obligée de « vendre »
avant de transmettre, ce qui fait sens en termes de déconcentration du
patrimoine mais s’oppose à l’opinion publique telle qu’elle semble s’exprimer
en France.

Afin d’adapter ces dispositions au cas français, une
troisième approche est possible : la succession peut être le fait
générateur du calcul des plus-values[5],
dont l’imposition serait payée par les héritiers comme traditionnellement en France.
Toutefois, pour les résidences familiales (principales et secondaires) ainsi
que les entreprises familiales (au-delà d’un certain pourcentage des actions),
l’impôt ne serait pas dû immédiatement : les héritiers peuvent demander un
crédit fiscal sur lequel ils paieraient des intérêts annuels. La totalité des
plus-values seraient dues à la revente ou possiblement lors d’une transmission
ultérieure. Toutes les plus-values, y compris sur la résidence principale,
seraient ainsi imposées, au plus tard lors de la transmission, sans obliger les
héritiers à vendre[6].

L’imposition des plus-values lors des transmissions n’est pas
juste opportuniste (consentement plus élevé) mais aussi plus équitable que le
système actuel (les deux étant peut-être liés). Prenons l’exemple des deux
biens immobiliers : un appartement place du Panthéon, et un château
familial en Sologne, tous deux valorisés à 2 millions d’euros. La plus-value
latente réelle sur le premier est de 1 million d’euros alors qu’elle est nulle
sur le second (qui fait l’objet de frais de rénovation récurrents). Il y a de
nombreuses raisons, lors d’une transmission, de vouloir taxer le premier et pas
le second. La première raison est que le premier fait l’objet d’un revenu, la
plus-value latente, qui n’a pas été taxé. La seconde est que ce revenu ne
dépend pas du tout des propriétaires mais d’évolutions hors de leur contrôle,
notamment les effets d’agglomération métropolitaine liés à la mondialisation.
Imposer les plus-values est un moyen de faire financer par les gagnants des
changements économiques et sociaux, la compensation des perdants.

Bien entendu, remplacer les droits de succession par
l’imposition des plus-values latentes lors des donations et successions ne peut
être progressiste que si cette imposition n’est pas mitée dès le départ ou
petit à petit par des dispositifs d’exonérations. Il faut aussi que le grand
public comprenne et approuve la réforme. Un préalable nécessaire est une
réforme de l’imposition des plus-values réalisées où les abattements par année
de détention des actifs seraient remplacés par un actualisateur du prix
d’acquisition permettant d’imposer les plus-values réelles sans exonération
complète liée à la durée de détention.  

Un bon impôt est un impôt consenti, non parce qu’il y a
suffisamment de niches pour accueillir tous les mécontents mais parce que le
mécanisme même de l’impôt est perçu comme suffisamment juste, efficace,
exhaustif et non confiscatoire pour asseoir à la fois un fort rendement et/ou
une forte progressivité. Aujourd’hui, si l’objectif est de réduire les
inégalités de patrimoine, ainsi que la transmission intergénérationnelle de
celui-ci, il ne faut pas négliger… l’impôt sur le revenu dont les plus-values
constituent une partie de l’assiette, et ce d’autant plus que l’imposition
équitable de tous les revenus est un objectif en soi.  

Cette proposition ne prétend pas être une politique clé en
main, que le prochain président devrait mettre en place telle quelle. Les
droits de succession étant un sujet intergénérationnel, leur équité et
efficacité nécessitent une certaine stabilité des principes et des paramètres.
Cette question devrait ainsi être débattue dans la société et, dans l’idéal,
faire l’objet d’un large accord transpartisan. On ne peut que regretter le
fossé entre ce principe standard dans les préconisations économiques concernant
les enjeux intergénérationnels et ce que permettent les institutions
politiques françaises. Une raison de modifier les institutions dans le sens
d’une plus grande recherche de compromis (et entre temps de ne pas faire une
confiance aveugle dans les économistes) ?


[1] De même,
la proposition qui va suivre mériterait une évaluation pluridisciplinaire.

[2]
Soulignons par exemple que si les plus-values réelles correspondent à 1/3 de la
valeur des actifs transmis, et qui si celles-ci sont taxées à 30% (le taux
d’imposition actuel sur les revenus du patrimoine), alors les recettes fiscales
équivaudraient à 10% de la valeur des actifs transmis contre 5% dans le système
actuel.

[3] Par
soucis de consentement fiscal, la plus-value sur la résidence principale peut
être exonérée sous un certain plafond, a fortiori élevé mais dont on peut
débattre.

[4] Au
Canada, l’ensemble des plus-values est imposé à 50% du taux normal d’imposition
sur le revenu.

[5]
Les plus-values seraient alors calculées selon la formule : prix du marché
courant – prix d’acquisition revalorisé selon un indice d’inflation.
L’inflateur pourrait être légèrement plus élevé pour les biens immobiliers pour
tenir compte des coûts de maintien en état, si les propriétaires n’optent pas
pour les frais réels.

[6] Autre
avantage : la dette fiscale ne pourrait être supprimée par une loi rétroactive,
ce qui rend plus crédible le fait que les plus-values resteront imposées dans
le futur. Or cette croyance est importante à la fois d’un point de vue
économique (le contraire engendre un biais de détention), et d’un point de vue
politique, l’instabilité et l’incertitude fiscale ne pouvant que réduire le
consentement.




Quelle orientation pour les politiques monétaires en 2022 ?

par Christophe Blot

Avec le retour de l’inflation en 2021,
l’attention se focalise sur les banques centrales dont le mandat est axé sur la
stabilité des prix. Entre le 15 et le 17 décembre 2021, la Réserve fédérale, la
Banque d’Angleterre (BoE), la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque du
Japon (BoJ) ont tenu leur dernière réunion de politique monétaire de l’année
2021. Quels enseignements peut-on tirer de ces réunions quant à la politique
d’achat d’actifs et l’orientation de la politique monétaire en 2022 ?
Faut-il s’attendre à une hausse rapide des taux d’intérêt ? Malgré
l’incertitude qui subsiste sur l’évolution de la pandémie et ses conséquences
sur l’activité au premier semestre 2022, les banques centrales ont progressivement
révisé leur appréciation de la situation face à l’augmentation de l’inflation.
Elles considèrent désormais que le choc inflationniste se prolongera en 2022. Partant
de ce constat, les anglais ont été les premiers à tirer puisque la BoE a annoncé
une première hausse de son taux directeur. La Réserve fédérale devrait suivre
en 2022 présageant donc d’un début de normalisation. Quant à la BCE, malgré
l’arrêt d’un programme d’achats d’actifs spécifique à la crise sanitaire, la
normalisation de la politique monétaire n’est pas encore envisagée. Dans tous
les cas, la dernière réunion ne suggère pas de hausse de taux en 2022 dans la
zone euro.



Les banques centrales révisent à la hausse l’inflation anticipée

La flambée récente des prix dans l’ensemble des pays industrialisés et émergents s’explique en grande partie par le rebond du prix de l’énergie et de nombreuses matières premières en lien avec les effets de la crise sanitaire sur la situation économique mondiale en 2020 et 2021[1]. Cette situation fait suite à une longue période caractérisée par une faible inflation et qui avait poussé les banques centrales à fixer leur taux d’intérêt à un niveau très bas et à mettre en œuvre des politiques monétaires non-conventionnelles via notamment des politiques d’achats d’actifs. Ces politiques, qui se sont traduites par une forte augmentation de leur bilan, visaient à réduire les taux de long terme[2]. Or, la stabilité des prix est un élément primordial du mandat des banques centrales. Il est donc naturel que les tensions inflationnistes récentes posent la question de leur réaction et d’un éventuel durcissement de l’orientation de la politique monétaire puisque l’inflation se situe nettement au-dessus de la cible de 2 % généralement retenue par les banques centrales pour juger de la stabilité des prix[3]. En effet, en décembre 2021, le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation a atteint 5 % en zone euro et 5,1 % au Royaume-Uni en novembre (graphique 1). Aux États-Unis, le déflateur des prix à la consommation – indicateur suivi par la Réserve fédérale – progressait de 5,7 %, niveau qui n’avait pas été observé depuis le début des années 1980[4]. Au-delà de l’effet lié au prix de l’énergie, les indices sous-jacents affichent également une progression. Dans la zone euro, le glissement annuel est en effet passé de 0,4 % en décembre 2020 à 2,7 % un an plus tard tandis qu’aux États-Unis, le sous-jacent du déflateur de la consommation atteignait 4,7 % en novembre[5].

Alors que les banques centrales ne s’étaient initialement pas vraiment inquiétées du phénomène qu’elles jugeaient temporaire, force est de constater qu’elles ont progressivement revu leur jugement, ce qui s’est traduit par des révisions à la hausse de leurs anticipations d’inflation pour 2022 (graphique 2). Ainsi, les projections d’inflation qui avaient été communiquées par le FOMC (Federal Open Market Committee) en décembre 2020 pour la fin de l’année 2022 étaient de 1,9 %. Un an plus tard, l’inflation anticipée pour le quatrième trimestre 2022 atteint 2,6 %. La révision est aussi marquée pour la BCE avec une anticipation d’inflation qui est passée de 1,1 % en décembre 2020 à 3,2 % – pour l’ensemble de l’année – selon les dernières projections de décembre 2021[6]. Les tensions seraient certes toujours temporaires puisque les trois banques centrales envisagent une inflation plus proche de la cible pour 2023[7]. Il n’en demeure pas moins que dans un contexte de reprise mais aussi d’incertitude sur les effets du nouveau variant Omicron, les banques centrales se retrouvent face à un dilemme. Doivent-elles contrer ces tensions inflationnistes en durcissant l’orientation de la politique monétaire ? Même si le rebond de l’inflation est temporaire, l’inflation serait nettement au-dessus de leur cible pendant quelques mois, ce qui pourrait entraîner des effets de second tour. De plus, l’accumulation d’épargne par les ménages pourrait doper la croissance en 2022 et maintenir l’inflation à un niveau élevé[8]. Inversement, un durcissement prématuré risque-t-il de casser la reprise et freiner la baisse du taux de chômage ? À cet égard, le retour inattendu de l’inflation pourrait aussi permettre de voir comment la BCE et la Réserve fédérale pourraient ajuster leur politique monétaire après l’annonce des révisions de leurs cibles d’inflation. En effet, en juillet 2020, la banque centrale américaine a annoncé qu’elle souhaitait attendre une cible d’inflation de 2 % en moyenne indiquant ainsi qu’après un sous-ajustement à la cible, comme ça été le cas ces dernières années, elle tolèrerait une inflation supérieure à 2 %. Le rebond de l’inflation aurait pu laisser penser que la Réserve fédérale serait moins réactive en cas de hausse de l’inflation. L’accélération des prix est cependant importante aux États-Unis et le changement de ton récent suggère que même si la Réserve fédérale tolère une inflation supérieure à 2 %, le niveau actuel est probablement trop élevé[9]. Paradoxalement, la BCE n’a pas annoncé un ciblage de l’inflation en moyenne (AIT pour Average inflation targeting) mais précisé que la cible était de 2 % et qu’elle devait être interprétée de façon symétrique. Ainsi, la BCE juge qu’une inflation inférieure ou supérieure à 2 % n’est pas compatible avec son objectif de stabilité des prix. Néanmoins, il s’agit d’une cible à moyen terme et qui tient compte des délais de transmission de la politique monétaire. Ainsi, même si la BCE n’indique pas qu’elle tolèrera une inflation supérieure à 2 %, elle ne va pas automatiquement durcir sa politique monétaire lorsque l’inflation observée dépasse la cible mais conditionnera son action à son anticipation d’inflation à un horizon de 12-24 mois. Son anticipation pour 2023 indique donc que l’inflation actuelle est temporaire et qu’au-delà de 2022, l’inflation serait de nouveau inférieure à 2 %.

La Banque d’Angleterre et la Réserve fédérale envisagent la
normalisation

La communication des banques
centrales lors des réunions de politique monétaire qui se sont tenues entre le
15 et le 17 décembre 2021 était attendue sur deux points : la poursuite de
la politique d’achats d’actifs et le niveau du taux d’intérêt directeur.

La BoE a été la plus prompte à
réagir en augmentant le taux directeur de 0,15 point. Celui-ci est ainsi passé
de 0,1 % à 0,25 %. Comme indiqué dans le communiqué du 16
décembre : « The MPC’s remit is clear that the inflation target
applies at all times, reflecting the primacy of price stability in the UK
monetary policy framework
 ». Par ailleurs, il a été décidé de
maintenir le stock de titres acquis par la BoE. Un élément clé de cette décision
traduit la façon dont la BoE a mis en œuvre sa politique d’achats d’actifs.
Contrairement à la Réserve fédérale et à la BCE qui annoncent des flux d’achats
sur une base mensuelle, la BoE procède par paliers annonçant une cible sur le
stock d’actifs – révisée si nécessaire – et en effectuant les achats rapidement
afin d’atteindre la cible[10].
De plus, la BoE n’a pas conditionné ses décisions sur les taux à sa politique
d’achats d’actifs alors que les communiqués de la BCE ont toujours précisé que
la hausse des taux ne serait envisagée qu’après l’arrêt des achats d’actifs.

Aux États-Unis, la hausse des taux serait précédée par une phase dite de tapering au cours de la laquelle la Réserve fédérale réduit progressivement les achats mensuels. La stratégie mise en œuvre par la banque centrale américaine consiste donc d’abord à communiquer sur ce sentier d’achats d’actifs. Cette première étape a été lancée au mois de novembre. Lors de la réunion du 15 décembre 2021, le FOMC a annoncé une accélération du rythme de baisse : à partir de janvier 2022 les achats mensuels seront de 60 milliards de dollars (40 pour les Treasuries et 20 pour les Mortgage-backed Securities) contre 120 milliards par mois avant novembre 2021. La réduction se poursuivrait au cours des mois suivants. La Réserve fédérale agit de façon séquencée comme elle l’avait fait lors de la précédente phase de normalisation amorcée en janvier 2014 (graphique 3). Les achats avaient cessé fin 2014 et le taux directeur avait été augmenté en décembre 2015. Enfin, la réduction de la taille du bilan – en milliards de dollars – avait été annoncée en juin 2017 et mise en œuvre à partir d’octobre 2017[11]. Le calendrier devrait toutefois être accéléré puisque les informations communiquées lors de la réunion du 15 décembre dernier suggèrent qu’il pourrait y avoir 3 hausses de taux en 2022. La durée entre l’arrêt des achats d’actifs et la montée des taux serait écourtée et les taux augmenteraient plus rapidement que lors de cette précédente phase de normalisation, où il n’y avait eu qu’une hausse en 2015 et une autre un an plus tard. Les membres du FOMC anticipent effectivement un taux cible pour les fonds fédéraux à 0,9 % fin 2022 alors qu’il est actuellement compris entre 0 et 0,25 %[12]. Il faut également noter que conformément à son mandat, le FOMC met également en avant la situation sur le marché de l’emploi puisque la Réserve fédérale doit non seulement garantir la stabilité des prix mais aussi atteindre un niveau d’emploi maximum. À cet égard, le taux de chômage a certes diminué pour atteindre 4,2 % en décembre mais le nombre d’emplois reste inférieur de 1,8 % (soit 2,8 millions d’emploi) à celui de décembre 2019 reflétant aussi des retraits de la population active. La perspective d’une stabilisation – en valeur – de la taille du bilan début 2022 et de plusieurs hausses des taux indiquent donc que la Réserve fédérale considère que la situation sur le marché du travail converge progressivement vers le niveau maximum d’emploi.

La BCE se montre plus prudente

Dans la zone euro, même si les tensions inflationnistes se sont accrues, la reprise économique demeure plus fragile. Au troisième trimestre 2021, le PIB restait inférieur de 0,3 % à son niveau de fin 2019 alors qu’il était 1,4 % au-dessus pour les États-Unis. Au regard du taux de chômage, l’amélioration semble plus nette puisqu’en novembre 2021, le taux de chômage s’établissait à 7,3 %, soit un niveau inférieur à celui observé avant l’éclatement de la crise sanitaire. Dans son communiqué présenté lors de la conférence de presse du 16 novembre, Christine Lagarde juge toutefois que la politique monétaire doit rester accommodante pour ramener à moyen terme l’inflation vers sa cible. Ainsi, plus que les tensions actuelles, la BCE perçoit toujours que l’inflation resterait inférieure à sa cible à l’horizon 2023, ce qui plaide donc pour une normalisation plus lente de la politique monétaire dans la zone euro. Néanmoins, le Conseil des Gouverneurs a annoncé l’arrêt du PEPP (Pandemic emergency purchase programme) pour 2022. Ce programme avait été mis en place en mars 2020, dans le cadre de la pandémie, pour lutter contre le risque souverain[13]. Notons que les achats avaient déjà ralenti conformément aux annonces effectuées depuis septembre 2021 (Graphique 4).  Néanmoins, cette réduction des achats, dans le cadre du PEPP, serait en partie compensée par une hausse des achats effectués via le PSPP (Public securities purchase programme). Au deuxième trimestre 2022, les achats passeraient ainsi de 20 à 40 milliards d’euros par mois. Ils repasseraient à nouveau à 20 milliards en octobre 2022, après un palier à 30 milliards au troisième trimestre. À ce stade, la BCE n’indique donc pas un arrêt complet des achats d’actifs. La taille du bilan continuerait par conséquent à augmenter, repoussant pour l’instant la perspective d’une hausse des taux, probablement au-delà de 2022[14].

Bien que la perspective d’une
normalisation des politiques monétaires ait été avancée, les banques centrales
restent prudentes à l’égard de la poussée inflationniste récente, considérant
qu’il s’agit d’un épisode temporaire. La même prudence semble prévaloir dans la
plupart des autres pays industrialisés. Au Japon, même si l’inflation est en
hausse (à 0,6 % en décembre 2021), elle reste largement inférieure à la cible
de la BoJ. Cette dernière n’a donc pas modifié sa communication.
L’assouplissement quantitatif se poursuit et l’objectif reste de maintenir le
taux court à -0,1 % et le taux obligataire public à 0 %. Un peu plus
tôt dans le mois, la Banque du Canada et la banque centrale australienne ont
également maintenu leurs objectifs de taux. Ceux-ci ont cependant augmenté en
Norvège.

Comment les marchés ont-ils
réagi à ces annonces de politique monétaire ?

Depuis le 15 décembre, on observe une hausse des taux longs en zone euro, aux États-Unis et au Royaume-Uni, qui se rapprochent des niveaux observés avant l’éclatement de la pandémie (Graphique 5). L’évolution est bien plus modeste au Japon. Le taux moyen sur les obligations publiques émises dans la zone euro a augmenté de 24 points de base avec une hausse légèrement plus marquée en Italie et en Espagne qu’en Allemagne et en France. Aux États-Unis, l’augmentation est comparable : -24 points de base entre le 14 décembre 2021 et le 4 janvier 2022 ; mais le taux reste inférieur à son niveau d’avant-crise. Quant au Royaume-Uni, elle dépasse 35 points de base. Les marchés ont donc intégré un durcissement modéré de la politique monétaire à l’horizon 2022. Dans l’éventualité où l’inflation se maintiendrait durablement au niveau observé en fin d’année 2021, les banques centrales pourraient accélérer le calendrier de normalisation de la politique monétaire, soit via des hausses supplémentaires de taux directeur soit par une réduction de la taille de leur bilan, ce qui se traduirait sans doute par une nouvelle hausse des taux longs.

L’année 2022 devrait donc être
caractérisée par une remontée des taux à court terme et sans doute aussi à long
terme au Royaume-Uni et aux États-Unis. Il est évident que la
poussée inflationniste observée depuis mi-2021 conduira les banques centrales,
en particulier la BoE et la Réserve fédérale, à accélérer le processus de
normalisation. La normalisation est également importante pour redonner des
marges de manœuvre aux banques centrales en cas de nouveaux chocs négatifs.
L’arrivée du variant Omicron suscite toutefois de nouveau de l’incertitude
quant à son impact économique. Même si les agents se sont en partie adaptés aux
contraintes prophylactiques, un ralentissement de la croissance sans baisse des
tensions inflationnistes placerait les banques centrales dans une position
d’arbitrage plus délicate entre leur objectif de stabilité des prix et le
besoin de soutenir l’activité.


[1] Voir le post
de l’OFCE
du 17 décembre 2021 sur ce point et l’analyse plus détaillée de Le Bayon et
Péléraux
(2021).

[2] Le taux
directeur fixé par les banques centrales représente une cible pour les taux de marché
à très court terme. Les variations de ce taux visent ensuite à influencer
l’ensemble des taux de marché le long de la structure par terme et des taux
bancaires.

[3] La
Réserve fédérale et la BCE ont d’ailleurs récemment réaffirmé le caractère
symétrique de cet objectif en révisant leur cible d’inflation.

[4]
L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation augmentait de 7,1 %
en décembre.

[5] En
décembre 2021, l’indice des prix à la consommation corrigé des prix
alimentaires et de l’énergie augmentait de 5,5 %.

[6] La
détermination des anticipations d’inflation diffère entre les banques
centrales. Dans le cas de la Réserve fédérale, il s’agit des anticipations
formulées par les membres du FOMC tandis que pour la BCE, ce sont des
anticipations réalisées par les économistes de la BCE.

[7]
Respectivement 2,3 % et 2,2 % en fin d’année aux États-Unis et au Royaume-Uni
respectivement et 1,8 % sur l’ensemble de l’année en zone euro.

[8] Voir nos
prévisions économiques d’octobre 2021 publiées dans le Policy Brief
n°94 : Le prix
de la reprise
.

[9] Voir le post
de l’OFCE
du 4 janvier 2022 et l’analyse détaillée de Blot, Bozou et
Hubert
(2021).

[10] Voir Gagnon et
Sack (2018)
pour une comparaison de ces deux stratégies.

[11] Mesurée
en point de PIB, la taille du bilan a baissé un peu plus tôt, passant de
26,4 % au premier trimestre 2015 à 18,8 % au deuxième trimestre 2019.
Avant la mise en œuvre de mesures non conventionnelles, le bilan de la Réserve
fédérale représentait entre 6 et 7 % du PIB.

[12] Ce
scénario est celui qui ressort des Minutes.
La Réserve fédérale publie 3 semaines après la réunion un compte rendu détaillé
de la réunion du FOMC.

[13] Voir Blot,
Bozou, Creel et Hubert
(2021) pour une discussion plus approfondie sur les
objectifs et les effets des programmes d’achats d’actifs souverains mis en
œuvre par la BCE.

[14] Le communiqué du 16 décembre
indique effectivement que : « We expect net purchases to end
shortly before we start raising the key ECB interest rates 
».




Cibles d’inflation et anticipations d’inflation : quelle incidence des révisions de la Fed et de la BCE ?

par Christophe Blot et Caroline Bozou

La Réserve Fédérale et la Banque
Centrale Européenne ont toutes les deux annoncé, respectivement en août 2020
et le
8 juillet 2021
, des changements de leur stratégie de politique monétaire incluant
en particulier une révision de leur cible d’inflation. La stratégie de
politique monétaire permet aux banques centrales d’expliciter leur vision du
mandat et la stratégie qu’elles mettent en œuvre pour atteindre leur objectif. Ces
événements sont relativement importants car ils permettront de fonder les
décisions de politique monétaire futures. La Réserve fédérale et la BCE ont fait
évoluer leur définition de l’objectif de stabilité des prix afin de rendre
la cible plus transparente et mieux comprise par le public. Ces décisions
devraient permettre un meilleur ancrage des anticipations d’inflation. Qu’en
est-il quelques mois après ces annonces ?  



Bien que la justification des
deux banques centrales soit identique, les stratégies annoncées sont différentes.
Dans sa révision, la Reserve fédérale n’a pas modifié sa cible d’inflation,
toujours fixée à 2 %, mais a précisé qu’elle chercherait à atteindre cette
cible en moyenne. Ce changement de formulation reflète le passage d’une stratégie
dite de ciblage d’inflation (Inflation targeting, IT) à une stratégie de
ciblage d’inflation en moyenne (Average inflation targeting, AIT). L’objectif
de cette stratégie est de compenser les périodes de sous-ajustement de
l’inflation de telle sorte qu’après un choc négatif, la banque centrale cherche
à atteindre une inflation supérieure à 2 %. Dit autrement, la Réserve fédérale
ne durcirait pas trop rapidement sa politique monétaire (ou maintiendrait une
politique monétaire expansionniste) si une amélioration conjoncturelle ou un
choc positif (prix de l’énergie) pousse l’inflation au-dessus de la cible. La
prudence manifestée par le FOMC (Federal Open-market Committee), malgré
la poussée inflationniste observée depuis mars 2021, reflète en partie cette
modification de la stratégie. D’une part la Réserve fédérale considère que le
choc actuel est temporaire. D’autre part, il est cohérent de ne pas durcir trop
fortement la politique monétaire malgré une inflation qui dépasse 2 %
depuis plusieurs mois afin de compenser le sous-ajustement observé au cours des
années précédentes[1].

Quant à la BCE, elle considère
désormais que la stabilité des prix correspond à une inflation égale à
2 %. Rappelons qu’il s’agit d’une cible que la banque centrale souhaite
atteindre à moyen terme. En effet, la politique monétaire n’a aucun effet sur
l’inflation courante. Il n’est donc pas pertinent de réagir à un choc ponctuel
sur l’inflation. La banque centrale est cependant censée réagir dès lors
qu’elle anticipe que le choc est durable et qu’il y a un risque que l’inflation
dépasse la cible à un horizon de moyen terme[2]. Selon
la formulation précédente, l’objectif était d’atteindre une inflation « inférieure mais proche » de
2 %. Cette définition datant de 2003 manquait de clarté puisque l’on pouvait
considérer qu’un taux d’inflation de 1,7 %, 1,8 % ou 1,9 %
correspondait bien à une inflation proche mais inférieure à 2 %. En outre,
cette définition de la stabilité des prix créait une forme d’asymétrie. Une
inflation légèrement inférieure à 2 % était effectivement conforme à la
cible alors qu’une inflation légèrement supérieure à 2 % ne l’était pas[3]. Dit
autrement, une telle définition suggérait une réaction de la BCE en cas de
déviation positive mais pas nécessairement en cas de déviation négative. La
révision de la BCE clôt également le débat sur la symétrie et la quantification
précise de la cible d’inflation.

Dans une Étude Spéciale récemment publiée dans le dossier de prévisions 2021-2022, nous évaluons comment l’annonce de ces révisions a été perçue et si elle a modifié la formation des anticipations des agents privés telles que mesurées par un indicateur de marché[4]. Notre analyse montre qu’au moment de l’annonce, l’inflation anticipée mesurée par les marchés a baissé dans la zone euro mais augmenté aux États-Unis (graphique). Au-delà de l’effet d’annonce, nos résultats indiquent que la décision de la BCE n’aurait pas significativement modifié la dynamique des anticipations de marché telles qu’elles sont mesurées par les marchés financiers. Il est frappant de constater que l’effet de la révision de la stratégie de la Réserve fédérale semble plus significatif que celui de la BCE. Le faible effet des annonces de révisions de la cible d’inflation, notamment en zone euro, pourrait suggérer différents éléments. Tout d’abord, il se peut que les annonces de la BCE aient simplement officialisé un élément qui avait déjà été intégré par les marchés financiers avant l’annonce de révision de la cible d’inflation (Reichlin et al., 2021) ou que les marchés financiers avaient anticipé une révision plus importante de la cible[5]. D’autre part, la différence d’effets entre la zone euro et les États-Unis pourrait être liée aux caractéristiques de la réforme. Ainsi, l’annonce d’une cible symétrique produirait moins d’effets que l’annonce d’une cible en moyenne (AIT) dans le temps parce que la seconde introduit des phénomènes de compensation : la banque centrale ne doit pas seulement se soucier des déviations à venir de l’inflation à sa cible mais aussi des déviations passées.


[1] Les
dernières annonces de politique monétaire prévoient une diminution des achats
d’actifs. Par ailleurs, les
dernières projections des membres du FOMC
du 15 décembre suggèrent 3
hausses de taux en 2022 contre une seule lors de la réunion de septembre.

[2] Etant
donné les délais de transmission de la politique monétaire, cet horizon est au
moins d’un an. Ainsi, dans ses
dernières prévisions annoncées le 16 décembre
, la BCE anticipe certes une
inflation de 3,2 % en 2022, mais un retour sous la cible de 2 % en
2023. Etant donné la reprise moins rapide en zone euro qu’aux États-Unis,
la BCE augmentera ses taux probablement plus tard que la Réserve fédérale.

[3] Notons par
ailleurs qu’un dépassement de la cible d’inflation n’entraîne pas une réaction
automatique de la banque centrale. La BCE est censée réagir dès lors que
l’inflation menace l’objectif à moyen terme. Une réaction systématique à des
chocs ponctuels provoquerait une forte volatilité des taux d’intérêt qui serait
déstabilisante pour l’économie.

[4]
L’inflation à 5 ans dans 5 ans.

[5] Ils
pouvaient par exemple anticiper que la BCE s’orienterait également vers une
stratégie de cible d’inflation moyenne ou qu’elle annoncerait une cible
d’inflation plus élevée ou bien encore l’adoption d’une bande autour de la
cible. Ces différentes options sont discutées plus en détails dans Blot,
Bozou et Creel (2021)
.