La politique monétaire européenne a-t-elle rempli ses objectifs ?

Christophe
Blot
, Caroline Bozou and Jérôme
Creel

Dans un document récent
en vue de la préparation du Dialogue monétaire entre le
Parlement européen et la BCE
,
nous passons en revue et évaluons les différentes mesures introduites par la
BCE depuis le début de la crise COVID-19 en Europe, principalement l’extension
des mesures du programme d’achat d’actifs (APP) et le développement des mesures
du programme d’achat d’urgence pandémique (PEPP).

Les programmes APP et
PEPP se sont vu attribuer des objectifs distincts par rapport aux politiques
précédentes. Le programme APP a été orienté vers la stabilité des prix tandis
que le programme PEPP a été orienté vers l’atténuation de la fragmentation
financière.

Nous commençons par
analyser les effets des annonces du programme APP (y compris les flux d’achat
d’actifs) sur les anticipations d’inflation par une approche d’étude
d’événements. Nous montrons qu’elles ont contribué à augmenter les anticipations
d’inflation.

Ensuite, nous analysons
l’impact du programme PEPP sur les écarts de taux (spreads) souverains et
montrons que le programme a eu des effets hétérogènes qui ont atténué le risque
de fragmentation : le programme PEPP a eu un impact sur les spreads souverains
des économies les plus fragiles pendant la pandémie (par exemple, l’Italie) et
aucun impact sur les moins fragiles (par exemple, les Pays-Bas). Cependant, les
spreads souverains n’ont pas complètement disparu, ce qui fait que la
transmission de la politique monétaire n’est pas totalement homogène entre les
pays.

Dans une perspective
plus large, nous montrons également que les effets macroéconomiques globaux ont
été conformes aux résultats attendus depuis le milieu des années 2000 : les
mesures de politique monétaire de la BCE ont eu des effets réels sur les taux
de chômage de la zone euro, des effets nominaux sur les taux d’inflation et des
effets financiers sur la stabilité bancaire. Ces résultats sont en accord avec
les estimations récentes de la Banque de France (Lhuissier and Nguyen, 2021).

En conclusion, une augmentation
de la taille du programme PEPP, ainsi que l’a annoncé la BCE en décembre, est utile
pour pallier le risque de réapparition des risques financiers. En attendant,
nous soutenons l’idée qu’une décision de la BCE de plafonner les spreads
souverains pendant la crise COVID-19 permettrait d’alléger le fardeau de la
crise sur les économies les plus fragiles de la zone euro, où les spreads
souverains restent les plus élevés.