La Prime d’activité n’est pas du salaire : elle amplifie la perte de revenu à la suite d’un licenciement

par Muriel Pucci

En janvier 2019, le gouvernement
a souhaité soutenir le niveau de revenu des salariés rémunérés au smic. Pour ce
faire, il a opté pour une réforme du barème de la Prime d’activité qui accroît
son montant de 90 euros au niveau du smic. À court terme, cela peut
paraître équivalent, pour un salarié rémunéré au smic, à une hausse de
90 euros du niveau du smic mensuel[1],
mais cela ne l’est plus si le salarié perd son emploi car alors la solution
choisie amplifie les effets du licenciement sur le revenu disponible du
travailleur.



Si la Prime d’activité permet
bien en général d’augmenter le revenu des personnes qui travaillent, il ne
s’agit pas d’un supplément de salaire. Et la différence est importante !
Alors qu’une augmentation du salaire s’accompagne d’un surcroît de cotisations
et donc de droits acquis aux allocations chômage et pensions de retraite
notamment, la Prime d’activité n’ouvre aucun droit. Lorsqu’un travailleur perd
son emploi, il perd à la fois son salaire et sa prime d’activité mais le
montant d’allocation chômage perçu ne dépend que du seul salaire. Ainsi, à
l’inverse des autres prestations sociales qui limitent la baisse des revenus
disponibles en période de crise, la Prime d’activité est pro-cyclique : les
sommes versées diminuent lorsque le chômage augmente.

La Prime d’activité est une
prestation sociale pour les travailleurs à bas salaire dont le montant doit garantir
aux familles un revenu disponible croissant avec le revenu d’activité des
actifs du foyer. Son calcul tient compte de l’ensemble des ressources du foyer
en accordant un statut particulier aux revenus professionnels : un euro de
revenu professionnel en plus réduit la Prime d’activité de 39 centimes, mais un
euro en plus d’une autre ressource la réduit d’un euro.

Alors
que le revenu d’activité d’une personne seule rémunérée au smic baisse de 28% à
la suite d’un licenciement, son revenu d’activité PA comprise baisse de 40%

En effet, considérons une
personne seule rémunérée au smic (1 219 €). Si elle ne dispose d’aucune
autre ressource, le montant de sa prime d’activité est de 237 euros, son
revenu disponible est donc de 1 456 euros (voir graphique 1). Si elle
perd son emploi en étant éligible au chômage indemnisé, elle percevra  878 euros au titre de l’ARE[2],
le taux de remplacement de l’ARE étant de 72 % au niveau du smic. Mais les
allocations chômage, bien qu’elles soient des revenus d’activité, n’ouvrent pas
droit à la Prime d’activité qui ne bonifie que les revenus professionnels. Outre
son salaire, le salarié perd donc également l’intégralité de sa PA et son
revenu disponible diminue de 578 euros (soit 1456 € – 878 €).

À titre de comparaison, si la Prime
d’activité était un élément de rémunération ouvrant les mêmes droits que le
salaire, le montant de l’ARE serait de 1 048 euros, soit 72% de la
somme salaire + PA. La baisse du revenu d’activité après licenciement serait de
171 euros de moins que dans le système actuel. Notons que cette différence serait
en partie compensée par les prestations sociales. Par exemple, pour une
personne seule rémunérée au smic et vivant en ville moyenne, le licenciement
pourra ouvrir droit à une aide au logement de 188 euros dans le système
actuel contre seulement 61 euros si la PA était considérée comme un
complément de salaire (voir graphique 2). Néanmoins, cette compensation par les
aides au logement n’est que partielle et, pour ce salarié, la baisse du revenu
disponible à la suite d’un licenciement reste amplifiée par le fait qu’une
partie de sa rémunération est une prestation sociale sans droits acquis (-32%
au lieu de -24% si la PA était considérée comme un complément de salaire). En
perdant son emploi, il perd 113 euros de plus (aide au logement comprise) dans
le système actuel que dans une situation fictive où la Prime d’activité
ouvrirait les mêmes droits sociaux que le salaire.

Si l’on
considère maintenant la réforme de 2019, si l’augmentation de la Prime
d’activité avait ouvert les mêmes droits qu’une hausse de salaire, un salarié
au smic perdant son emploi aurait pu bénéficier d’un montant d’ARE de
942 euros (soit 72 % de 1 219 € + 90 €), soit
64 euro de plus que dans le système actuel.

Les gouvernements successifs ont,
avec le RSA-activité d’abord et la Prime d’activité ensuite, souhaité augmenter
le revenu des travailleurs à bas salaire au moyen d’une prestation
différentielle. Il est important de souligner que ce faisant, ils ont fragilisé
la situation de ces mêmes travailleurs en période de crise en réduisant le taux
de remplacement des allocations chômage. Au-delà, on peut craindre que les
effets de ce basculement sur le taux de remplacement des pensions de retraite
soit à l’avenir la source d’un nouvel appauvrissement des retraités. Une
solution serait qu’à l’instar de ce qui est fait pour les parents de jeunes
enfant recourant à la Prepare[3],
la Prime d’activité donne lieu au versement par la Caf de cotisations chômage
et vieillesse permettant d’éviter la baisse des taux de remplacements de ces
prestations assurantielles pour les travailleurs qui bénéficient de la Prime
d’activité.


[1] C’est le cas pour un salarié vivant seul mais pas
toujours s’il vit en couple et/ou a des enfants à charge.

Elle amplifie la perte
de revenu à la suite d’un licenciement.

[2] Le calcul est effectué ici pour un mois de 30 jours et
en négligeant la période de maintien du droit à la Prime d’activité qui peut
aller jusqu’à 3 mois.

[3] La Prepare (Prestation partagée d’éducation de l’enfant) est une aide financière versée par la Caf aux parents qui réduisent ou interrompent leur activité à la naissance d’un enfant. Elle peut, sous conditions de ressources du foyer, ouvrir droit à l’AVPF (assurance vieillesse du parent au foyer), dispositif par lequel la Caf verse des cotisations vieillesse pour garantir la continuité dans la constitution des droits à la retraite.