La zone euro doit-elle s’en remettre aux États-Unis ?

par Christophe Blot, Caroline Bozou et Jérôme Creel

La pandémie de Covid-19 a conduit
les gouvernements et les banques centrales à mettre en œuvre des politiques
budgétaires et monétaires expansionnistes partout dans le monde. Les États-Unis
se distinguent par un soutien budgétaire conséquent, bien plus important que
celui mis en œuvre dans la zone euro. Dans un document récent en vue de la
préparation du Dialogue
monétaire entre le Parlement européen et la BCE
, nous revenons sur ces différentes
mesures et discutons de leurs retombées internationales. Étant
donné l’ampleur des plans de relance et le poids de l’économie américaine, nous
pouvons effectivement anticiper des retombées significatives sur la zone euro. Celles-ci
dépendent cependant non seulement de l’orientation des politiques économiques
mais également de la nature précise des mesures adoptées (transferts, dépenses
et articulation entre la politique monétaire et la politique budgétaire).



La politique monétaire
expansionniste est généralement perçue comme une politique du chacun pour soi
puisqu’une baisse du taux d’intérêt américain devrait entraîner une
dépréciation du dollar américain défavorable aux partenaires commerciaux des États-Unis.
Cependant, la littérature montre que le canal du taux de change peut être
dominé par un canal financier et par l’augmentation de la demande issue de
l’économie américaine, tous deux générant des retombées positives (cf. Degasperi,
Hong et Ricco, 2021
).

Les retombées internationales de
la politique budgétaire devraient également être positives, via là encore des effets de demande,
mais également via une appréciation
attendue du dollar (voir Ferrara,
Metelli, Natoli et Siena, 2020
) ou via
des effets d’anticipations de retour à l’équilibre des finances publiques à la Corsetti, Meier et Müller
(2010)
. L’impact favorable pour le reste du monde peut aussi être atténué
si l’expansion budgétaire américaine se traduit par une hausse du taux
d’intérêt mondial. In fine, l’ampleur
des retombées internationales de la politique budgétaire américaine devrait
dépendre de la réaction du taux de change et du taux d’intérêt. Faccini,
Mumtaz et Surico (2016)
confirment l’importance des effets financiers mais montrent
cependant que le taux d’intérêt réel pourrait baisser après un choc
expansionniste américain.

Dans ce document, les simulations
réalisées à partir d’un modèle macroéconomique et l’analyse empirique
confirment les effets positifs d’une politique monétaire expansionniste aux États-Unis
sur le PIB de la zone euro. Toutefois, il existe une incertitude sur le calendrier
et la durée de ces retombées positives.

En ce qui concerne la politique
budgétaire, l’analyse empirique suggère des retombées positives des mesures
américaines mises en œuvre depuis le déclenchement de la crise du Covid-19, au
moins à court terme (au cours des deux premières années). Compte tenu de
l’ampleur de l’impulsion budgétaire, ces retombées ne seraient pas
négligeables.

Les retombées mondiales des
politiques macroéconomiques américaines devraient donc être positives mais des incertitudes
persistent au-delà de 2022.

Il faut cependant garder à
l’esprit que la croissance de la zone euro dépendra d’abord de l’orientation de
son propre policy mix. Par
conséquent, elle ne devrait pas seulement s’appuyer sur les politiques
américaines pour consolider et accélérer la reprise. Les impulsions budgétaires
contrastées en 2020 et 2021 entre les États-Unis et la zone euro indiquent déjà
un risque de divergence croissante entre les deux régions.

Nous discutons également
brièvement du fait que les principaux effets d’entraînement des États-Unis
peuvent ne pas provenir des politiques macroéconomiques mais des risques
financiers. Les prix des actifs ont fortement augmenté en 2020, laissant craindre
un risque de bulle financière, du moins aux États-Unis. Ce risque pourrait avoir
un impact important sur la zone euro à moyen et long terme.