Licenciements économiques et reclassement : du CSP au CSP+
Par Bruno Coquet
Le licenciement économique est un mode de rupture du contrat
de travail devenu marginal sous l’effet conjoint de la diversification des
contrats et des formes de rupture disponibles. Les dispositifs de reclassement étant
réservés à la formule du licenciement économique de salarié en CDI, ils sont
par conséquent devenus marginaux.
Les deux dispositifs de reclassement existants, Congé de
reclassement et Contrat de Sécurisation professionnelle (CSP), sont
très inégaux du point de vue de l’accès à l’information, des droits, de la
sécurité financière et des résultats obtenus, sans que ni le profil ni le
comportement des salariés concernés le justifient.
Sur la base d’un diagnostic comparatif étayé, ce nouveau
document de travail « Reclassement
des salariés licenciés économiques : velléités et bonnes pratiques »
propose d’élargir le champ du CSP : un CSP+ pour que tous les salariés
aient accès aux mêmes possibilités de reclassement, les plus efficaces, sans
coût supplémentaire pour l’employeur.
Deux dispositifs très inégaux, mais impossible de choisir
le meilleur
Les deux dispositifs existants dépendent de l’effectif et de
la situation juridique de l’entreprise qui licencie :
- Le Congé de reclassement dans les
entreprises plus grandes, dispositif obsolète, basé sur des attendus dont l’État
ne vérifie plus la réalité, puisque le dispositif n’est plus suivi ni financé
plus depuis longtemps, si bien que le salarié ne connaît pas les conséquences
positive ou négatives de son choix. - Le CSP, pour les entreprises de moins de
1000 salariés ou en redressement judiciaire, piloté par l’Unedic, dont les
évaluations existantes montrent qu’il sécurise le chômeur et favorise son
reclassement.
Contraints par les caractéristiques de leurs employeurs, les
salariés ne choisissent pas le meilleur dispositif : ils peuvent seulement
choisir d’accepter ou non le dispositif que leur employeur a l’obligation de leur
proposer, et sont très inégalement informés des alternatives qui s’offrent à
eux et des conséquences de leur choix. Et face à ce choix, l’accès à ces aides
au reclassement n’est sont pas forcément décisif aux yeux des salariés
éligibles. En effet, l’alternative de la rupture conventionnelle rencontre
un réel succès depuis sa création en 2008, cependant que la réintroduction de
la dégressivité des allocations chômage a encore compliqué les termes du choix
entre les différentes options.
Converger vers la bonne pratique et donner le choix au
salarié
A court terme des réformes simples pourraient rétablir
l’équité et augmenter les chances de reclassement à la suite d’un licenciement
économique. Dans l’immédiat, la réforme pourrait s’aligner sur la meilleure
pratique, c’est-à-dire le CSP :
- La procédure d’adhésion (informations
disponibles, délai de réflexion, déclenchement du préavis, inscription à Pôle
Emploi, etc.) doit gagner en transparence et être homogène dans les différents
dispositifs de reclassement. - Les salariés éligibles au Congé de
reclassement doivent être clairement informés de leurs droits, et des
conséquences (financières, juridiques, reclassement) du choix qui leur est
proposé et des alternatives possibles. Cela permettrait par ricochet d’éclairer
le choix de préférer ou non recourir à une rupture conventionnelle.
Proposer le CSP à
tous les salariés licenciés économiques serait la voie la plus simple pour
mettre en place les deux propositions ci-dessus, et leur garantirait un choix
équitable au salarié, surtout si le licenciement intervient hors du cadre d’un
Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). Elle aurait évidemment pour inconvénient
de supprimer l’incitation des entreprises de plus de 1000 salariés à proposer
un Congé de reclassement mieux doté que le CSP, donc plus coûteux pour elles.
Le législateur pourrait être réticent à renoncer au principe
fondateur du Congé de reclassement –même s’il est devenu une fiction
dans les faits– selon lequel la responsabilité de l’employeur permet de lui
imposer des obligations croissantes avec la taille de l’entreprise, et donc
avec sa capacité contributive supposée. Dans ce cas il serait possible
d’ajouter aux propositions ci-dessus :
- Des modalités minimales du Congé de
reclassement alignées sur celles du CSP :
durée minimale de 12 mois, taux de remplacement à 75% et droits sociaux
afférents, garantie minimale de moyens alloués à la cellule de reclassement et
à la formation, etc. Ainsi l’alternative entre ce que propose l’employeur et le
CSP serait claire. - Une contribution à l’accompagnement croissante
avec la capacité contributive de l’entreprise (son effectif n’étant qu’un
indicateur imparfait) pour les cas où le salarié préférerait le CSP et l’accompagnement par Pôle Emploi au
Congé de reclassement proposé par l’employeur.
Penser le reclassement dans le marché du travail
contemporain
A court terme l’objectif du CSP+ est de sortir du réseau actuel
de contraintes, d’échappatoires et de mauvaise information des parties
prenantes, pour améliorer les chances de reclassement des salariés. En
simplifiant les dispositifs existants le CSP+ peut se faire dans l’intérêt
conjoint des individus, des employeurs et de la collectivité.
A moyen terme il reste que l’employeur qui met fin à un
contrat de travail le fait pour des raisons économiques dans l’immense majorité
des cas, même si ces raisons ne sont pas forcément explicites dans le motif de
rupture –d’autant moins que des obligations spécifiques y sont attachées. Les ruptures
de contrats de travail engendrant des besoins de reclassement liées au
fonctionnement normal d’une économie n’ont donc pas diminué. Le changement
tient au fait que les actions de reclassement auparavant imposées à
l’entreprise et financées par elle se sont déplacées vers le service public de
l’emploi et ses prestataires. Cette évolution s’est faite par défaut et au fil
de l’eau, mais il est clair qu’il existe là un domaine de réflexion et de
réforme à travailler, dans un cadre bien plus large que celui des dispositifs
de reclassement réservés aux salariés licenciés économiques.