Loi de séparation bancaire : symbole politique ou nouveau paradigme économique ?

par Céline Antonin et Vincent Touzé

Imprudence, aléa moral et engrenage systémique ont été les maîtres-mots de la crise bancaire. Mécontents de n’avoir eu d’autre choix que de venir à la rescousse des banques, les gouvernements tentent aujourd’hui de reprendre le contrôle et d’imposer de nouvelles réglementations. La plus emblématique d’entre elles concerne la séparation des activités de marché (trading pour compte propre ou compte de tiers) des autres activités bancaires (dépôts, crédits, conseil stratégique et financier, etc.). L’avantage attendu d’une séparation est une plus grande étanchéité entre les activités. Cette dernière pourrait protéger les épargnants en cas de mauvaises opérations des banques sur les marchés financiers. Le 19 février 2013, le Parlement français a voté une loi de séparation bancaire. Malgré des objectifs initiaux ambitieux, la séparation sera partielle puisque seules les activités financières en compte propre seront filialisées. Concernant moins de 1 % des revenus bancaires, cette mesure a un caractère plutôt symbolique. Toutefois, en inscrivant un principe de séparation dans la loi, l’Etat montre sa volonté d’être un superviseur plus actif.

 

L’idée de cloisonner les activités bancaires n’est pas nouvelle. Au lendemain de la crise de 1929, les Etats-Unis adoptèrent le Glass Steagall Act (1933), obligeant à une stricte séparation entre banques commerciales (spécialisées dans les activités de crédit et de gestion des dépôts) et banques d’affaires (spécialisées dans les activités financières) ; la France leur emboîta le pas avec la loi bancaire[1] de 1945. Les avantages attendus d’une séparation bancaire sont doubles. D’une part, les dépôts des clients seraient mieux protégés, car ils ne pourraient plus être sollicités pour éponger les éventuelles pertes de l’activité de marché ; d’autre part, en cas de faillite, l’aide de l’Etat serait limitée, car seule la partie banque de détail des établissements bénéficierait d’une garantie publique.

Quarante ans plus tard, à la faveur du grand mouvement de dérégulation des années 1980-1990, la France fut l’une des premières à abolir la distinction avec la loi bancaire de 1984, posant ainsi le principe de banque universelle. Ce principe conduit à regrouper les activités à fort besoin de liquidité (financement de l’économie) avec celles qui permettent de recueillir la liquidité (activités de dépôts). Ce regroupement présente l’indéniable mérite d’offrir une plus grande solidité financière aux banques. D’autres avantages en découlent : l’effet de levier se trouve renforcé ; le facteur taille conduit à des économies d’échelle ; la capacité d’internationalisation permet aux banques de rentrer dans la catégorie « too big to fail ». Outre-Atlantique, ces arguments ont certainement joué en faveur de l’abolition du Glass Steagall Act en 1999 par l’administration Clinton.

A partir de 2008, les banques ont subi plusieurs chocs : crise des subprimes, chute des valeurs financières, baisse de la croissance économique et crainte d’insolvabilité des dettes souveraines (pour les banques de la zone euro). Ces chocs ont montré que certains avantages de la banque universelle pouvaient se transformer en inconvénients dès lors que le levier financier avait été utilisé de façon trop systématique et que des banques de grande taille en situation difficile faisaient peser un risque systémique. De nombreuses voix vont alors plaider pour un nouveau Glass Steagall Act, voyant dans la séparation entre activités de marché[2] et autres activités bancaires, un moyen de se prémunir contre les crises bancaires d’ampleur. Les activités en compte propre concentrent l’essentiel des dysfonctionnements des banques : prise de risque inconsidérée et quelques cas de traders « fous »[3]. Par conséquent, ce compartiment fait, aujourd’hui, l’objet d’une attention accrue de la part des régulateurs.

Le Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act[4] adopté aux Etats-Unis en 2010 n’instaure pas une séparation bancaire stricto sensu mais reprend la « Volcker rule » qui interdit aux banques de « jouer » avec l’argent des déposants, ce qui conduit à une quasi-interdiction des activités de spéculation pour compte propre des entités bancaires ainsi que d’investissement dans les fonds spéculatifs (hedge fund) ou d’investissement privés (private equity fund). Au-delà de cette règle, cette loi est aussi une vaste réforme en faveur d’une réglementation accrue de l’ensemble des agents financiers (banques, assurances, hedge funds, agences de notation, etc.) ainsi que d’une plus grande surveillance des risques systémiques.

L’Europe envisage à son tour de légiférer sur la séparation bancaire. A la demande du commissaire européen Michel Barnier, le groupe d’experts dirigé par le gouverneur de la Banque centrale de Finlande, Erkki Liikanen, a remis un rapport le 2 octobre 2012. Ce dernier préconise  un cloisonnement bancaire strict[5] mais revient aussi sur les rémunérations des dirigeants et des traders, dont les modalités actuelles pourraient être de véritables « pousses au crime » en matière de spéculation à outrance, afin de les rendre plus compatibles avec des objectifs de long terme. Si ce rapport est transformé en directive européenne, cette dernière devra alors faire l’objet d’une retranscription en droit national dans chaque Etat membre. Cependant, la démarche européenne risque fort d’être devancée par les processus législatifs de plusieurs pays européens. En Allemagne, un projet de loi de régulation bancaire[6] vient d’être présenté par le gouvernement le 6 février 2013, et pourrait entrer en vigueur en janvier 2014 (pour une mise en œuvre d’ici juillet 2015). Le Royaume-Uni s’est illustré en 2011 avec la publication du rapport Vickers[7], mais le gouvernement britannique ne semble pas pressé de mettre ces recommandations en œuvre avec une probable échéance 2019. La France n’est pas en reste avec la « loi de séparation et de régulation des activités bancaires ».

 

UN PROJET DE LOI FRANÇAIS MODESTE…

 

La loi française comporte plusieurs volets. En plus de l’inclusion d’un principe de séparation, elle prévoit aussi des mesures de protection du consommateur bancaire ainsi que le renforcement de la surveillance et du contrôle des banques, à travers plusieurs mesures :

–          Chaque établissement bancaire sera obligé d’élaborer un plan préventif de rétablissement[8] en cas de crise, et de résolution en cas de défaillance (testament bancaire). Le plan de résolution sera soumis à l’appréciation de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), qui devient Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

–          Le Fonds de garantie des dépôts devient fonds de garantie des dépôts et de résolution, et voit sa capacité d’intervention augmentée pour pouvoir intervenir en cas de défaillance d’une banque.

–          La surveillance macro-prudentielle est renforcée, avec l’instauration du Conseil de la stabilité financière.

–          Les droits du consommateur bancaire sont renforcés (transparence sur le coût de l’assurance emprunteur, libre choix de l’assurance emprunteur, droit à un compte bancaire, etc.).

 

Cependant la mesure-phare de la réforme reste la séparation entre « activités utiles à l’économie » et activités spéculatives. Les établissements bancaires devront cantonner leurs activités dites « pour compte propre » dans une filiale ad hoc, soumise à une régulation spécifique et financée de manière autonome. Ces filiales auront interdiction de pratiquer certaines activités spéculatives jugées « trop risquées ou qui peuvent être nuisibles à l’économie ou à la société », comme celles portant sur les marchés de produits dérivés ayant comme sous-jacent les matières premières agricoles et le trading à haute fréquence. Seront néanmoins épargnées de nombreuses activités, comme  la fourniture de services aux clients, l’activité de tenue de marché, la gestion de trésorerie, les opérations d’investissement ou la couverture par l’établissement de ses propres risques.

Cette loi de cloisonnement bancaire, présentée au départ comme ambitieuse, sera finalement d’un impact limité. Le modèle de banque universelle n’est pas remis en question. L’aveu du PDG de la Société Générale ne peut être plus clair[9] : moins de 1 % des revenus seraient concernés. On est donc loin du retour au cloisonnement bancaire d’avant 1984. Le critère de cantonnement est ambigu. En effet, la frontière est poreuse entre la couverture du risque et la pure spéculation : la loi avance un principe flou de « pertinence économique », et les banques pourraient être tentées de jouer sur ce vide juridique. Quant à la tenue de marché[10], il est difficile de faire la différence entre les activités spéculatives pour compte propre, qui devront être filialisées, et les activités permettant au marché de rester liquide : le trading à haute fréquence est ainsi le plus souvent pratiqué sous couvert d’accords de tenue de marché, donc la loi risque d’être un coup d’épée dans l’eau si le statut de teneur de marché n’est pas plus précisément défini[11].

La loi prévoit également d’interdire au groupe bancaire de détenir des parts d’un fonds spéculatif de type hedge fund. Or, les crédits accordés par les banques aux fonds spéculatifs sont toujours accompagnés de garanties. De ce point de vue, la loi aura également un faible impact.

 

… MAIS POUVAIT-ON ALLER PLUS LOIN ?

 

Trouver un autre paradigme économique pour le modèle bancaire est un exercice complexe. En pratique, une séparation bancaire pure et simple n’est pas sans inconvénient et, de façon générale, les limites aux réformes bancaires sont nombreuses.

Tout d’abord, limiter, voire priver, les banques d’investissement d’un accès aux dépôts comme source de liquidité les conduirait à un financement par endettement accru, ce qui pourrait être difficile à concilier avec les contraintes liées à la réglementation prudentielle Bâle III. Cette dernière vient d’être mise en place au 1er janvier 2013. Elle est déjà très exigeante en matière de fonds propres.

Ensuite, il est important de noter que le risque bancaire n’est pas seulement inhérent aux activités de marché. Les contre-exemples récents sont nombreux. L’activité de crédit immobilier a été une source importante de risque : en Espagne, la chute des prix immobiliers et l’insolvabilité des emprunteurs ont mis les banques en quasi-faillite ; aux Etats-Unis, la crise des subprimes est une crise du crédit immobilier qui a affecté les marchés grâce à des mécanismes sophistiqués de titrisation qui ont permis aux banques de sortir le risque de leur bilan (du moins en apparence) ; au Royaume-Uni, la Northern Rock est une banque de détail spécialisée dans les crédits immobiliers qui a subi de plein fouet la crise de liquidité et la crise immobilière. Dans une certaine mesure, les banques universelles ont joué un rôle important pour sauver les banques trop spécialisées : par exemple, JPMorgan Chase (universelle) a repris Washington Mutual (caisse d’épargne) et Bear Stearns (affaires), et Bank of America (universelle) a secouru Merrill Lynch (affaires).

De plus, la séparation est censée rendre plus étanches les activités bancaires. Mais, que se passera-t-il si la filiale qui gère la spéculation pour compte propre fait faillite et engendre de lourdes pertes pour la maison mère? Par le passé, deux des quatre principaux groupes français, BPCE et Crédit Agricole, ont déjà isolé leurs activités de marché dans leurs filiales respectives, Natixis et Cacib, et ont dû venir à leur rescousse en 2008 et 2011 respectivement. L’isolation semble donc très perméable.

Dans un contexte de globalisation financière, la compartimentation risque de ne jamais être effective. La finance globalisée permet, en principe, de tout interconnecter. C’est notamment le rôle des marchés interbancaires[12].

En pratique, il semble difficile pour un gouvernement de réformer, sans coordination avec les autres Etats, son secteur bancaire. Les banques nationales ont des filiales étrangères qui pourraient ne pas être soumises à cette réglementation. Et surtout, les banques étrangères concurrentes pourraient afficher une meilleure rentabilité, ce qui affaiblirait la compétitivité des banques nationales. Au niveau européen, les intérêts nationaux diffèrent et chacun pourrait être tenté d’imposer son projet de loi. Si le rapport Liikanen est transformé en directive, chaque Etat membre aura l’obligation de la retranscrire en droit national. Pour l’instant, les législations de l’Allemagne et de la France prennent de l’avance. Il est possible que ces changements influencent une éventuelle directive future.

A trop vouloir compartimenter, on risque aussi de reporter les interconnections vers des échelons moins visibles. Il ne faudrait pas tomber dans le piège d’une dangereuse illusion : on pense avoir éliminé un risque, en réalité, on l’a juste déplacé.

Enfin, trop de réglementation peut parfois tuer la réglementation. Dans le domaine financier, les contraintes réglementaires peuvent servir de support de spéculation. Ainsi, lorsqu’une banque a des difficultés pour respecter certaines contraintes réglementaires, les marchés sont particulièrement encouragés à spéculer pour provoquer et profiter de la défaillance. La prudence est donc de mise avant d’introduire de nouvelles réglementations.

A vouloir être trop strict sur l’application d’un principe de séparation, on pourrait aussi être amené à ne pas soutenir une banque d’affaires qui fait face à d’importants problèmes de liquidité. Pourtant, selon le principe « too big to fail », une telle décision n’est pas toujours judicieuse. Ne pas avoir soutenu Lehman Brothers est une punition qui a eu des effets collatéraux considérables et durables. Cette faillite a affecté toute la sphère économique et financière.

On notera au passage qu’une réglementation bancaire et financière interprétée comme un remède miracle peut avoir des effets délétères en matière de responsabilité individuelle et collective. On attend tout de la loi et on pense qu’elle résout tout. En même temps, il est très vraisemblable que les vecteurs de la prochaine crise financière réussiront à contourner les contraintes réglementaires, d’où l’importance pour les autorités de contrôle de rester vigilantes et d’adopter en permanence une analyse critique.

 

DEPASSER LE SYMBOLE POLITIQUE

Les marges de manœuvre du gouvernement pour séparer les activités bancaires sont indéniablement limitées car trop réglementer pourrait s’avérer inefficace, voire dangereux. Par conséquent, cette loi de séparation bancaire n’est pas radicale et aura une portée modérée sur les banques. D’un côté, le gouvernement peut avoir la bonne conscience d’avoir fait quelque chose à l’instar de ses homologues étrangers. D’un autre côté, les banquiers ne sont probablement pas mécontents de donner le sentiment d’avoir servi, et surtout à moindres frais, l’intérêt général.

Certains n’y verront qu’un piètre symbole politique. D’autres chercheront à voir au-delà avec l’espoir que cette réforme soit perçue comme un signal fort adressé au monde bancaire. L’espoir ne sera peut-être pas vain puisque le principe de séparation est désormais inscrit dans la loi et un gouvernement futur aura tout loisir de le durcir.

En pratique, un changement de paradigme économique, qui conduirait à la raréfaction des spéculations dommageables, ne peut résulter d’une simple séparation des activités. Les lois bancaires ne doivent pas être trop compliquées car le diable a tendance à se cacher dans le détail. Les autorités de contrôle doivent en permanence conserver un regard critique sur le fonctionnement des marchés et la loi doit leur donner une certaine souplesse d’initiative pour définir quand et comment elles peuvent intervenir. Sur ces sujets, la déclaration de Volcker en 2011 est sans ambiguïtés[13] : « J’aurais écrit un projet de loi beaucoup plus simple. J’aurais adoré voir un projet de loi de quatre pages qui interdit le trading pour compte propre et qui rend le conseil d’administration et le directeur général responsables de la mise en conformité. Et j’aurais voulu des régulateurs forts. Si les banques ne s’étaient pas conformées à l’esprit de la loi, elles les auraient eu à leurs trousses ». De nombreuses mesures visant à responsabiliser les professionnels de la finance (dirigeants et opérateurs de marchés) méritent également d’être étudiées. A ce titre, le rapport Liikanen propose de revoir les modes de rémunération des dirigeants et financiers des banques afin de les rendre plus compatibles avec une vision de long terme. La piste d’une responsabilité pénale[14] accrue des dirigeants du monde financier doit également être explorée. On peut également s’interroger sur la perméabilité des carrières professionnelles du secteur régulateur vers le secteur régulé. Dans ce domaine, il y a sûrement matière à rendre plus étanche le système. L’histoire récente n’a-t-elle pas montré qu’il était possible d’être tour à tour Président de la Fed puis conseiller avisé d’un riche et puissant hedge fund


[1] La loi 45-15 du 2 décembre 1945 instaurait la spécialisation des institutions financières en classant les banques en trois catégories : les banques de dépôts, les banques d’affaires, les banques de crédit à long terme et à moyen terme (articles 4 et 5).

[2] La gestion d’actifs peut être exercée :

– soit pour compte propre (proprietary trading) : la banque achète ou vend des instruments financiers, financés directement par ses ressources. Ces ressources n’incluent pas seulement les fonds propres de la banque, mais aussi les dépôts des épargnants et les emprunts. Cela veut donc dire que, outre les fonds propres, les autres strates de financement de la banque, notamment les dépôts de la clientèle supportent indirectement un risque.

– soit pour compte de tiers (non proprietary trading) : contrairement à la gestion pour compte propre, les risques de crédit et de marché sont principalement pris par le client. Mais, sur certains produits, la banque peut toutefois supporter d’importants risques opérationnels.

[3] http://lexpansion.lexpress.fr/economie/trading-pour-compte-propre-la-face-cachee-des-banques_233686.html.

[4] Le titre VI de la loi propose d’améliorer la régulation et est considéré comme une application de la « Volcker Rule », http://useconomy.about.com/od/criticalssues/p/Dodd-Frank-Wall-Street-Reform-Act.htm.

[5] Le rapport recommande une séparation des activités de marché pour compte propre mais aussi de certaines activités sur les marchés financiers et de produits dérivés pour compte de tiers.

[6] L’Allemagne prépare aussi un projet de loi, dans lequel les banques allemandes seront contraintes d’isoler leurs activités pour compte propre. Comme en France, le modèle de banque universelle ne sera pas remis en question. http://m.lesechos.fr/redirect_article.php?id=reuters_00495696&fw=1.

[7] Le rapport Vickers de septembre 2011 préconise un cloisonnement des activités de banque de détail et d’investissement, via une filialisation de l’activité banque de détail, complétée par une exigence de fonds propres de 10 % pour les banques de détail. Le gouvernement britannique s’est engagé à introduire ces réformes dans la loi en 2015, pour une mise en œuvre prévue d’ici 2019.

[8] Ce plan présente les différentes modalités possibles de rétablissement (recapitalisation, plan d’économie, restructuration, etc.) et doit exclure tout appel à un soutien financier public.

[9] « Nous estimons que, si en 2006-2007, 15 % des activités relevaient des activités de marché, parmi lesquelles 15 % à 20 % pouvaient être classées comme déconnectées de la clientèle, et par  conséquent transférées à une filiale, cette proportion est désormais inférieure à 10 %, se situant autour de  3,5 % à 5 % en moyenne », Frédéric Oudéa, 30 janvier 2013, audition devant la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/cr-cfiab/12-13/c1213060.pdf.

[10] L’activité de tenue de marché (« market making ») correspond à la présence permanente d’un intervenant qui apporte de la liquidité au marché.

[11] A cet égard, mentionnons l’amendement déposé par Karine Berger qui souhaite que Bercy fixe le seuil à partir duquel les activités de marché doivent impérativement être filialisées.

[12] Depuis 2008, la crise de confiance sur le marché bancaire a posé de grosses difficultés d’accès aux liquidités à certaines banques, bien que parfaitement solvables, ce qui a contraint les banques centrales à intervenir et à se substituer au marché interbancaire.

[13] “I’d write a much simpler bill. I’d love to see a four-page bill that bans proprietary trading and makes the board and chief executive responsible for compliance. And I’d have strong regulators. If the banks didn’t comply with the spirit of the bill, they’d go after them”, 22 octobre 2011, http://www.nytimes.com/2011/10/22/business/volcker-rule-grows-from-simple-to-complex.html?pagewanted=all&_r=0.

[14] A ce titre, la justice américaine n’hésite pas à entreprendre des actions contre les institutions financières qui ont failli à leurs devoirs. Voir par exemple, l’action récente contre Standard & Poor’s, http://www.bloomberg.com/news/2013-02-06/s-p-lawsuit-portrays-cdo-sellers-as-duped-victims.html. Voir aussi, les poursuites engagées contre un ancien employé de Goldman Sachs : http://www.sec.gov/litigation/complaints/2010/comp-pr2010-59.pdf et http://dealbook.nytimes.com/2013/01/31/trader-accused-of-misleading-clients-leaves-goldman/ ainsi que l’enquête sur la fameuse « baleine » de Londres : http://www.reuters.com/article/2013/02/15/us-lehman-jpmorgan-londonwhale-idUSBRE91E00W20130215.




L’union bancaire : une solution à la crise de l’euro ?

par Maylis Avaro et Henri Sterdyniak

Le sommet européen des 28 et 29 juin marque une nouvelle tentative des instances européennes et des pays membres pour sortir de la crise de la zone euro. Un prétendu Pacte de croissance a été adopté mais il comprend pour l’essentiel des engagements des pays membres à entreprendre des réformes structurelles ; les fonds dégagés d’un montant limité (120 milliards sur plusieurs années) étaient déjà prévus pour la plupart. En revanche, la stratégie consistant à imposer des politiques budgétaires restrictives n’est pas remise en cause et la France s’est engagée à ratifier le Pacte budgétaire. Les interventions du FESF et du MES seront moins rigides ; elles pourront aider, sans conditions supplémentaires, des pays que les marchés financiers refusent de financer alors que ceux-ci respectent leurs objectifs en termes de politique budgétaire ou de réformes structurelles. Mais la garantie mutuelle des dettes publiques et les euro-obligations ont été repoussées. Le sommet a lancé un nouveau projet : l’union bancaire. Est-ce un complément obligé de l’Union monétaire ou est-ce une nouvelle fuite en avant ?

La crise actuelle est en grande partie une crise bancaire. Les banques européennes avaient nourri les bulles financières et les bulles immobilières (particulièrement en Espagne et en Irlande) ; elles avaient investi dans des fonds de placement ou de couverture aux Etats-Unis. Elles ont connu des pertes importantes avec la crise de 2007-2010 ; les Etats ont dû venir à leur secours, ce qui a été particulièrement coûteux pour l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et surtout l’Irlande. La crise des dettes souveraines de la zone euro a encore accentué leurs difficultés : les dettes publiques qu’elles détenaient sont devenues des actifs risqués. La question de la régulation des banques est posée au niveau international (nouvelles normes de Bâle III), aux Etats-Unis (règle Volcker et loi Dodd-Frank) comme en Grande-Bretagne (rapport Vickers).

En juin 2012, les doutes sur la solidité des banques européennes ont une nouvelle fois resurgi. Les mesures prises depuis 2008 pour stabiliser le système financier sont apparues insuffisantes. Lorsque Bankia, la quatrièmebanque d’Espagne a annoncé qu’elle demandait une aide à l’Etat de 19 milliards d’euros, l’inquiétude sur les bilans des banques espagnoles s’est fortement accentuée. Le taux de créances douteuses des banques espagnoles, dont les bilans ont été fragilisés par le krach immobilier, est passé de 3,3% fin 2008 à 8,7% en juin 2012[1]. Par ailleurs, de nombreux Grecs[2] commencent à réduire leurs dépôts dans les banques de leur pays craignant une sortie de la zone euro.

 

En réponse à ces risques, le projet d’une Union bancaire européenne, relancé par Mario Monti, qui proposait d’étendre des projets en préparation à la DG Marché Unique de la Commission européenne, est actuellement mis en avant par la Commission, la BCE, et plusieurs Etats membres (Italie, France, Espagne,…) En sens inverse, l’Allemagne estime qu’une union bancaire serait impossible sans union budgétaire. Même si Angela Merkel a reconnu[3] qu’il était important d’avoir une supervision européenne avec une autorité bancaire supranationale ayant une meilleure vision d’ensemble, elle a refusé clairement que l’Allemagne prenne le risque de nouveaux transferts ou garanties, sans une intégration budgétaire et politique renforcée[4]. Le sommet de la zone euro du 29 juin a demandé à la Commission de faire prochainement des propositions concernant un mécanisme de surveillance unique pour les banques de la zone euro.

Une telle Union bancaire reposerait sur trois piliers :

– une autorité européenne chargée d’une surveillance centralisée des banques,

– un fonds européen de garantie des dépôts.

– un schéma commun de résolution des crises bancaires.

Chacun de ces piliers fait l’objet de problèmes spécifiques, les uns sont liés à la complexité du fonctionnement de l’UE (l’Union bancaire est-elle limitée à la zone euro ou inclut-elle tous les pays de l’UE ? Est-ce un pas vers plus de fédéralisme ? Comment le concilier avec les prérogatives nationales ?), les autres sont liés à des choix structurels à faire quant au fonctionnement du système bancaire européen.

Le choix de l’institution devant exercer le nouveau pouvoir de supervision bancaire fait débat entre l’Autorité bancaire européenne (EBA) et la BCE. L’EBA, créée en novembre 2010 pour améliorer la surveillance du système bancaire de l’Union européenne, a déjà réalisé deux séries de « stress tests » sur les banques. Le résultat de Bankia pour les tests d’octobre 2011 signalait un déficit de fonds propres de 1,3 milliards. Cinq mois plus tard, ce déficit était de 23 milliards ; la crédibilité de l’EBA en a souffert. De plus, l’EBA, installée à Londres, a autorité sur le système britannique alors que le Royaume-Uni ne veut pas participer à l’Union bancaire. De son coté, la BCE a reçu le soutien de l’Allemagne. L’article 127.6 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne[5] qui a été cité au sommet de la zone euro du 29 juin pour servir de fondement à la création d’une autorité bancaire européenne permet de donner à la BCE un pouvoir de supervision. Le Vice-président de la BCE, M. Constancio, a déclaré le 12 juin que « la BCE et l’Eurosystème sont préparés » pour recevoir ces pouvoirs ; « il n’y aurait donc pas besoin de créer une nouvelle institution ».

Un contrôle européen suppose une vision commune sur la réglementation du système bancaire. Il faut s’accorder sur des questions cruciales comme par exemple : « Faut-il séparer les banques de dépôts des banques d’affaires ? », « Faut-il interdire aux banques d’intervenir sur les marchés financiers pour leur compte propre ? », « Faut-il favoriser le développement de banques publiques, mutualistes ou régionales ou au contraire celui de de grandes banques internationalisées ? », « Faut-il inciter les banques à faire crédit en priorité aux entreprises et administrations de leur pays d’origine ou au contraire à se diversifier ? », « Les règles macro-prudentielles devront-elles être nationales ou européennes ? ». Selon nous, confier ces questions à la BCE comporte le risque de franchir une nouvelle étape de la dépolitisation de l’Europe.

L’application des directives de cette nouvelle autorité posera des problèmes. Un groupe bancaire en difficulté pourrait être sommé de vendre ses parts d’actions de grands groupes nationaux. Mais le gouvernement national accepterait-il d’exposer un champion national à un contrôle étranger ? Les gouvernements perdraient la capacité d’influencer la distribution de crédit par les banques, ce qui, pour certains, est souhaitable (pas d’interférence politique dans le crédit), mais pour nous est dangereux (les gouvernements perdront un outil de politique industrielle qui pourrait être mobilisé pour financer les PME, les ETI ou pour impulser la transition écologique).

Ainsi, sur le dossier Dexia, l’opposition entre la Commission européenne d’une part et la France, la Belgique et le Luxembourg d’autre part, bloque le plan de démantèlement. Ce plan comporte la reprise des activités de financement des collectivités locales françaises de Dexia Crédit Local par une banque des collectivités, issue d’une coopération entre la Banque postale et la Caisse des dépôts. Au nom de la concurrence loyale, Bruxelles remet en cause les financements aux collectivités locales par une telle banque car Dexia a bénéficié d’aides publiques pour son plan de démantèlement. Cela menace la continuité du financement des collectivités locales françaises et pourrait bloquer les projets de ces dernières et surtout interdire à la France de prévoir des mécanismes spécifiques et sécurisés de financement des collectivités locales par de l’épargne locale.

L’objectif d’un fonds de garantie des dépôts est d’éloigner le risque de retrait massif de dépôts lors de paniques bancaires. Ce fonds pourrait être financé par une contribution des banques européenne garanties par le fonds. Selon Schoenmaker et Gros[6], une union bancaire doit se créer sous un « voile de l’ignorance », c’est-à-dire en ne sachant pas quel pays présente plus de risques : ce n’est pas le cas en Europe aujourd’hui. Les auteurs proposent un fonds de garantie qui n’accepterait, au départ, que les grandes banques transnationales les plus solides, mais ceci accentuerait immédiatement les risques de dislocation de la zone si les déposants se précipitaient sur les banques garanties. Il faut donc que le fonds garantisse toutes les banques européennes. Selon Schoenmaker et Gros, sous l’hypothèse d’un plafond de 100 000 euros garantis, la somme des dépôts couverts serait de 9 700 milliards d’euros. Les auteurs proposent que le fonds dispose d’une réserve permanente représentant 1,5% des dépôts couverts (soit près de 140 milliards d’euros). Mais ceci permettrait seulement de sauver une ou deux grandes banques européennes. La crédibilité d’un tel fonds en cas de crise bancaire et de risque de contagion est donc faible. La garantie des dépôts continuera à dépendre des Etats et du MES, qui devraient venir à l’aide du fonds, éventuellement en demandant des contributions supplémentaires aux banques.

L’autorité en charge de ce fonds n’est pas encore désignée. Si la BCE semble bien placée pour recevoir la surveillance du système bancaire, il est beaucoup plus délicat de lui confier la gestion du fonds de garantie des dépôts. Selon Repullo[7], la garantie des dépôts doit être séparée de la fonction de prêteur en dernier ressort. En effet, dans le cas contraire, la BCE pourrait utiliser sa capacité de création monétaire pour recapitaliser les banques, ce qui gonflerait la masse monétaire. Les objectifs de politique monétaire et de soutien aux banques entreraient en conflit. Il faudrait donc créer une autorité de garantie des dépôts et de résolution des crises, distincte de la BCE, qui aurait obligatoirement un droit de regard sur le comportement des banques, qui s’ajouterait à celui de l’EBA, de la BCE, des régulateurs nationaux. Par contre, la BCE continuerait à jouer son rôle de prêteur en dernier ressort. On voit mal la viabilité d’un système si compliqué.

Le risque d’une sortie d’un pays de la zone euro n’étant pas encore écarté, la question se pose de la garantie qu’offrirait l’Union bancaire face à la conversion en monnaie nationale des dépôts libellés en euros. Une garantie des dépôts en monnaie nationale en cas de sortie de l’euro pénaliserait fortement les clients des banques qui subirait la dévaluation de la monnaie nationale par rapport à l’euro et verraient leur pouvoir d’achat fortement diminuer. Une telle garantie ne résout pas le problème de la fuite des capitaux que connaissent aujourd’hui les pays menacés d’un risque de défaut. C’est donc une garantie des dépôts en euros qui serait nécessaire, mais, dans la situation actuelle, compte-tenu du risque qu’elle doit jouer sous peu pour certains pays, elle est plus difficile à mettre en place.

Ainsi, des hommes politiques allemands, finlandais ou des économistes comme H. W. Sinn dénoncent-ils des risques trop importants pour l’Allemagne et les pays du Nord. Selon plusieurs économistes allemands, aucune autorité supranationale n’a le droit d’imposer de nouvelles charges (ou risques de charge) aux banques allemandes sans l’accord du Parlement, et ces risques de charges doivent être explicitement limités. La Cour constitutionnelle allemande pourrait s’opposer au fonds de garantie des dépôts au nom d’une exposition au risque illimité pour l’Allemagne. Par ailleurs, selon George Osborne, le chancelier de l’Echiquier britannique, une garantie des dépôts bancaires à l’échelle européenne exigerait une modification des traités et l’accord de la Grande-Bretagne.

La Commission européenne a commencé à élaborer un schéma commun de résolution des crises bancaires en adoptant le 6 juin les propositions de Michel Barnier. Ce schéma comporte trois volets. Le premier consiste à améliorer la prévention en obligeant les banques à mettre en place des testaments, c’est-à-dire prévoir des stratégies de redressement et même de démantèlement en cas de crise grave. Le deuxième donne aux autorités bancaires européennes un pouvoir d’intervention pour mettre en œuvre les plans de redressement et changer les dirigeants d’une banque si celle-ci ne respecte pas l’exigence de fonds propres. Le troisième indique qu’en cas de défaillance d’une banque, les pouvoirs publics nationaux devront prendre le contrôle de l’établissement et utiliser des instruments de résolution tels que la cession des activités, la création d’une banque de défaisance (une « bad-bank ») ou le renflouement interne (en obligeant les actionnaires et les créanciers d’apporter de l’argent frais). Si nécessaire, les banques pourront bénéficier de fonds émanant du Mécanisme européen de solidarité (MES). Ainsi, les risques liés aux banques seraient-ils mieux partagés : les actionnaires et les créanciers non couverts par la garantie seraient mis à contribution les premiers, de sorte que les contribuables ne paieraient pas pour rembourser les créanciers des banques insolvables. En contrepartie, les actions et les créances des banques deviendraient beaucoup plus risquées ; la réticence des banques envers le crédit inter-bancaire et l’assèchement du marché interbancaire dû à la crise perdurerait ; les banques auraient des difficultés à émettre des titres et devraient augmenter leur rémunération. Or, les normes de Bâle III imposent aux banques de lier leur distribution de crédits à leurs fonds propres. Le risque est grand de voir la distribution de crédit freinée, ce qui contribuerait à maintenir la zone en récession. Selon les décisions du sommet du 29 juin, l’Espagne pourrait être le premier pays dont les banques seraient recapitalisées directement par le MES. Cependant, ceci n’interviendrait pas avant début 2013 ; les modalités d’une telle procédure et l’impact de l’aide du MES sur la gouvernance des banques recapitalisées doivent encore être précisés. Comme le montre l’exemple de Dexia, les modalités de recomposition d’une banque peuvent avoir de lourdes conséquences pour le pays où elle opérait ; les gouvernements (et les citoyens) sont-ils prêts à perdre tout pouvoir en ce domaine ?

L’Union bancaire permettrait de briser la corrélation entre crise souveraine et crise bancaire. Quand les agences de notations dégradent la note de la dette publique d’un pays, ses titres subissent une perte de valeur et passent dans la catégorie « actifs à risque » et sont moins liquides. Cela accroît le risque global des banques du pays concerné. Si une banque fait face à un risque global trop important et n’arrive plus à satisfaire les exigences de fonds propres de Bâle III, l’Etat doit la recapitaliser, mais pour cela il est obligé de s’endetter, et il augmente ainsi son risque de défaut. Ce lien entre les bilans fragilisés des banques et les dettes publiques génère une spirale dangereuse. Ainsi depuis l’annonce de la faillite de Bankia, les taux espagnols de refinancement à 10 ans ont atteint le seuil critique de 7% alors qu’ils étaient proches de 5,5% depuis un an. Au sein d’une Union bancaire, les banques seraient incitées à se diversifier à l’échelle européenne. Cependant, la crise de 2007-09 a montré les risques de la diversification internationale : de nombreuses banques européennes ont perdu beaucoup d’argent aux Etats-Unis ; les banques étrangères connaissent mal le tissu local, que ce soient les PME, les ETI ou les collectivités locales. La diversification sur critère financier s’accorde mal avec une distribution avisée du crédit. D’ailleurs, depuis la crise, les banques européennes ont tendance à se replier sur leur pays d’origine.

Le projet d’Union bancaire suppose que la solvabilité des banques dépende avant tout de leurs fonds propres, donc de l’appréciation des marchés ; que les liens entre les besoins de financement d’un pays (administrations, entreprises et ménages) et les banques nationales soient coupés. On pourrait préconiser la stratégie inverse : une restructuration du secteur bancaire, où les banques de dépôts devraient se concentrer sur leur cœur de métier (le crédit de proximité, basé sur une expertise fine, aux entreprises, ménages et collectivités locales), où leur solvabilité serait garantie par l’interdiction de procéder à certaines opérations risquées ou spéculatives.

L’Union bancaire poussera-t-elle à la financiarisation ou marquera-t-elle un salutaire retour vers le modèle rhénan ? Imposera-t-elle la séparation des banques de dépôts et des banques d’affaires ? Interdira-t-elle aux banques dont les dépôts seront garantis d’intervenir sur les marchés financiers pour leur compte propre ?

 

 

 

 


[1] Selon la Banque d’Espagne.

[2] Le total des dépôts bancaires des ménages et des entreprises ont baissé de 65 milliards en Grèce depuis 2010. Source : Banque centrale de Grèce.

[3] « La supervision bancaire européenne s’annonce politiquement sensible », Les Echos Finance, jeudi 14 juin 2012, p. 28.

[4] « Les lignes de fracture entre Européens avant le sommet de Bruxelles », AFP Infos Economiques 27 juin 2012 .

[5] Art 127.6 : « Le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à une procédure législative spéciale, à l’unanimité, et après consultation du Parlement européen et de la Banque centrale européenne, peut confier à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres établissements financiers, à l’exception des entreprises d’assurances ».

[6] D. Schoenmaker et Daniel Gros (2012), A European Deposit Insurance and Resolution Fund, CEPS working document, n° 364, Mai.

[7] Repullo, R. (2000), Who Should Act as Lender of Last Resort? An Incomplete Contracts Model, Journal of Money, Credit, and Banking 32, 580-605.