Chômage : baisse incertaine mais hausse certaine des inscrits de longue durée

Département Analyse et Prévision (Équipe France)

Les chiffres du chômage du mois de janvier 2016 publiés par Pôle Emploi font apparaître, après la hausse enregistrée au mois décembre (+15 800), une baisse du nombre de demandeurs d’emploi n’exerçant aucune activité (catégorie A) de 27 900 personnes. Si ce chiffre semble encourageant (une baisse d’une telle ampleur n’a pas été observée depuis 2007), il est à relativiser. D’une part, le changement de pratique administrative opéré par Pôle Emploi[1] s’est traduit par une augmentation anormale des sorties pour défaut d’actualisation (239 000 contre 207 000 en moyenne mensuelle en 2015). D’autre part, la forte volatilité des chiffres mensuels au cours des derniers mois est le signe d’un marché du travail dans lequel les créations d’emplois ne sont pas suffisantes pour faire baisser durablement le chômage.

Il est vrai que la hausse du nombre des sorties de Pôle Emploi pour motif de reprise d’emploi déclaré (+5,1% sur trois mois) constitue un signe positif laissant penser que la reprise attendue est en marche. Malgré tout, si des reprises d’emploi ont bien eu lieu, elles n’ont pas permis d’enrayer la montée continue du nombre de demandeurs d’emploi de longue durée (+9,1% en un an). Ainsi, dans un contexte de croissance quasi-nulle en moyenne depuis 2008 et une dégradation continue du marché du travail,  la part des inscrits depuis un an et plus en catégories A, B, C est en augmentation depuis la mi-2009 (31 % environ), et atteint un niveau historique, représentant 45,4 % de l’ensemble des inscrits en catégories A, B, C (graphique 1). Cette hausse s’explique notamment par la montée du chômage des seniors (+8,9 % sur un an) : la montée en charge des réformes de retraite successives (2003, 2010), couplée à la suppression des dispenses de recherche d’emploi pour les seniors, a conduit à un allongement de la durée d’activité et à un recul de l’âge légal de départ à la retraite. Dans un contexte de faible croissance, la hausse du taux d’emploi des seniors a été insuffisante pour absorber la dynamique de population active de cette classe d’âge, avec pour conséquence une hausse du chômage des plus de 50 ans (voir La suppression de la Dispense de recherche d’emploi : quand les gouvernements augmentent volontairement le décompte des chômeurs !).

La relative amélioration du marché du travail attendue dans les mois qui viennent trouverait sa source dans une légère amélioration de la croissance et la montée en charge du plan de formation des chômeurs annoncé par F. Hollande fin décembre 2015. Néanmoins, cette amélioration se diffusera lentement aux demandeurs d’emploi de longue durée. En effet, la transmission aux demandeurs d’emploi de longue durée de la baisse du nombre d’inscrits en catégorie A est relativement longue (graphique 2). Lors de la baisse importante du nombre d’inscrits observée à la fin des années 2000, il avait fallu attendre près d’un an et demi pour que la baisse enregistrée des inscrits en catégorie A se traduise par une baisse significative du nombre de demandeurs d’emploi de longue durée. Les mécanismes de reprise d’emploi sont ainsi sujets à une inertie importante.

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   Légende : DEFM : Demandeurs d’emploi en fin de mois.

[1] Du fait de ce changement méthodologique, les demandeurs d’emploi ont eu un jour de moins pour effectuer leur actualisation, entraînant de fait une augmentation importante du nombre de radiations pour cause de défaut d’actualisation (+1,5 sur trois mois).




Chômage : la douche froide

Département Analyse et Prévision (Équipe France)

Après un mois de septembre encourageant sur le front du chômage (-24 000 inscrits en catégorie A), l’augmentation en octobre de 42 000 demandeurs d’emploi en catégorie A inscrits à Pole Emploi ressemble à une douche froide. C’est en effet le plus mauvais chiffre mensuel depuis 25 mois. Le basculement d’un certain nombre de chômeurs des catégories B (-6 800) et C (-22 100) vers la catégorie A confirme l’idée que la sortie de certains demandeurs d’emploi en catégorie A, par le biais de contrats de très courte durée, n’a été que provisoire : une part importante de ces contrats n’a a priori pas été renouvelée ou transformée en contrats de plus longue durée.

Bien que les enquêtes de conjoncture sur les perspectives d’emploi soient en amélioration, notamment dans les services, cela montre combien la sortie de crise est fragile, les entreprises hésitant à s’engager dans un cycle d’embauches au sein d’un environnement macroéconomique encore très incertain. Eponger les surcapacités de production héritées de la crise prendra du temps et la timide reprise de la croissance (+0,3% au 3e trimestre et +0,4% attendu au 4e trimestre 2015) n’est pas encore suffisante pour inverser la courbe du chômage.

Seule nouvelle positive, le chômage des jeunes de moins de 25 ans en catégorie A se stabilise en octobre 2015. Il est en baisse de près de 20 000 depuis le début de l’année, et se situe à un niveau comparable à celui observé fin 2012. Cela confirme que les politiques d’emplois aidés ciblées sur les jeunes, en particulier les emplois d’avenir, fonctionnent. A l’inverse, faute de véritable reprise sur le marché du travail, avec 2 436 600 chômeurs inscrits en catégories A, B et C depuis plus d’un an, le chômage de longue durée atteint de nouveaux records de mois en mois.

Ce maintien du chômage à un niveau élevé se traduit aussi par une déformation de sa composition. La part des demandeurs d’emploi de longue durée (ceux inscrits depuis plus d’un an) dans l’ensemble des inscrits en catégories A, B et C a crû de 15 points, passant de 29,8 % en avril 2009 à 44,8 % en octobre 2015. Cette évolution préoccupante témoigne de la difficulté de certaines personnes à pouvoir s’extraire du chômage. Les frémissements du marché du travail depuis le début de l’année ont profité en priorité aux chômeurs les moins éloignés de l’emploi.

L’allongement de la durée au chômage s’accompagne d’une perte des droits à l’indemnisation au-delà de 2 ans (3 ans pour les 50 ans et plus) qui se traduit par une dégradation de la situation personnelle des sans-emploi. La part des demandeurs d’emploi indemnisés, passée de près de 50 % au début de 2009 à environ 41 % aujourd’hui évolue à l’inverse de celle des demandeurs d’emploi ayant deux ans d’ancienneté ou plus, cette dernière s’étant accrue de 10 points depuis 2009.

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