Adopter un prélèvement à la source et maintenir l’équité fiscale : quelques éléments de calculs

par Vincent Touzé

Dans une tribune publiée le 15 septembre 2015, j’ai mentionné l’idée que l’adoption d’un prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (IR) au 1er janvier 2018 pouvait conduire à l’abandon d’une créance de 70 milliards sur les ménages du fait que cette réforme nécessite une année de transition, la fameuse « année blanche ». En effet, si les ménages paient dès janvier 2018 l’IR sur les revenus 2018, il sera difficile, pour des raisons de trésorerie, de leur demander de payer également l’IR sur les revenus 2017. Si le gouvernement opte pour une non-fiscalisation des revenus de l’année 2017, les ménages qui paient déjà l’IR seront dispensés d’une année d’impôt sur l’ensemble de leur vie de contribuable[1].

L’abandon de créance pose deux problèmes majeurs : un manque à gagner potentiel pour les finances publiques ainsi qu’un risque de rupture avec le principe d’équité fiscale puisque les générations futures de contribuables ne bénéficieront pas d’une année blanche d’IR.

Dans une Note de l’OFCE (n° 53 du 6 octobre 2015), je propose de répondre aux interrogations posées par l’année blanche à partir de plusieurs calculs financiers. L’objectif de ces calculs est d’évaluer plus précisément quel serait l’impact potentiel d’une réforme fiscale avec un objectif « prélever l’IR à la source » selon qu’elle satisfait ou non la contrainte « garantir l’équité fiscale ».

Ces calculs permettent de mettre en exergue trois éléments importants, éléments sur lesquels les décideurs publics devraient se pencher :

–        la perception plus tôt de l’IR augmente de facto les recettes fiscales dès qu’il y a de la croissance nominale, ce qui peut s’assimiler à une hausse de la pression fiscale ;

–        les bénéfices de l’année blanche sont inégalement répartis et le financement implicite de cette année de transition par une hausse de la pression fiscale est supporté pour l’essentiel par les générations ne payant pas encore l’impôt sur le revenu ;

–        le report dans le temps du paiement de l’IR sur les revenus 2017 devrait permettre de maintenir l’équité fiscale.

 


[1] Dans la législation actuelle de l’IR, lorsqu’un contribuable décède, la dette restante vis-à-vis de l’administration fiscale correspond au montant d’IR restant à payer sur les revenus de l’année précédente auquel s’ajoute le montant d’IR sur les revenus de l’année du décès qui doivent être déclarés. L’impôt dû sur le revenu est payé par les héritiers et il est déductible de l’actif successoral. Avec le prélèvement à la source, l’IR est intégralement (en théorie) payé du vivant du contribuable et lorsqu’il décède sa dette vis-à-vis de l’administration fiscale est nulle. Mécaniquement, les générations qui paient déjà l’IR paieront une année de moins d’IR avec « l’année blanche ».