Assurance chômage des seniors, peu de problèmes, beaucoup de solutions

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par Bruno Coquet (IZA et OFCE)

Depuis le début des années 1960 les seniors bénéficient d’un accès privilégié à l’assurance chômage et de dispositions spécifiques d’indemnisation, notamment une durée potentielle de leurs droits très étendue. Ce type de pratique est commun à de nombreux régimes d’assurance chômage dans le monde.

Jusqu’au milieu des années 1990 ces règles n’ont pas suscité de débat. Les seniors étaient en effet très souvent orientés vers des dispositifs de préretraites qui occultaient les comportements indésirables que peuvent susciter – tant de la part des employeurs, des salariés que des chômeurs – des règles d’assurance chômage inadaptées ou mal contrôlées. Avec l’abandon des préretraites, ces comportements sont apparus plus clairement, créant un débat sur la responsabilité et la suppression des règles d’indemnisation du chômage spécifiques aux seniors.

Les droits dont bénéficiaient les chômeurs seniors ont en conséquence été progressivement réduits ; leur suppression totale figure toujours parmi les demandes de réforme les plus régulièrement mises en avant, que ce soit au nom de la rectification des comportements indésirables qu’elles engendrent ou du redressement des comptes de l’Unedic. C’est cette question qu’analyse la Note de l’OFCE n°XX.

Les seniors n’apparaissent cependant pas surreprésentés au chômage, ni en particulier au chômage indemnisé. Il n’est pas aisé d’illustrer que ces chômeurs indemnisés fassent preuve d’un aléa moral particulièrement fort, en dépit des longues durées d’indemnisation dont beaucoup d’entre eux bénéficient (pas tous car seulement la moitié des seniors qui entrent au chômage sont éligibles à une durée potentielle des droits de 36 mois).

Les « préretraites Unedic » apparaissent comme un phénomène marginal tant en termes quantitatifs, car elles ne concernent à peine plus de 5% des seniors indemnisés par l’assurance chômage, qu’en termes financiers puisque leur poids dans les dépenses de l’Unedic est du même ordre de grandeur.

On oublie souvent de le mentionner mais les 50 ans et plus sont un groupe contributeur net à l’assurance chômage : moins exposé à ce risque que d’autres tranches d’âge, les seniors qui subissent ce risque ont cependant besoin d’une protection adaptée aux difficultés particulières qu’ils rencontrent sur le marché du travail. Dans ces conditions, toute réduction de leurs droits qui ne se traduirait par une diminution significative de leurs cotisations devrait être considérée avec prudence.

Sur la base de ces éléments de diagnostic, nous montrons que l’assureur a de nombreuses possibilités pour renforcer l’efficacité l’assurance chômage des seniors, à moindre coût. Nous proposons pour cela des solutions techniques, certaines très ciblées, d’autres plus ambitieuses, que l’assureur pourrait mettre en œuvre afin de réduire les défauts que les partenaires sociaux jugent prioritaires. Ces propositions sont de deux ordres :

  • Traiter les problèmes avérés… sans affecter la logique d’ensemble

❶ Réduire l’incitation aux préretraites Unedic, sachant que pour cela il est inutile et inefficace de taxer tous les seniors ;

❷ Réexaminer l’opportunité de maintenir l’Allocation de Solidarité Spécifique (ASS), avant de modifier la réglementation de l’assurance chômage ;

❸ Revoir les modalités de maintien des droits au-delà de la durée maximale d’indemnisation, jusqu’à la retraite ;

❹ Renforcer l’accompagnement, dans la mesure où il s’avérerait que c’est sa faiblesse qui serait à l’origine d’un aléa moral chez les chômeurs seniors.

  • Revoir la logique d’ensemble pour réduire les problèmes avérés et futurs

❺ Créer un plafond de durée potentielle des droits continûment croissant avec l’âge ;

❻ Plafonner les possibilités de la validation des trimestres de retraite grâce à des trimestres de chômage indemnisé ;

❼ Créer un compte individuel partiel, afin de lutter contre l’aléa moral, de réintroduire plus de contributivité et d’équité dans le système, pour les seniors tels qu’ils sont actuellement définis, ou plus largement ;

❽ Dans le périmètre actuel d’affiliation à l’assurance chômage, poser la question des cotisations des seniors à l’assurance chômage.

Ces solutions sont parfois complémentaires, parfois exclusives les unes des autres. Elles montrent que de nombreuses solutions à la fois incitatives et économiques sont possibles en dehors de la réduction paramétrique de la « générosité » des droits des seniors. Le paramétrage de ces solutions pourrait être ajusté pour trouver des points d’équilibre lors de la négociation.

 

Pour en savoir plus : Coquet Bruno, 2016, « Assurance chômage des seniors : peu de problèmes, beaucoup de solutions », OFCE policy brief 3, 8 septembre

 

2 Comments

  1. Bonjour,
    Merci pour votre lecture très précise et votre commentaire.
    Vous avez évidemment raison sur la réglementation.
    L’idée défendue dans ce paragraphe est que pour être éligible à cette réglementation le critère d’activité (actuelle ou récente) est peu contraignant: j’ai inscrit les conditions d’éligibilité d’un senior à l’assurance chômage (4 mois sur 36).
    Il est vrai que la réglementation requiert d’être “en cours d’indemnisation depuis 1 an au moins”(indemnisable ou indemnisé ? ce n’est pas précisé au §9.3). Or, pour cela, dans le cas général, il faut donc avoir été éligible à l’ARE, avec une condition d’activité minimale de 12 mois au cours des 36 derniers avant l’indemnisation (auxquels il faut ajouter les 12 mois indemnisés). Il faut donc lire: avoir travaillé “au moins 12 mois au cours des 48 derniers mois”.
    Je fais mon possible pour faire rectifier cette erreur dans le texte en ligne.
    Cordialement.

  2. Bonjour, une remarque sur le chapitre ‘Revoir les modalités de maintien des droits au-delà de la durée maximale d’indemnisation, jusqu’à la retraite’
    • Dans le texte en pdf du 8 septembre 2016 : http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf-articles/actu/OFCE-briefing3.pdf
    vous écrivez “cette disposition est conditionnée par le fait de rester actif et d’avoir travaillé au moins 4 mois au cours des 36 derniers mois, de manière continue ou non.”
    • En réalité, les conditions de maintien des droits à l’allocation d’ARE jusqu’à la retaite à taux plein sont spécifiées à l’art.9 §3 du règlement général de la Convention relative à l’indemnisation du chômage, ici :
    http://www.unedic.org/article/reglement-general-2
    Vous constaterez que c’est très différent de ce que vous avez écrit.

    cordialement

    sined76

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