L’innovation dans les énergies renouvelables : quand intervention de l’État et concurrence vont de pair

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par Lionel Nesta et Francesco Vona[1]

Contrairement à une idée reçue selon laquelle la concurrence n’exige aucune intervention de l’État, les politiques d’innovation et de concurrence se complètent mutuellement. C’est la principale conclusion d’une étude[2] que nous avons réalisée sur l’innovation dans le domaine des énergies renouvelables et que nous résumons dans une note de l’OFCE (OFCE Briefing Paper, n°8, October 6, 2014).

L’innovation est en effet le seul moyen permettant, à terme, de surmonter une contrainte environnementale croissante. Dans le domaine de l’énergie, l’augmentation de la rareté des ressources rend de plus en plus pressant le besoin de sources d’énergies renouvelables, comme la biomasse, l’énergie solaire ou éolienne.

Mais en dépit de l’augmentation considérable des demandes de brevets dans le domaine des énergies renouvelables (voir la graphique 1 pour le cas de six grands pays de l’OCDE), les énergies renouvelables ne peuvent toujours pas rivaliser avec les combustibles fossiles, leur production étant moins chère et leur distribution plus efficace. Les politiques publiques s’avèrent dès lors nécessaires notamment parce qu’elles peuvent s’inscrire dans une perspective de long terme permettant le développement des énergies renouvelables. Se pose alors la question des politiques publiques qui seront les plus efficaces pour servir de support à l’innovation verte.

Initialement, l’adoption de l’Accord de Kyoto sur le changement climatique a créé un consensus sur la nécessité de ces politiques environnementales. Ainsi, au cours des 20 dernières années, les pays de l’OCDE ont de plus en plus soutenu l’innovation dans les énergies renouvelables en diversifiant le type d’intervention. Aujourd’hui, ces politiques publiques visent à la fois à stimuler les investissements dans les capacités dites « vertes » et à réduire le coût de production de l’énergie renouvelable.

Dans le même temps, le processus de libéralisation des marchés de l’énergie s’est graduellement affirmé, et ce dans la plupart des pays de l’OCDE. Il a accru la concurrence en abaissant les barrières à l’entrée et accéléré la privatisation des producteurs d’énergie. Ce processus de libéralisation peut être positif pour l’innovation dans les énergies renouvelables, car ce type d’innovation s’appuie sur l’émergence de nouveaux acteurs. Les grands opérateurs historiques, eux, ne sont guère incités à développer des nouvelles technologies qui mettraient en cause leurs investissements passés dans la production d’énergie à grande échelle.

Dans ce contexte, il est important de comprendre la façon dont l’interaction entre politique publique et libéralisation influe sur l’innovation dans les énergies renouvelables. Notre principal résultat est que ces politiques sont plus efficaces dans des marchés libéralisés. Trois fois plus efficaces, en fait ! En général, cette complémentarité est l’un des plus grands moteurs de l’innovation, en particulier pour les brevets de haute qualité. Ce résultat est résumé dans le graphique 2 où nous décrivons l’effet marginal estimé des politiques d’énergies renouvelables sur l’innovation en fonction du degré de déréglementation du marché. Cet effet est positif pour les pays ayant un niveau de réglementation en dessous de la moyenne, comme c’est le cas pour l’Allemagne et les Etats-Unis. Notre conclusion est que l’effet des politiques d’énergies renouvelables sur l’innovation est médiatisé par le degré de concurrence sur le marché de l’énergie.

Encore une fois, dans le secteur de l’énergie, contrairement à la croyance commune que la concurrence n’exige aucune intervention de l’État, les politiques d’innovation et de concurrence se complètent mutuellement.

Graph1Vona_nesta

 

Graph2_Vona_nesta

 

 

 


[1] Cette recherche a bénéficié du financement du 7e PCRD de l’Union européenne (FP7/2007-2013) n°320278 (RASTANEWS).

[2] Voir : Nesta, L., Vona, F., Nicolli, F., 2014. “Environmental Policies, Competition and Innovation in Renewable Energy”, Journal of Environmental Economics and Management, vol. 67(3), 396-411.