La Réserve fédérale hausse le ton

par Christophe Blot

Lors de sa réunion du 13 juin, la Réserve fédérale a annoncé une augmentation du taux directeur de la politique monétaire, qui se situe désormais dans une fourchette de 1,75 à 2 %. Jérôme Powell, le nouveau Président de l’institution depuis février justifie cette décision par la situation favorable sur le marché du travail et par l’évolution récente de l’inflation, proche de 2 % lorsqu’on l’on ne tient pas compte des prix alimentaires et de l’énergie[1]. Dans ces conditions, la banque centrale serait en passe de satisfaire ses objectifs, à savoir un emploi maximum et la stabilité des prix, ce qui justifie la poursuite de la normalisation de la politique monétaire américaine.

Alors qu’en fin d’année 2017, les observateurs de la Réserve fédérale pariaient plutôt sur trois hausses des taux en 2018, l’annonce du 13 juin plaide désormais pour une légère accélération du rythme de resserrement monétaire. En ligne avec nos prévisions d’avril, la Réserve fédérale augmenterait encore ses taux à deux reprises en 2018 pour les porter à 2,5 %. Ce changement résulte en grande partie de prévisions de croissance plus optimistes en 2018, soutenue par une politique budgétaire fortement expansionniste. Le PIB augmenterait alors de 2,9 % et le chômage poursuivrait sa baisse pour atteindre 3,6 % en fin d’année 2018, soit un niveau inférieur à celui observé lors des précédents creux observés en 2000 et 2006 où il avait atteint respectivement 3,9 % et 4,5 %. Néanmoins, l’évolution d’autres indicateurs sur le marché du travail – taux d’emploi et taux d’activité – conduisent à nuancer le diagnostic d’une situation économique qui aurait été définitivement rétablie dix ans après le début de la Grande Récession. Le taux d’emploi et le taux d’activité restent en effet inférieurs aux niveaux observés lors du pic de la fin des années 2000, ce qui pourrait contribuer à expliquer l’absence de tensions inflationnistes aux États-Unis malgré un taux de chômage aussi bas.

Pour autant, la politique monétaire américaine restera expansionniste cette année. De fait, le taux directeur en fin d’année 2018 resterait inférieur à celui atteint lors des deux précédents pics d’activité. En 2000 et 2006, la Réserve fédérale avait monté son taux jusqu’à 6,5 % et 5,25 % respectivement. C’est aussi ce que suggère le taux issu d’une règle de Taylor qui permet de déterminer une valeur de référence pour le taux d’intérêt si la banque centrale appliquait une règle systématique où le taux d’intérêt directeur dépend de l’écart de croissance[2] et de l’écart de l’inflation à une cible de 2 %. En fin d’année, le taux simulé issu de la règle de Taylor serait de 4,1 % suggérant que la Réserve fédérale se montre toujours aussi prudente dans sa phase de normalisation de la politique monétaire.

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[1] L’inflation totale s’élevait à 2,4 % en avril.

[2] L’écart de croissance en prévision est calculé à partir de l’évolution de la croissance potentielle du CBO (Congress Budget Office) et des prévisions OFCE du PIB américain.




La désinflation manquante est-elle un phénomène américain uniquement ?

par Paul Hubert, Mathilde Le Moigne

La dynamique de l’inflation après la crise de 2007-2009 est-elle atypique ? Selon Paul Krugman : « si la réaction de l’inflation (ndlr : aux Etats-Unis) avait été la même à la suite de la Grande Récession que lors des précédentes crises économiques, nous aurions dû nous trouver aujourd’hui en pleine déflation… Nous ne le sommes pas. » En effet, après 2009, l’inflation aux Etats-Unis est demeurée étonnamment stable au regard de l’évolution de l’activité réelle. Ce phénomène a été qualifié de « désinflation manquante ». Un tel phénomène s’observe-t-il dans la zone euro ?

En dépit de la plus grande récession depuis la crise de 1929, le taux d’inflation est resté stable autour de 1,5% en moyenne entre 2008 et 2011 aux Etats-Unis, et de 1% en zone euro. Est-ce à dire que la courbe de Phillips, qui lie l’inflation à l’activité réelle, a perdu toute validité empirique ? Dans une note de 2016, Olivier Blanchard rappelle au contraire que la courbe de Phillips, dans sa version originelle la plus simple, reste un instrument valable pour appréhender les liens entre inflation et chômage, et ce en dépit de cette « désinflation manquante ». Il note cependant que le lien entre les deux variables s’est affaibli parce que l’inflation dépend de plus en plus des anticipations d’inflation, elles-mêmes ancrées à la cible d’inflation de la Réserve fédérale américaine. Dans leur article de 2015, Coibion et Gorodnichenko expliquent cette désinflation manquante aux Etats-Unis par le fait que les anticipations d’inflation sont plutôt influencées par les variations des prix les plus visibles, comme par exemple les variations du prix du baril de pétrole. On observe d’ailleurs depuis 2015 une baisse des anticipations d’inflation concomitante à la baisse des prix du pétrole.

La difficulté à rendre compte de l’évolution récente de l’inflation, au travers de la courbe de Phillips, nous a conduits à évaluer, dans un récent article, ses déterminants potentiels et à examiner si la zone euro a également connu un phénomène de « désinflation manquante ». Sur la base d’une courbe de Phillips standard, nous ne retrouvons par les conclusions de Coibion et Gorodnichenko lorsque l’on considère la zone euro dans sa totalité. Dit autrement, l’activité réelle et les anticipations d’inflation décrivent bien l’évolution de l’inflation.

Cependant, ce résultat semble provenir d’un biais d’agrégation entre les comportements d’inflation nationaux au sein de la zone euro. En particulier, nous trouvons une divergence notable entre les pays du nord de l’Europe (Allemagne, France), exhibant une tendance générale à une inflation manquante, et les pays davantage à la périphérie (Espagne, Italie, Grèce) exhibant des périodes de désinflation manquante. Cette divergence apparaît néanmoins dès le début de notre échantillon, c’est-à-dire dans les premières années de la création de la zone euro, et semble se résorber à partir de 2006, sans changement notable au cours de la crise de 2008-2009.

Contrairement à ce qui s’est produit aux États-Unis, il apparaît que la zone euro n’a pas connu de désinflation manquante à la suite de la crise économique et financière de 2008-2009. Il semble au contraire que les divergences d’inflation en Europe sont antérieures à la crise, et tendent à se résorber avec la crise.

 




Une (ré) assurance chômage européenne

par Léo Aparisi de Lannoy et Xavier Ragot

Le retour de la croissance ne peut faire oublier la mauvaise gestion de la crise au niveau européen sous son aspect économique, mais aussi social et politique. Les divergences des taux de chômage, des balances courantes et des dettes publiques entre les pays de la zone euro sont inédites depuis des décennies. Les évolutions de la gouvernance européenne doivent viser la plus grande efficacité économique pour la réduction du chômage et des inégalités tout en explicitant et en justifiant leurs enjeux financiers et politiques afin de les rendre compatibles avec des choix politiques nationaux. La constitution d’une assurance chômage européenne remplit ces critères.

L’idée d’un mécanisme européen d’indemnisation des chômeurs est une vielle idée dont les premières traces remontent au moins à 1975. Cette idée est aujourd’hui très débattue en Europe avec des propositions émanant d’économistes ou d’administrations italiennes, françaises, des études menées par des instituts allemands, dont le dernier Policy Brief de l’OFCE propose une synthèse. Cette possibilité est même évoquée dans des communications de la Commission européenne. Cette note présente les débats européens, ainsi que le système en place aux États-Unis.

Le mécanisme de réassurance chômage européen présenté dans cette note vise à financer les indemnités chômage des pays en cas de récession sévère et s’inspire pour cela de l’expérience des États-Unis. Ce mécanisme constitue un second niveau européen en plus de niveaux nationaux d’assurance chômage différents. Il permet de soutenir les chômeurs dans les pays touchés par une récession importante, ce qui contribue à soutenir la demande agrégée et l’activité tout en réduisant les inégalités dans les pays bénéficiaires, et est compatible avec une réduction des dettes publiques. Ce mécanisme n’engendre ni transferts permanents vers les pays qui ne se réformeraient pas, ni de distorsions de concurrence, ni le transfert de pouvoirs politiques relevant aujourd’hui de la subsidiarité. Il est en effet, comme c’est le cas aux États-Unis, compatible avec une hétérogénéité de systèmes nationaux.

Pour donner des ordres de grandeur, un système de réassurance, équilibré sur le cycle économique européen et sans transferts permanents entre les pays, aurait augmenté la croissance de 1,6% du PIB en Espagne au cœur de la crise, et l’Allemagne aurait reçu une aide européenne de 1996 à 1998 et de 2003 à 2005. La France aurait connu une augmentation du PIB de 0,8% en 2013 grâce à un tel système, comme le montrent des simulations présentées par des équipes européennes.

Pour accéder à l’étude complète, consulter ici le Policy Brief de l’OFCE, n°28 du 30 novembre 2017.




Taux d’activité et durée du travail : des ajustements différenciés

par Bruno Ducoudré et Pierre Madec

La plupart des pays européens ont, au cours de la crise, réduit plus ou moins fortement la durée effective de travail, via des dispositifs de chômage partiel, la réduction des heures supplémentaires ou le recours aux comptes épargne-temps, mais aussi via le développement du temps partiel (particulièrement en Italie et en Espagne), notamment le temps partiel subi. A contrario, l’évolution favorable du chômage américain s’explique en partie par une baisse importante du taux d’activité.

En supposant qu’une hausse d’un point du taux d’activité entraîne, à emploi constant, une hausse du taux de chômage, il est possible de mesurer l’impact de ces ajustements (durée du travail et taux d’activité) sur le chômage, en calculant un taux de chômage à emploi constant et contrôlé de ces ajustements. Excepté aux États-Unis, du fait entre autres des réformes des retraites menées, l’ensemble des pays étudiés ont connu une augmentation de leur population active (actifs occupés + chômeurs) plus importante que celle observée dans la population générale. Mécaniquement, sans création d’emploi, ce dynamisme démographique a pour effet d’accroître le taux de chômage des pays concernés.

Si le taux d’activité s’était maintenu à son niveau de 2007, le taux de chômage serait inférieur de 1,7 point en France, de 2,7 points en Italie et de 1,8 point au Royaume-Uni (Graphique). Par contre, sans la contraction importante de la population active américaine, le taux de chômage aurait été supérieur de plus de 3 points à celui observé en 2016. Il apparaît également que l’Allemagne a connu depuis la crise une baisse importante de son chômage (-5,1 points) alors même que son taux d’activité croissait de 2,2 points. À taux d’activité inchangé, le taux de chômage allemand serait de … 1,2%. Il reste que les évolutions des taux d’activité résultent aussi de facteurs démographiques structurels si bien que l’hypothèse d’un retour vers les taux de 2007 est arbitraire. Pour les États-Unis, une partie de la baisse du taux d’activité s’explique par l’évolution de la structure de la population. Aussi, le chiffre de sous-emploi peut être considéré comme surévalué.

Concernant la durée du travail, les enseignements semblent bien différents. Il apparaît ainsi que si la durée du travail avait été maintenue dans l’ensemble des pays à son niveau d’avant-crise, le taux de chômage aurait été supérieur de 3,9 points en Allemagne, de 3,4 points en Italie et de 0,8 point en France. En Espagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis, le temps de travail n’a que très peu évolué depuis la crise. En contrôlant le temps de travail, le taux de chômage évolue donc comme celui observé dans ces trois pays.

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Il faut rappeler que la baisse de la durée du travail est tendancielle, ce qui se reflète dans les évolutions observées pendant la crise indépendamment des mesures spécifiques prises pour amortir le choc sur l’emploi par des mécanismes comme le chômage partiel ou l’utilisation de comptes épargne temps. Depuis la fin des années 1990, l’ensemble des pays étudiés ont fortement réduit leur temps de travail. En Allemagne, entre 1998 et 2008, cette baisse a été en moyenne de 0,6 % par trimestre. En France, le passage aux 35 heures a entraîné une baisse similaire sur la période. En Italie, au Royaume-Uni et aux États-Unis, ces ajustements à la baisse de la durée moyenne du travail ont été respectivement de -0,3 %, -0,4 % et -0,3 % par trimestre. Au total, entre 1998 et 2008, la durée du travail a été réduite de 6 % en Allemagne et en France, de 4 % en Italie, de 3 % au Royaume-Uni et aux États-Unis et de 2 % en Espagne, de facto seul pays à avoir intensifié, durant la crise, la baisse du temps de travail entamée à la fin des années 1990.

 




Evolution des taux d’activité en Europe pendant la Grande Récession : le rôle de la démographie et de la polarisation de l’emploi

par Guillaume Allègre et Gregory Verdugo

En Europe comme aux Etats-Unis l’emploi a considérablement reculé pendant la Grande Récession. De plus, au cours des dernières décennies, les forces de l’automatisation et de la mondialisation ont bouleversé les marchés du travail dans les deux régions. Cependant, la réponse des taux d’activités à ces changements a varié d’un pays à l’autre. L’un des événements les plus importants sur le marché du travail aux Etats-Unis au cours de la dernière décennie a été le déclin de la population active. De 2004 à 2013, le taux d’activité des 25 à 54 ans a diminué de 2,6 points de pourcentage (passant de 83,8% à 81,1%) et cette baisse a persisté bien au-delà de la fin de la Grande Récession. A l’inverse, dans l’UE 15, le taux d’activité pour cette catégorie d’âge a augmenté de 2 points au cours de la même période (de 83,7% à 85,6%), malgré la faible croissance et la persistance d’un niveau élevé de chômage.

Qu’est ce qui explique ces différences des deux côtés de l’Atlantique ? Pour répondre à cette question, nous étudions ici les déterminants de l’évolution de la population active au cours des deux dernières décennies dans douze pays européens que nous comparons aux Etats-Unis.

Conformément aux travaux antérieurs sur les Etats-Unis, nous constatons que les changements démographiques récents expliquent une part substantielle des différences entre les pays. La part des baby-boomers à la retraite a augmenté plus rapidement aux Etats-Unis, et y a donc déclenché une baisse plus importante des taux d’activité qu’en Europe. Au cours de la dernière décennie, l’Europe a également été caractérisée par une augmentation du nombre de diplômés du supérieur deux fois plus élevée qu’aux Etats-Unis, et ce notamment en Europe du Sud et en particulier pour les femmes. Les femmes ayant des niveaux d’éducation plus élevés sont plus susceptibles de rejoindre la population active et elles ont ainsi contribué de manière spectaculaire à l’augmentation de la population active en Europe.

Cependant, ces changements n’expliquent pas tout. Pour la population ayant un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat, les taux d’activité des hommes ont diminué dans tous les pays. Pour les femmes, ils ont augmenté rapidement, en particulier dans les pays les plus touchés par le chômage. En Espagne, en Grèce et en Italie, les taux d’activité des femmes ayant un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat ont augmenté de respectivement 12, 5,5 et 2 points entre 2007 et 2013 alors que ces économies étaient plongées dans une récession profonde.

Pour expliquer ces faits, nous étudions le rôle des changements de demande de travail au cours des dernières décennies et en particulier lors de la Grande Récession. Nous montrons que, comme aux Etats-Unis, la polarisation de l’emploi (qui désigne la réaffectation de l’emploi vers les professions les moins et les plus rémunérées au détriment des professions intermédiaires) s’est accélérée en Europe lors de la Grande Récession (graphique 1). En raison d’une plus grande destruction d’emplois dans les professions intermédiaires, la polarisation récente a été largement plus intense en Europe.

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Autre différence importante par rapport aux Etats-Unis, la ségrégation professionnelle entre les hommes et les femmes est plus marquée en Europe. Les emplois intermédiaires qui disparaissent rapidement sont ainsi bien plus susceptibles d’employer des travailleurs masculins en Europe alors que l’expansion des professions peu qualifiées bénéficie au contraire de manière disproportionnée aux femmes (graphique 2). En conséquence, en Europe plus qu’aux Etats-Unis, la polarisation de l’emploi et la destruction des emplois intermédiaires ont entraîné un déclin spectaculaire des opportunités sur le marché du travail pour les hommes par rapport aux possibilités offertes aux femmes. Nous trouvons que ces chocs de demande asymétriques entre hommes et femmes expliquent la plus grande part de la hausse des taux d’activité des femmes les moins diplômées durant la Grande Récession.

 

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Pour en savoir plus : Gregory Verdugo, Guillaume Allègre, « Labour Force Participation and Job Polarization: Evidence from Europe during the Great Recession », Sciences Po OFCE Working Paper, n°16, 2017-05-10




Au-delà du taux de chômage. Comparaison internationale depuis la crise

par Bruno Ducoudré et Pierre Madec

En France, selon les chiffres de l’INSEE publié le 12 mai 2017, l’emploi marchand non agricole a augmenté (+0,3%) au premier trimestre 2017 pour le huitième trimestre consécutif. Sur une année, l’emploi marchant a cru de 198 300 postes. Malgré l’amélioration observée depuis 2015 sur le front de l’emploi, les effets de la crise se font encore ressentir.

Depuis 2008, les évolutions de l’emploi au sein des pays de l’OCDE ont été très différentes. Les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont retrouvé des taux de chômage proches de ceux observés avant le début de la crise, tandis que les taux de chômage français, italien et plus encore espagnol sont encore au-dessus des niveaux d’avant-crise. L’évolution du chômage résulte de l’écart entre l’évolution de la population active et l’évolution de l’emploi. Une amélioration sur le front du chômage peut dès lors masquer des évolutions moins favorables sur le marché du travail, en termes de comportements d’activité (évolution du taux d’activité et du « halo du chômage »), ou de progression de l’emploi précaire (temps partiel subi, …). Dans ce billet, nous revenons sur la contribution de l’évolution des taux d’activité et des durées du travail à l’évolution des taux de chômage, et sur une mesure élargie du taux de chômage qui englobe le « halo du chômage » et le temps partiel subi.

Des taux d’emploi marqués par la crise et les réformes

Excepté aux Etats-Unis, les taux d’emploi ont beaucoup évolué depuis 2008. En France, en Italie et en Espagne, le taux d’emploi des 15-24 ans et, plus largement, des moins de 55 ans a fortement reculé (graphique 1). Entre le premier trimestre 2008 et le dernier trimestre 2016, le taux d’emploi des 18-24 ans a baissé de 19 points en Espagne, de plus de 8 points en Italie, et de près de 4 points en France quand, dans le même temps, les taux de chômage de ces pays augmentaient respectivement de 9, 5 et 3 points. La faiblesse de l’activité économique dans ces pays, accompagnée par des destructions ou de faibles créations d’emplois, a fortement impacté les jeunes arrivant sur le marché du travail. A contrario, sur cette même période, le taux d’emploi des individus âgés de 55 à 64 ans croissait dans l’ensemble des pays mentionnés. En France, du fait notamment des réformes des retraites successives et de la suppression de la dispense de recherche d’emploi, le taux d’emploi des seniors a augmenté de 12,3 points en l’espace de 9 années pour atteindre 50 % au quatrième trimestre 2016. En Italie, malgré la dégradation du marché du travail, le taux d’emploi des 55-64 ans a cru de près de 18 points.

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Un fort effet du taux d’activité sur le chômage, compensé par une baisse de la durée du travail

La plupart des pays européens ont, au cours de la crise, réduit plus ou moins fortement la durée effective de travail, via des dispositifs de chômage partiel, de réduction des heures supplémentaires ou de recours aux comptes épargne-temps, mais aussi via le développement du temps partiel (particulièrement en Italie et en Espagne), notamment le temps partiel subi. A contrario, l’évolution favorable du chômage américain (tableau 1) s’explique en partie par une baisse importante du taux d’activité des personnes âgées de 15 à 64 ans (tableau 2). Ce dernier s’établissait au dernier trimestre 2016 à 73,1 %, soit 2,4 points de moins que début 2007.

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En supposant qu’une hausse d’un point du taux d’activité entraîne, à emploi constant, une hausse de 1 point du taux de chômage, il est possible de mesurer l’impact de ces ajustements (durée du travail et taux d’activité) sur le chômage, en calculant un taux de chômage à emploi constant et contrôlé de ces ajustements. Excepté aux États-Unis, l’ensemble des pays étudiés ont connu une augmentation de leur population active (actifs occupés + chômeurs) plus importante que celle observée dans la population générale, du fait entre autres des réformes des retraites menées. Mécaniquement, sans création d’emploi, ce dynamisme démographique a pour effet d’accroître le taux de chômage des pays concernés.

Si le taux d’activité s’était maintenu à son niveau de 2007, le taux de chômage serait inférieur de 1,7 point en France, de 2,8 points en Italie et de 1,8 point au Royaume-Uni (tableau 3). Par contre, sans la contraction importante de la population active américaine, le taux de chômage aurait été supérieur de plus de 2,3 points à celui observé en 2016. Il apparaît également que l’Allemagne a connu depuis la crise une baisse importante de son chômage (-5,1 points) alors même que son taux d’activité croissait de 2,8 points. A taux d’activité inchangé, le taux de chômage allemand serait de … 1,3 % (graphique 2).

Concernant la durée du travail, les enseignements semblent bien différents. Il apparaît ainsi que si la durée du travail avait été maintenue dans l’ensemble des pays à son niveau d’avant-crise, le taux de chômage aurait été supérieur de 3,4 points en Allemagne, de 3,1 points en Italie et d’1,5 point en France. En Espagne et au Royaume-Uni, le temps de travail n’a que très peu évolué depuis la crise. En contrôlant le temps de travail, le taux de chômage évolue donc comme celui observé dans ces deux pays. Enfin, sans ajustement de la durée du travail, le taux de chômage aux Etats-Unis serait 1 point inférieur.

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Il faut rappeler que les dynamiques de baisse de la durée du travail sont anciennes. En effet, depuis la fin des années 1990, l’ensemble des pays étudiés ont fortement réduit leur temps de travail. En Allemagne, entre 1998 et 2008, cette baisse a été en moyenne de 0,5 % par an. En France, le passage aux 35 heures a entraîné une baisse similaire (-0,6% par an) sur la période. Au total, entre 1998 et 2008, la durée du travail a été réduite de 5 % en Allemagne, de 6% en France, de 4 % en Italie, de 3 % au Royaume-Uni et aux Etats-Unis et de 2 % en Espagne.

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Au-delà du « taux de chômage »

En plus d’occulter les dynamiques à l’œuvre sur le marché du travail, la définition stricte du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) ne prend pas en compte les situations à la marge du chômage. Ainsi les personnes souhaitant travailler mais considérées comme inactives au sens du BIT, soit parce qu’elles ne sont pas disponibles rapidement pour travailler (sous deux semaines), soit parce qu’elles ne recherchent pas activement un emploi, forment le « halo » du chômage.

Les bases de données de l’OCDE permettent d’intégrer dans le chômage les individus qui en sont exclus du fait de la définition du BIT. Le graphique 3 présente pour les années 2008, 2011 et 2016 le taux de chômage observé auquel viennent s’additionner d’une part les individus, actifs occupés, déclarant vouloir travailler davantage et d’autre part les individus, inactifs, mais souhaitant travailler et étant disponibles pour le faire. En Allemagne, au Royaume-Uni et aux Etats Unis, les évolutions de ces différentes mesures semblent aller dans le même sens, celui d’une amélioration franche de la situation sur le marché du travail. A contrario, la France et l’Italie ont connu entre 2008 et 2011, mais surtout entre 2011 et 2016, une hausse de leur taux de chômage tant au sens strict, celui du BIT, qu’au sens large. En Italie, le taux de chômage au sens du BIT a augmenté entre 2011 et 2016 de 3,4 points. Dans le même temps, le sous-emploi a augmenté de 3,2 points et la proportion d’individus entretenant un « lien marginal » vis-à-vis de l’emploi de 1 point. Au final, en Italie, le taux de chômage intégrant une partie des demandeurs d’emploi exclus de la définition du BIT atteignait, en 2016, 26,5%, soit plus du double du taux de chômage BIT. En France, du fait d’un niveau de chômage plus faible, ces différences sont moins importantes. Malgré tout, entre 2011 et 2016, le sous-emploi a augmenté de 2,4 points quand le chômage au sens strict ne croissait « que » de 1 point. En Espagne, si l’amélioration en termes de chômage BIT est notable sur la période (-3 points entre 2011 et 2016), le sous-emploi a lui continué à croître fortement (+1,5 point). En 2016, le taux de chômage BIT était en Espagne de 7 points supérieur à son niveau de 2008. En intégrant les demandeurs d’emplois exclus de la mesure du BIT, cet écart atteint 11,0 points.

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Trump peut-il vraiment réindustrialiser les Etats-Unis ?

Par Sarah Guillou

Calliclès à Socrate : « Ce que tu dis ne m’intéresse pas et je continuerai à agir comme j’agissais auparavant, sans me préoccuper des leçons que tu prétends donner. » Le Gorgias , Livre III

Les Etats-Unis n’ont plus guère que 8% des emplois dans l’industrie. Donald Trump, le nouveau Président des Etats-Unis, veut réindustrialiser l’Amérique et communique contre les ouvertures d’usines à l’étranger ou les fermetures d’usines locales. Existe-t-il une rationalité économique à la communication sans discernement  du nouveau Président des Etats-Unis ?

Ses déclarations relatives à la production à l’étranger de grandes entreprises américaines sont consternantes pour un économiste. Ainsi, il suffirait donc de menacer les multinationales, d’augmenter les droits sur leurs importations, ou de les menacer d’une fiscalité punitive pour qu’elles reconsidèrent leurs décisions de localisation. Au-delà de ce que la méthode de Trump est une antithèse de l’Etat de droit, ce qui surprend l’économiste, c’est que ces déclarations non seulement font fi de tout ce que l’on sait sur la logique de la globalisation des chaînes de valeurs mais également de la nature de l’évolution passée et future de la production industrielle. Elles soulèvent donc plus de perplexité que de ralliements (voir aussi sur la politique macroéconomique le billet de X. Ragot).

La seule vérité de la rhétorique de Trump est l’intense désindustrialisation américaine. Repartons de l’état de l’industrie américaine pour comprendre le terreau de la nostalgie ouvrière sur lequel se fonde cette rhétorique.

Le tissu industriel élimé de l’Amérique, terreau de la nostalgie ouvrière

D. Trump use des ressorts de la nostalgie des électeurs d’une époque où le secteur manufacturier tournait à plein régime. Il faut dire que la désindustrialisation américaine a été intense et ce malgré une ouverture commerciale bien moindre qu’elle ne l’est en Europe. Elle a été brutale pour de nombreux travailleurs sans protection sociale. Les pays où l’on entend le plus de discours en faveur de la ré-industrialisation sont ceux où le recul de l’emploi industriel a été le plus accentué, à savoir les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France. Tous trois ont perdu plus d’un quart d’emplois manufacturiers depuis 1995[1].

Graphique 1 : Evolution de l’emploi manufacturier (base 100 en 1995)

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Source : EU Klems pour les Pays européens. FRED Federal Bank of St Louis pour les Etats-Unis.

Le graphique 1 montre la similarité d’évolution de ces 3 économies depuis la fin des années 1990, la France commence à perdre des emplois un peu après les pays anglo-saxons et l’arrêt de cette tendance qui apparaît aux Etats-Unis et au Royaume-Uni dès 2009, ne  s’observe pas nettement pour la France qui continue à perdre des emplois, certes à un rythme plus ralenti qu’en début de période.

Les Etats-Unis ont perdu plus de 5 millions d’emplois depuis 1995, contre plus de 1,5 million au Royaume-Uni et 900 000 pour la France, soit respectivement 29%, 38% et 24% de pertes sur la période. Bien entendu au début les gains de productivité ont permis un moindre recul de la valeur ajoutée, ce qui est moins vrai à partir de l’année 2000 étant donné le ralentissement des gains de productivité dans le secteur manufacturier. On remarquera aussi que l’emploi manufacturier repart à la hausse depuis 2010 aux Etats-Unis mais ralentit de nouveau à partir de 2015 (voir Bidet-Mayer et Frocain, 2017)

Les causes de la désindustrialisation sont bien identifiées. La désindustrialisation a touché toutes les vieilles puissances industrielles en raison notamment du progrès technique et du déplacement de la production de valeur manufacturière dans les services à l’industrie. Au niveau mondial, la production manufacturière ne représente plus que 16% du PIB et donc les 12% américain sont tout à fait honorables. De plus, les Etats-Unis demeurent un acteur majeur de la production manufacturière mondiale, deuxième derrière la Chine en volume produit.

Enfin, une fois considéré que l’incorporation de technologie dans la valeur ajoutée manufacturière ne va pas ralentir et que la robotisation des tâches répétitives propres à la manufacture de séries va se poursuivre sinon s’accélérer, il est certain que la production industrielle du futur connaîtra un moindre contenu en emplois (lire à ce sujet M. Muro).

A l’échelle de la génération des électeurs de Trump, seule une petite part des électeurs localisés dans une petite partie du territoire du Nord des Etats-Unis a été victime de la désindustrialisation. Mais l’industrie est un secteur symbolique, symbole de la puissance économique d’antan, celles des puissances guerrières et impériales, de la naissance de la société de consommation et ensuite celle de l’émergence des puissances économiques asiatiques, nouveaux lieux des usines du monde. Elle incarne une partie de la classe moyenne-ouvrière qui n’a pas vu s’améliorer son revenu sur les 20 dernières années (comme le suggère le graphique « Elephant » de Branko Milanovic)[2]. Enfin, la désindustrialisation américaine s’identifie comme le symétrique de l’industrialisation chinoise ou d’autres pays émergents comme le Mexique, dont la réussite économique est alors prise comme bouc-émissaire de la classe moyenne. Mais si la globalisation a eu des effets différenciés sur les individus selon leur qualification, elle ne se superpose pas à la désindustrialisation.

Partant de cette nostalgie pour l’industrie d’antan, Trump a choisi de s’impliquer personnellement dans les décisions de localisation des entreprises afin de conquérir le vote de cette classe moyenne ayant souffert de la désindustrialisation. Ses interventions ont consisté à prendre à partie directement les entreprises en se targuant d’infléchir leurs décisions. Revenons sur les divers épisodes les plus marquants afin de saisir les motivations respectives des acteurs.

Des cibles industrielles symboliques et communicantes

Il y a eu d’abord l’affaire de l’entreprise Carrier, un équipementier de l’Indiana fabricant de chauffages et climatiseurs, qui avait annoncé en février 2016 sa décision de déplacer 1400 emplois vers le Mexique. S’etant saisi de cette affaire durant sa campagne, une fois élu, Trump partit négocier en novembre avec les dirigeants de l’entreprise. En échange d’allègement d’impôt, de charges et de réglementations, D. Trump demandait le maintien d’une partie des emplois dans l’Indiana. Les autorités locales intervinrent également dans l’accord afin d’amadouer l’entreprise. Le 30 novembre, l’entreprise annonçait son intention de conserver 1000 emplois sur le site. C’est une victoire éminemment symbolique, dans tous les sens du terme, alors que l’économie américaine crée plus de 180 00 emplois par mois. La maison mère de Carrier, United Technologies, concède que ce revirement ne lui coûtera pas si cher surtout si en échange elle obtient une oreille attentive du Président, sans compter que United Technologies est aussi un fabricant de matériel militaire très dépendant de la commande publique (10% des ses ventes selon le New York Times).

Ensuite, il y a eu l’épisode Foxconn, une entreprise d’assemblage taïwanaise des produits d’Apple – son plus gros client — qui décidait de monter une usine d’assemblage aux Etats-Unis, décision que Trump brandit alors comme une victoire personnelle. Foxconn possède déjà des unités de production aux Etats-Unis. Ce n’est pas a priori une relocalisation d’activités car l’entreprise n’envisage pas parallèlement de « désinvestir » à Taïwan. Si l’entreprise décide d’investir aux Etats-Unis, c’est qu’elle a de bonnes raisons de le faire. Parmi ces raisons, les anticipations sur la croissance du marché américain, les obstacles à l’échange que menacent d’instaurer D. Trump et les pressions de son donneur d’ordre (Apple) peuvent jouer.

Enfin, il s’est attaqué aux industries automobiles. Déjà au printemps 2016, Trump avait fustigé le plan de Ford Motors de vouloir construire une usine au Mexique. Le 3 janvier 2017, l’entreprise a bien décidé d’annuler son projet de 1,6 milliard dans l’Etat de San Luis Potosi au Mexique et a annoncé un investissement de 700 millions dans une usine américaine de Flat Rock dans le Michigan afin de construire des voitures électriques et des voitures autonomes. S’agit-il d’un revirement de l’entreprise ? En fait, l’usine mexicaine avait pour vocation de construire des Ford Focus, donc des petits modèles dont la demande a fortement chuté au profit des SUV et autres « crossovers ». La décision de Ford Motors signifie qu’elle cherche à réduire sa production sur ce créneau de véhicules alors que la politique de Trump laisse entrevoir une relance de la demande américaine d’automobiles qui ne se situe pas sur ce créneau. L’entreprise va cependant confirmer sa décision de déplacer ses capacités de production du modèle Focus de Wayne aux Etats-Unis à Hermosillo au Mexique (The Economist, Wheel Spin, 2017). Ces décisions traduisent donc plus un repositionnement de l’entreprise qu’une relocalisation.

La menace d’un droit de douane de 35% pour les véhicules en provenance du Mexique ou bien d’une taxe sur les revenus des importations, est évidemment prise au sérieux par les constructeurs. En 2015, les Etats-Unis importaient plus de 2 millions de véhicules du Mexique. Les constructeurs ont tout intérêt à montrer patte blanche afin par ailleurs d’obtenir d’autres avantages comme le relâchement des réglementations en matière d’émissions par exemple. De plus avec l’ex-président d’ExxonMobil, Rex Tillerson au poste de Secrétaire d’Etat qui assurera la défense des énergies fossiles et le programme économique de relance annoncée, les constructeurs anticipent une reprise des achats.

Les épisodes d’interpellation et de réactions se poursuivent (Hyundai, Toyota, BMW…). Trump passe en revue tous les constructeurs et suspecte toute production à l’étranger d’être un détournement de l’emploi américain. Ce n’est pas un hasard qu’il s’occupe de l’industrie automobile car c’est un secteur symbole de l’« American way of life », symbole de la puissance industrielle américaine au temps où la « rust belt » était encore clinquante. Mais le secteur s’est fortement globalisé et on peut se demander comment Trump peut à ce point méconnaître ou nier l’organisation actuelle de l’industrie et tromper ses électeurs.

Y-a-t-il réellement un vivier d’emplois à relocaliser ?

La globalisation s’est exprimée de deux manières sur l’organisation de la production des entreprises. D’une part, associée au progrès technique, elle a pu se traduire par une disparition de la manufacture à la suite d’une externalisation totale tout en gardant la maîtrise des chaînons où se réalisent les profits. C’est le cas d’Apple, qui ne dispose pas en propre d’usines à l’étranger. On ne peut donc contraindre Apple à relocaliser ce qu’elle n’est pas délocalisé ! Si les droits de douane augmentent, Apple importera des composants plus chers, l’Etat récupèrera une partie de la rente d’innovation et les consommateurs paieront une partie de la taxe. D’autre part, la globalisation a pu aussi se traduire par une délocalisation de la production et dans ce cas, l’entreprise détient des sites productifs à l’étranger, comme dans le secteur automobile mais aussi dans le textile ou le secteur du jouet comme Mattel. Des emplois ont donc bien été déplacés mais parfois aussi les qualifications qu’il n’est pas forcément aisé de retrouver dans le pays domestique.

L’avantage de coût du travail du Mexique ne va pas disparaître : le coût horaire en Indiana est équivalent à ce que touche un travailleur mexicain en une journée. Il en est de même pour le coût chinois. La relocalisation de ce type d’emploi impliquerait de baisser fortement les salaires sauf à ce que les droits de douanes (qui renchérissent les salaires étrangers), la baisse du coût de l’énergie et de la fiscalité et la productivité (qui diminuent les salaires américains) conduisent à un nouvel arbitrage. Mais il faudrait des variations importantes qui ne manqueraient pas d’impacter le reste de l’économie non manufacturière, soit 92% des emplois.

Donc au final, tout le contenu en emplois des importations n’est pas « relocalisable ». De plus, une grande part des importations alimente les exportations : autrement dit une grande part des emplois chinois ou mexicains active des emplois américains dont les productions sont vendues à l’étranger parce le développement des pays émergents a permis la solvabilité de la demande. L’interdépendance est aujourd’hui telle que nul ne sait quelles conséquences un nouvel équilibre des emplois aura sur les prix, les profits, les investissements et les emplois futurs.

Quelles seraient les conséquences d’une relocalisation industrielle ?

Reprenons le cas de Foxconn. Si cette entreprise investit, ce sera pour servir le marché américain. Comme les coûts de production y sont plus élevés, cela implique trois stratégies possibles non exclusives l’une de l’autre. L’entreprise réduit ses marges (ainsi qu’Apple) pour ne pas voir se réduire sa part de marché : Foxconn et Apple acceptent cette réduction des marges pour contrecarrer l’impact négatif sur les ventes de l’opprobre jeté par D. Trump sur l’entreprise. La deuxième stratégie est une augmentation des prix des produits sur le marché américain : à ce moment-là les consommateurs financent les quelques emplois créés. Troisième stratégie : l’entreprise entreprend des procédés de production différents notamment avec une automatisation intensive qui réduit le coût du travail pendant qu’elle réduit aussi les coûts logistiques pour servir le marché américain. En fin du compte, la décision de l’entreprise Foxconn, si elle se confirme, relève d’une rationalité économique assez classique. L’effet Trump s’en mêle dans la mesure où il met Apple en demeure de se justifier sur sa stratégie de localisation. Mais attention si la communication de Trump met en péril la santé financière de l’entreprise (certes, elle a de la marge), alors il met en péril un fleuron de l’économie américaine.

Dans le cas des constructeurs, la multiplication des investissements, si elle se confirmait, va gonfler à la fois l’offre de travail mais aussi l’offre productive domestique. Cela augmentera la concurrence entre les acteurs. Non seulement les salaires vont augmenter, mais les marges vont se réduire en raison des coûts de production plus élevés, du renchérissement des composants importés et de la concurrence accrue sur le marché domestique. Il n’est pas certain que ce soit les constructeurs américains qui tirent forcément leur épingle du jeu. De là à ce qu’ils soient alors contraints d’accepter des participations au capital d’investisseurs chinois et l’arroseur sera arrosé ! Voire même, l’ensemble des décisions d’investissement des constructeurs automobiles pourraient provoquer une pénurie de main d’œuvre – alors que le marché de l’emploi américain est proche du plein emploi – conduisant à une hausse des salaires (et donc des coûts de production) impliquant soit une robotisation accélérée, soit une entrée de travailleurs étrangers.

Donc au final, si on se demande quel sera l’impact d’investissements supplémentaires sur le territoire américain, tout dépend à quelles incitations ils répondent. S’ils répondent à de nouvelles conditions plus contraignantes pour les entreprises posées par le nouveau gouvernement, alors la théorie microéconomique nous dit que les entreprises produiront moins ou plus chers. Si un événement externe augmente les coûts d’une entreprise, elle produit moins (i) soit tout de suite car elle augmente ses prix, (ii) soit à moyen-long terme parce que ses marges sont réduites (elle n’a pas augmenté ses prix) et elle investit moins, (iii) soit à long terme parce qu’elle sort du marché. S’ils répondent à des anticipations d’un accroissement de la demande, alors il faudra que Trump tienne ses promesses de relance. Enfin, si l’investissement se fait en échange de dépense fiscale (baisse des impôts, aides à l’investissement, aides financières), alors le coût pour les finances publiques se traduira par des dépenses présentes ou futures diminuées. En résumé, l’investissement se réalise s’il profite à l’entreprise : qu’il se localise dans le pays d’origine ou à l’étranger, il est toujours conditionné à la promesse de revenus futurs.

Mais pourquoi défendre des multinationales et renoncer au protectionnisme?

Les partisans des mesures protectionnistes répondent : (i) peu importe si les entreprises produisent moins au total, si la répartition de leur production est plus à l’avantage du territoire domestique ; (ii) peu importe si elles font moins de profits, ces multinationales en font tellement ! C’est oublier que les entreprises ont aussi des stratégies intégrées – c’est-à-dire globale — et si elles ont moins de profits, elles investiront moins, cela finira par impacter leur croissance future. C’est oublier que les multinationales sont aussi celles qui investissent le plus en R&D et si leur valeur boursière augmente, elles ne distribuent pas toutes des dividendes. C’est oublier que les échanges, sans être équilibrés, sont bilatéraux c’est-à-dire que si on réduit les revenus de nos partenaires en réduisant leur exportation, on réduit ses propres exportations. Autrement dit, si le revenu des mexicains est fortement réduit, ils achèteront beaucoup moins de produits américains. Sans compter que le protectionnisme – qui finit toujours par être aussi bilatéral (rétorsion oblige) — ne protège pas les faibles mais les rentiers.

Certains maintiennent que les mesures protectionnistes sont le moyen de la re-localisation des sites de production sur les lieux de consommation (afin d’éviter les barrières) et donc de récupération d’activités qui avaient été externalisées. Il faut souligner que le protectionnisme protège les géants, ceux qui peuvent supporter les barrières tarifaires. Et s’il sauvegarde des emplois non qualifiés un peu plus longtemps, il les maintient dans leur « non-qualification ». Surtout, il entrave le développement de la classe moyenne tant des consommateurs que des entreprises. On ne réduira pas les inégalités par du protectionnisme, on figera la société et l’économie. Le protectionnisme n’est pas la solution aux gains différenciés de la globalisation.

Aux Etats-Unis, les effets de la globalisation ont été plus accentués et malgré un marché de l’emploi dynamique, la répartition des gains de la croissance a été très inégale. Les contraintes d’adaptation des qualifications ont été intenses : ainsi les 12% de valeur ajoutée manufacturière, s’ils sont très honorables, se concentrent essentiellement dans le secteur de l’électronique et des technologies de l’information (voir Baily et Bosworth, 2016). Un récent travail de D. Autor et ses co-auteurs du MIT montrent que l’exposition aux importations chinoise a conduit à polariser les votes vers des candidats aux extrémités de l’offre politique. Cela révèle la forte sensibilité des électeurs aux marques de la globalisation.

Mais si le malaise est réel, des mesures protectionnistes ne pourront pas fondamentalement le réduire parce qu’elles vont diminuer la richesse économique des catégories les moins aisés dont le panier de consommation est relativement plus rempli de produits importés, alors que peu d’emplois seront créés. Reprenons l’exemple du secteur automobile, le consommateur américain va voir le prix des automobiles augmenter : le pouvoir d’achat de l’ensemble des consommateurs sera affecté au bénéfice d’une petite minorité d’ouvriers du secteur automobile. La baisse de la fiscalité qui pèse sur les entreprises réduira les recettes fiscales et les moyens de financement des biens publics qui bénéficient le plus aux catégories modestes. Et il n’est pas certain que cette baisse de la fiscalité ait un impact positif sur les entreprises si par ailleurs elles ont à subir des taxes douanières supplémentaires.

En conclusion, l’emploi industriel ne va pas renaître de mesures protectionnistes. Le malaise économique de la classe moyenne ne sera pas amoindri par ce biais. Avec une politique économique et étrangère qui accentue les déséquilibres présents — isolationnisme, protectionnisme, relance au plein-emploi — Donald Trump engage son mandat volontairement dans l’inconnu et l’instabilité. Le pragmatisme ou le cynisme des acteurs de l’économie mondiale ne sera pas annulé par la rhétorique de Trump. C’est sans doute à un autre cynisme qu’elle conduira: celui de l’horizon d’une mandature inespérée et personnelle et du chacun pour soi.

 

[1] L’industrie manufacturière est un sous-ensemble majoritaire de l’industrie qui exclut les activités énergétiques. Il est commun d’associer l’industrie au secteur manufacturier.

[2] Branko Milanovic « Global Inequality », 2016, HUP.

 




Le rêve américain (enfin) démontré ?

par Maxime Parodi

Dans un court article sorti récemment, Thomas Hirschl et Mark Rank (2015) nous livrent quelques chiffres très étonnants sur la société américaine – chiffres qui, pris au sérieux, amèneraient à nettement relativiser les inégalités de revenus aux Etats-Unis. En effet, leur étude laisse entendre que la société américaine est beaucoup plus fluide qu’on ne le croit. Les Américains vivraient certes dans une société très inégalitaire mais, au cours de leur vie, la plupart des Américains feraient l’expérience de la richesse. Il y aurait, en réalité, un fort turn-over entre les riches et les pauvres et ceci expliquerait pourquoi les Américains se montreraient aussi peu critiques à l’égard des inégalités.

Selon cette étude, au cours de leur vie active (de 25 à 60 ans), 69,8% des Américains auraient eu, au moins une année, des revenus suffisant au sein de leur ménage pour faire partie des 20% les plus riches. 53,1% des Américains auraient fait partie – au moins une année – des 10% les plus riches. Et, plus sélect encore, 11,1% des Américains seraient entrés pour au moins une année dans le club des fameux 1% les plus riches.

Mais avant de croire à ces énormités, il faut examiner plus sérieusement l’étude de Hirschl et Rank. En effet, les chiffres qu’ils présentent ne sont pas une simple description de la société américaine, mais le résultat d’un exercice de modélisation. Derrière ces chiffres, il y a donc des hypothèses et des méthodes qui ont été mises en œuvre et qui méritent d’être discutées.

Dans la dernière Note de l’OFCE (n° 56 du 12 janvier 2015), je montre que les hypothèses utilisées sont irréalistes et que la méthode employée ne supporte pas la présence de données manquantes dans la biographie des enquêtés. L’un dans l’autre, les résultats apparaissent très fortement biaisés en faveur du rêve américain. Il est possible, toutefois, de corriger en partie ces biais. On obtient les résultats du tableau ci-dessous.

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En gros, les chiffres de Hirschl et Rank sont divisés par deux ! Ainsi, 31% des Américains auront au moins une année (entre leurs 25 et 60 ans) un revenu du ménage suffisant pour faire partie des 20% les plus riches. Et 5% des Américains auront une année un revenu du ménage suffisant pour faire partie des 1% les plus riches.

Etant donné l’ampleur des corrections, il est clair que l’étude de Hirschl et Rank déforme la réalité en laissant croire que les destinées sociales aux Etats-Unis sont très chaotiques – comme si une société entière jouait à la roue de la fortune. D’autres articles de Hirschl et Rank complètent d’ailleurs ce tableau. En effet, ce n’est pas la première fois que les auteurs produisent des chiffres avec cette méthode. En 2001, ils l’avaient déjà appliqué à l’autre extrémité de la distribution des revenus. Ils ont ainsi évalué le pourcentage d’Américains qui ont connu dans leur vie un épisode de pauvreté (Hirschl et Rank, 2001). Les chiffres qu’ils exhibent sont également énormes. Par exemple, 54% des Américains auraient vécu un épisode de pauvreté[1] avant leurs 40 ans. En 2005, ils ont appliqué à nouveau cette méthode aux bénéficiaires de coupons d’alimentation (food stamps) et estimé que 50% des Américains ont eu ou auront recours à des coupons d’alimentation au moins une fois dans leur vie (avant 65 ans). L’ordre de grandeur, à nouveau, n’est guère crédible. Une méthode moins coûteuse et plus directe permettrait certainement de s’en rendre compte : il suffirait de demander aux Américains s’ils ont bénéficié un jour de coupons d’alimentation. Même si certains Américains préfèreront peut-être cacher cet événement de leur vie, ce biais d’omission ne sera jamais aussi énorme que celui des analyses de survie précédentes. Soyons clair : leur méthode est une machine à produire des énormités.

 

[1] Le seuil de pauvreté retenu est ici de 1,5 fois la valeur du panier de biens propres à satisfaire a minima les besoins de base.




Marché du travail : le taux de chômage est-il un bon indicateur ?

par Bruno Ducoudré et Pierre Madec

Entre la zone euro d’une part et les Etats-Unis et le Royaume-Uni d’autre part, les évolutions des taux de chômage sont à l’image des divergences de croissance mises en évidence au sein de notre dernier exercice de prévision. Alors qu’entre 2008 et la fin 2010, les dynamiques des taux de chômage étaient proches en zone euro, au Royaume-Uni et aux États-Unis et reflétaient la forte dégradation de la croissance, des différences apparaissent à partir de 2011. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, le chômage diminue depuis 2011 tandis qu’il amorce une seconde phase de hausse dans la plupart des pays de la zone euro (tableau 1), après un très bref repli. Ce n’est que plus récemment que la décrue s’est réellement engagée en Europe (fin 2013 en Espagne et début 2015 en France et en Italie). Au final, sur la période 2011-2015, le taux de chômage a continué de croître (+2,7 points) en Espagne. En Italie, cette dégradation du marché du travail s’est même accentuée (+4,5 points, contre 2,2 points entre début 2007 et fin 2010). Dans une moindre mesure, la France n’est pas épargnée.

Malgré tout, l’analyse des taux de chômage ne dit pas tout des dynamiques à l’œuvre sur les marchés de l’emploi (tableaux 2 et 3), et notamment sur le sous-emploi. Ainsi la plupart des pays européens ont, au cours de la crise, réduit plus ou moins fortement la durée effective de travail[1], via des politiques de chômage partiel, la réduction des heures supplémentaires ou le recours aux comptes épargne-temps, mais aussi via le développement du temps partiel (particulièrement en Italie et en Espagne), notamment le temps partiel subi. A contrario, l’évolution favorable du marché du travail américain s’explique en partie par une baisse importante du taux d’activité. Ce dernier s’établissait au premier trimestre 2015 à 62,8 %, soit 3,3 points de moins que 8 ans auparavant.

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Afin de mesurer l’impact de ces ajustements (durée du travail et taux d’activité) sur le chômage, il est possible, sous un certain nombre d’hypothèses[2], de calculer le taux de chômage à emploi constant et contrôlé de ces ajustements. Excepté aux Etats-Unis, où le taux d’activité s’est fortement réduit depuis 2007, l’ensemble des pays étudiés ont connu une augmentation de leur population active (actifs occupés + chômeurs) plus importante que celle observée dans la population générale, du fait des réformes des retraites dans plusieurs pays. Mécaniquement, sans création d’emploi, ce dynamisme démographique a pour effet d’accroître le taux de chômage des pays concernés. Ainsi, si le taux d’activité s’était maintenu à son niveau de 2007, le taux de chômage serait inférieur de 1,6 point en France et de 1,1 point en Italie (tableau 4). A contrario, sans la contraction importante de la population active américaine, le taux de chômage aurait été supérieur de plus de 3 points à celui observé en 2015. Il apparaît également que l’Allemagne a connu depuis la crise une baisse importante de son chômage (-4,2 points) alors même que son taux d’activité croissait de 2,2 points. A taux d’activité inchangé, le taux de chômage allemand serait de 3,1% (graphique 1).

Concernant la durée du travail, les enseignements semblent bien différents. Il apparaît ainsi que si la durée du travail avait été maintenue dans l’ensemble des pays à son niveau d’avant-crise, le taux de chômage aurait été supérieur de plus de 3 points en Allemagne et en Italie et d’environ 1 point en France et en Espagne, pays dans lequel la durée du travail ne s’est réduite fortement qu’à partir de 2011. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le constat est tout autre : le temps de travail n’a que très peu évolué depuis la crise. En contrôlant le temps de travail, le taux de chômage évolue donc comme celui observé dans ces deux pays.

Il faut rappeler que les dynamiques de baisse de la durée du travail sont anciennes. En effet, depuis la fin des années 1990, l’ensemble des pays étudiés ont fortement réduit leur temps de travail. En Allemagne, entre 1998 et 2008, cette baisse a été en moyenne de 0,6 % par trimestre. En France, le passage aux 35 heures a entraîné une baisse similaire sur la période. En Italie, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, ces ajustements à la baisse de la durée moyenne du travail ont été respectivement de -0,3 %, -0,4 % et -0,3 % par trimestre. Au total, entre 1998 et 2008, la durée du travail a été réduite de 6 % en Allemagne et en France, de 4 % en Italie, de 3 % au Royaume-Uni et aux Etats-Unis et de 2 % en Espagne, de facto seul pays à avoir intensifié, durant la crise, la baisse du temps de travail entamée à la fin des années 1990.

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[1] La durée du travail est ici entendue comme le nombre d’heures travaillées totales par les salariés et les non-salariés (i.e. l’emploi total).

[2] Il est supposé qu’une hausse d’un point du taux d’activité entraîne, à emploi constant, une hausse du taux de chômage. L’emploi et la durée du travail ne sont ici pas considérés en équivalent temps plein. Enfin, ne sont pas pris en compte ni les possibles « effets de flexion » ni le « halo du chômage »




Les comportements d’investissement dans la crise : une analyse comparée des principales économies avancées

Par Bruno Ducoudré, Mathieu Plane et Sébastien Villemot

Ce texte renvoie à l’étude spéciale « Équations d’investissement : une comparaison internationale dans la crise » qui accompagne les Perspectives 2015-2016 pour la zone euro et le reste du monde.

L’effondrement de la croissance consécutif à la crise des subprime fin 2008 s’est traduit par une chute de l’investissement des entreprises, la plus importante depuis la Seconde Guerre mondiale dans les économies avancées. Les plans de relance et les politiques monétaires accommodantes mises en œuvre en 2009-2010 ont toutefois permis de stopper l’effondrement de la demande ; et l’investissement des entreprises s’est redressé de façon significative dans tous les pays jusqu’à la fin 2011. Mais depuis 2011, l’investissement a été marqué par des dynamiques très différenciées selon les pays, en témoignent les écarts entre d’un côté les Etats-Unis et le Royaume-Uni et de l’autre les pays de la zone  euro, en particulier l’Italie et l’Espagne. Fin 2014, l’investissement des entreprises se situait encore 27 % en-dessous de son pic d’avant-crise en Italie, 23 % en Espagne, 7 % en France et 3 % en Allemagne. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, l’investissement des entreprises était respectivement 7 % et 5 % au-dessus de son pic d’avant-crise (cf. graphique).

En estimant des équations d’investissement pour six grands pays (Allemagne, France, Italie, Espagne, Royaume-Uni et Etats-Unis), notre étude vise à expliquer les mouvements de l’investissement sur longue période, en portant une attention toute particulière à la crise.  Les résultats montrent que les déterminants traditionnels de l’investissement des entreprises – le coût du capital, le taux de profit, le taux d’utilisation des capacités de production et l’activité attendue par les entreprises – permettent de capter les principales évolutions de l’investissement pour chacun des pays au cours des dernières décennies, y compris depuis 2008.

Ainsi, depuis le début de la crise, les différences en matière de choix fiscaux, la mise en place de politiques budgétaires plus ou moins restrictives et la pratique de politiques monétaires plus ou moins expansives ont conduit à des dynamiques d’activité, de coût réel du capital ou de taux de profit différentes selon les pays qui expliquent aujourd’hui les disparités observées sur l’investissement des entreprises.

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