Flexibilités contre nouvel effort budgétaire, la messe n’est pas encore dite

par Raul Sampognaro

Le 13 janvier dernier, la Commission Juncker a clarifié sa position concernant les flexibilités mobilisables par les Etats dans l’application du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC). La nouvelle lecture du PSC devrait se traduire par une atténuation de la consolidation budgétaire nécessaire pour certains pays[1]. Dorénavant, la Commission pourra appliquer la « clause de réformes structurelles » à un pays soumis au volet correctif[2] du Pacte alors qu’auparavant, ceci n’était possible que pour les pays soumis au volet préventif du Pacte[3]. Cette clause permettra à l’Etat membre de dévier temporairement de ses engagements préalables pour les reporter à un moment où les fruits des réformes devraient faciliter l’ajustement. Pour que la Commission accepte de déclencher la clause, certaines conditions devront être réunies :

–          Le plan de réformes présenté par l’Etat membre doit être majeur et précis, approuvé par le gouvernement ou le Parlement national ; son calendrier d’application doit être explicite et crédible ;

–          Le plan doit avoir un impact favorable sur la croissance potentielle et/ou la position budgétaire à moyen terme. La quantification de l’impact doit être réalisée de façon transparente et l’Etat membre doit présenter à la Commission la documentation pertinente ;

–          L’Etat membre doit réaliser un ajustement budgétaire structurel minimal de 0,5 point de PIB.

Dans ce nouveau contexte, la France a des réformes à faire valoir telles que la réforme territoriale et la loi pour la croissance et l’activité, dite loi Macron. Selon les calculs de l’OCDE datant d’octobre 2014, l’ensemble des réformes prises et celles en cours d’adoption[4]pourraient augmenter le PIB de 1,6 point à l’horizon de 5 ans et améliorer le solde budgétaire structurel de l’ordre de 0,8 point de PIB[5] (le détail des effets estimés par l’OCDE est présenté dans le tableau 1).

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Au mois de mars, la Commission devra évaluer si la Loi de finances 2015 est en conformité avec les règles du PSC. Pour pouvoir bénéficier de la clause de réformes structurelles, la France devra alors remplir certaines conditions :

1)      Le contour des réformes devra être spécifié : fin-décembre 2014, la Commission considérait que de nombreuses incertitudes subsistaient concernant la réforme territoriale et sur le contenu de la loi Macron, incertitudes qui seront levées avec l’avancée du traitement parlementaire.

2)      Bercy devra produire des évaluations convaincantes de l’impact de la loi Macron tandis que la Commission réalisera les siennes. La Commission a déjà signalé que le chiffrage réalisé par l’OCDE constitue la borne supérieure de l’impact.

L’exercice d’évaluation de la Loi de finances de 2015 peut aboutir à l’imposition de sanctions financières à l’encontre de la France, à moins que le gouvernement ne décide de renforcer l’ajustement budgétaire. Pour rappel, la Commission a prévenu fin novembre que de nouvelles mesures seraient nécessaires pour garantir la conformité du budget 2015 avec le PSC. En effet, la Commission a estimé que l’ajustement était seulement de 0,3 point, alors qu’en juin 2013 la France s’était engagée à réaliser un ajustement budgétaire structurel de 0,8 point de PIB en 2015 afin de ramener son déficit sous la barre des 3 % dès 2015[6].

Si la Commission valide les effets positifs escomptés des réformes, un problème persiste pour l’application de la « clause de réformes structurelles » : l’ajustement budgétaire structurel reste inférieur à 0,5 point de PIB, ce qui empêche l’application de la nouvelle clause. La France reste donc toujours sous la menace de sanctions malgré la nouvelle doctrine.

Si l’analyse du document publié le 13 janvier montre que la Commission a ajouté une flexibilité au Pacte, il en ressort aussi que la Commission attend que la France réalise un ajustement budgétaire supplémentaire. Celui-ci serait de l’ordre de 4 milliards d’euros (soit 0,2 point de PIB) au lieu des 8 milliards (soit 0,4 point de PIB) qu’on pouvait attendre au mois d’octobre (les effets d’une lecture stricte du Pacte ont été analysés ici).

Le gouvernement répète qu’il ne souhaite pas aller plus loin dans l’ajustement budgétaire et que cela n’est pas souhaitable au regard de la situation économique : 2015 peut être l’année de la reprise à condition que le risque déflationniste soit pris au sérieux. L’activité aura de nombreux soutiens : à la baisse du prix du pétrole et de l’euro s’ajoutent une politique monétaire expansionniste et le plan Juncker, même si ce dernier est loin d’être à la hauteur de la situation. Néanmoins, en France, la politique budgétaire constituera un frein dont l’ampleur restera incertaine jusqu’au mois de mars. D’ici là, les termes du débat venant d’être posés, il faut que l’ensemble des acteurs prenne le risque déflationniste au sérieux.

 


[1] La Commission permet de retirer du calcul du déficit les investissements réalisés dans le cadre du Plan Juncker ; elle clarifie les conditions d’application de la « clause de réformes structurelles » et modère la vitesse de convergence vers les objectifs de moyen terme (OMT) pour les pays soumis au volet préventif du Pacte selon leur position dans le cycle conjoncturel.

[2]Grosso modo il s’agit des pays dont le déficit est supérieur à 3 %.

[3]Grosso modo il s’agit des pays dont le déficit est inférieur à 3 %.

[4] Ce qui va au-delà de la seule loi Macron et comprend notamment le CICE et le Pacte de Responsabilité.

[5] Le chiffrage de l’OCDE a été utilisé par le Premier ministre dans sa lettre à la Commission du 27 octobre.

[6] Dans ses prévisions d’automne 2014, la Commission quantifie l’ajustement à 0,1 point de PIB, mais ce chiffre n’est pas directement comparable avec l’engagement de 0,8 point de juin 2013. Une fois pris en compte les changements des normes de la comptabilité nationale et les évolutions imprévisibles de certaines variables, l’ajustement corrigé est de 0,3 point de PIB. Ce chiffre sert de base de calcul dans la procédure de déficit excessif.




Guide pratique de la baisse des prix du pétrole

par Paul Hubert

Depuis juin 2014, les prix du pétrole ont baissé de plus de 55%, après une période de volatilité exceptionnellement faible autour de 110 dollars le baril entre 2011 et mi-2014. L’évolution des prix du WTI et du Brent se distingue de celle des autres matières premières. Le prix des métaux industriels et des denrées agricoles ont été relativement stables en 2014, à l’exception d’une hausse des prix agricoles pendant l’été liée à la météo. Le prix du minerai de fer connaît lui une baisse continue depuis 2011, antérieure à celle des prix du pétrole, en raison de la forte concurrence entre les grandes sociétés minières et d’une baisse de la demande chinoise. Les prix du pétrole ont cessé d’évoluer de concert avec ceux des autres matières premières, suggérant que leur baisse est liée à des facteurs spécifiques au secteur.

A. Quels facteurs poussent les prix du pétrole à la baisse ?

Une grande partie de la baisse des prix du pétrole est liée à de récents développements du côté de l’offre. La production mondiale de pétrole a augmenté de 2 millions de barils par jour (mbpj) par rapport à il y a un an, tandis que la croissance de la demande n’a été que de 0,7 mbpj. Cette hausse de l’offre est principalement due à une production libyenne et nord-américaine supérieure aux anticipations de 1 mbpj (source: IEA). La faiblesse de la demande, due au ralentissement de la croissance mondiale et en particulier des pays émergents, a également joué un rôle. Les prévisions de demande de pétrole de l’IEA pour 2015 sont inférieures de 0,5 mbpj aux prévisions de juin, moment où les prix ont commencé à baisser.

Cependant, ces révisions de la demande et de l’offre ne sont pas suffisantes pour expliquer l’ampleur de la baisse du prix du pétrole observée récemment. Le premier facteur explicatif de la baisse des prix est la modification du comportement des pays de l’OPEP. Ceux-ci, en particulier l’Arabie Saoudite, auraient cherché à évincer du marché les producteurs de pétrole non-conventionnel (schiste, sable bitumineux) dont les coûts de production sont élevés, ne réduisant pas leur production afin d’équilibrer le marché et soutenir les prix. Ils auraient donc laissé filer les prix, de façon à ce que l’exploitation du pétrole non-conventionnel soit moins rentable[1]. Jusqu’à présent, les marchés étaient convaincus que l’OPEP ajusterait sa production, ce qui se traduisait par une faible volatilité des prix du baril autour des 100 dollars. La décision de l’OPEP de ne pas réduire la production alors que les prix ont commencé à baisser a ainsi surpris les marchés financiers. Ceci signifie qu’un facteur-clé fournissant un plancher au prix a disparu.

B. Quel prix du pétrole à court et moyen terme ?

La concomitance d’une offre abondante et d’une demande relativement atone a conduit à une hausse des stocks. A court terme, une poursuite de la baisse des prix est donc possible, en particulier parce que l’offre devrait continuer d’excéder la demande en 2015. S’il n’y a pas de réponse de l’OPEP du côté de la production ou s’il n’y a pas de perturbations géopolitiques, les acheteurs exigeront une décote plus élevée par rapport aux prix futurs pour stocker le pétrole acheté aujourd’hui.

Mais il existe des raisons de penser que les prix du pétrole seront plus élevés à moyen terme, reflétant un ensemble de facteurs qui sont susceptibles à la fois de réduire la production et d’accroître la demande. La baisse des prix conduira à une réduction significative de l’offre des producteurs marginaux à coûts élevés (principalement de pétrole de schiste, basés aux Etats-Unis). Il est également possible que les prix faibles augmentent la demande, et donc les prix, tandis que les risques géopolitiques persistent.

i) La production de pétrole de schiste américain répondra-t-elle à la baisse des prix ?

Le pétrole de schiste est une source d’approvisionnement en pétrole dont le coût de production est relativement élevé par rapport au pétrole « classique ». Les estimations du seuil de rentabilité de ce type de production varient selon les champs d’exploitation et les producteurs : elles sont comprises entre 40 et 90 dollars. Cependant, la production de pétrole de schiste est potentiellement plus rapide à répondre aux évolutions de prix que les autres productions non-conventionnelles (sables bitumineux, pétrole lourd, schiste bitumineux, exploitation en offshore profond), car l’exploitation des puits est plus rapide et nécessite des investissements initiaux moins lourds. Les producteurs de pétrole de schiste doivent forer et donc investir en continu pour maintenir la production : ils ont donc la possibilité d’ajuster leur production dans des délais relativement courts. Par conséquent et sous l’hypothèse que le gouvernement américain ne subventionne pas les producteurs domestiques, la croissance de la production américaine de pétrole devrait ralentir en 2015 et donc fournir un certain soutien aux prix.

ii) Risques géopolitiques

Le principal levier à la hausse pour les prix du pétrole est la potentielle perturbation de la production liée aux risques géopolitiques. La récente baisse des prix du pétrole est aussi partiellement due à la reprise de la production dans les pays ayant subi des interruptions de production pour ces raisons. Le risque de nouvelles interruptions est encore significatif, en particulier dans le cas d’une intensification des conflits en Libye ou Irak. En outre, les économies émergentes à forte dépendance aux exportations de pétrole et aux recettes publiques dérivées du pétrole pourraient subir des troubles politiques et sociaux, impactant la production des principaux pays exportateurs (Venezuela – 2.5mbpj et Nigeria – 2mbpj par exemple).

iii) La demande mondiale de pétrole

Dans son rapport December 2014 Short Term Energy Market outlook, l’Agence américaine d’information sur l’énergie (l’EIA) a révisé à la baisse ses perspectives mondiales de consommation de pétrole et ce, même après la baisse de 18% des prix du pétrole en novembre 2014 : elle justifie ses révisions par la détérioration des perspectives de croissance mondiale. Les estimations de l’élasticité-prix à court terme de la demande de pétrole sont plutôt homogènes et suggèrent qu’une baisse de 10% des prix du pétrole devrait stimuler la demande mondiale de pétrole d’environ 0,2-0,3% (voir tableau 11.3 du IEA, 2006, et les tableaux 3.1, 3.2 et 3.3 du IMF WEO, 2011)[2]. Sur cette base, la baisse de 50% des prix du pétrole cette année devrait augmenter la demande de l’ordre de 1,25%. Cependant, les prévisions 2015 de demande de pétrole de l’IEA ont déjà été revues à la baisse de 0,7mbpj en raison d’une activité économique plus faible que prévue, ce qui réduit encore davantage la demande de pétrole. En outre, le rééquilibrage et ralentissement de la croissance en Chine pourraient peser sur la demande de pétrole.

C. Impacts théoriques d’une baisse des prix du pétrole (pour un importateur net)

Les dépenses d’énergie font partie du panier de consommation ; une baisse des prix du pétrole affecte donc directement l’inflation et le pouvoir d’achat des ménages. Cet effet « consommation » dépend de la part des produits à forte intensité énergétique dans l’indice des prix à la consommation et du degré de substituabilité entre consommation liée ou non à l’énergie (qui est susceptible d’être faible à court terme quand la demande d’énergie est relativement inélastique). Les hydrocarbures et autres produits énergétiques entrent aussi dans la fonction de production. Par conséquent, une baisse des prix du pétrole affecte les coûts de production finaux directement, mais aussi indirectement, au travers de la baisse des prix des autres biens intermédiaires importés et des coûts de transport. La baisse des coûts de production finaux affectera à son tour les marges des entreprises, et ensuite leur investissement ou emploi (en fonction du partage de la valeur ajoutée). C’est l’effet « production » dont la taille dépend de la part des produits énergie dans la production finale et du degré de substituabilité entre les facteurs énergétiques et non-énergétiques (comme la consommation, le degré de substituabilité est faible à court terme). Enfin, l’impact via les prix à l’importation hors énergie dépendra de la part des importations dans la production ainsi que de la substituabilité entre produits nationaux et importés.

Enfin, la rémunération, selon leur part dans la valeur ajoutée, des facteurs de production – salaires et profits – est susceptible de s’adapter à la baisse des prix du pétrole. C’est l’effet « prix relatifs ». Les ménages enregistrant une augmentation de leur salaire réel vont augmenter, toutes choses égales par ailleurs, leur demande de produits hors énergie, ce qui exercera une pression à la hausse sur l’indice des prix. En revanche, il peut y avoir une pression à la baisse sur certains revenus non salariaux, tels que les dividendes des entreprises liées au secteur pétrolier. La réponse globale de l’investissement dépendra du prix relatif des facteurs de production et des perspectives de demande. Les plans budgétaires publics peuvent aussi changer en raison des révisions de l’impôt sur les sociétés et des taxes sur l’énergie. L’impact sur le commerce extérieur dépendra de la demande relative et des effets de la baisse des prix du pétrole sur les prix relatifs.

Un autre impact, moins économique qu’écologique, concerne la transition énergétique. Un pétrole bon marché ralentit la transition énergétique dans les transports, en rendant les véhicules hybrides, tout-électriques et ceux plus efficaces, moins attractifs : cela constitue une très mauvaise nouvelle pour les émissions de gaz à effet de serre.

D. Dans quelles proportions la baisse des prix du pétrole affecte-t-elle la croissance ?

L’effet d’une baisse des prix du pétrole sur la croissance d’un pays est différent selon que le pays est importateur ou exportateur net de pétrole, une baisse des prix du pétrole transférant les revenus des pays producteurs vers les pays importateurs. De plus, pour un pays importateur, cela dépend de l’intensité énergétique de son appareil productif mais aussi des facteurs responsables de la baisse des prix du pétrole (facteurs d’offre ou de demande).

Une baisse des prix est supposée produire une hausse du PIB dans les pays importateurs nets de pétrole, la baisse des prix stimulant les revenus disponibles réels (au travers de l’effet « prix relatifs »). En outre, l’offre globale est supposée croître grâce à la baisse des coûts de production intermédiaires. Mais ce canal de transmission tend à être faible (Kilian, 2008), car la part des produits pétroliers dans la fonction de production est relativement faible (entre 2 et 5% selon les secteurs et les régions, IMF WEO, 2011). Chez les pays exportateurs, la baisse des revenus liés au pétrole peut avoir un impact négatif sur leur croissance économique en l’absence d’autres sources de revenus. Aujourd’hui, la baisse du prix du pétrole risque d’avoir un fort impact négatif sur la croissance de pays producteurs les plus vulnérables tels que les la Russie et le Venezuela.

Un autre facteur important à considérer concerne la nature du choc. Si les prix du pétrole baissent en raison d’une détérioration de la demande mondiale, alors la baisse des prix n’enrayera pas la baisse de la croissance mondiale, tandis que si les prix baissent en raison d’une hausse de l’offre, alors le choc est susceptible d’être accompagné d’une hausse de la croissance mondiale (voir Archanskaia, Creel and Hubert, 2012).

Un chapitre du World Economic Outlook (2011) du FMI fournit les impacts estimés d’une baisse des prix du pétrole sur le PIB pour un certain nombre de pays. L’impact est similaire aux États-Unis et en zone euro où une baisse de 10% des prix accroît le PIB d’environ 0,2%. L’impact sur le PIB est plus important pour les pays émergents importateurs nets de pétrole du fait de leur intensité énergétique plus élevée (Chine, + 0,35%). Les exportateurs nets de pétrole voient un effet négatif important (Russie et Arabie saoudite, – 1,2%)[3].

E. L’impact sur la croissance pourrait-il être différent aujourd’hui?

Il existe au moins trois raisons pour lesquelles l’impact de la récente baisse des prix pourrait être différent de la moyenne des impacts précédents :

• Non-linéarités potentielles : les estimations précédentes supposent toutes un impact linéaire du pétrole sur l’activité. Mais certains chercheurs (voir Hamilton, 2010) soutiennent que les changements de prix ont un effet non linéaire à cause de l’incertitude. Plus le choc sur les prix relatifs est grand, plus il est susceptible de provoquer des ajustements sectoriels et dans les technologies de production. Cela signifierait que les baisses des prix du pétrole ont un impact plus modéré sur l’activité que les hausses, de la même façon que l’incertitude accrue et la nécessité de réaffecter les ressources peuvent partiellement compenser l’augmentation des revenus réels de la baisse des prix.

• La suppression des subventions : plusieurs gouvernements ont profité de la baisse des prix pour réduire leurs subventions aux carburants. Les subventions ont été réduites ou les taxes augmentées en Chine, Inde, Indonésie, Malaisie, Koweït et Egypte (Oil Market Report de l’IEA). L’effet sur la croissance dans les économies émergentes serait donc plus faible à court terme[4].

• Déflation : une autre raison pour laquelle la baisse des prix pourrait avoir un effet plus faible sur la croissance est le (déjà) très faible niveau d’inflation dans de nombreuses économies avancées et la contrainte de la borne inférieure des taux d’intérêts pour la politique monétaire. En effet, la récente baisse des prix augmente le risque de déflation, et donc d’une augmentation des taux réels ajoutant une pression supplémentaire à la baisse sur les perspectives de croissance.

F. Quelle est la réponse appropriée de politique monétaire à une baisse des prix du pétrole ?

La façon dont les ajustements des prix relatifs affectent l’économie dépendra aussi de la réponse de politique monétaire. La littérature sur la politique monétaire optimale suggère qu’en réponse à un choc sur les prix relatifs, la banque centrale doit essayer de stabiliser l’inflation des biens (ou des facteurs de production) dont les prix sont les plus persistants et ne pas se préoccuper des prix plus flexibles. L’ajustement nécessaire se produira alors dans les secteurs où les prix sont flexibles, ce qui permettra d’éviter des distorsions de prix ainsi que des écarts de production et d’emploi trop forts.

Mais la réponse optimale de politique monétaire n’est pas possible si les taux d’intérêts directeurs sont contraints par la borne inférieure des taux d’intérêts, ce qui empêche les taux courts de s’ajuster pour contrer les pressions déflationnistes. Sous l’hypothèse que les anticipations d’inflation ne sont pas rationnelles, une baisse des prix du pétrole pourrait conduire à un dés-ancrage à la baisse des anticipations d’inflation, réduisant ainsi la crédibilité de la banque centrale. Ce risque suggère de mettre l’accent en amont sur des politiques accommodantes agissant comme une assurance contre le risque déflationniste.

G. Quels sont les risques pour les pays exportateurs de pétrole ?

La baisse des prix du pétrole pourrait exacerber les fragilités de certains pays exportateurs de pétrole, augmentant le risque de perturbation sur les marchés financiers. Pour les pays producteurs nets de pétrole dont ce secteur représente plus de 10% du PIB, l’exportation de pétrole représente en moyenne 75% du total des exportations (source: IEA). Ainsi, une nouvelle baisse du prix du pétrole et la réduction associée des recettes pétrolières seraient un frein important à la croissance du PIB.

Il existe un petit groupe de pays pour lesquels la baisse des prix du pétrole semble déjà être à l’origine de perturbations financières ; mais ceux-ci sont relativement isolés du système financier mondial. Le Venezuela, l’Iran, le Nigeria, le Kazakhstan, le Tchad et la République du Congo ont une forte dépendance aux revenus pétroliers. Pour le Venezuela, où le pétrole représente plus de 90% des exportations et 40% des recettes publiques, la baisse du prix du pétrole a encore augmenté le risque d’un défaut souverain. Un autre sous-ensemble de pays comprenant les principaux producteurs de pétrole comme le Koweït, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite, qui représente près de 25% de la production totale de pétrole, a des positions extérieures solides qui offrent une protection contre une baisse des prix du pétrole. Ceux-ci seraient moins fragiles : si les revenus liés au pétrole diminuent, ils n’ont pas besoin de procéder à un rapatriement de leurs avoirs à l’étranger.

La Russie est un important exportateur de pétrole et de gaz, et les prix d’une grande partie de ses exportations de gaz sont encore mécaniquement liés au prix mondial du pétrole. La baisse du prix du pétrole réduit ainsi les recettes d’exportation de la Russie. Malgré cela, la position extérieure de la Russie est encore assez forte. Les réserves de change représentaient 11 % du PIB en décembre 2014. La dette publique est faible (9 % du PIB en 2014) et seule une petite proportion (moins de 2 % du PIB) est en monnaie étrangère (source). Le système bancaire russe est créancier net vis-à-vis du reste du monde. Le risque principal est que les entreprises russes, particulièrement exposées aux fluctuations des prix du pétrole ou ayant contracté des emprunts en devises, soient affectées par la baisse du rouble et des prix du pétrole. Le besoin affiché de préserver les réserves de change dans l’optique de fournir un soutien financier semble avoir été l’une des principales raisons de la décision de la Banque centrale russe en novembre 2014 d’adopter un système de change flottant.

 


[1] Provocation ou non, le ministre saoudien de l’Énergie a ainsi déclaré en décembre 2014 qu’un pétrole à 20 dollars était soutenable par l’Arabie Saoudite.

[2] L’élasticité-prix à long terme est supposée plus élevée qu’à court terme, conduisant à de nouvelles pressions à la hausse sur la demande dans les années suivantes qui peuvent, à leur tour, affecter les anticipations à court terme.

[3] Un récent post du blog de la Réserve Fédérale d’Atlanta soutient que la baisse pourrait en effet peser sur la croissance américaine à court terme en réduisant l’exploitation minière et les investissements pétroliers. A plus long terme, l’impact sur la croissance est positif, et plus faible de l’ordre de 0,15 point de pourcentage, que ne le suggèrent les estimations précédentes.

[4] La réduction des distorsions de prix étant supposément bénéfique à long terme.




La France, l’homme malade de l’Europe ?

par Mathieu Plane

Risque de sanction par la Commission pour non-conformité du budget français avec les traités européens, dégradation de la note sur la dette publique française par Fitch (après S&P un an plus tôt), pas de signes d’inversion de la courbe du chômage, hausse du déficit public après quatre années de baisse consécutive, seul pays de la zone euro avec un déficit courant significatif : l’année 2014 semble avoir été la pire année économique pour la France depuis la crise de 2008. Bien sûr, la France n’a pas connu en 2014 de récession comme en 2009 (-2,9 %), année où la zone euro avait enregistré un recul historique du PIB (-4,5 %). Mais pour la première fois depuis l’éclatement de la bulle des subprime, la France a enregistré en 2014 une croissance du PIB inférieure à celle de la zone euro dans son ensemble (0,4 % contre 0,8 %). Cette situation d’affaiblissement de la position française alimente l’idée que la France serait le nouvel homme malade de l’Europe, victime du laxisme budgétaire de ses dirigeants et de son incapacité à se réformer. Mais qu’en est-il réellement ?

Il faut d’abord rappeler que le modèle économique et social français a prouvé son efficacité durant la crise. Grâce à des amortisseurs sociaux développés, un niveau d’endettement de l’ensemble des acteurs économiques (ménages, entreprises, administrations publiques) plus faible que la moyenne de la zone euro, un taux d’épargne des ménages élevé, un faible niveau d’inégalités et un système bancaire relativement solide, la France a mieux résisté à la crise que la plupart de ses partenaires européens. En effet, entre début 2008 et fin 2013, elle a enregistré une hausse du PIB de 1,1 % alors que dans le même temps le PIB de la zone euro se contractait de 2,6 % ; et la France a évité la récession de 2012 et 2013 que la plupart des pays de la zone euro ont connue. Ainsi, au cours de ces six années (2008-13), la performance économique de la France en Europe fut relativement proche de celle de l’Allemagne (+2,7 %), supérieure à celle du Royaume-Uni (-1,3 %) et loin devant l’Espagne (-7,2 %) et l’Italie (-8,9 %). De même, si la France a connu sur la période 2008-13 une contraction de son investissement (-7,7 %) et une hausse de son taux de chômage (+3 points), cela reste une performance moins négative que celle de la moyenne de la zone euro où l’investissement a chuté de de 17 % et le taux de chômage a grimpé de 4,6 points. Enfin, cette meilleure résistance relative de l’économie française pendant la crise n’est pas liée à une plus forte augmentation de l’endettement public par rapport à celui de la moyenne de la zone euro (+28 points de PIB pour la France et la zone euro) ou même du Royaume-Uni (+43 points).

Mais durant l’année 2014, la France a vu sa position au sein de la zone euro se dégrader, ce qui, outre une croissance plus faible que ses partenaires, s’est caractérisé par une hausse de son taux de chômage (celui de la zone euro a entamé une lente décrue), une augmentation de sa dette publique (elle s’est quasiment stabilisée dans la zone euro), un recul de son investissement (il s’améliore légèrement dans la zone euro), un accroissement de son déficit public (celui de la zone euro diminue) et un déficit courant significatif (la zone euro présente un excèdent courant important). Comment expliquer ce renversement ?

Même si la France présente un problème de compétitivité, notons que près de la moitié de son déficit courant est conjoncturel en raison d’importations plus dynamiques que ses principaux partenaires commerciaux qui affichent en moyenne des output gap plus dégradés. En outre, jusqu’en 2013, l’ajustement budgétaire de la France a principalement porté  sur les prélèvements obligatoires plutôt que sur la dépense publique. A l’inverse, celui de 2014 a plus porté sur la dépense publique. Au regard de la position de la France dans le cycle et des choix budgétaires opérés, le multiplicateur budgétaire en 2014 a été plus élevé que les années précédentes. Ensuite, la compétitivité du tissu industriel français est prise en étau dans la zone euro entre, d’un côté, les pays périphériques de la zone euro, notamment l’Espagne, entrés dans un processus de déflation salariale alimenté par un chômage de masse, et les pays au cœur de la zone euro, notamment l’Allemagne, qui ne souhaitent pas renoncer à leurs excédents commerciaux excessifs par une relance soutenue de la demande et plus d’inflation. Face à cette dévaluation généralisée par les salaires dans la zone euro, la France n’a eu d’autres choix que de répondre par une politique visant à améliorer la compétitivité des entreprises en réduisant le coût du travail. Ainsi, le CICE et le Pacte de Responsabilité représenteront au total un transfert de 41 milliards d’euros vers les entreprises financés principalement par les ménages. Si les effets positifs de ces transferts se feront ressentir à moyen-long terme, leur financement auquel s’ajoutent les efforts de consolidation budgétaire a des effets négatifs immédiats sur le pouvoir d’achat et la faible croissance de 2014 symbolise ce mouvement. Enfin, l’année 2014 a connu une forte baisse de l’investissement en logements (-7 %), la plus forte chute depuis la crise immobilière du début des années 1990 si l’on exclut l’année particulière de 2009.

Cette mauvaise performance française ne devrait pas se reproduire en 2015 pour plusieurs raisons : premièrement, afin d’enrayer la chute de la construction, des mesures d’urgence ont été prises en août 2014 pour débloquer l’investissement en logements, dont les premiers effets se feront sentir au cours de l’année 2015. Deuxièmement, les dispositifs votés pour améliorer la compétitivité des entreprises commenceront à produire pleinement leurs effets à partir de 2015 : le CICE et le Pacte de Responsabilité représenteront une baisse des coûts des entreprises de 17 milliards en 2015, après seulement 6,5 milliards en 2014. Troisièmement, le ralentissement de la consolidation budgétaire de nos partenaires commerciaux et l’instauration d’un SMIC en Allemagne sont des éléments favorables pour les exportations françaises. De plus, la baisse du taux de change de l’euro et la chute et des prix du pétrole sont des leviers puissants pour accompagner le redémarrage de l’économie française en 2015, ces deux facteurs pouvant contribuer à un gain de près de 1 point de PIB en 2015. Et les taux d’intérêts, à un niveau très bas, devraient le rester encore pendant plusieurs semestres favorisés par la politique de Quantitative Easing de la BCE. Enfin, le plan Juncker, bien que timide, et la modification, à la marge, des règles budgétaires européennes favorisent une reprise de l’investissement. Ces vents, propices à la croissance française, permettraient d’absorber le choc négatif de la réduction de la dépense publique pour 2015 et, enfin, d’atteindre un rythme d’activité suffisant pour entrevoir l’inversion de la courbe du chômage, tout en réduisant le déficit public.

Si la France n’est pas l’homme malade de l’Europe, elle reste en revanche dépendante, comme tous les pays de la zone euro, des puissants leviers macroéconomiques européens. Jusqu’à présent, ceux-ci ont pesé négativement sur l’activité, que ce soit par le biais des politiques budgétaires trop restrictives ou d’une politique monétaire insuffisamment expansionniste au regard des pratiques des autres banques centrales. Dans une zone monétaire intégrée, la lutte contre la déflation ne peut se faire à l’échelle nationale. Le choix d’un policy-mix européen plus orienté vers la croissance et l’inflation est une première depuis le début de la crise des dettes souveraines. Soutenus par la baisse des prix du pétrole, espérons que ces leviers seront suffisants pour enrayer la spirale dépressive que connaît la zone euro depuis le début de la crise. La reprise sera donc européenne, avant d’être française, ou ne sera pas.




Le Sisyphe grec et sa dette publique : vers la fin du calvaire ?

par Céline Antonin

Après son incapacité à élire un nouveau Président à la majorité qualifiée, le Parlement grec a été dissous, en attendant des élections législatives anticipées qui doivent se tenir le 25 janvier 2015. Le parti de la gauche radicale, Syriza, fait la course en tête dans les sondages d’opinion, devançant le parti « Nouvelle Démocratie » du Premier ministre sortant, Anthony Samaras. S’il recueille l’enthousiasme de la population, le programme économique de Syriza attise les craintes des bailleurs de la troïka (FMI, BCE et UE), en particulier sur trois sujets : la potentielle sortie du pays de la zone euro, la mise en place d’une relance budgétaire et un défaut souverain partiel. Ce dernier sujet sera le principal enjeu post-électoral.

Le véritable enjeu de l’élection : la restructuration de la dette publique grecque

La crainte d’une potentielle sortie de la Grèce de la zone euro (le fameux « Grexit ») doit être relativisée. La situation est différente de ce qu’elle était au moment de la crise des dettes souveraines, lorsque les différentiels de taux obligataires faisaient craindre un phénomène de contagion et un éclatement de la zone euro. En outre, Syriza n’est pas en faveur d’une sortie de l’euro, et personne ne peut y contraindre le pays dans la mesure où cela n’est prévu par aucun texte. Enfin, les conséquences d’une telle décision sur les autres membres pouvant être lourdes, une sortie du pays de la zone euro n’interviendrait qu’en dernier recours.

Syriza appelle de ses vœux la fin de l’austérité et une relance budgétaire d’un montant de 11 milliards d’euros avec relèvement du salaire minimum à son niveau antérieur, revalorisation des retraites, réembauche de fonctionnaires et augmentation des dépenses publiques. Un compromis avec la troïka peut-il être trouvé ? Rien n’est moins sûr, et il est quasi certain que Syriza devra revoir ses ambitions  à la baisse. Certes, le déficit grec s’est réduit. Le pays est en léger excédent primaire en 2014, et devrait poursuivre sa consolidation budgétaire en 2015-2016. Mais la Grèce doit continuer à emprunter pour financer les intérêts de la dette, pour rembourser ou renouveler la dette arrivée à maturité, et pour rembourser les prêts octroyés par le FMI. Pour cela, elle doit surtout compter sur l’aide extérieure. A partir du deuxième semestre de 2015, elle fera face à un trou de financement d’un montant de 12,5 milliards d’euros (19,6 milliards d’euros si elle n’obtient pas l’aide du FMI). Par ailleurs, les banques grecques, encore fragiles[1], restent très dépendantes de l’accès au programme Emergency Liquidity Assistance (ELA) de la BCE qui leur permet d’obtenir des liquidités d’urgence auprès de la Banque de Grèce. Si la Grèce refuse les réformes, un bras de fer risque de s’engager avec la troïka. La BCE a déjà menacé le pays de lui couper l’accès à la liquidité. En outre, la troïka reste le principal créancier de la Grèce, qui dispose néanmoins d’un nouvel atout : dans la mesure où elle n’emprunte plus que pour rembourser sa dette, et non pour financer son déficit budgétaire, elle pourrait menacer ses créanciers d’un défaut de paiement unilatéral, même si c’est un jeu dangereux qui la priverait de l’accès au financement de marché pendant de longues années.

C’est justement cette question de la restructuration de la dette grecque et d’un défaut partiel, mise en avant par Syriza, qui apparaît comme l’un des principaux enjeux postélectoraux. Aléxis Tsípras souhaite l’effacement d’une partie de la dette publique, un moratoire sur le paiement des intérêts et des remboursements conditionnés aux performances économiques du pays. D’après les prévisions de la Commission et du FMI, le ratio d’endettement public en Grèce devrait passer de 175 % en 2013 à 128 % du PIB en 2020. Cependant, les hypothèses sous-jacentes à ce scénario manquent de réalisme : croissance nominale supérieure à 3 % en 2015, excédent primaire de 4,5 % du PIB entre 2016 et 2019, … Etant donné l’ampleur de la dette publique grecque en 2013 et son profil d’amortissement (avec des remboursements atteignant 13 milliards d’euros en 2019 et jusqu’à 18 milliards d’euros en 2039[2]), une nouvelle restructuration semble inéluctable.

Une dette publique essentiellement détenue par les pays membres de la zone euro

Depuis le déclenchement de la crise grecque à l’automne 2009, la composition de la dette publique grecque a bien changé. Alors qu’en 2010, la dette publique était détenue par les investisseurs financiers, le bilan est bien différent début 2015[3]. Après deux plans d’aide (en 2010 et 2012) et une restructuration de la dette publique détenue par le secteur privé en mars 2012 (plan Private Sector Involvement), 75 % de la dette publique est aujourd’hui constituée par des prêts (tableau 1). A eux seuls, le FMI, la BCE, les banques centrales nationales et les pays de la zone euro détiennent 80 % de la dette publique grecque.

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A contrario, depuis le plan de restructuration de mars 2012, les banques européennes ont fortement réduit leur exposition à la dette publique grecque (tableau 2). En outre, leurs niveaux de capitalisation ont augmenté depuis 2010, notamment avec la mise en place progressive de la réforme Bâle 3. Les banques ont donc une marge d’absorption en cas de défaut partiel de la Grèce.

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Etant donné que plus de la moitié de la dette publique grecque est détenue par les pays membres de la zone euro, sa renégociation ne peut se faire qu’en concertation avec ces derniers.

Quelles solutions pour restructurer la dette ?

Les pays européens ont déjà fait plusieurs concessions pour aider la Grèce à assurer le service de sa dette :

– la maturité des prêts a été augmentée et le taux d’intérêt des prêts accordés par le FESF a été réduit. Pour le premier programme d’aide (prêts bilatéraux), la maturité initiale était 2026 (avec un moratoire jusqu’en 2019) et le taux d’intérêt était indexé sur l’Euribor 3 mois majoré d’une prime de risque de 300 points de base. En 2012, cette prime de risque a été ramenée à 50 points de base et la maturité a été étendue de 15 ans, jusqu’en 2041 ;

– les profits réalisés par la BCE et les banques centrales nationales sur les obligations qu’elles détiennent ont été restituées à la Grèce ;

– le paiement des intérêts sur les prêts du FESF ont été différés de 10 ans.

Des solutions comparables aux solutions passées peuvent être mises en œuvre. La dette pourrait être rééchelonnée. En effet, le taux pratiqué sur les prêts du premier plan d’aide (taux Euribor 3 mois + 50 points de base) étant globalement supérieur au coût de financement des pays européens, il pourrait être abaissé. Et la durée des prêts du premier et du second plan d’aide pourrait être encore allongée de 10 ans, jusqu’en 2051. D’après le think tank Bruegel, ces deux mesures combinées permettraient de réduire le montant des remboursements de la Grèce de 31,7 milliards d’euros.

Cependant, ces mesures paraissent limitées pour résoudre la question de l’endettement grec : elles ne font que repousser le problème. D’autres mesures sont nécessaires pour soulager la Grèce du poids de son endettement public. Les pays de la zone euro étant les principaux exposés à la dette grecque, ils ont intérêt à trouver un compromis, car en cas de défaut unilatéral, c’est le contribuable de chaque pays européen qui sera mis à contribution.

Du côté du FMI, il ne faut pas attendre d’effacement de dette. L’institution est en effet créancier prioritaire en cas de défaut d’un pays, et prêteur en dernier ressort ; depuis sa création, elle n’a jamais effacé de dette. Par conséquent, c’est avec les membres de la zone euro, principaux créanciers de la Grèce, qu’un défaut partiel devrait être négocié. D’un côté, la Grèce peut brandir la menace d’un défaut unilatéral non concerté, engendrant des pertes pour ses créanciers. De l’autre, elle n’a pas intérêt à s’aliéner les membres de la zone euro et la BCE, qui ont été ses principaux soutiens depuis qu’elle est en crise. Un défaut brutal la priverait de l’accès au financement de marché pendant de longues années ; même si la Grèce a retrouvé un excédent primaire, la situation est instable et elle a encore besoin d’un financement externe, ne serait-ce que pour honorer les remboursements du FMI. Une solution serait que les pays de la zone euro acceptent une décote sur la valeur nominale des titres de dette publique qu’ils détiennent, comme ce fut le cas pour les investisseurs privés en mars 2012.

Pour conclure, la Grèce est confrontée à plusieurs défis. Dans le court terme, l’urgence est d’arriver à trouver des sources de financement pour traverser l’année 2015. Pour cela, elle devra composer avec la troïka, et notamment la BCE, dont l’action est cruciale. Cette dernière a prévenu la Grèce qu’en cas d’échec des négociations, elle pourrait lui couper l’accès à la liquidité. Par ailleurs, le 22 janvier 2015, la BCE doit prendre la décision très attendue de mettre en œuvre un assouplissement quantitatif ; l’enjeu est de savoir si la BCE acceptera le rachat de bons du Trésor grecs. A plus long terme, la question de la restructuration de la dette se posera inévitablement, quel que soit le vainqueur des urnes. La restructuration devrait cependant être plus facile avec les créanciers publics qu’avec les banques privées, si tant est que la Grèce donne, de son côté, des gages de confiance à ses partenaires européens.

 


[1] Voir les résultats des tests de résistance publiés par la BCE le 26 octobre 2014

[2]Voir Hellenic Republic Public Debt Bulletin, n°75, septembre 2014, tableau 6.

[3] Pour une comparaison avec la situation en juin 2012, voir Céline Antonin, « Retour à la drachme : un drame insurmontable ? », Note de l’OFCE n°20, juin 2012.




Le déficit commercial français est-il entièrement structurel ?

par Eric Heyer

Au cœur du débat qui oppose les tenants d’une insuffisance de l’offre à ceux d’une insuffisance de la demande pour expliquer le faible niveau d’activité en France depuis 4 ans, la question de la nature du déficit commercial français est centrale.

D’un côté, l’économie française connaît un grand nombre de symptômes caractéristiques d’une économie en situation d’insuffisance de demande : une forte désinflation, un chômage élevé, des entreprises déclarant de fortes capacités de production inutilisées principalement du fait d’une demande insuffisante, … Mais, d’un autre côté, l’existence d’un déficit persistant de la balance commerciale (graphique 1) jette un doute sur la compétitivité des entreprises françaises et sur leur capacité à satisfaire un supplément de demande, ce qui traduirait alors un problème d’offre.  

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Ainsi, après plus de dix années d’excédents commerciaux qui ont représenté jusqu’à plus de 2 points du PIB en 1997, la balance commerciale française est devenue déficitaire en 2005. Le déficit, qui s’est creusé graduellement jusqu’en 2010 pour atteindre près de 2 points de PIB, se résorbe depuis. En 2013 (dernier chiffre disponible), le déficit commercial s’établissait encore à 1 point de PIB.

Ce constat ne suffit toutefois pas à balayer d’un revers de manche l’ensemble des arguments des tenants d’une insuffisance de la demande pour considérer que la France ne souffre que d’un problème d’offre. Il convient, au minimum, d’analyser la nature de ce déficit et d’essayer de séparer sa composante structurelle de sa composante conjoncturelle. Cette dernière est le résultat d’un écart de conjoncture économique entre la France et ses principaux partenaires commerciaux. Lorsque la conjoncture d’un pays est plus favorable que celle de ses partenaires, ce pays aura tendance à présenter un déficit de sa balance commerciale lié à sa demande intérieure et donc à des importations plus dynamiques.  Un déficit commercial peut donc apparaître indépendamment de la compétitivité des entreprises du pays.

Une manière de prendre en considération cet écart de conjoncture consiste à comparer les écarts de production d’une économie à sa production potentielle (output gap). Au niveau national, un output gap positif (respectivement négatif) signifie que l’économie du pays est en phase d’expansion (respectivement de contraction) cyclique, ce qui, toutes choses égales par ailleurs, doit se traduire par une dégradation (respectivement une amélioration) conjoncturelle de sa balance commerciale. Au niveau des partenaires commerciaux, lorsque ceux-ci sont dans une phase d’expansion cyclique (output gap positif), cela devrait conduire à une amélioration conjoncturelle de la balance commerciale du pays étudié.

A partir des données de la dernière version de l’Economic Outlook de l’OCDE (eo96), nous avons calculé un output gap « agrégé » des pays partenaires de la France en pondérant les output gap de chacun des partenaires par le poids des exportations françaises vers ces pays dans le total des exportations de la France.

Deux éléments ressortent de ce calcul, illustré par le graphique 2 :

  1. Le premier est que, d’après l’OCDE, l’output gap français est négatif depuis 2008, ce qui signale l’existence de marges de rebond pour l’économie française.
  2. Le second réside dans une situation économique encore plus dégradée chez nos partenaires commerciaux. L’écart de conjoncture, mesuré par la différence de l’output gap français avec celui de ses partenaires, indique une différence significative en faveur de la France.

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Dès lors, il est possible d’évaluer l’impact de la situation conjoncturelle du pays et de celle des principaux partenaires sur la balance commerciale.

Une estimation simple par Moindres Carrés Ordinaires, sur la période 1985-2013, permet d’obtenir une relation de cointégration entre ces trois variables (solde commercial, output gap de la France et output gap des partenaires) pour la France. Les signes obtenus sont conformes à l’intuition : lorsque la France est dans une phase d’expansion, cela entraîne une détérioration de sa balance commerciale (coefficient de -0,943). A l’opposé, lorsque les pays concurrents connaissent une phase d’expansion, cela permet une amélioration du solde commercial français (coefficient de +0,876).

On peut alors calculer le solde commercial structurel de la France depuis 1985 en retranchant l’effet des conjonctures (nationale et des concurrents) de la balance commerciale observée.

Le graphique 3 illustre ce calcul. Ainsi, la baisse de l’euro de la fin des années 1990 aura permis une amélioration structurelle du solde structurel français. Puis, la forte dégradation de la balance commerciale française entre 2001 et 2007 serait entièrement structurelle : on peut l’expliquer, notamment, par l’entrée de la Chine dans l’OMC, par la politique de désinflation compétitive menée en Allemagne et par l’appréciation de l’euro. Depuis la crise de 2008, en revanche, une partie de plus en plus importante du déficit commercial français serait de nature conjoncturelle. Ainsi, même si la croissance française est atone, la France affiche malgré tout des performances économiques moins dramatiques que certains de ses partenaires commerciaux[1]. Cette performance relative plus favorable de la France par rapport à ses principaux partenaires commerciaux induit l’apparition d’un déficit commercial dont une partie est de nature conjoncturelle. En 2013, cette origine conjoncturelle des déséquilibres de la balance courante serait intégrale.

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Ce résultat fait écho à l’analyse fournie par la Comptabilité nationale sur les composantes de la croissance depuis 4 ans : le niveau du PIB en volume au troisième trimestre 2014 n’est que de 1,4 % au-dessus de celui du premier trimestre 2011. L’analyse des facteurs contribuant à cette performance est claire : la demande privée (des ménages et entreprises) est en forte baisse (-1,6 %), notamment la consommation des ménages, traditionnel moteur de croissance de l’économie. Alors que les ménages sont plus nombreux aujourd’hui qu’il y a quatre ans, leur consommation totale est de 0,6 % inférieure à son niveau de 2011. En revanche, alors que la capacité de l’économie française à s’insérer dans la compétition mondiale est mise en doute par le discours dominant, le commerce extérieur a un impact fortement positif depuis quatre ans : il est porté par le dynamisme des exportations qui affichent une contribution positive de 2 points à l’évolution du PIB. En somme, depuis quatre ans, l’économie française est tirée principalement par ses exportations tandis qu’elle est freinée par sa demande privée.

Bien évidemment, cette analyse repose sur l’évaluation des output gap dont la mesure est fragile et sujette à de fortes révisions. A cet égard, si l’estimation d’un écart de production négatif pour la France fait consensus entre les institutions, l’amplitude des marges de rebond est importante, variant entre 2,5 et 4 points en 2014 selon les instituts (FMI, OCDE, Commission européenne, OFCE).

La prise en compte d’un output gap pour la France plus négatif que celui calculé par l’OCDE, atténuerait quelque peu ce diagnostic : en retenant celui de l’OFCE (output gap de -2,9 points de PIB en 2013 au lieu de -1,4 point pour l’OCDE) pour la France et en gardant la mesure de l’OCDE pour les partenaires, la performance relative plus favorable de la France par rapport à ses principaux partenaires commerciaux n’expliquerait plus que la moitié de son déficit commercial[2]. Une partie du déficit observé s’expliquerait donc par des problèmes de compétitivité des entreprises françaises (graphique 4).

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En conclusion, comme pour toute mesure de variable structurelle, l’évaluation du solde commerciale structurel est sensible à la mesure de l’output gap.  Néanmoins, il ressort de cette analyse rapide que :

  • si l’on considère que l’économie française souffre principalement d’un problème d’offre (output gap proche de zéro) alors que nos partenaires, principalement européens, font face à une insuffisance de la demande (output gap négatif) alors le déficit de notre balance commerciale serait essentiellement conjoncturel.
  • En revanche, si la France, à l’instar de ses partenaires, connaissait également une insuffisance de la demande, alors une partie seulement de notre déficit serait conjoncturelle, l’autre relèverait d’un problème de compétitivité de nos entreprises.

Ce dernier point nous semble plus proche de la réalité de l’économie française. Si les pertes de compétitivité des entreprises françaises ne peuvent être niées, il convient aussi de ne pas les surestimer : l’atonie qui caractérise notre économie depuis près de 4 ans n’est pas seulement due à une insuffisance de l’offre et à la disparition du potentiel de croissance — même si son tassement est malheureusement probable –; elle est due également à un tassement significatif de la demande.

 


[1] Par exemple, l’Italie et l’Espagne sont entrées dans une deuxième récession qui, au troisième trimestre 2014, laisse leur PIB inférieur de, respectivement, 9 et 6 % au niveau d’avant-crise.

[2] On retrouve un résultat similaire lorsque l’on retient pour la France et l’ensemble de ses partenaires la version précédente de l’OCDE (eo95).




Rotation des votes au Conseil des gouverneurs de la BCE: plus qu’un symbole ?

par Sandrine Levasseur

L’adoption de l’euro par la Lituanie, le 1er janvier dernier, porte le nombre des membres de la zone euro à dix-neuf, seuil à partir duquel le système de vote au sein du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) doit être modifié. Si ce changement est passé quasiment inaperçu en France, il en va autrement en Allemagne et en Irlande où l’introduction d’une rotation dans les votes décidant de la politique monétaire en zone euro a suscité des craintes, voire des contestations. Ces craintes et contestations sont-elles justifiées ? Nous proposons ici quelques éléments d’analyse et de réflexion.

1) Comment fonctionne le système de rotation ?

Jusqu’à maintenant, lors des réunions mensuelles du Conseil des gouverneurs qui décide de la politique monétaire (politique de taux, politiques non-conventionnelles) en zone euro, le principe « un pays, un vote » s’appliquait. En d’autres termes, chaque pays disposait, au travers du Gouverneur de sa banque centrale, d’un droit de vote systématique. Aux votes des 18 Gouverneurs s’ajoutaient les votes des 6 membres du Directoire de la BCE, soit un total de 24 votes.

Dorénavant, avec l’entrée d’un 19e membre de la zone euro, les pays sont classés en deux groupes, conformément au Traité[1]. Le premier groupe est constitué des 5 plus « grands » pays, définis par la taille du PIB et du secteur financier avec des poids respectifs de 5/6 et 1/6. Le second groupe est constitué des autres pays, soit 14 pays actuellement[2]. Le groupe des 5 « grands » pays dispose chaque mois de 4 droits de vote et le groupe des 14 « petits » pays de 11 votes (tableau 1). Le vote au sein des groupes est organisé selon un principe de rotation défini par un calendrier précis : une fois sur cinq, les Gouverneurs des « grands » pays ne voteront pas tandis les Gouverneurs des « petits » pays ne voteront pas 3 fois sur 14. En revanche, les 6 membres du Directoire de la BCE continuent à bénéficier d’un droit de vote mensuel systématique. Chaque mois, pour décider de la conduite de la politique monétaire en zone euro, 21 votes seront donc exprimés alors que sous l’ancien principe, celui du « un pays, un vote », 25 votes auraient été exprimés.

Tous les gouverneurs continueront à participer aux deux réunions mensuelles du Conseil, même s’ils ne participent pas au vote.

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Pourquoi avoir changé le système des droits de vote ? L’objectif est clair et justifié : il s’agit de maintenir la capacité décisionnelle du Conseil des gouverneurs au fur et à mesure que le nombre de pays adhérant à la zone euro augmente.

Le nouveau système des droits de vote bénéficie clairement aux membres du Directoire de la BCE qui disposent dorénavant de 28,6 % des droits de vote (6/21) alors que l’ancien système ne leur en aurait donné « que » 24 % (6/25). Le groupe des « grands » pays en dispose de 19 % (contre 20 % dans l’ancien système). Le groupe des « petits pays obtient 52 % (11/21) des droits de vote alors qu’il en aurait obtenu 56 % (14/25) si l’ancien système de vote avait été maintenu. Le groupe des « petits » pays perd donc relativement plus de droits de vote que le groupe des « grands » pays et ce, en faveur du Directoire de la BCE.

2) Les arguments des opposants allemands et irlandais au système de rotation

Les arguments des opposants allemands au nouveau système, au-delà de la perte de prestige, sont que la première puissance économique de la zone euro et aussi première contributrice au capital de la BCE (Tableau 1) doit nécessairement participer au vote décidant de la politique monétaire. De façon à ce que les intérêts de l’Allemagne ne soient pas négligés, son Gouverneur doit disposer, lorsqu’il ne vote pas, d’un droit de veto. Ce droit de veto est aussi justifié par le fait que l’on ne peut être responsable que de ses décisions.

En Irlande, selon les opposants au nouveau système, le mythe de l’égalité entre les pays de la zone euro prend fin : la mise en place d’un système de rotation qui favorise les grands pays officialise la non-égalité des pays au sein de la zone. L’Irlande devient ainsi explicitement un pays de seconde catégorie. En outre, l’influence de l’Irlande dans le processus décisionnel sera encore plus diminuée avec les élargissements futurs de la zone euro.

Dans les autres pays de la zone euro, l’introduction du système de rotation ne semble avoir suscité aucune réaction contestataire, ni dans la sphère politique ni dans la société civile.

3) Les arguments des Allemands et des Irlandais sont-ils recevables ?

Comme chacun le sait, l’Allemagne a une culture de la stabilité qui lui est propre, avec notamment une forte aversion pour l’inflation du fait de son histoire. En revanche, les pays du Sud sont réputés avoir une aversion nettement moins marquée pour la « taxe inflationniste ». C’est cette différence concernant le degré d’inflation « acceptable » qui a conduit à calquer peu ou prou les statuts de la BCE sur ceux de la Bundesbank, seule façon alors d’obtenir la participation de l’Allemagne à la zone euro. Aujourd’hui, cependant, la question de l’inflation ne se pose plus puisque la zone euro serait entrée en déflation et certains augurent que cette situation pourrait durer pendant de longues années[3]. Aujourd’hui, c’est donc bien plus les moyens utilisés par la BCE pour mener la politique monétaire qui sont mis en question en Allemagne par certains membres de la sphère politique, de ses économistes et de ses citoyens. L’argument de la contribution au capital de la BCE développé par les opposants au système de rotation et plus, généralement, celui de première puissance économique, fait écho aux politiques menées ces dernières années par la BCE (e.g. assouplissement des critères d’éligibilité des titres déposés en collatéral à la BCE, achat de créances titrisées) mais aussi à la future politique de rachat de titres publics. Ces politiques font craindre outre-Rhin que la BCE ne détienne dans son bilan trop de créances « toxiques », susceptibles d’être abandonnées tôt ou tard, et dont le coût de l’abandon serait supporté par son principal financeur.

Peut-on décemment considérer que les intérêts de l’Allemagne ne seront pas pris en compte ?

Il y a trois arguments qui incitent à répondre par la négative. Tout d’abord, même lorsque le Gouverneur allemand ne votera pas, l’Allemagne disposera toujours d’un « représentant » allemand au travers du Directoire (actuellement, Sabine Lautenschläger)[4]. Certes, en théorie, les membres doivent prendre en considération l’intérêt de la zone euro lorsqu’ils votent et non l’intérêt de leur pays, mais la réalité est plus complexe[5]. Ensuite, les Gouverneurs, même lorsqu’ils ne votent pas, disposent toujours de leur droit de paroles et donc de leur pouvoir de persuasion. Enfin, de façon plus générale, la recherche d’un consensus obligera à prendre en considération l’avis des Gouverneurs ne participant pas au vote.

Quelle est la recevabilité des arguments des opposants irlandais au système de rotation ? Il est clair que les contre-arguments développés précédemment (celui du droit de parole et celui de la recherche d’un consensus) qui s’appliquent aux Allemands s’appliquent aussi aux Irlandais.

En revanche, il est vrai que l’Irlande, comme d’ailleurs tous les pays du groupe 2, supporteront une dilution des droits de vote au fur et à mesure de l’élargissement de la zone euro. Lorsque la zone euro comportera 20 membres, les 15 pays du groupe 2 devront se partager 11 votes (tableau 2, source: p. 91). Lorsque la zone euro s’élargira à nouveau pour compter 21 membres, les 16 pays du groupe 2 devront toujours se partager 11 votes … À 22 membres, la création d’un troisième groupe  aboutira à une nouvelle dilution des droits de vote pour les groupes 2 et 3 mais pas pour le groupe 1, soit le groupe des « grands » pays, qui continueront toujours à voter 80 % du temps.

La question qui se pose pour l’Irlande, mais aussi pour tous les pays du groupe 2 actuel, est celle de l’élargissement futur de la zone euro. A ce jour, tous les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) n’ayant pas encore adopté l’euro ont abandonné tout calendrier d’entrée dans la zone euro (tableau 1). Seule la Roumanie fait exception et avance 2019 pour intégrer la zone[6]. Les perspectives pour les autres pays, sans pour autant être abandonnées, apparaissent très lointaines[7]. La probabilité que la zone euro comporte bientôt 21 membres est donc plutôt faible et la probabilité que la zone euro dépasse les 22 membres encore plus. De toute façon, quelle que soit la configuration, l’Irlande ne fera jamais partie du groupe 3. Ce sont donc les pays en queue de peloton de l’actuel groupe 2 (Malte, Estonie, Lettonie, etc.) qui ont le plus à perdre en termes de fréquence de votes.

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Conclusion

On ne peut parler d’Europe unifiée tout en expliquant qu’il existe plusieurs catégories de pays. On ne peut se féliciter que la zone euro ait de nouvelles adhésions tout en expliquant que seuls certains membres peuvent/doivent participer au processus décisionnel. Un vote au sein du Conseil qui serait systématique pour certains gouverneurs (mais pas tous) ou un droit de veto que seuls quelques gouverneurs pourraient exercer ne sont pas acceptables dans une Europe unifiée. Chaque pays perd sa souveraineté monétaire en intégrant la zone euro : pourquoi certains pays devraient la perdre plus que d’autres ? Est-il pour autant souhaitable de revenir à l’ancien système, celui du « un pays, un vote » ? Non. Le nouveau système de votes au sein du Conseil des gouverneurs constitue un bon compromis entre la nécessité de maintenir la capacité décisionnelle du Conseil des gouverneurs (et donc avoir un nombre réduit de votants) et celle de permettre à chacun des gouverneurs de participer au vote sur une base régulière. De ce point de vue, le système de rotation qui prévaut en zone euro est plus équilibré que celui qui prévaut aux Etats Unis où certains membres peuvent s’abstenir de voter pendant un, deux, voire trois ans[8]. Dans la zone euro, le laps de temps pendant lequel un gouverneur ne participera pas au vote décidant de la politique monétaire n’excédera pas un mois pour les pays du groupe 1 et, pour les pays du groupe 2, il n’excédera pas trois mois (tant que la zone euro reste constituée de 19 pays).

Tout du moins en théorie. Car, en pratique, si le Conseil des gouverneurs continuera bien à se rencontrer deux fois par mois, le vote concernant la conduite de la politique monétaire n’interviendra plus que toutes les … six semaines (contre quatre auparavant). Le temps d’abstention de vote devrait donc être (un peu) plus long que celui donné dans tous les documents officiels de la BCE et des banques centrales nationales de la zone euro…

 

 


[1] Plus précisément, le Conseil européen du 21 mars 2003 a modifié l’Article 10.2 relatif aux statuts de l’Eurosystème afin de permettre la mise en place d’un système de rotation au sein du Conseil des gouverneurs. L’article modifié prévoyait que le système de rotation puisse être introduit dès l’entrée du 16e membre dans la zone euro et, au plus tard, à l’entrée du 19e membre.

[2] A l’entrée d’un 22e pays dans la zone euro, le Traité prévoit la création d’un troisième groupe.

[3]Pour la première fois depuis 2009, la croissance des prix à la consommation est devenue négative, s’établissant à -0,2 % sur un an.

[4]Les autres membres du Directoire sont de nationalité italienne (Mario Draghi, Président de la BCE). portuguaise (Vítor Constâncio, vice-Président de la BCE), française (Benoît Cœuré), luxembourgeoise (Yves Mersch) et belge (Peter Praet).

[5] L’expérience américaine du Federal Open Market Committee montre qu’il existe un biais régional dans les votes des Gouverneurs (Meade et Sheets, 2005 : « Regional Influences on FOMC Voting Patterns », Journal of Money Credit and Banking, 33, p. 661-678.)

[6] Il lui faudra de toute façon respecter les critères de Maastricht (critères de déficit public, de taux d’intérêt, d’inflation, etc.).

[7] Ce revirement s’explique en partie par le fait que beaucoup de ces PECO ont bénéficié de la dépréciation de leur monnaie par rapport à l’euro. Ils ont ainsi compris qu’intégrer la zone euro ne leur apporterait pas que des avantages. De plus, on fait l’hypothèse ici que le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède n’intégreront jamais la zone euro du fait de leur clause d’Opting-out.

 




Du débat en économie

par Guillaume Allègre, @g_allegre

A Bernard Maris, qui a alimenté avec son talent et sa tolérance le débat économique.

Vous avez des raisons de ne pas aimer les économistes. C’est ce que nous expliquent Marion Fourcade, Etienne Ollion et Yann Algan dans une excellente étude, The Superiority of Economists, dont les conclusions principales sont reprises dans un billet : « Vous n’aimez pas les économistes ? Vous n’êtes pas les seuls ! ». L’étude concerne surtout les Etats-Unis mais peut aussi s’appliquer à l’Europe. Elle fait un portrait peu flatteur des économistes, notamment de son élite : ils sont dotés d’un fort sentiment de supériorité, isolés des autres sciences sociales, confortés par leur position dominante dans leur impérialisme économique. L’étude montre aussi que la discipline est très hiérarchisée (il existe des départements d’économie « prestigieux » et d’autres moins) et que le contrôle interne est très fort (notamment parce que la vision de ce qui constitue une recherche de qualité est beaucoup plus homogène que dans d’autres disciplines). Cela se répercute sur les publications et le recrutement des économistes : seuls ceux ayant souhaité et/ou ayant été capables de se conforter à ce modèle « élitiste » publieront dans les revues les mieux classées (les fameuses Top field), ce qui les conduira à être recrutés par les départements « prestigieux ».

Ceci ne serait pas très grave si les économistes n’avaient pas vocation à faire des recommandations de politique publique. D’ailleurs la « supériorité » de l’économie s’appuie en grande partie sur le fait que la discipline a développé des outils permettant l’évaluation quantitative des politiques publiques. L’économie est ainsi, en partie, une science de gouvernement, tandis que les autres sciences sociales ont adopté des postures plus critiques des catégories, structures et pouvoirs établis. La conséquence de la hiérarchisation du champ, du contrôle interne et du peu d’appétence pour les postures critiques, est que le débat est désormais pratiquement interdit dans le monde académique en économie (une autre raison pour ne pas aimer les économistes ?). Le graphique ci-dessous montre ainsi que le nombre d’articles en réponse à un autre article publié a très fortement chuté depuis les années 1970 : alors qu’ils représentaient 20% des articles publiés dans les cinq grandes revues académiques, ils n’en représentent plus que 2% aujourd’hui. Le débat et la critique, sans parler des paradigmes hétérodoxes, sont donc quasiment absents des plus grandes revues. Ils sont relégués dans des revues supposées de moindre importance qui ne permettent pas d’être recruté dans les départements les plus prestigieux. Or, il existe également à l’intérieur de la discipline une injonction forte de porter le débat et la critique à ce niveau académique, niveau auquel les critiques font l’objet de référés par les pairs (avec des effets de sélection, de réputation, …). Il faut être fou et demander une autorisation pour publier une critique, or aucun fou ne demande d’autorisation, donc aucune critique n’est publiée. Les anglo-saxons utilisent l’expression Catch-22[1] pour décrire ce type de situation.

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Si le débat n’a plus lieu dans les revues universitaires, a-t-il lieu autre part ? En France, Le Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty semble être l’arbre qui cache la forêt. Le succès planétaire du livre a obligé un certain nombre de personnes à se positionner, mais peut-on parler de véritable débat en France et en Europe ?[2] Avant ce succès, Michel Husson (« Le capital au XXIe siècle. Richesse des données, pauvreté de la théorie ») et Robert Boyer (« Le capital au XXIe siècle. Note de lecture ») ont proposé des critiques intéressantes d’inspiration respectivement marxiste et régulationniste. Toutefois, malgré la qualité de ces critiques, on voit que le débat aujourd’hui ne se situe pas là : si l’impôt mondial ou européen sur le capital proposé par Piketty n’est pas mis en place, ce n’est pas parce que les arguments marxistes et/ou régulationnistes l’auront emporté. C’est plutôt l’argument d’incitation fiscale à la croissance et l’innovation qui est aujourd’hui susceptible de convaincre les pouvoirs publics. Cet argument est entre autre porté par Philippe Aghion. En ce qui concerne la fiscalité de l’épargne et du patrimoine, et malgré la proximité partisane de ces deux économistes français (ils ont tous les deux signés des appels en faveur de Ségolène Royal en 2007 puis de François Hollande en 2012), Aghion et Piketty ainsi que leurs co-auteurs ne sont d’accord sur rien (ce que montre André Masson dans un article de la Revue de l’OFCE à paraître). Piketty propose un impôt fortement progressif sur le patrimoine et un nouvel impôt fusionnant CSG et impôt sur le revenu (IR) qui taxerait les revenus financiers, y compris les plus-values, au même titre que les revenus du travail. Aghion propose exactement l’inverse : il faudrait se reposer davantage sur la TVA, éviter la fusion IR-CSG, « fausse bonne idée », et mettre en place un « système dual capital/travail » avec un « impôt progressif sur les revenus du travail et un impôt forfaitaire sur les revenus du capital productif ». Beau sujet de débat, il n’a pourtant lieu ni dans les revues scientifiques, ni autre part.

En fait, Piketty et Aghion abordent la question de la fiscalité du patrimoine sous des angles opposés : Aghion l’aborde sous l’angle de la croissance tandis que Piketty l’aborde sous l’angle des inégalités. On comprend pourquoi leurs modèles diffèrent : ils n’essayent pas d’expliquer le même phénomène. Piketty essaye d’expliquer l’évolution des inégalités tandis qu’Aghion essaye d’expliquer l’évolution de la croissance. Bien qu’ils travaillent essentiellement sur les mêmes phénomènes, il n’y a pas de confrontation entre des approches qui sont moins opposées qu’orthogonales. Pourtant, du point de vue des décideurs publics, cette confrontation est essentielle : comment choisir autrement entre les préconisations de Piketty et celles d’Aghion ?

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Une partie de ce billet a été publiée sur le blog de Libération, L’économe : http://leconome.blogs.liberation.fr/leconome/2014/12/de-la-sup%C3%A9riorit%C3%A9-des-%C3%A9conomistes-dans-le-d%C3%A9bat-public.html

 


[1] L’expression est tirée du roman du même nom de Joseph Heller. Le roman se passe en temps de guerre et pour être exempté de missions, il faut être déclaré fou. Mais pour être déclaré fou, il faut en faire la demande. Or, selon l’article 22 du règlement, ceux qui en font la demande prouvent par là-même qu’ils ne sont pas fous.

[2] Aux Etats-Unis, en revanche, le débat autour du livre a eu lieu. Par exemple, Greg Mankiw (pdf), Auerbach et Hassett (pdf) et David Weil (pdf) ont récemment proposé leur critique.




La BCE est-elle impuissante ?

Christophe Blot, Jérôme Creel, Paul Hubert et Fabien Labondance

En juin 2014, la BCE annonçait un ensemble de nouvelles mesures (dont la description détaillée est proposée dans une étude spéciale intitulée « Comment lutter contre la fragmentation du système bancaire de la zone euro ? », Revue de l’OFCE, n°136), afin d’enrayer la baisse de l’inflation et soutenir la croissance. Mario Draghi avait ensuite précisé les objectifs de sa politique monétaire indiquant que la BCE souhaitait augmenter son bilan de 1 000 milliards d’euros pour retrouver un niveau proche de celui observé au cours de l’été 2012. Parmi les mesures mises en œuvre, beaucoup était attendu de la nouvelle opération de refinancement (TLTRO pour targeted long-term refinancing operation) qui doit permettre aux banques de la zone euro d’accéder au refinancement de la BCE sur une maturité de 4 ans en contrepartie de l’octroi de crédits au secteur privé (hors prêts immobiliers). Pourtant, après les deux premières allocations (24 septembre 2014 et 11 décembre 2014), le bilan est plus que mitigé, les montants alloués étant bien inférieurs aux attentes. Cette situation témoigne de la difficulté de la BCE à lutter efficacement contre le risque déflationniste.

En effet, après avoir alloué 82,6 milliards d’euros en septembre (contre un montant anticipé compris entre 130 et 150 milliards), la BCE n’a octroyé « que » 130 milliards le 11 décembre, soit un chiffre à nouveau inférieur à ce qui avait été anticipé. On est donc bien loin du montant maximum de 400 milliards d’euros qui avaient été évoqué par Mario Draghi en juin 2014 pour ces deux opérations. De plus, ces deux premières allocations sont clairement insuffisantes pour doper significativement le bilan de la BCE (graphique 1), et ce d’autant plus que les banques continuent à rembourser les prêts à trois ans qu’elles avaient obtenus fin 2011 et début 2012 dans le cadre du programme VLTRO (very long term refinancing operation)[1]. Comment expliquer la réticence des banques à recourir à cette opération qui leur permet pourtant de refinancer les crédits octroyés à un taux très bas et pour une durée de 4 ans ?

La première tient au fait que les banques ont déjà un accès très large et très avantageux aux liquidités de la BCE dans le cadre des opérations de politique monétaire déjà mises en œuvre par la BCE[2]. Ces opérations sont même actuellement assorties d’un taux d’intérêt plus faible que celui du TLTRO (0,05 % contre 0,15 %). De même, le TLTRO n’est pas plus attractif que certains financements de marché à long terme, surtout que de nombreuses banques n’ont pas de contraintes de financement. L’intérêt du TLTRO est donc marginal, lié à la maturité de l’opération, et plus contraignant car conditionnel à la distribution de crédit. Pour les deux premières opérations menées en septembre et décembre 2014, l’allocation ne pouvait dépasser 7 % de l’encours de prêts au secteur privé non-financier de la zone euro, à l’exclusion des prêts au logement, au 30 avril 2014. De nouvelles séries de TLTRO seront menées entre mars 2015 et juin 2016, sur un rythme trimestriel. Le montant maximum pouvant être alloué aux banques dépendra cette fois-ci de la croissance de l’encours de prêts au secteur privé non-financier de la zone euro, à l’exclusion des prêts au logement, entre la date du 30 avril 2014 et celle de l’adjudication considérée.

La deuxième raison tient au fait que la faiblesse du crédit dans la zone euro ne résulte pas uniquement des facteurs d’offre mais aussi de la demande. Le peu d’activité et l’objectif de désendettement des agents privés limitent la demande de crédit.

Troisièmement, au-delà de la capacité des banques à se refinancer, il est possible que les banques cherchent à réduire leur exposition au risque. Le problème est alors lié à leurs actifs. Or, les prêts non-performants se situent toujours à un niveau très élevé, notamment en Espagne et en Italie (graphique 2). En outre, bien que l’AQR (Asset Quality Review) menée par la BCE ait révélé que les risques d’insolvabilité étaient limités dans la zone euro, le rapport souligne également que certaines banques ont des niveaux de leviers élevés et qu’elles ont surtout utilisé les liquidités pour acheter des titres obligataires publics, afin de satisfaire leurs exigences de fonds propres. Elles réduisent alors le risque de leur bilan en limitant les crédits octroyés au secteur privé.

Enfin, deux éléments d’incertitude viennent réduire la participation des banques au TLTRO. Le premier concerne la stigmatisation liée à la conditionnalité du TLTRO et au fait que les banques qui ne respecteraient pas leurs engagements de distribution de crédit seront tenues de rembourser les financements obtenus auprès de la BCE après deux années. Les banques ayant des perspectives incertaines sur leur capacité à augmenter leurs prêts peuvent ainsi souhaiter éviter la perspective d’avoir à rembourser ces fonds plus tôt. Le second est lié aux incertitudes concernant les programmes d’achats d’ABS et de Covered Bonds[3]. Les banques pourraient également privilégier ces programmes pour obtenir des liquidités en contrepartie de la cession d’actifs dont elles souhaiteraient se débarrasser.

La politique monétaire est-elle devenue totalement inefficace ? La réponse est très certainement non, puisqu’en offrant aux banques la garantie qu’elles pourront refinancer leur activité via différents programmes (TLTRO, ABS, Covered Bonds, etc.), la BCE réduit les risques de rationnement du crédit liés aux passifs dégradés de certaines banques. La politique monétaire permet ainsi de rendre plus opérant le canal du crédit. Mais ses effets demeurent néanmoins limités, comme le suggèrent Bech, Gambacorta et Kharroubi (2012) qui montrent que la politique monétaire est moins efficace dans les périodes de reprise qui suivent une crise financière. Peut-on sortir de cette impasse ? Ce constat sur l’efficacité de la politique monétaire montre qu’il ne faut pas trop et tout attendre de la BCE. Il reste donc essentiel de compléter le soutien à l’activité par une politique budgétaire expansionniste à l’échelle de la zone euro. C’est aussi ce qu’affirmait le Président de la BCE pendant l’été lors de la conférence de Jackson Hole déclarant que « Les politiques de demande sont non seulement justifiées par la composante cyclique du chômage mais également parce que dans un contexte d’incertitude, elles permettent de se prémunir contre le risque d’effet d’hystérèse[4] ».

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[1] Voir dans la Revue de l’OFCE n°136, l’étude spéciale « Comment lutter contre la fragmentation du système bancaire de la zone euro ? » pour un exposé des différentes mesures de politique monétaire mises en place par la BCE depuis le début de la crise financière et une estimation de leur impact sur la sphère réelle.

[2] Cela inclut les opérations standards de politique monétaire ainsi que l’opération VLTRO par laquelle la BCE avait octroyé des liquidités pour une durée exceptionnelle de 3 ans en décembre 2011 et février 2012.

[3] Il s’agit ici de programmes d’achat de titres sur les marchés et non de liquidités octroyées directement aux banques. Les Covered bonds et les ABS sont des titres gagés sur des actifs et dont la rémunération dépend de celle de l’actif sous-jacent qui est nécessairement un crédit hypothécaire dans le cas des Covered bonds et qui peut inclure d’autres types de crédits (cartes de crédit, crédits de trésorerie aux entreprises, …) dans le cas des ABS.

[4] “Demand side policies are not only justified by the significant cyclical component in unemployment. They are also relevant because, given prevailing uncertainty, they help insure against the risk that a weak economy is contributing to hysteresis effects.”