Chômage : évolutions contrastées

Département Analyse et Prévision (Équipe France)

Les chiffres du mois de janvier 2017 publiés par Pôle Emploi font apparaître une quasi-stabilité (+800) du nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) n’exerçant aucune activité (catégorie A). Si sur an le nombre de DEFM sans activité diminue (-89 300), il n’en reste pas moins que depuis deux mois celui-ci remonte, perturbant la baisse tendancielle enclenchée depuis février 2016.  Par ailleurs, les catégories C (DEFM en activité réduite longue) connaissent une forte augmentation au mois de janvier (+23 800). Et sur an, la hausse des DEFM en catégorie C (+113 800), et dans une bien moindre mesure des catégories B (+3 400), fait plus que compenser la baisse visible des DEFM en catégorie A, illustrant la possibilité d’un phénomène de vase communicant entre ces différentes catégories. Enfin, le nombre de chômeurs non tenus de rechercher un emploi (catégorie D) diminue pour la première fois depuis avril 2016. Or la hausse passée des DEFM en catégorie D, sous l’impulsion de la montée en charge du plan de formation de 500 000 chômeurs, a facilité la réduction du nombre de chômeurs en catégorie A. L’arrivée à maturité du dispositif ne devrait ainsi plus avoir d’effet sur la dynamique de baisse des catégories A.

Ces évolutions mensuelles doivent être mises en regard des évolutions sur plus longue période. Après plusieurs années de crise, une reprise timide des créations d’emploi a été amorcée en 2015 et les évolutions des demandeurs d’emploi par grands domaines professionnels permettent d’appréhender certaines dimensions de ces transformations. Ainsi, entre début 2007 et début 2015, le nombre d’inscrits en catégorie A, B et C à Pôle emploi a augmenté de 2,1 millions, celui des inscrits en catégories A de 1,3 million.

Ces demandeurs d’emploi supplémentaires en catégorie A proviennent principalement des professions de services (+ 0,9 million). Le nombre de demandeurs d’emplois issus des professions du BTP et de l’industrie voient, quant à eux leur nombre augmenter respectivement de 208 000 et 150 000 sur cette même période[1]. Rapportées au nombre de demandeurs d’emplois en catégorie A, ces évolutions montrent une hausse plus rapide des inscrits dans l’industrie et le BTP au début de la crise (graphique). Si cette hausse de la part des inscrits issus de l’industrie s’est avérée temporaire (+ 2 points entre début 2008 et début 2009, puis retour au niveau initial début 2011), elle apparait bien plus durable dans le BTP (+2,7 points entre début 2008 et fin 2014).

A partir de 2015, l’accélération de la croissance s’est traduite par une reprise des créations d’emplois dans le secteur marchand. Sur le front du chômage, ce sont les métiers du BTP et ceux de l’industrie qui ont le plus profité de la reprise, avec des baisses respectives de 46 000 et 22 000 DEFM inscrits en catégorie A entre le premier trimestre 2015 et le dernier trimestre 2016 (cf. tableau), contre une baisse de 18 000 pour le secteur tertiaire. Les offres d’emplois collectées chaque trimestre par Pôle emploi sont aussi reparties à la hausse depuis deux ans après les baisses marquées observées entre 2007 et 2015.

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Parmi les 74 familles professionnelles répertoriées par la Dares, au sein desquelles nous avons retenu celles ayant un poids significatif[2], les professions du BTP sont surreprésentées dans celles ayant été les plus impactées par la crise. En effet, plus d’un tiers des quatorze familles professionnelles ayant connu la plus importante augmentation du nombre de demandeurs d’emploi sur la période 2007-2015 sont issus du secteur de la construction. Les ouvriers qualifiés ou non qualifiés du gros œuvre, les conducteurs d’engins ou encore les ouvriers qualifiés du second œuvre et les techniciens de maintenance ont tous vu leur nombre de demandeurs d’emplois inscrits en catégorie A plus que doubler sur la période. Dans le même temps, les offres collectées par Pôle Emploi pour ces familles professionnelles étaient réduites de moitié (cf graphique 2).

En dehors du BTP, les professions ayant connu la plus forte hausse du nombre d’inscrits à Pôle Emploi entre début 2007 et début 2015 sont les métiers liés à la restauration et au commerce de bouche (133 % pour les cuisiniers et 114 % pour les bouchers, charcutiers, boulangers), ainsi que les aides à domicile et ménagères (+106 %) ou les professionnels de l’action culturelle, sportive et surveillants (+101 %). Bien que moindre que dans le bâtiment, la baisse du nombre d’offres collectées par Pôle Emploi sur la période pour ce type de famille professionnelle a été importante.

Depuis début 2015, l’amélioration du marché du travail s’est traduite positivement pour l’ensemble des familles professionnelles avec des différences notables. Dans le BTP, le nombre de demandeurs d’emploi a commencé à décroitre (entre -10% et -20% selon les familles) et les offres d’emploi collectées ont recommencé à croitre (+80% pour les conducteurs d’engins, +60% pour les techniciens et agents de maitrise, …). Les cuisiniers et les bouchers/charcutiers ont également profité de l’embellie du marché du travail puisque le nombre de demandeurs d’emploi issus de ces familles a baissé respectivement de 43% et 16% depuis le début de l’année 2015 et le nombre d’offres collectées par Pôle Emploi pour ces familles progresse de nouveau. Notons malgré tout que l’ensemble de ces évolutions positives est encore loin de compenser les fortes destructions d’emploi qu’ont connu les professions concernées au cours de la crise.

De même, certaines familles professionnelles n’ont pas encore profité de la reprise. C’est notamment le cas pour les professionnels de l’action culturelle et sportive et les maraichers-viticulteurs. Ces derniers ont certes vu leur nombre de demandeurs d’emploi arrêter sa progression mais les offres d’emploi collectées par Pôle Emploi continuent de se raréfier.

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[1] Leur famille représente au moins 0,5 % du nombre d’inscrits en catégorie A, ce qui correspond à plus de 15 000 inscrits en catégorie A pour une seule famille professionnelle. L’ensemble des familles retenues réunissent plus de 25% des demandeurs d’emploi.

[2] Les données fournies par la Dares reposent sur la nomenclature FAP 2009, dans laquelle les métiers sont regroupés en 87 familles professionnelles, elles-mêmes rassemblées dans 22 domaines professionnels. 4 domaines professionnels sur 22, ainsi que 13 familles professionnelles sur les 87 ne sont pas prises en compte dans ces données en raison de données peu significatives de Pôle emploi : les agriculteurs-éleveurs, les artisans, les dirigeants d’entreprises, les cinq familles professionnelles de la fonction publique, les patrons d’hôtels-cafés-restaurants, les médecins, les enseignants et formateurs et enfin les professionnels de la politique et le clergé.




L’économie européenne 2017, ou l’UE après le Brexit

par Jérôme Creel

L’économie européenne 2017 permet de faire un large tour d’horizon des questions que pose aujourd’hui le projet d’Union européenne. Brexit, migrations, déséquilibres, inégalités, règles économiques rigides et souples à la fois : l’UE reste une énigme. Elle donne aujourd’hui l’impression d’avoir perdu le fil de sa propre histoire et d’aller à rebours de l’Histoire. Celle, récente, de la crise financière internationale. Celle, plus ancienne, de la Grande Dépression.

Quelques mois après la faillite de la banque Lehman Brothers, les chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Londres pour le sommet du G-20 en avril 2009 avaient établi une liste de recommandations pour relancer l’économie mondiale. Parmi celles-ci figuraient la mise en œuvre de politiques budgétaires et monétaires actives, le soutien aux banques assorti d’une meilleure réglementation bancaire, le refus de la tentation protectionniste, la lutte contre les inégalités et la pauvreté et le soutien au développement durable.

Ces recommandations s’opposaient aux politiques mises en œuvre peu après la Grande Dépression, dans les années 30. A l’époque, les politiques économiques avaient commencé par être restrictives, et avaient donc alimenté la crise et la montée des inégalités. A l’époque aussi, le protectionnisme n’avait pas juste été une tentation mais une réalité : des barrières tarifaires et non tarifaires avaient été levées pour tenter de protéger les entreprises locales de la concurrence internationale. On sait ce qui arriva par la suite : une montée des populismes et des extrémismes qui a plongé l’Europe, puis le monde, dans une guerre épouvantable. Les enseignements économiques tirés de la gestion catastrophique de la crise des années 30 ont donc contribué aux recommandations du sommet de Londres.

Que reste-t-il aujourd’hui de ces enseignements en Europe ? Peu de choses finalement, si ce n’est une politique monétaire résolument expansionniste et la mise en place d’une union bancaire. La première a vocation à atténuer la crise actuelle tandis que la seconde a vocation à éviter que survienne une crise bancaire en Europe. Ce n’est pas rien, certes, mais cela repose sur une seule institution, la Banque centrale européenne, et ne répond pas, loin s’en faut, à toutes les difficultés qui traversent l’Europe.

Le Brexit est l’une d’entre elles : premier cas de désintégration européenne, la sortie du Royaume-Uni pose notamment la question des conditions du futur partenariat avec l’Union européenne (UE) et voit resurgir la question du protectionnisme entre Etats européens. La tentation du repli sur soi est également manifeste dans la gestion de la crise des réfugiés qui en appelle pourtant aux valeurs de solidarité qui ont longtemps caractérisé l’UE. Les divergences entre les Etats membres de l’UE en termes d’inégalités, de compétitivité et de fonctionnement des marchés du travail réclameraient des politiques différenciées et coordonnées entre les Etats membres plutôt que les politiques très homogènes et sans vision d’ensemble menées jusque-là. C’est le cas notamment des politiques visant à résorber les déséquilibres commerciaux et de celles s’attachant à réduire les dettes publiques. La gestion des finances publiques par l’application de règles budgétaires, même imparfaitement respectées, et la gestion des déséquilibres économiques et sociaux par le respect de critères quantitatifs font perdre de vue les interdépendances entre les Etats membres : l’austérité budgétaire pèse aussi sur les partenaires, tout comme la recherche d’une meilleure compétitivité-prix. Est-ce bien utile et raisonnable dans une Union européenne prochainement à 27 qui peine à retrouver la voie d’une croissance durable et qui a vu augmenter ses inégalités ?

L’économie européenne 2017 dresse un bilan de l’Union européenne dans une période de fortes tensions et de fortes incertitudes, après une année de conjoncture moyenne et avant que ne s’enclenche véritablement le processus de séparation entre l’UE et le Royaume-Uni. Au cours de cette période, plusieurs élections majeures en Europe serviront aussi de tests de résistance pour l’UE : moins, plus ou « mieux » d’Europe, il va falloir choisir.