Évolution de l’emploi : quel niveau pour les cycles de productivité par branche ?

par Bruno Ducoudré

L’emploi salarié dans les branches marchandes (17,3 millions d’emplois au premier semestre 2019) représente environ 65% de l’emploi total, et sa progression contribue (848 000 emplois créés depuis le dernier trimestre 2014) largement à la baisse du chômage observée depuis 2015. La bonne compréhension des évolutions conjoncturelles de l’emploi salarié dans le secteur marchand nécessite de distinguer les tendances de long terme qui l’affectent (gains de productivité tendanciels, évolution de la durée du travail, coût du travail) des fluctuations conjoncturelles de l’activité. Ces deux dimensions peuvent par ailleurs varier selon les branches d’activité, les branches étant plus ou moins sensibles à la conjoncture internationale ; les cycles de production peuvent également être plus longs dans la construction que dans les autres branches.

Dans une étude récente[1], nous procédons à une analyse tendance/cycle de productivité pour l’économie française en décomposant les demandes de travail par grande branche marchande (industrie, construction, services marchands). À partir d’une estimation économétrique des demandes de travail par branche, nous cherchons à mesurer les tendances de productivité, leur évolution et les cycles de productivité.

Il s’agit d’une part de caractériser le ralentissement de la productivité pour la France et de mettre en évidence la contribution des branches à ce ralentissement[2]. Le ralentissement de la productivité peut provenir de deux effets : 1. un effet provenant du ralentissement partagé par l’ensemble des branches ; 2. un effet de composition : dès lors que les gains de productivité sont plus élevés dans l’industrie, mais que ce secteur voit sa part dans l’emploi et sa VA diminuer au cours du temps[3], les gains de productivité des branches marchandes prises dans leur ensemble diminuent, toutes choses égales par ailleurs. Conformément à la littérature théorique et empirique existante (Duarte et Restuccia, 2010), les gains de productivité sont attendus plus élevés dans l’industrie, là où les tâches routinières conduisent au remplacement des emplois par les machines et où les innovations de produits, managériales et organisationnelles permettent des gains de productivité plus élevés relativement aux autres secteurs. Les estimations indiquent une tendance de productivité croissante à un rythme de 0,9 % par an sur la période récente (1,9 % par an dans l’industrie, 0,8 % dans les services et 0,1 % dans la construction ; graphique 1). Cette tendance a ralenti depuis le début des années 1980. Ce ralentissement des gains de productivité tendanciels s’observe principalement dans l’industrie. Conjugué à la baisse de la part de l’industrie dans l’emploi, cela explique 90 % de la baisse du taux de croissance de la productivité tendancielle depuis les années 1980.

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D’autre part, la méthode permet d’affiner le diagnostic conjoncturel sur l’emploi par branche. De fait, les comportements de demande de travail peuvent différer selon les branches. Ces divergences portent notamment sur le type de main-d’œuvre (travail qualifié/non qualifié) et la sensibilité au coût du travail, ou sur les modalités d’ajustement de la main-d’œuvre aux variations de l’activité (délais d’ajustement, ajustements internes via la modulation de la durée du travail ou ajustement externe via la modification du stock d’emplois). Les cycles d’activité peuvent aussi être de durées et d’ampleurs différentes selon les branches, selon qu’elles sont plus ou moins exposées à la conjoncture internationale ou qu’elles connaissent des spécificités propres, les cycles d’activité dans la construction pouvant être plus longs. Ainsi, à court terme, l’emploi est essentiellement déterminé par les variations de l’activité économique mais l’ajustement est progressif. L’impact de la croissance sur l’emploi est amorti par le comportement des entreprises, conduisant à un cycle de productivité : si les entreprises adaptent très rapidement le volume d’emplois temporaires (CDD courts, intérim) à la conjoncture, elles n’ajustent pas immédiatement leurs effectifs stables aux besoins de la production. Elles préfèrent recourir à la flexibilité interne, en ajustant les rémunérations salariales variables et le temps de travail via les heures supplémentaires, les congés imposés ou le chômage partiel. Les entreprises ne vont ajuster leurs effectifs que si le rebond ou le creux conjoncturel se montre durable. C’est pourquoi la productivité du travail accélère lors des phases de reprise et ralentit lors des ralentissements conjoncturels. La modification du rythme de croissance a donc des effets retardés sur l’emploi, et la croissance de la productivité du travail fluctue à court terme.

Les résultats montrent que le cycle de productivité présente des fluctuations plus importantes dans le secteur de la construction. Le calcul des délais moyens d’ajustement (DMA) de l’emploi à la demande indique un délai d’ajustement de 5,6 trimestres pour cette branche. Le cycle fluctue beaucoup moins pour l’industrie et les services, indiquant une vitesse d’ajustement de l’emploi à l’activité économique plus rapide pour ces deux branches, ce que confirment les délais moyens d’ajustement à la demande (respectivement 4,4 et 4,1 trimestres). Globalement, au quatrième trimestre 2018 les estimations indiquent que le cycle de productivité serait légèrement positif dans les services (+0,2 %), ce qui signifie que le secteur des services est globalement en sous-effectif. Autrement dit, une fermeture du cycle de productivité dans les services se traduirait, toutes choses égales par ailleurs, par une hausse de l’emploi de 0,2 % dans les services. Le cycle de productivité serait plus largement positif dans l’industrie (+0,8 %) tandis qu’il continuerait de se creuser dans la construction (-1,6 % ; graphique 2). Au niveau du secteur marchand non agricole (SMNA), le cycle de productivité serait refermé au quatrième trimestre 2018 (Graphique 3).

 

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[1] B. Ducoudré, « Tendances et cycles de productivité par grande branche marchande pour l’économie française », Revue de l’OFCE, n° 162, avril 2019.

[2] Les économies développées sont confrontées à un ralentissement tendanciel des gains de productivité (Bergeaud, Cette et Lecat, 2016 ; Cette, Fernald et Mojon, 2016 ; Ducoudré et Heyer, 2017). Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce ralentissement – déclin de l’investissement, mauvaise allocation des facteurs, qualité du travail dégradée, moindre diffusion des technologies entre les entreprises à la frontière de la productivité et les autres, phénomènes de « winner-takes all ».

[3] Du fait des décisions de localisation / délocalisation de la production des firmes à l’étranger, d’une demande intérieure atone, d’un transfert d’une partie l’activité et des emplois des branches industrielles vers les branches des services ou encore de pertes de parts de marché à l’exportation ou sur le marché intérieur face à la concurrence étrangère.

 

Bibliographie

Bergeaud A., Cette G. et Lecat R., 2016, « Productivity Trends in Advanced Countries between 1890 and 2012 », Review of Income and Wealth, vol. 62, n° 3, pp. 420‑444.

Cette G., Fernald J. et Mojon B., 2016, « The pre-Great Recession slowdown in productivity », European Economic Review, vol. 88, pp. 3‑20.

Duarte M. et Restuccia D., 2010, « The role of the structural transformation in aggregate productivity », The Quarterly Journal of Economics, vol. 125, n° 1, pp. 129‑173.

Ducoudré B., « Tendances et cycles de productivité par grande branche marchande pour l’économie française », Revue de l’OFCE, n° 162, avril 2019.

Ducoudré B. et Heyer É., 2017, « Quel nouveau sentier de croissance de la productivité du travail ? Une analyse pour six grands pays développés », Revue de l’OFCE, vol. 152, n° 3.




Quelle gouvernance pour l’assurance chômage ?

par Bruno Coquet

La gouvernance est souvent présentée comme une cause essentielle de la persistance des problèmes que rencontre l’assurance chômage. Cela vise la difficulté des partenaires sociaux à s’accorder pour rétablir la situation financière de l’Unedic. En découle, comme une évidence, que seul un renforcement de l’État, réputé plus avisé et plus réactif, serait à même de sauver le régime. Tout paraît donc simple. Mais quels sont les faits, leurs causes, les causalités qui expliquent l’accumulation des problèmes, et la capacité d’un changement de gouvernance à les résoudre ?

Dans une publication récente (Policy Brief de l’OFCE, n° 57 du 13 juin 2019) un bilan factuel de la gouvernance de l’assurance chômage française telle qu’elle est organisée depuis 35 ans est élaboré . Nous partons du constat qu’il n’existe pas un modèle de gouvernance faisant autorité dans les pays comparables à la France, qui aurait pu être aisément dupliqué. Il apparaît ensuite qu’il faut tenir compte du fait que le système d’indemnisation du chômage, dont l’Unedic n’est qu’un compartiment, s’est profondément transformé depuis 1984.

Au-delà des apparences, le régime d’assurance, qui était à l’origine marginal dans l’ensemble du système d’indemnisation, est parvenu à absorber les chocs immenses qu’ont constitué la disparition des préretraites, l’attrition du régime de Solidarité, les profondes transformations du marché du travail, l’utilisation croissante des ressources de l’assurance chômage pour financer certaines politiques publiques. Ce faisant, l’assurance chômage se retrouve aujourd’hui au cœur du système.

Tous ces aspects institutionnels et factuels doivent être pris en considération pour apprécier l’efficacité de la gouvernance et ses lacunes. Replacée dans ce contexte, la gouvernance paritaire n’apparaît pas avoir été excessivement inerte, conservatrice ou indocile, car le régime a été souvent et profondément adapté, alors même que la porosité budgétaire avec l’État compliquait considérablement la tâche. Cette gouvernance n’est pas exempte de critiques, mais bien plus efficace et moins discutable que celle mise en œuvre par l’État pour le Fonds de Solidarité. Ces expériences sont riches d’enseignements.

Un système incomplet ou bancal ne peut pas être bien gouverné : refonder l’assurance chômage sur des bases saines est donc un préalable nécessaire à sa bonne gouvernance. Nous faisons cinq propositions en ce sens : rétablir des principes et des objectifs clairs, une gestion opérationnelle rigoureuse, une gouvernance paritaire sous la houlette de l’État, obéissant à des procédures strictes, instrumentées, transparentes.




« Comme d’habitude », l’OFCE optimiste sur la croissance ?

par Magali Dauvin et Hervé Péléraux

Au printemps 2019, l’OFCE a prévu une croissance du PIB réel de 1,5 % pour 2019 et de 1,4 % pour 2020 (soit 2,9 % de croissance cumulée). Au même moment, la moyenne des prévisions compilées par le Consensus Forecasts[1] était de 1,3 % chacune de ces deux années (soit 2,6 % cumulés), avec un écart-type autour de la moyenne de 0,2 point. Cette différence a conduit certains observateurs à qualifier les prévisions de l’OFCE « d’optimistes comme d’habitude », celles du Consensus ou d’instituts qui affichent des prévisions moins favorables étant jugées plus « réalistes » dans la phase conjoncturelle actuelle.

Une prévision de croissance est le résultat d’un exercice de recherche, fondé sur l’évaluation des tendances générales de l’économie et de l’incidence sur l’activité des politiques économiques (notamment budgétaires, fiscales et monétaires) et des chocs exogènes (variation du prix du pétrole, mouvements sociaux, intempéries, tensions géopolitiques, …). Ces évaluations sont elles-mêmes basées sur l’estimation économétrique des comportements des agents économiques qui permettent de chiffrer leur réponse à ces chocs. Il est donc délicat de commenter ou de comparer le chiffre de croissance affiché par différents instituts sans présenter clairement le cheminement analytique qui le sous-tend, ni exposer les principales hypothèses sur les tendances ou sur les mécanismes à l’œuvre dans l’économie.

Cependant, même si la rigueur de la démarche appuyant les prévisions de l’OFCE ne peut être suspectée, la question d’une surestimation chronique des évaluations conduites par l’OFCE est légitime. Dans ce cas, les prévisions publiées au printemps 2019 seraient effectivement entachées d’un biais d’optimisme qu’il conviendrait de tempérer, avant que l’OFCE lui-même ne réadapte ses outils à un contexte nouveau pour regagner en précision de ses prévisions si besoin était.

Pas de surestimation systématique

Le graphique 1 représente les prévisions cumulées du PIB français par l’OFCE pour l’année en cours et l’année suivante et les compare aux réalisations des comptes nationaux en cumul sur deux années également. Au vu de ces résultats, les prévisions de l’OFCE ne souffrent pas d’un biais systématique d’optimisme. Pour les prévisions conduites en 2016 et 2017, la croissance mesurée par les comptes nationaux est plus élevée que celle anticipée par l’OFCE, révélant certes une erreur de prévision mais pas une vision exagérément optimiste de la reprise.

L’inverse est observé lors des prévisions de 2015 portant sur 2015 et 2016 ; l’effet favorable du contrechoc pétrolier et de la dépréciation de l’euro face au dollar durant la seconde moitié de 2014 a en effet été plus lent à se matérialiser que ce qu’escomptait l’OFCE. L’année 2016 a aussi été marquée par des facteurs ponctuels comme les inondations du printemps, les grèves dans les raffineries, le climat anxiogène créé par la vague d’attaques terroristes et la fin annoncée du suramortissement fiscal pour les investissements industriels.

D’une manière générale, il n’apparaît pas de surestimation systématique de la croissance par l’OFCE, même si certaines périodes s’illustrent particulièrement, comme les années 2007 et 2008 pour lesquelles les répercussions négatives de la crise financière sur l’activité réelle n’ont pas été anticipées par nos modèles durant 4 prévisions consécutives. Au final, sur les 38 prévisions conduites depuis mars 1999, 16 affichent une surestimation, soit 40 % du total, les autres ayant conduit à une sous-estimation de la croissance.

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Des prévisions davantage en ligne avec les comptes définitifs

Par ailleurs, la précision des prévisions ne devrait pas être seulement évaluée par rapport aux comptes nationaux provisoires car les premières estimations de l’INSEE sont fondées sur une connaissance partielle de la conjoncture réelle. Elles sont révisées au fur et à mesure de la construction des comptes annuels et des remontées d’informations fiscales et sociales qui conduisent à une version aboutie, et donc définitive, des comptes deux ans et demi après la fin de l’année[2].

Le tableau 1 compare les prévisions faites par l’OFCE et par les instituts participant au Consensus au printemps de chaque année pour l’année en cours et évalue leurs erreurs respectives d’un côté vis-à-vis des comptes provisoires et de l’autre vis-à-vis des comptes révisés. En moyenne depuis 1999, les prévisions de l’OFCE surestiment les comptes provisoires de 0,25 point. Les prévisions issues du Consensus paraissent quant à elles plus précises avec une erreur de 0,15 point vis-à-vis du compte provisoire. En revanche, par rapport aux comptes définitifs, les prévisions de l’OFCE apparaissent en ligne (la surestimation disparaît), tandis que celles issues du Consensus sous-estiment finalement la croissance de 0,1 point en moyenne.

L’analyse statistique conduite sur longue période montre donc que, même si elles sont perfectibles, les prévisions de l’OFCE ne sont pas affectées d’un biais de surestimation quand on évalue leur précision par rapport aux comptes définitifs.

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[1] Le Consensus Forecasts est une publication de Consensus Economics qui compile les prévisions des principaux prévisionnistes du monde sur un grand nombre de variables économiques dans une centaine de pays. Pour la France, une vingtaine d’instituts y participent.

[2] Fin janvier 2019, l’INSEE a publié les comptes du 4e trimestre 2018, qui fournissaient une première évaluation de la croissance de l’ensemble de l’année 2018. Fin mai 2019, les comptes de l’année 2018, calés sur les comptes annuels provisoires publiés mi-mai 2019, ont été révisés une première fois. Une nouvelle révision des comptes 2018 interviendra en mai 2020, puis une dernière en 2021 avec la publication des comptes définitifs. Pour plus détail sur le processus de révision des comptes nationaux, voir Péléraux H., « Comptes nationaux : du provisoire qui ne dure pas », Blog de l’OFCE, 28 juin 2018.




Où en est vraiment la transition écologique en France ?

par Eloi Laurent

Le Grand débat national s’est achevé le 8 avril dernier sur un bien maigre programme d’action pour la transition écologique : dans son discours de « restitution », le Premier ministre en est resté au stade du constat, en reconnaissant « l’exigence de l’urgence climatique ». C’est le 25 avril que le Président de la République annonce une méthode originale pour enfin avancer sur ce chantier crucial : la convention citoyenne.

Il est capital pour le succès de cette entreprise que les 150 citoyennes et citoyens tirés au sort dans les semaines qui viennent pour soumettre au Parlement et au Gouvernement des propositions concrètes de politique publique soient correctement informés sur l’état réel de la transition écologique en France. De ce point de vue, cela commence mal.

Lors de la séance des questions au gouvernement du 22 mai, le Premier ministre fait la réponse suivante à un député de son parti qui l’interroge sur les ambitions écologiques de l’exécutif :

La vérité… c’est que cette transition écologique, dont nous connaissons l’urgence et à laquelle nous avons, par des textes et par des objectifs, rappelé que nous étions attachés, nous y sommes engagés. Ainsi, selon l’université de Yale, qui porte un regard indépendant et totalement déconnecté de la politique nationale ou européenne, la France est, à l’échelle internationale, le deuxième pays en termes d’efficacité des politiques publiques menées pour accompagner la transition écologique.

Le Premier ministre fait ici référence au classement, assurément flatteur, de la France dans l’édition 2018 de l’Environmental Performance Index (EPI) publié conjointement par deux équipes de chercheurs de Yale et de Columbia. Mais la mobilisation de cette performance pose au moins trois problèmes.

Le premier est que cet indicateur ne mesure pas « l’efficacité des politiques publiques pour accompagner la transition écologique ». Il évalue, à travers un système de pondérations d’indices, la synthèse de deux dimensions : la « vitalité des écosystèmes » et la « santé environnementale ». Sur les 24 indicateurs utilisés, seuls trois reflètent partiellement une politique publique (en l’occurrence de protection de la biodiversité). Rien n’est dit par exemple du poids de la fiscalité environnementale, des dépenses publiques pour la protection de l’environnement, de l’importance des éco-activités, etc.

Plus fondamentalement encore, comme il est clairement indiqué dans les annexes techniques de l’indicateur 2018, les données les plus récentes incorporées datent de 2017, souvent de 2016, soit avant que les mesures de transition prises par le gouvernement actuel n’aient pu produire leurs effets.

L’examen de la « performance environnementale » de la France révèle en outre des bizarreries méthodologiques qui laissent sceptique sur la valeur d’ensemble de l’EPI. Le très bon score français s’explique notamment par le fait que le pays est classé deuxième en matière de « vitalité des écosystèmes », dimension qui compte pour 60% dans le score total (elle n’est que 11e en matière de « santé environnementale »[1]). Au sein de cette dimension, la France arrive deuxième en matière de « pollution de l’air », mesurée par les niveaux de SO2 (Dioxyde de souffre) et de NOx (Oxydes d’azote). Mais la France est classée 13e selon l’indicateur « qualité de l’air » qui prend en compte la pollution aux particules fines PM 2,5, particulièrement préoccupante dans les villes françaises (la France se classe en la matière autour du rang 90). La différence entre la « qualité de l’air » et la « pollution de l’air » tiendrait à la nature des polluants mesurés…

Comme expliqué récemment dans un Policy Brief de l’OFCE, la seule évaluation chiffrée existante de la stratégie écologique du gouvernement actuel, limitée à la transition énergétique-climatique (portée par la « Stratégie nationale bas carbone » et la « Programmation pluriannuelle de l’énergie »), montre que celle-ci est mal orientée : sur les neuf indicateurs principaux retenus pour le suivi de la transition énergétique par les pouvoirs publics, un seul est en 2017 conforme aux objectifs annoncés (avec des écarts pouvant atteindre plus de 20 %, comme dans le cas des émissions de gaz à effet de serre liées au secteur du bâtiment). Si l’on adopte une perspective plus large en prenant en compte les 28 indicateurs dont les données sont disponibles pour 2017 sur le site de l’Observatoire Climat-Énergie, on parvient à 70 % d’indicateurs mal orientés.

Cette contre-performance, en toute logique, ne peut être exclusivement imputée au gouvernement actuel. Mais il est indispensable de commencer le long travail de la transition écologique française, aujourd’hui littéralement enlisée dans bien des domaines clés (pollutions de l’air, nouveaux indicateurs de bien-être, déploiement des énergies renouvelables, fiscalité écologique, etc.), par un examen attentif et lucide de la réalité, qui révèle l’ampleur du chemin à parcourir.

 

[1] Le cas de la Suisse, classée première de l’EPI 2018, laisse apparaître un écart encore plus grand entre sa première place en matière de vitalité des écosystèmes et son dix-huitième rang en matière de santé environnementale. Pour une décomposition du score global des pays les mieux classés selon ces deux dimensions, voir ici