L’esprit ou la lettre de la loi, pour éviter le « Graccident »

Raul Sampognaro et Xavier Timbeau

Le nœud coulant, selon l’expression d’Alexis Tsipras, se resserre de plus en plus autour du gouvernement grec. La dernière tranche du programme d’aide (7,2 milliards d’euros) n’est toujours pas débloquée, faute d’une acceptation par le Groupe de Bruxelles (l’ex-Troïka) des conditions associées à ce plan d’aide. De ce fait, l’Etat grec est au bord du défaut de paiement. On pourra croire qu’il s’agit-là d’un nouvel épisode dans la pièce de théâtre que la Grèce joue avec ses créanciers et, qu’une fois de plus, l’argent nécessaire sera trouvé au dernier moment. Pourtant, si la Grèce a réussi jusqu’à maintenant à honorer ses échéances, c’est au prix d’expédients dont il n’est pas certain qu’elle puisse user à nouveau.

Alors que les recettes fiscales sont, depuis le début de l’année, inférieures de près d’un milliard d’euros de retard aux cibles anticipées, les dépenses de salaires et de retraites doivent continuer à être payées chaque mois. Cette fois-ci, le mur s’approche et un accord est nécessaire pour que le jeu continue. Au mois de juin, la Grèce doit verser 1,6 milliard d’euros au FMI en quatre tranches (les 5, 12, 16 et 19 juin). Un porte-parole du FMI a confirmé le 28 mai l’existence d’une règle permettant de grouper ces paiements le dernier jour du mois (règle qui aurait été invoquée pour la dernière fois par la Zambie dans les années 1980). Comme il faut 6 semaines ensuite au FMI pour considérer un défaut de paiement, la Grèce peut encore gagner quelques jours, au-delà du 30 juin et avant les échéances auprès de la BCE (avec 2 tranches pour 3,5 milliards d’euros le 20 juillet 2015).

Dans l’histoire, très peu de pays n’ont pas honoré leurs paiements auprès du FMI (actuellement seuls la Somalie, le Soudan et le Zimbabwe ont des arriérés auprès du FMI pour quelques centaines de millions de dollars). Le FMI étant le dernier recours en cas de crise de liquidité ou de balance des paiements, il dispose, à ce titre, d’un statut de créancier préférentiel et un défaut sur sa dette peut déclencher des défauts croisés sur d’autres titres, en particulier, dans le cas grec, ceux détenus par le FESF, les rendant exigibles immédiatement. Un défaut de la Grèce auprès du FMI pourrait ainsi compromettre l’ensemble de la dette publique grecque et obligerait la BCE à refuser les bons grecs comme collatéral dans les opérations de l’Emergency Liquiditity Assistance (ELA), seul pare-feu restant contre l’effondrement du système bancaire grec.

Les conséquences juridiques d’un tel défaut sont difficiles à appréhender (ce qui en dit long sur le système financier moderne). Un article publié par la Banque des Règlements Internationaux, daté de juillet 2013, et dont l’auteur, Antonio Sáinz de Vicuña, était à l’époque directeur général des services légaux de la BCE, est très informatif sur cette question dans le cadre de l’union monétaire (voir Figure 1).

En présentant le cadre légal, il s’attarde bien évidemment sur l’article 123 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), un des piliers de l’Union monétaire, qui interdit le financement par la BCE ou les banques centrales nationales des administrations publiques[1]. Dans une note en bas de page, l’auteur concède que cette règle a deux exceptions :

–          Les institutions de crédit publiques peuvent obtenir des liquidités auprès de l’Eurosystème dans les mêmes conditions que les banques privées. Cette exception apparaît explicitement dans le paragraphe 2 de l’article 123 du TFUE[2].

–          Le financement des obligations des Etats vis-à-vis du FMI (notre traduction).

Ce deuxième aspect a attiré notre attention car il est peu connu du grand public, il n’apparaît pas explicitement dans le Traité et pourrait constituer une solution, au moins à court terme pour éviter que la Grèce soit mise en défaut de paiement par le FMI.

Figure 1-Copie de la note en bas de page 6 de l’article de Sáinz de Vicuña

BISEn cherchant dans le corpus juridique européen, cette exception est définie plus précisément dans le règlement n°3603/93 du Conseil qui précise les termes de l’actuel article 123 du TFUE, ce qui lui est autorisé par le paragraphe 2 de l’article 125 du TFUE[3]. Plus précisément il apparaît dans l’article 7 :

Le financement, par la Banque centrale européenne et par les banques centrales nationales, des obligations incombant au secteur public à l’égard du Fonds monétaire international ou résultant de la mise en œuvre du mécanisme de soutien financier à moyen terme institué par le règlement (CEE n° 1969/88 (4)) n’est pas considéré comme un crédit au sens de l’article 104 du Traité[4].

La motivation de cet article s’explique : lors des hausses des quotes-parts dans le FMI, le financement par la banque centrale était accepté car il avait comme contrepartie un actif assimilable à des réserves internationales. Selon l’esprit de la loi, on ne devrait donc pas permettre de financer les emprunts grecs auprès du FMI par un crédit auprès d’une banque centrale (la BCE ou la Banque de Grèce). Les obligations incombant à l’Etat grec ne concernent, selon l’esprit du texte, probablement que la contribution aux quotes-parts du FMI. Néanmoins, l’esprit de la loi n’est pas la loi, et l’interprétation exacte de la phrase « obligations incombant au secteur public à l’égard du Fonds monétaire international » pourrait ouvrir une porte de plus à la Grèce. Compte tenu des conséquences d’un défaut auprès du FMI – notamment sur la continuité de l’ELA –­ on pourrait le justifier pour préserver le fonctionnement du système de paiement grec, préservation qui rentre dans les missions de la BCE.

Au-delà de la possibilité juridique du financement par une banque centrale de la dette grecque auprès du FMI, qui serait certainement contestée par certains gouvernements, cette action ouvrirait un conflit politique. En effet, un Etat membre pourrait être accusé de contrevenir aux (à l’esprit des) Traités, bien que cela ne soit pas un motif pour l’exclure (selon les services juridiques de la BCE). Mais est-ce bien un obstacle au regard des enjeux qu’un défaut sur la dette grecque poserait pour la pérennité de la Monnaie unique ?

Les problèmes de trésorerie de la Grèce ne sont pas nouveaux. Depuis le mois de janvier, le gouvernement a financé ses dépenses grâce à des opérations comptables qui lui ont permis de pallier les moins-values fiscales. En particulier, le 12 mai, le gouvernement grec a pu rembourser une tranche du crédit du FMI en puisant dans un fond d’urgence assimilable à des réserves internationales. L’Eurosystème pourrait accorder par le biais de cette exception un délai supplémentaire à la Grèce, afin de prolonger encore un peu les négociations et éviter l’accident.


[1] Le paragraphe 1 de article stipule que « [il] est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées “banques centrales nationales”, d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres. L’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite.

[2] Qui stipule que « [l]e paragraphe 1 ne s’applique pas aux établissements publics de crédit qui, dans le cadre de la mise à disposition de liquidités par les banques centrales, bénéficient, de la part des banques centrales nationales et de la Banque centrale européenne, du même traitement que les établissements privés de crédit. »

[3] Qui stipule que : « [l]e Conseil, statuant sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut, au besoin, préciser les définitions pour l’application des interdictions visées aux articles 123 et 124, ainsi qu’au présent article. »

 [4] L’article 104 est devenu l’actuel article 123 du TFUE.




Banques européennes : vers une sortie de la zone de turbulences ?

par Vincent Touzé

La crise de 2008 a failli mettre en péril le système financier mondial. Grâce au soutien des gouvernements et des banques centrales, le secteur bancaire s’est rétabli et affiche de nouveau une apparente solidité financière. Contrecoup de la crise, les finances publiques des pays du Sud de la zone euro – Portugal, Italie, Espagne et Grèce – et de l’Irlande (PSZEI) sont, à leur tour, lourdement fragilisées. La Grèce a été contrainte à la cessation de paiement et un risque de défaut pèse toujours sur les autres. Depuis début 2011, les engagements bancaires dans ces économies sont devenus une source importante d’inquiétude pour les marchés financiers. Malgré de bons stress-tests, cette crainte s’est intensifiée en août 2011. Les banques européennes sont alors entrées dans une nouvelle phase de tourmente et la banque centrale européenne a été contrainte de leurs prêter plus de 1000 milliards d’euros pendant 3 ans au taux de 1% afin d’éviter un credit crunch majeur.

Les banques européennes sont engagées, au titre de leurs investissements à l’étranger et via leurs succursales étrangères, auprès des PSZEI à travers des prêts accordés au secteur bancaire, au secteur public (dettes souveraines et crédits) ainsi qu’aux ménages et aux entreprises privées non bancaires. La France est l’un des pays les plus exposés aux PSZEI (secteurs public et privé confondus) avec un engagement total de son système bancaire d’environ 437 milliards d’euros (voir tableau), soit 21,9% de son PIB, au troisième trimestre 2011. Avec environ 322 milliards d’euros (12,5% du PIB), l’engagement de l’Allemagne est moindre. L’exposition du système bancaire du Royaume-Uni est comparable et elle est évaluée à 230 milliards d’euros, soit 13,3% du PIB. En comparaison, les banques japonaises et américaines détiennent peu de créances : 59 milliards d’euros (1,4% du PIB) pour le Japon et 96 milliards d’euros (0,9% du PIB) pour les Etats-Unis. Avec la crise financière, les banques européennes se sont désengagées de ces  économies (1). D’après les statistiques de la Banque des règlements internationaux (graphique 1), la réduction des expositions est la plus marquée en Grèce (-55% depuis le 1er trimestre 2007) et la plus faible au Portugal (-15%). Les désengagements des économies espagnole (-29%), italienne (-33%) et irlandaise (-39%) sont comparables et se situent à un niveau intermédiaire par rapport aux deux précédents.

En cas de faillite d’une banque, des fonds de garantie peuvent être mobilisés mais généralement leurs provisions sont insuffisantes pour soutenir une « grosse » banque en difficulté. Selon le principe « too big to fail », l’Etat doit intervenir pour éviter une faillite. Ses modalités d’action consistent à entrer dans le capital de la banque, à la nationaliser en la renflouant ou à faciliter son refinancement à long terme en achetant des obligations. Une faillite bancaire doit être évitée à tout prix car elle est souvent accompagnée d’effets de panique dont les dommages collatéraux sont difficiles à anticiper et à contenir. Souvent, le simple fait qu’un Etat annonce un soutien crédible à une banque ou au système bancaire suffit à éviter la panique. Si les Etats devaient venir à la rescousse des banques en cas de défaut grec, l’enjeu macroéconomique d’un défaut de 50% de l’ensemble des créances privées et publiques semble assez faible puisque cela nécessiterait, pour le cas de la France par exemple, une prise en charge d’environ 17 milliards d’euros, soit un montant bien inférieur à 1% du PIB (voir tableau). Par contre, un défaut de l’ensemble des PSZEI de 50% nécessiterait un soutien français de 220 milliards (11% du PIB français). Ex ante, le coût macroéconomique paraît élevé mais il n’est pas insurmontable. Malencontreusement, un défaut non maîtrisé d’un ou plusieurs PSZEI entrainerait un mécanisme en chaîne incontrôlable dont le coût macroéconomique global pourrait être considérable.

Cette crise financière frappe également les compagnies d’assurance-vie et elle intervient dans une période de réforme de la réglementation prudentielle. Le secteur bancaire achève de satisfaire à Bâle II et va devoir adopter progressivement (jusqu’en 2019) Bâle III (2) tandis que le secteur de l’assurance est en pleine mutation vers Solvency II (3). Ces deux réformes de la réglementation conduisent à un besoin accru de fonds propres alors que la crise financière fragilise les bilans et accroît les tensions sur les ratios de solvabilité. Les fonds propres permettent de résister aux crises financières mais en même temps la réglementation peut contraindre à des recapitalisations dans des conditions de refinancement très tendues. C’est un effet pro-cyclique indésirable de la réglementation prudentielle.

Le risque d’un défaut de paiement de certains PSZEI a rendu les analystes financiers particulièrement vigilants sur la solvabilité et la rentabilité des banques européennes. Pourtant, le bilan des tests de résistance(4)  (stress tests) sur les banques européennes publié mi-juillet 2011 a été jugé bon. Les hypothèses utilisées sont loin d’être optimistes. Dans la zone euro (resp. dans les autres pays), elles envisagent une baisse du taux de croissance de 2 points (resp. 2,4 points) en 2011 et 2 points (resp. 1,9 points) en 2012 par rapport à un scénario de référence. Dans la zone euro, cette entrée dans la récession (-0.5% en 2011 puis -0.2% en 2012) s’accompagne d’une hausse du taux de chômage (+0,3 point en 2011 et +1,2 point en 2012), d’une baisse du taux d’inflation (-0,5 point en 2011 puis -1,1 point en 2012), d’une forte baisse des prix de l’immobilier, d’une hausse des taux à long terme ainsi que des décotes sur les dettes souveraines (5) pouvant aller jusqu’à 30%. L’objectif de ce scénario « stressé » est de tester la capacité de résistance des banques pour maintenir un ratio « Core Tier 1 » supérieur à 5% (6). Sous ces hypothèses extrêmes, seulement 8,9% des 90 banques testées obtiennent un ratio inférieur au seuil de 5%, ce qui nécessite de facto une recapitalisation pour respecter cette cible (7). Les quatre banques françaises ont réussi sans difficulté les stress tests puisqu’elles conservent un ratio élevé : 6,6% pour la Société Générale, 6,8% pour le groupe Banque populaire-Caisse d’épargne, 7,9% pour BNP Paribas et 8,5% pour le Crédit Agricole. Les pays où des échecs sont observés sont : l’Autriche (1 banque), l’Espagne (5 échecs) et la Grèce (2 échecs). Au regard des stress tests, le système bancaire européen peut donc être jugé comme apte à résister à une crise économique d’envergure.

A la suite du deuxième plan d’aide à la Grèce du 21 juillet 2011, aux tensions persistantes sur les autres dettes souveraines, une inquiétude s’est emparée des marchés boursiers et les valeurs bancaires européennes ont fortement chuté d’août à décembre 2011 (graphique 2). Ces évolutions boursières observées ont été en complète contradiction avec les bons résultats des stress tests. Il y a trois interprétations possibles pour expliquer la réaction des marchés financiers :
–    La crise réelle serait plus forte que les hypothèses des stress tests ;
–    Les méthodes de stress tests seraient insuffisantes pour estimer les conséquences d’une crise ;
–    Les marchés s’emballeraient aux moindres rumeurs et seraient déconnectés des fondamentaux.
Pour l’instant au regard des prévisions les plus pessimistes, il ne semble pas que les hypothèses de stress test soient particulièrement favorables. Cependant, les ceux-ci ont des faiblesses pour évaluer les crises financières systémiques dans la mesure où chaque banque n’intègre pas dans son évaluation les dégradations induites par l’application de ce scénario aux autres banques et les conséquences sur le marché du crédit. Il n’y a pas de bouclage des interconnections financières. De plus, la crise économique peut augmenter fortement les taux de défaut des entreprises privées. Ce point pourrait avoir été sous-estimé par les tests de résistance. Il faut également noter que les tests sont réalisés à un niveau interne, ce qui peut aussi conduire à des appréciations différentes des conséquences de certains scénarios. Par ailleurs, les stress tests évaluent la solidité financière des banques, mais de facto, une banque, bien que solvable, peut voir son cours chuter en période de crise pour la simple raison que sa rentabilité anticipée baisse. Enfin et surtout, l’emballement des marchés financiers est attribuable au manque de consensus dans les décisions dans l’Union européenne pour trouver une solution définitive à la crise des dettes souveraines mais également au fait que les statuts de la Banque centrale européenne lui interdisent de participer aux émissions de dette publique. Ces incertitudes renforcent la volatilité du cours boursier des banques particulièrement exposées aux PSZEI, comme en témoigne la forte corrélation entre les CDS sur les banques privées et sur les dettes souveraines dans la zone euro (8).

Avec l’amorce d’une solution sur la dette grecque, une remontée des cours des banques européennes s’observe à partir janvier 2012. On peut espérer que l’accord sur la dette souveraine grecque du 21 février 2012 calmera la tempête qui frappe les marchés obligataires. L’opération vise à ce que les investisseurs privés acceptent de renoncer à 107 des 206 milliards d’euros de dette publique qu’ils détiennent et que les Etats de la zone euro consentent un nouveau prêt de 130 milliards. L’accord conclu est une opération d’échange de dette. Les anciennes obligations sont échangées contre des nouvelles avec une décote de 53,5% de la valeur faciale (9) et un nouveau taux d’intérêt contractuel. Cette décote n’est pas une surprise pour les banques qui ont déjà provisionné les pertes. L’opération est un franc succès (10) puisque 83% des titres ont été volontairement proposés à l’échange le 9 mars (11). La participation est portée à plus de 95% en procédant à un échange obligatoire auprès des créanciers n’ayant pas répondu positivement à l’opération (clauses d’action collective engagées pour les créances de droit grec). A l’issue de cet échange, les Etats européens, le FMI, la BCE détiendront « plus des trois-quarts de la dette grecque »(12), ce qui signifie qu’une nouvelle crise de la dette souveraine grecque impactera peu les investisseurs privés. Une nouvelle source d’incertitude provient des CDS qui ont été souscrits à des fins de couverture ou de spéculation (achat à nu). Dans un premier temps, l’International Swaps and Derivatives Association(ISDA) (13)  avait annoncé, le 1er mars, que cet échange n’était pas « un événement de crédit ». Le 9 mars, elle a révisé son jugement (14). Désormais, l’ISDA considère que les clauses d’action collective forcent les détenteurs à accepter l’échange, ce qui constitue un évènement de crédit. Le défaut de paiement de la Grèce est reconnu sur un plan juridique et les CDS sont donc activés. D’après l’ISDA, l’exposition nette des CDS sur la Grèce s’élèverait à seulement 3,2 milliards de dollars. Pour estimer le coût global des CDS pour le secteur financier, il faut soustraire à ce montant la valeur résiduelle des obligations. Compte-tenu de l’incapacité de la Grèce à renouer avec la croissance, la soutenabilité de sa dette restante n’est pas assurée et les risques de contagion persistent. En tout état de cause, les dettes publiques des pays du Sud de la zone euro et de l’Irlande sont dorénavant considérées comme des actifs à risque, ce qui constitue un facteur de fragilisation du secteur bancaire européen. A ce titre, la récente remontée des taux sur les dettes publiques italienne et espagnole a provoqué, depuis fin mars, une baisse des valeurs boursières des banques européennes (graphique 2).

Cette crise financière fragilise le secteur bancaire de la zone euro qui peut être enclin à réduire ses expositions aux risques : un crédit crunch majeur est donc à craindre. La dernière enquête réalisée par la BCE, du 9 décembre 2011 au 9 janvier 2012, auprès des banques (15) sur les conditions d’attribution de crédit n’est pas très rassurante. Un durcissement des conditions est envisagé par 35% (contre 16% le trimestre précédent) des banques pour les crédits aux entreprises et par 29% (contre 18% le trimestre précédent) des banques pour les crédits immobiliers aux ménages. Face à une telle perspective, la BCE a procédé, le 21 décembre 2011, à une opération de refinancement à long terme (long term refinancing operation). Cette opération a remporté un large succès puisque 489 milliards d’euros de crédits ont été accordés au secteur bancaire. L’argent est prêté à 1% pour une durée de 3 ans. Même si les effets de cette mesure sont encore difficiles à apprécier, le président de la BCE, Mario Draghi a annoncé, en février, que cet apport de liquidité avait, de toute évidence, évité un credit crunch majeur. Le 29 février 2012, la BCE a lancé un deuxième plan de refinancement à long terme (16). La souscription a été très importante puisque 530 milliards d’euros ont été prêtés. Il est donc permis de penser que le credit crunch sera évité.

En conclusion, la sortie du secteur bancaire de la zone de turbulence repose sur quatre éléments clés :
i)    Seul un retour durable de la croissance dans l’ensemble de la zone euro est en mesure de consolider les finances publiques et réduire le nombre de faillites d’entreprises (17), ce qui diminuera de facto l’exposition des banques au risque de défaut, à charge pour les gouvernements européens et la BCE d’identifier et de mettre en place le « bon » policy-mix ainsi que les mesures structurelles adéquates.
ii)    L’Etat grec est en cessation de paiement, il ne faut pas que cette faillite des finances publiques s’étendent aux autres économies, car la crise bancaire est aussi un test de la solidité de la solidarité financière dans la zone euro, et il reste notamment à savoir si les Allemands seront plus enclins à soutenir l’Espagne ou l’Italie en cas de risque de défaut qu’ils ne l’ont été avec la Grèce.
iii)    La crise bancaire met vraisemblablement en avant des effets pro-cycliques de la réglementation prudentielle qui mériteraient d’être corrigés.
iv)    Les marges de manœuvre des gouvernements comme soutien de premier secours sont devenues très limitées en raison de leur endettement massif. En cas de nouveau choc majeur, la BCE pourrait n’avoir d’autre choix que d’être le prêteur en dernier ressort.

__________

[1] Il est à noter que la dépréciation financière (moins-value) de la valeur au bilan des actifs détenus dans les PSZEI implique une réduction automatique de l’exposition dans ces économies.

[2] http://www.bis.org/speeches/sp100921_fr.pdf

[3] http://ec.europa.eu/internal_market/insurance/solvency/background_fr.htm.

[4] European Banking Authority, 2011, http://stress-test.eba.europa.eu/pdf/EBA_ST_2011_Summary_Report_v6.pdf.

[5] European Banking Authority (2011), Methodogical Note – Additional guidance, June 2011.

[6] Le niveau minimal prudentiel exigé par Bâle II concernant le ratio « Core Tier 1 » est de seulement 2% et il augmente à 4,5% avec Bâle III (application en 2013). Ce ratio mesure la proportion des actifs pondérés du risque couverts par les fonds propres.

[7] Pour une banque dont le ratio tombe à x%, les besoins en recapitalisation correspondent à (5%-x)/x % des fonds propres après choc. Ainsi si x=4%, le besoin de recapitalisation correspond à 25% des fonds propres.

[8] « La corrélation entre taux d’intérêt sur les dettes publiques et sur les dettes privées va rendre difficile la résolution des crises des dettes souveraines dans la zone euro », Flash marchés, Natixis, 14 mars 2011 – N° 195, http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=57160.

[9] Par exemple, chaque ancienne obligation de valeur faciale 100 euros est échangée contre une nouvelle de 46,5 euros. Le FESF se porte garant sur 15 euros et l’Etat grec sur 31,5 euros.

[10] http://www.minfin.gr/portal/en/resource/contentObject/id/baba4f3e-da88-491c-9c61-ce1fd030edf6.

[11] En raison de détenteurs de dettes publiques non soumises au droit grec qui refusent de participer à l’opération, l’échéance du 9 mars (voir http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL6E8F54OO20120405) a été repoussée au 4 avril puis au 20 avril. L’Etat grec considère que ces refus d’échange ne sont pas en mesure de faire échouer l’opération car avec les clauses d’action collective, la participation volontaire ou contrainte passe à 95,7%. Face à ces investisseurs, l’Etat grec a le choix entre attendre encore un peu, respecter ses engagements contractuels (maintien du remboursement du nominal et des échéances d’intérêt initialement prévus), faire une nouvelle offre d’échange (mais il faut qu’elle soit équitable vis-à-vis de ceux qui ont déjà accepté la précédente) ou faire défaut avec d’éventuels risques de poursuite devant la justice internationale.

[12] Olivier Garnier, « Comprendre l’échange de dette publique grecque », Le Webzine de l’actionnaire – Analyses, Société Générale, 13 mars 2012, http://www.societegenerale.com/actiorama/comprendre-l%E2%80%99echange-de-dette-publique-grecque.

[13] http://www.isda.org/dc/docs/EMEA_Determinations_Committee_Decision_01032012Q2.pdf.

[14] http://www2.isda.org/greek-sovereign-cds/

[15] The Euro Area Bank Lending Survey, 1er février 2012, http://www.ecb.int/stats/pdf/blssurvey_201201.pdf.

[16] http://www.ecb.int/press/pr/date/2011/html/pr111208_1.en.html.

[17] « Les entreprises après la crise », Colloque Banque de France, 28 juin 2011, http://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/publications/Bulletin-de%20la-Banque-de-France/Bulletin-de-la-Banque-de-France-etude-185-2.pdf

 




Retour en enfer ?

par Xavier Timbeau

A propos des perspectives de l’économie mondiale pour 2011-2012

Si la Grèce venait à faire défaut, même partiellement, sur sa dette souveraine, il pourrait se produire un évènement de nature au moins aussi grave que celui qui a suivi la chute de la banque Lehman Brothers à l’automne 2008.

Le choc initial, une fraction (60% ?) des 350 milliards d’euros de dette publique grecque, frapperait directement les agents qui détiennent cette dette. Quelques centaines de milliards d’euro (210 M€ ?) seraient inscrits en moins au bilan de ménages ou de banques grecs, mais aussi d’agents économiques d’autres pays européens. Il faudrait alors recapitaliser le système bancaire européen (quelques dizaines de milliards d’euros), probablement quelques assureurs ou fonds de pension (on ne sait pas combien) et espérer que le reste, c’est-à-dire les pertes financières des ménages se limiteraient à un simple effet richesse.

La Grèce ne serait pas sortie d’affaire pour autant, puisque son déficit primaire (hors charge d’intérêt) sera en 2011 supérieur à 2,5 % de son PIB. Même dans le cas d’un défaut partiel sur sa dette souveraine, la Grèce serait probablement exclue des marchés financiers et devrait à nouveau réduire, brutalement, son déficit public, à moins que le FESF ne s’y substitue. Mais tout comme dans l’enchaînement qui a conduit de la faillite de la 5eme banque d’affaire américaine à la plus grande crise financière, bancaire et économique de l’après-guerre, l’affaire ne s’arrêterait pas là (nous décrivons ce scénario en détail dans notre analyse de la conjoncture d’octobre 2011).

Il serait alors démontré que les titres publics de la zone euro ne sont plus des titres sûrs. N’étant plus sûrs, ces titres souverains seraient moins recherchés et ne serviraient plus de valeur refuge comme ils le sont aujourd’hui. Le taux d’intérêt souverain deviendrait plus élevé, mesure supposée du risque qu’il y aurait à en détenir désormais. Plus le pays serait susceptible de suivre la Grèce dans le défaut, plus son taux s’envolerait. Partant de niveaux de dettes publiques égales au PIB – conséquences en partie de la phase I de la grande récession de 2008 – la hausse des taux creuserait les déficits publics plus qu’ils ne le sont. Elle accroîtrait le risque de défaut, jusqu’à le provoquer.  Les pays qui le peuvent tenteraient d’échapper à ce cercle vicieux par une vertu budgétaire encore plus exemplaire.

Tout ceci conduirait à de nouvelles moins-values pour les imprudents qui auraient acquis des titres souverains portugais, espagnols, irlandais ou italiens. Au lieu de quelques centaines de milliards d’euros perdus sur la dette publique grecque, ce sont là quelques milliers de milliards d’euros de moins-values qui appelleraient à la fois de sérieuses recapitalisations du secteur bancaire européen (on évoque jusqu’à 300 milliards d’euros) et une perte de richesse des ménages européens qui devrait se traduire par un sérieux ralentissement de leur consommation. Combiné à l’effet des restrictions budgétaires impliquées par l’arrêt du financement des déficits publics, par les restrictions  budgétaires dans les pays « vertueux », la phase II de la récession ferait passer la phase I pour une aimable plaisanterie.

Un plan audacieux de recapitalisation vigoureuse des banques européennes, de refinancement à long terme de la Grèce et de vertu budgétaire affichée et partagée par les Etats membres de l’Union Européenne pourrait retarder le scénario du pire pendant quelques mois. On pourrait ainsi entretenir l’illusion que les titres publics sont sûrs, à l’exception de ceux émis par la Grèce. Mais, lorsqu’on s’apercevra que les engagements budgétaires de certains étaient optimistes et avaient sous-estimé les possibilités d’une nouvelle mauvaise fortune, qu’elle soit tombée du ciel ou simplement la conséquence des plans de restrictions sur l’activité en Europe et donc sur les recettes fiscales, alors, la certitude de la sûreté des titres publics s’effondrera à nouveau. Et aux exceptions, on ajoutera le Portugal à la Grèce. Mais l’exception devenant règle, la digue cèdera à nouveau et plus facilement à chaque nouveau pays. L’Allemagne sera le dernier pays à faire défaut, triste consolation pour avoir été le plus vertueux, ce que les marchés financiers semblent anticiper par des CDS à plus de 70/10 000 sur les titres souverains allemands.

Pour éviter ce scénario du pire, il nous reste peu de solutions. Quatre principes doivent être suivis. Le premier est qu’il ne faut aucun défaut sur des titres souverains. La Banque Centrale Européenne (BCE) multiplie les déclarations dans ce sens, à juste titre. En second lieu, la Grèce doit payer sa dette publique. C’est à la fois pour des raisons morales (personne ne doit payer à la place des grecs), pour des raisons économiques (la perte sur les titres souverains grecs est une perte pour quelqu’un) mais aussi parce que les grecs le peuvent. Leur économie connaît depuis 2008 une récession comme peu d’économies développées en ont traversé, l’ajustement budgétaire sera brutal, mais les ménages ou institutions grecs détiennent un patrimoine important. De plus, par la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, la Grèce a un potentiel de recettes à la hauteur de sa dette publique. Il est, en revanche, indispensable que la dette publique grecque puisse être financée à un taux suffisamment bas pour que l’effet boule de neige, démultiplié dans la récession, ne l’emporte sur le reste. En troisième lieu, et c’est là que les choses se compliquent, les titres de dette publique doivent être des actifs parfaitement liquides. Pour ce faire, il faut une institution qui peut acquérir, sans aucune limite, les dettes publiques lorsque cela s’impose. La BCE peut techniquement remplir ce rôle, comme le font aujourd’hui toutes les grandes banques centrales (FED, BoE, BoJ). La BCE le fait depuis quelques mois, même si le montant des titres qu’elle détient reste faible (voir « L’histoire sans fin » dans notre dossier de prévision). Mais pour avoir un dispositif crédible, il faut en démultiplier les moyens, en assumer le fonctionnement et s’attacher au quatrième point : la stratégie budgétaire à moyen terme. Car, en effet, pour que les titres publics soient sûrs, il faut qu’ils soient non seulement liquides mais aussi solvables. Les règles d’or constitutionnelles répondent maladroitement à cette nécessité. Il reste à inventer une meilleure approche, applicable dans la structure institutionnelle actuelle de l’Europe, pour assurer la solvabilité dans le moyen terme des finances publiques des Etats membres.

Ce texte fait référence à l’analyse de la conjoncture et la prévision à l’horizon 2011-2012 que le département analyse et prévision a présentées le vendredi 14 octobre 2011. Les analyses sont disponibles sur le site internet de l’OFCE et dans la revue de l’OFCE n°119.




Pourquoi les pays développés doivent renoncer à leur AAA

par Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak

Par essence, les Etats à monnaie souveraine devraient renoncer à leur AAA : en effet, quelle logique y-a-t-il à voir des agences de notation noter un Etat dont le défaut est rendu impossible par sa capacité à créer sa propre monnaie ? Pour éviter la dépendance envers ces agences de notation et mettre fin à la crise qui sévit en Europe, les Etats membres de la zone euro doivent retrouver leur souveraineté monétaire par la garantie conjointe quasi-intégrale des dettes publiques. 

Depuis 1945, aucun pays développé n’a fait défaut sur sa dette publique. Celle-ci était sans risque, puisque les Etats s’endettaient dans leur propre monnaie et pouvaient toujours se financer auprès de leur banque centrale. Les pays développés jouissaient de la « souveraineté monétaire ». C’est toujours le cas aujourd’hui pour le Japon (qui s’endette à 10 ans à 1% malgré une dette de 210% du PIB), les Etats-Unis (qui s’endettent à 2% avec une dette de 98% du PIB), le Royaume-Uni (qui s’endette à 2,5% pour une dette de 86% du PIB).

Les banques et les assurances ne peuvent fonctionner si elles ne disposent pas d’un actif sans risque et si elles doivent se garantir contre la faillite de leur propre État, ce qui est bien sûr impossible : les montants en jeu sont énormes et les titres publics servent de garantie aux activités bancaires et d’assurances. Les banques et les assurances ne peuvent accumuler suffisamment de fonds propres pour résister à la faillite de leur pays ou de plusieurs pays de la zone euro. Cette exigence, on le voit aujourd’hui, avec la crise des dettes publiques de la zone euro, mène à la paralysie générale du système bancaire.

Il est foncièrement absurde que les agences de notation notent un État à souveraineté monétaire, comme si son défaut était une possibilité à envisager. Les États à monnaie souveraine devraient renoncer à leur AAA : par essence, leur dette est sans risque puisqu’elle est garantie par le pouvoir de création monétaire de leur banque centrale.

Les pays de la zone euro ont perdu leur « souveraineté monétaire » : selon le Traité de l’Union européenne, la BCE n’a pas le droit de financer les États ; les États membres ne sont pas solidaires. Les marchés financiers s’en sont aperçus à la mi-2009. Du coup, une spéculation incontrôlable s’est déclenchée sur les pays les plus fragiles de la zone : Grèce, Portugal, Irlande, ceux qui avaient connu la plus forte croissance avant la crise, mais qui vont devoir changer leur modèle de croissance ; puis, par effet de domino, sur l’Italie, l’Espagne et même la Belgique. Aujourd’hui, la Belgique doit payer un taux d’intérêt de 3,8 %, l’Espagne de 5,2 % et l’Italie de 5,6 % contre 2,6% pour la France, et même 1,8% pour l’Allemagne. La Grèce, l’Irlande, le Portugal sont ramenés dans la situation des pays en développement de jadis : leurs dettes sont devenues des actifs risqués qui subissent d’importantes primes de risque ; ils doivent passer sous les fourches caudines du FMI.

Ce jeu des marchés financiers risque de paralyser complètement la politique budgétaire. Lorsqu’un pays dispose de la souveraineté monétaire, en période de récession, la banque centrale peut diminuer au maximum son taux d’intérêt et s’engager, si nécessaire, à le maintenir durablement bas ; l’Etat augmente son déficit mais le bas niveau des taux d’intérêt évite que la dette publique ne fasse boule de neige ; il provoque une baisse du taux de change, qui soutient l’activité. La garantie des dettes par la création monétaire fait qu’il n’y a pas de risque de faillite, donc pas de raison de devoir en permanence rassurer les marchés. La banque centrale, en maintenant les taux longs à de bas niveaux en période de récession, garantit l’efficacité de la politique budgétaire. La politique budgétaire n’a pas à se soucier des marchés. C’est toujours la stratégie des États-Unis.

En zone euro, le risque est que demain un pays ne puisse plus augmenter son déficit de crainte que les agences ne dégradent sa notation et que ses taux d’intérêt ne s’envolent. Les pays sont donc condamnés à des concours de vertu pour apparaître aussi sages que l’Allemagne aux yeux des marchés. Ceci rend leur politique budgétaire impuissante, et donc leur conjoncture incontrôlable (voir, par exemple, L’impossible programme des candidats à l’élection présidentielle). La dette publique devient un facteur permanent de risque puisque les États sont à la merci des esprits animaux des marchés. Toute politique économique devrait être évaluée en tenant compte de l’opinion des marchés. Or ceux-ci n’ont pas de compétence macroéconomique particulière. Ils imposent des politiques d’austérité en période de récession, puis se plaignent du manque de croissance. C’est ce qu’ils font aujourd’hui, pour la zone euro en général, pour l’Italie et la Grèce en particulier. Ils favorisent les réformes libérales comme la réduction de la protection sociale ou celle du nombre d’enseignants. Pour que les pays conservent la capacité de réguler leur activité économique, le risque de faillite doit être nul.

La zone euro doit donc choisir entre se dissoudre ou se réformer de façon à garantir les dettes publiques des États membres, qui retrouveraient leur « souveraineté monétaire ». Les dettes publiques européennes doivent redevenir des actifs sans risques, faiblement rémunérés mais totalement garantis (par la solidarité européenne et fondamentalement par la BCE). C’est le seul moyen de maintenir l’autonomie des politiques budgétaires, qui est nécessaire compte tenu des disparités en Europe et de la perte pour chaque pays de l’instrument monétaire et de celui du taux de change.

Le fonctionnement de la zone euro n’a pas été réfléchi au moment de sa création, en particulier l’arbitrage « autonomie des politiques budgétaires/monnaie unique/souveraineté monétaire ». La garantie conjointe crée un problème d’aléa moral puisque chaque pays peut augmenter sa dette sans limite, mais une absence de garantie laisse le champ libre au jeu des marchés financiers, qui seront en permanence à l’affût. La garantie ne peut être réservée aux pays qui respectent les règles automatiques, injustifiables sur le plan économique et non respectables du Pacte de stabilité. Elle doit être automatique et totale. Pour éviter l’aléa moral, le Traité européen doit comporter un dispositif prévoyant le cas extrême où un pays pratiquerait effectivement une politique budgétaire insoutenable ; dans ce cas, la nouvelle dette de ce  pays ne serait plus garantie ; mais ceci ne doit jamais survenir.

N’ayant plus la nécessité de rassurer les marchés, les pays de la zone euro pourraient pratiquer des politiques budgétaires différenciées mais coordonnées, se donnant comme objectif principal le retour à un niveau d’emploi satisfaisant, compatible avec une inflation modérée.