Underlying deflation

Christophe Blot, Marion Cochard, Bruno Ducoudré and Eric Heyer

A look at the latest statistics on price trends indicates that the risk of deflation seems to have given way to renewed inflation in the major developed countries. So do we really need to fear the return of inflation, or are these economies still structurally deflationary?

First, note that the nature and scale of the economic crisis we have been living through since 2008 are reminiscent of what led to past periods of deflation (the crisis of 1929, the Japanese crisis of the 1990s, etc.). The recessionary pattern that began in 2008 has followed the same path: the shock to activity led to a slowdown in inflation — and sometimes lower prices or wages — in most of the developed countries. However, a fall in prices is not necessarily synonymous with deflation: this has to be long term and, above all, it must be anchored in expectations and a vicious cycle of debt deflation.  But this deflationary scenario did not materialize. Far from sitting by idly, at the end of 2008 governments and central banks took fiscal and monetary measures to stabilize activity and limit the rise in unemployment. Moreover, independently of the response by economic policy, price trends were strongly influenced by changes in commodity prices. While the collapse in oil prices in the second half of 2008 accelerated the deflationary process, the rise in prices since 2009 has fuelled more general price rises and held off the risk of deflation. Moreover, business has partially cushioned the impact of the crisis by accepting cuts in margins, which has helped to mitigate rising unemployment, a key factor in the deflationary process.

In a study by the OFCE published in its journal of forecasts (Prévisions de la Revue de l’OFCE), we start from a wage-price model to develop a method for assessing the way that oil price dynamics and labour market adjustments affect changes in inflation. We show that if oil prices had continued their upward trend after they peaked in the summer of 2008, and if the adjustment on the labour market had been, in all countries, the same as in the US, then the year-on-year change in inflation in second quarter 2011 would have been lower, by 0.7 points in France to 3.4 points in the UK (Table 1). This confirms that these economies are still structurally deflationary.

Despite the central banks’ repeated efforts at quantitative easing, they need not fear the return of inflation. The macroeconomic environment is still characterized by a risk of deflation, and therefore by the need for an accommodative monetary policy.




Déflation sous-jacente

Christophe Blot, Marion Cochard, Bruno Ducoudré et Eric Heyer

A la lecture des dernières statistiques sur l’évolution des prix, au risque de la déflation semble avoir succédé celui d’une reprise de l’inflation dans les grands pays développés. Devons-nous réellement craindre le retour de l’inflation ou ces économies sont-elles encore structurellement désinflationnistes ?

Observons tout d’abord que la nature et l’ampleur de la crise économique que nous vivons depuis 2008 rappellent celles qui furent à l’origine de périodes déflationnistes (crise de 1929, crise japonaise des années 1990, …). L’enchaînement récessif enclenché en 2008 a suivi le même chemin ; le choc d’activité a conduit à un ralentissement de l’inflation – et parfois à des baisses de prix ou de salaires – dans la plupart des pays développés. Cependant, la baisse des prix n’est pas forcément synonyme de déflation. Celle-ci doit s’inscrire dans la durée et surtout, elle doit se nourrir de l’ancrage des anticipations et d’un cercle vicieux de déflation par la dette. Le scénario déflationniste ne s’est cependant pas matérialisé. Les gouvernements et les banques centrales ne sont en effet pas restés passifs et ont, dès la fin de l’année 2008, pris des mesures de politiques budgétaire et monétaire afin de stabiliser l’activité et de limiter la hausse du chômage. De plus, indépendamment de la réaction de politique économique, l’évolution des prix a été fortement influencée par celle du prix des matières premières. Dans un premier temps, l’effondrement du pétrole au deuxième semestre 2008 aurait pu accélérer le processus déflationniste, mais la hausse observée depuis 2009 est venue alimenter la hausse des prix éloignant le risque déflationniste. Par ailleurs, les entreprises ont partiellement amorti l’impact de la crise en consentant des baisses des taux de marges, ce qui a permis d’atténuer la hausse du chômage, facteur essentiel pouvant mener à la déflation.

Partant d’une modélisation de la boucle prix-salaire, nous nous proposons dans une étude de l’OFCE parue dans la collection Prévisions de la Revue de l’OFCE d’évaluer la contribution de la dynamique du prix du pétrole et le rôle de l’ajustement du marché du travail à l’évolution de l’inflation. Nous montrons que si le prix du pétrole avait poursuivi sa tendance haussière après le pic de l’été 2008 et si l’ajustement sur le marché du travail avait été, dans tous les pays, identique à celui des Etats-Unis, alors le glissement annuel de l’inflation au deuxième trimestre 2011 aurait été plus faible de 0,7 point en France à 3,4 points au Royaume-Uni (tableau 1), confirmant que ces économies sont encore structurellement désinflationniste.

Malgré les nombreuses mesures d’assouplissement quantitatif qu’elles ont mis en œuvre, les banques centrales ne doivent pas craindre le retour de l’inflation. Le contexte macroéconomique reste marqué par le risque déflationniste et donc par la nécessité de mener une politique monétaire accommodante.





De Trichet à Draghi : bilan et perspectives

par Christophe Blot et Eric Heyer

Au cours des huit années passées à la tête de la BCE, nous avons connu deux J-C. Trichet (JCT), l’un dogmatique, l’autre pragmatique. Quel sera le visage de son successeur l’Italien Mario Draghi, confronté dès son entrée en fonction à une crise sans précédent de la zone euro ?

Dans les cinq premières années, période d’avant-crise, nous avons connu JCT le dogmatique : banquier central très appliqué, il a respecté à la lettre le mandat qui lui avait été confié, à savoir de maintenir l’inflation proche de 2 %. A l’aune de cet unique critère, considéré comme essentiel par les Allemands, le bilan de JCT est bon puisque qu’au cours de cette période l’inflation moyenne en zone euro fut de 2,1 %. Mais plusieurs critiques peuvent être formulées à l’encontre de son action post-crise : la première réside dans le fait qu’en voulant incarner la monnaie unique et la rendre crédible, JCT a choisi de la rendre « forte » – ce qui est différent de « stable ». Il n’a donc rien mis en place pour piloter le taux de change et s’est satisfait de voir l’euro passer de 1,10 dollar en 2003 à près de 1,50 dollar fin 2007, soit une appréciation de 37 %. Ce dogme de l’euro fort, de la désinflation compétitive, l’a certes aidé à contenir l’inflation mais au détriment de la compétitivité et de la croissance européenne. Une interprétation moins stricte de la stabilité des prix aurait accru l’attention de la BCE portée au taux de change de l’euro, ce qui aurait favorisé le dynamisme de la croissance et de l’emploi dans la zone euro. Ainsi, entre 2003 et 2007, la croissance annuelle moyenne en zone euro aura été 0,6 point inférieure à celle enregistrée aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni (2,1 % contre 2,7 %) et le taux de chômage a été supérieur de plus de 3 points (8,4 % en zone euro contre 5,1 % aux E. U. et au R. U.) avec des performances d’inflation comparables. La seconde critique est en lien avec une interprétation stricte de sa politique de lutte contre l’inflation et qui a conduit JCT a une grave erreur de jugement : à l’été 2008, quelques semaines avant la faillite de Lehman Brothers, alors que l’économie américaine était déjà entrée en récession et que les craintes pour l’Europe s’accentuaient, la BCE a décidé une augmentation des taux d’intérêts, par crainte d’un regain de tensions inflationnistes alimenté par les prix des matières premières énergétiques et alimentaires. Or, à l’évidence il n’était pas très lucide de redouter des tensions inflationnistes au moment où l’économie mondiale se préparait à sombrer dans la plus grande crise depuis les années 1930.

Pendant les trois dernières années, période de crise, ce fut JCT le pragmatique : en l’absence de gouvernance européenne, JCT a été un pilier de la réaction européenne face à la crise en discutant d’égal à égal avec des chefs d’Etats et en œuvrant significativement au sauvetage du système financier. A cet égard, et contrairement aux quatre années précédentes, il a pris certaines libertés par rapport au mandat et aux statuts de la BCE en agissant de façon non conventionnelle, notamment au moment de la crise des dettes souveraines. Mais en actionnant des hausses des taux directeurs depuis le début de l’année dans un contexte de chômage de masse et de nette sous-utilisation des capacités de production en zone euro, JCT le pragmatique a commis la même erreur d’interprétation que JCT le dogmatique trois ans auparavant : le regain d’inflation n’étant pas lié à un risque de surchauffe de l’économie européenne mais trouvant son origine dans l’augmentation des prix des matières premières alimentaires et énergétiques, les hausses des taux n’ont aucune incidence sur celui-ci mais, en revanche, fragilisent un peu plus la croissance européenne.

De fait, la BCE a rapidement révisé son diagnostic laissant ainsi la porte ouverte à une baisse rapide des taux d’intérêt. Il est d’ailleurs probable que Jean-Claude Trichet aurait agi plus rapidement s’il n’avait pas été à la fin de son mandat. Ce faisant il a évité d’enfermer son successeur dans un scénario donné, lui laissant donc toutes les possibilités dans ses premiers pas à la tête de la BCE. Mario Draghi a d’ailleurs rapidement mis fin au suspense sur ses intentions puisqu’une baisse des taux d’un quart de point a été annoncée dès sa première réunion le 3 novembre. S’il a bien pris soin de rappeler que la BCE ne s’engageait pas sur les décisions futures, le contexte macroéconomique et financier amène à anticiper au moins une baisse des taux supplémentaire.

Pourtant si la question de la politique des taux d’intérêt est un élément central de la politique monétaire et donc du mandat de Mario Draghi, les défis qui s’ouvrent à lui dépassent largement cet enjeu. Dans le contexte de crise de la zone euro, le programme d’achats de titres de la BCE est au cœur de toutes les attentions et pose la question du rôle de la BCE dans la gouvernance européenne. Cette question recouvre de fait de multiples enjeux cruciaux et interdépendants : le rôle de prêteur en dernier ressort, la coordination entre politique budgétaire et politique monétaire ainsi que les compétences de la BCE en matière de stabilité financière.

La crise actuelle illustre les difficultés inhérentes au fonctionnement d’une union monétaire sans union budgétaire puisque, de fait, cela revient pour tout membre de l’Union à s’endetter dans une monnaie qu’il ne contrôle pas. Même si en temps normal les opérations de politique monétaire aux Etats-Unis conduisent la Réserve fédérale à détenir des titres publics,  – principalement de court terme – la crise a conduit la Banque centrale américaine à amplifier ses achats de titres et à modifier la structure de son bilan en achetant des obligations publiques sur les marchés secondaires. La Banque d’Angleterre a mené des actions similaires en achetant près de 200 milliards de livres de titres obligataires publics[1]. Quant à la Banque du Japon, elle a amplifié ces mesures non conventionnelles qui étaient déjà mises en place pour lutter contre la déflation qui sévit dans l’Archipel depuis la fin des années 1990. Ce faisant, ces banques centrales ont fait pression sur la baisse sur les taux d’intérêt à long terme et elles ont garanti la liquidité de ces marchés, se portant implicitement prêteuses en dernier ressort. Si la BCE s’est également engagée sur ce terrain en achetant plus de 170 milliards d’euros de titres publics (italiens, grecs, portugais et irlandais), l’ampleur du programme d’achat d’actifs (2,1 % de l’ensemble de la dette publique totale des pays de la zone euro) reste inférieur à celui mis en œuvre par la Réserve fédérale et la Banque d’Angleterre qui détiennent respectivement plus de 10,5 % et 16 % de la dette publique émise par leur gouvernement. Surtout, la BCE a pris soin de préciser que ce programme était temporaire, d’un montant limité et destiné à restaurer l’efficacité de la politique monétaire. Dans une tribune récente, Paul de Grauwe compare la stratégie de la BCE à celle d’un chef des armées partant à la guerre tout en déclarant qu’il n’utiliserait jamais tout son potentiel militaire et qu’il rapatrierait les troupes le plus tôt possible, c’est-à-dire sans s’assurer que la victoire finale serait acquise. Une telle stratégie est nécessairement vouée à l’échec. Seul un engagement illimité pourrait mettre fin à la contagion qui frappe les pays de la zone euro en proie à des difficultés budgétaires. Et seule une banque centrale, par la création monétaire, peut offrir une telle garantie. Pourtant, jusqu’ici, les pays européens ont écarté cette voie lors du sommet du 25 octobre tandis que Mario Draghi n’a fait que réitérer la stratégie de la BCE lors de sa première conférence de presse ajoutant même qu’il ne pensait pas qu’un prêteur en dernier ressort soit la solution à la crise que traverse la zone euro. La dimension du FESF restant insuffisante pour enrayer la contagion, tout porte à croire que le rôle de la BCE sera de nouveau au centre des débats. Il faut alors espérer que Mario Draghi et les membres du Conseil des gouverneurs sauront faire preuve de plus de pragmatisme à cette occasion. Il est urgent de reconnaître le rôle de prêteur en dernier ressort de la BCE en faisant de la stabilité financière de la zone euro un objectif explicite de politique monétaire.

Par ailleurs, au-delà du rôle de prêteur en dernier ressort, c’est plus généralement la question de la coordination des politiques économiques qui doit être reposée. L’articulation du policy-mix est en effet un élément central des performances en matière de croissance. Aux Etats-Unis, la complémentarité entre politique monétaire et budgétaire est aujourd’hui évidente puisqu’en faisant pression sur les taux longs, la Réserve fédérale met en œuvre une politique qui assure la soutenabilité de la politique budgétaire en même temps qu’elle favorise son impact sur la croissance. La principale critique à l’égard d’une telle politique souligne qu’elle remettrait en cause l’indépendance de la Banque centrale. Pour autant, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que la Réserve fédérale aurait abandonné la conduite de la politique monétaire au profit du gouvernement. La question ne se pose pas puisque la Banque centrale américaine, comme le gouvernement, poursuivent les mêmes objectifs : croissance, emploi, stabilité des prix et stabilité financière[2]. Ces objectifs sont interdépendants et la zone euro ne pourra retrouver le chemin de la croissance qu’à la condition que les autorités de décisions rament dans la même direction.

Si tous ces enjeux ne sont pas uniquement du ressort de Mario Draghi – une réforme du Traité pourrait renforcer et légitimer ses décisions –, sa position sera néanmoins déterminante. La crise de la zone euro appelle des décisions urgentes et révèlera très rapidement les ambitions et les capacités de son nouveau président.


[1] La BoE vient cependant d’annoncer que son programme d’achat de titres serait progressivement porté à 275 milliards de livres.

[2] Voir « La Fed, la BCE et le double mandat ».




From Trichet to Draghi: Results and prospects

By Christophe Blot and Eric Heyer

During eight years as head of the ECB, we have seen two Jean-Claude Trichets (JCT): one dogmatic, the other pragmatic. What will be the face of his successor, Mario Draghi of Italy, as he takes office during the unprecedented crisis facing the euro zone?

Over the first five years, the pre-crisis period, we had JCT the dogmatist: a very experienced central banker, he scrupulously stuck to his mandate, namely to keep inflation close to 2%. In light of this single criterion, considered essential by the Germans, JCT’s record was good, as average inflation in the euro zone during the period was 2.1%. However, several criticisms can be leveled at his post-crisis activity: the first is that in trying to give flesh to the single currency and make it credible, JCT decided to make it “strong” – which is different from “stable”. No arrangements were made to control the exchange rate, and he was pleased to see the euro rise from $1.10 in 2003 to almost $1.50 in late 2007, an appreciation of 37%. The dogma of the strong euro, of competitive disinflation, has certainly helped to contain inflation, but at the expense of Europe’s competitiveness and growth. A less strict interpretation of price stability would have led the ECB to pay more attention to the euro’s exchange rate, which would in turn have promoted more vigorous growth and employment in the euro zone. Between 2003 and 2007, average annual growth in the euro zone was 0.6 percentage point lower than in the US and the UK (2.1% against 2.7%), and the unemployment rate was more than 3 points higher (8.4% in the euro zone against 5.1% in the US and UK), with comparable performances on inflation. The second criticism has to do with JCT’s strict interpretation of the fight against inflation, which led him into a serious miscalculation: in the summer of 2008, just weeks before the collapse of Lehman Brothers, while the US economy was already in recession and fears were growing for Europe, the ECB decided to raise interest rates out of fear of renewed inflationary pressures fueled by the rising prices of energy and food raw materials. However, worrying about inflationary pressures at a time when the global economy was about to sink into the greatest crisis since the 1930s was not very perceptive.

For the past three years, a period of crisis, we’ve had the JCT the pragmatist: in the absence of a system of European governance, JCT has been a pillar of Europe’s response to the crisis, as he engaged as equals with heads of state and made significant efforts to rescue the financial system. In this regard, and in contrast to the previous four years, he has taken some liberties with the mandate and statutes of the ECB by implementing unconventional measures, especially at the time of the sovereign debt crisis. But by raising rates since the beginning of the year, against a background of mass unemployment and substantial under-utilization of the euro zone’s production capacity, JCT the pragmatist has committed the same error of interpretation as JCT the dogmatist did three years earlier: as the rise in inflation was not associated with the risk of an overheating European economy, but rather had its origin in the rising prices of food and energy raw materials, the rate increases have not had any impact on inflation but, on the other hand, they have contributed a bit to further weakening European growth.

In fact, the ECB quickly revised its diagnosis, leaving the door open to a rapid cut in interest rates. It is also likely that Jean-Claude Trichet would have acted faster had he not been at the end of his term. In doing what he did, JCT avoided locking his successor into a specific scenario, and thus left him a range of options in his first steps at the head of the ECB. Mario Draghi quickly ended any suspense about his intentions by announcing a quarter point cut in interest rates at his first meeting on 3 November. While he was careful to point out that the ECB does not make any commitments to future decisions, the macroeconomic and financial situation points towards at least one further rate cut.

Yet if the question of interest rate policy is a central element of monetary policy and thus of Mario Draghi’s mandate, the challenges facing him go far beyond this issue. In the context of the euro zone crisis, the eyes of the world are focused on the ECB’s program of securities purchases, which raises the question of the ECB’s role in European governance. This question actually involves a number of critical and interdependent matters: the role of lender of last resort, coordination between fiscal policy and monetary policy, and the ECB’s role with respect to financial stability.

The current crisis illustrates the difficulties inherent in the functioning of a monetary union that lacks a fiscal union, since in actuality this means that a member of the union is taking on debt in a currency that it does not control. Even though in normal times monetary policy operations in the United States lead the Fed to hold government securities – mostly short-term – the crisis has prompted the US central bank to expand its purchases of securities and to change the structure of its balance sheet by buying government bonds on secondary markets. The Bank of England has taken similar action by purchasing nearly 200 billion pounds of government bonds[1]. As for the Bank of Japan, it has amplified the unconventional measures that were already in place to fight the deflation that has plagued the archipelago since the late 1990s. In taking these actions, the central banks have put downward pressure on long-term interest rates, and they have ensured the liquidity of these markets by acting implicitly as lenders of last resort. While the ECB has also gotten involved in this area by buying more than 170 billion euros of government securities (Italian, Greek, Portuguese and Irish), the magnitude of its asset purchase program (2.1% of the total public debt of the euro zone countries) is still below the level implemented by the Federal Reserve and the Bank of England, which respectively own more than 10.5% and 16% of the public debt issued by their governments. Moreover, the ECB took care to specify that the program was temporary, had a limited budget and was designed to restore the effectiveness of monetary policy. In a recent comment, Paul de Grauwe compared the ECB’s strategy to that of an army chief going off to war who declares that he would never use his full military potential and he would bring all the troops home as soon as possible, that is to say, without ensuring that final victory had been won. A strategy like this is doomed to failure. Only an open-ended commitment could stop the contagion affecting the euro zone countries plagued by budget problems. And only one central bank can offer such a guarantee, through the creation of money. Yet up to now Europe’s countries have rejected this path, including at the summit of October 25, while at his first press conference Mario Draghi has only reiterated the strategy of the ECB, even adding that he did not believe that a lender of last resort is the solution to the crisis in the euro zone. As the size of the remaining EFSF is insufficient to halt the contagion, it is likely that the role of the ECB will once again take center stage. It is to be hoped that Mario Draghi and the members of the Board of Governors will be more pragmatic on this next occasion. It is urgent to recognize the ECB’s role as lender of last resort by making the financial stability of the euro zone an explicit objective of monetary policy.

Moreover, beyond the role of lender of last resort, the coordination of economic policy more generally also needs to be revised. The articulation of the policy mix is indeed a central element of performance in terms of growth. In the US, the complementarity between monetary and fiscal policy is now obvious, as by putting pressure on long rates, the Federal Reserve implemented a policy to ensure the sustainability of fiscal policy at the same time that it is promoting the impact on growth. The main criticism of this policy argues that this undermines the independence of the Central Bank. However, there is no evidence today to say that the Fed has abandoned the conduct of monetary policy in favor of the government. The question does not even arise, since the US central bank is pursuing the same objectives as the US government: growth, employment, price stability and financial stability [2]. These objectives are interdependent, and the euro zone will find its way to growth again only once all the authorities are rowing in the same direction.

While these issues are not all the exclusive responsibility of Mario Draghi – a reform of the Treaty could strengthen and legitimize his decisions – his position will nevertheless be decisive. The crisis in the euro zone calls for urgent decisions and will quickly reveal the ambitions and the capabilities of its new president.


[1] The BoE has, however, just announced that its program to buy securities will be gradually expanded to 275 billion pounds sterling.

[2] See ”The Fed, the ECB and the dual mandate”.

 

 




La BCE peut-elle faire machine arrière ?

par Christophe Blot

Le Conseil des gouverneurs de la BCE s’est réuni jeudi 8 septembre 2011 pour décider de l’orientation de la politique monétaire dans la zone euro. Après la hausse d’un quart de point en juillet portant le principal taux directeur à 1,5 %, la dégradation récente de la situation conjoncturelle pose la question de l’opportunité de la poursuite de la hausse et même celle d’un éventuel retour en arrière sur les décisions précédentes de la BCE.

Au cours du premier trimestre 2011, l’accélération de la croissance, qui s’était établie à 0,8 % et le regain de tensions sur les prix de l’énergie qui alimentait l’inflation semblaient accréditer le scénario de la BCE d’une sortie de crise et de la nécessité d’une normalisation progressive de la politique monétaire. Pourtant, les décisions de la BCE pouvaient déjà paraître un peu hâtives au regard de l’absence de résolution pérenne de la crise budgétaire et du diagnostic porté sur le risque inflationniste (cf. Faut-il craindre un retour de l’inflation dans la zone euro ?). Par ailleurs, depuis quelques semaines, les mauvaises nouvelles se succèdent de part et d’autre de l’Atlantique témoignant de la fragilité de la reprise et reflétant la situation inextricable des finances publiques. La croissance dans l’ensemble de la zone euro a marqué le pas au deuxième trimestre puisque le PIB n’a progressé que de 0,2 % (cf. le communiqué d’Eurostat). La consommation des ménages est en baisse, l’investissement ne confirme pas le rebond du trimestre précédent et, sans une contribution du commerce extérieur positive, la croissance aurait été négative reflétant la faiblesse des ressorts internes de la croissance dans une zone où tous les pays ont fait le choix de la rigueur budgétaire. Depuis le mois de mars, les enquêtes de conjoncture se dégradent rapidement (graphique 1) ce qui se traduit dans les indicateurs avancés de la croissance par une anticipation de négative sur le deuxième semestre 2011 (cf. L’indicateur avancé zone euro).


Source : Commission européenne

Autre source d’inquiétude : la spirale dépressive s’est de nouveau emparée des marchés financiers qui ont plongé au cours de l’été en raison des tergiversations en matière de gouvernance dans la zone euro et de la fragilité supposée du système bancaire (cf. la déclaration de Christine Lagarde, Directrice générale du FMI). Les risques de défaut de la Grèce comme celui d’une contagion de la crise ne sont toujours pas écartés. Les tensions sur le marché interbancaire sont également réapparues comme le montrent l’augmentation rapide de l’écart de taux entre les prêts interbancaires garantis (taux Eurepo) et les prêts à même échéance non garantis (taux Euribor). Sans atteindre le niveau de tensions qui avait suivi la chute de la banque Lehman Brother en septembre 2008, ces écarts de taux s’envolent depuis le début du mois d’août (graphique 2). Enfin, après avoir atteint un pic à 2,8 % en avril, l’inflation a diminué progressivement à 2,5 % en août. De même, l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire excluant les composantes volatiles comme l’énergie et l’alimentaire, a reculé de 1,6 % à 1,2 % confirmant que le risque inflationniste est faible dans un contexte de chômage massif.


Source :  Datastream

Dans ces conditions, est-il pertinent de poursuivre le mouvement de hausse des taux ? La BCE a commis une erreur d’appréciation ; elle s’est engagée prématurément dans un cycle de hausse de taux. Ce faisant elle a ajouté un frein supplémentaire à une croissance déjà bridée par l’austérité budgétaire des pays de la zone euro. Cette situation rappelle celle de l’été 2008 où la BCE avait décidé d’une augmentation de son taux directeur à quelques semaines d’une tempête financière et alors même que la zone euro était déjà entrée en récession. La BCE avait dû rapidement faire machine arrière pour faire face à l’effondrement de la croissance. De même en 1937, le resserrement hâtif de la politique monétaire aux Etats-Unis avait rapidement fait replonger l’économie américaine en récession obligeant la banque centrale à baisser ensuite rapidement les taux.
La position de la BCE est donc aujourd’hui assez délicate. Elle pourrait juger qu’un retour en arrière pourrait nuire à sa crédibilité. Mais il en serait tout autant si elle s’enfermait dans un jugement erroné de la sortie de crise et des risques inflationnistes. Par ailleurs, à quelques mois de sa succession, Jean-Claude Trichet pourrait juger qu’il est plus sage de ne pas modifier l’orientation de la politique monétaire afin de ne pas mettre sous pression son successeur Mario Draghi qui doit prendre ses fonctions en novembre. Si une chute de la croissance comparable à celle de 2008-2009 paraît aujourd’hui peu probable, les tensions actuelles en matière bancaire et de finances publiques nécessitent cependant un soutien supplémentaire de la part de la politique monétaire. Avec un taux à 1,5 %, la politique monétaire reste accommodante mais une nouvelle baisse montrerait l’engagement de la BCE en faveur de la croissance. Une politique monétaire adaptée à la situation macroéconomique et financière doit aujourd’hui l’emporter sur toute considération relative à la crédibilité d’un éventuel revirement de la BCE. Enfin, une autre possibilité serait d’accélérer et d’amplifier le programme d’achats de titres publics afin de peser sur les taux d’intérêt à long terme et offrir ainsi une solution à la crise des dettes souveraines.