Individualisation du patrimoine au sein des couples : quels enjeux pour la fiscalité ?

par Nicolas Frémeaux et Marion Leturcq

De 1998 à 2010, la manière dont le patrimoine est détenu au sein des couples a profondément changé. La généralisation de la cohabitation hors mariage, l’essor du pacs et le recours plus fréquent au régime de la séparation de biens pour les couples mariés ont conduit à une individualisation du patrimoine. Cette individualisation a eu pour conséquence une augmentation des inégalités de patrimoine entre conjoints. Cette transformation du mode de détention du patrimoine n’a toutefois pas été prise en compte dans la fiscalité du patrimoine en France, celle-ci tendant à faire l’hypothèse d’une mise en commun des ressources au sein du couple. De ce point de vue, la fiscalité actuelle fait preuve d’incohérences dans le traitement fiscal des couples. L’objectif de notre article paru dans la Revue de l’OFCE (n°161-2019 accessible ici) est de proposer un questionnement sur les principes de justice qui sous-tendent l’imposition du patrimoine des couples, que ce soit à travers les revenus, la détention ou la transmission des patrimoines.




Prélèvement à la source : une réforme compliquée, un gain très limité

par Henri Sterdyniak

Le prélèvement à la source est le serpent de mer de la fiscalité française, souvent annoncé, souvent étudié[1], jamais réalisé. Ainsi, en 2006, le ministre de l’Economie Thierry Breton annonçait la réforme pour 2008 : « Les revenus de 2007 ne seront pas imposés ». Dix ans après, Christian Eckert fait une déclaration similaire : « Les revenus salariaux de 2017 ne seront pas imposés ». Jusqu’à présent, les difficultés à mettre en place un dispositif satisfaisant, ne surchargeant pas les entreprises de nouvelles tâches administratives, préservant la confidentialité de la situation des salariés vis-à-vis de leur entreprise, tenant compte des complexités de la fiscalité française ainsi que les problèmes que pose l’année transitoire ont empêché la réforme d’aboutir. En sera-t-il de même aujourd’hui ? Certes, les progrès de l’informatique rendent le projet plus crédible, mais les réformes fiscales récentes ainsi que l’instabilité de l’emploi ont sans doute rendu la réforme plus délicate à mettre en place.

Le Conseil des ministres du 17 juin 2015 a tranché. Le prélèvement à la source (PAS) sera mis en œuvre le 1er janvier 2018. Il se fera à système fiscal constant. Mais les modalités précises seront discutées à partir de la rentrée 2015 pour être votées à la rentrée 2016. Quel est l’intérêt du projet ? Remplace-t-il la grande réforme fiscale ? Selon quelles modalités sera organisé le prélèvement ? Comment gérer la transition ?

La situation actuelle

Les ménages reçoivent un revenu tout au long de l’année n. L’impôt sur ce revenu (IR) est voté au Parlement le quatrième trimestre de l’année. Les contribuables reçoivent une déclaration pré-remplie en avril de l’année n+1, qu’ils renvoient en mai. Ils connaissent en août le montant de l’impôt dû. Soit ils ont déjà payé deux tiers provisionnels, égaux chacun à un tiers de l’impôt payé l’année n, (et donc calculés sur les revenus de l’année n-1), ils paient alors le solde en septembre. Soit ils ont choisi la mensualisation, ils paient tout au long de l’année des mensualités égales au dixième de l’impôt de l’année précédente et le solde en novembre-décembre.

Ce système a quatre défauts. Une réforme de l’impôt décidée à la fin de l’année n a un effet rétroactif sur les revenus de l’année n. Mais elle ne s’applique en fait qu’un an plus tard, en septembre ou novembre-décembre de l’année n+1. Une hausse ou une baisse généralisée des revenus ne joue sur l’IR que l’année suivante, ce qui nuit aux propriétés stabilisatrices de cet impôt. Un ménage qui subit une forte baisse des revenus en n+1 doit payer des impôts sur les revenus plus importants qu’il avait touchés l’année n. Théoriquement, chaque ménage devrait épargner sur les revenus de l’année n les impôts qu’il devra payer l’année suivante, mais peu le font explicitement et certains peuvent se retrouver en difficulté en cas de chômage ou de départ à la retraite. L’impôt sur le revenu est fortement progressif : les 10 % de ménages ayant les plus hauts revenus paient 70% de l’IR ; la moitié des ménages en est exonérée, de sorte que les difficultés de paiement liées au délai sont limitées. En sens inverse, les jeunes actifs n’ont pas à payer d’impôt la première année où ils travaillent : l’Etat fait un crédit aux jeunes salariés qu’ils remboursent en partant à la retraite.

Dans un système de PAS, l’impôt est voté à la fin de l’année n-1. Les entreprises et les banques qui versent des revenus au ménage prélèvent un certain montant d’impôt tout au long de l’année n. Au début de l’année n+1, le ménage reçoit un récapitulatif annuel qu’il complète et le fisc lui réclame (ou lui rembourse) la différence entre ce qu’il doit payer et ce qu’il a déjà payé. Ainsi, les réformes de l’IR et les fluctuations de revenus jouent plus rapidement sur l’impôt, le système est plus réactif et les ménages ont  moins besoin d’anticiper leur impôt.

Questions de fond

Jusqu’à présent, l’IR n’est pas prélevé à la source. Ceci a entraîné une évolution spécifique du système fiscal français avec un poids très important des cotisations employeurs maladie et famille, de la CSG, des prélèvements sociaux sur les revenus du capital qui sont eux prélevés à la source. Tous ces prélèvements sont proportionnels. Cela a été compensé pour les ménages à faibles salaires, qui ne paient pas d’IR, par les exonérations de cotisations sociales employeurs, les allocations-logement, le RSA-activité (devenu Prime d’Activité) et pour les hauts revenus par le fait que l’IR est très progressif. Ainsi, malgré le faible poids de l’IR (3% du PIB), le système français est très redistributif.

Le Président François Hollande s’était engagé à faire une grande réforme fiscale et le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait repris cet engagement en novembre 2013. Certains leur reprochent de ne pas l’avoir fait. Selon nous, ils ont tort. La réforme a été faite : les revenus du capital sont maintenant soumis à une taxation équivalente à celle du travail ; les cotisations sociales employeurs ont été de nouveau abaissées pour les bas salaires ; la Prime d’Activité soutient les revenus des salariés à bas salaires. On peut certes discuter des modalités de ces réformes, mais il sera difficile d’aller plus loin en termes d’aide aux bas salaires et de prélèvement sur les plus riches.

Beaucoup auraient voulu utiliser le passage au PAS pour mettre en place une nouvelle réforme fiscale. Certains auraient voulu que le PAS permette une fusion de la CSG et de l’IR (ou même des cotisations sociales) dans un impôt plus redistributif. Mais c’est oublier que le système est déjà très redistributif ; que les chômeurs et les retraités les plus modestes ne paient déjà pas de CSG ; qu’elle est plus que compensée par la PA pour les salariés à bas salaires. C’est oublier que la Sécurité sociale a besoin d’une ressource bien définie, qui ne soit pas remise en cause chaque année. C’est oublier que supprimer la CSG sur les bas salaires obligerait à l’augmenter sur le revenu des classes moyennes.

Pour les libéraux, la nécessité de passer au PAS est un argument supplémentaire pour simplifier la fiscalité française en passant à un impôt individuel (et non plus familial ; il faudrait ne plus faire la somme des revenus du travail et des revenus du capital mais imposer ces derniers à un taux uniforme libératoire ; il faudrait supprimer les dépenses fiscales et donc réduire le rôle incitatif de l’impôt). Certes, après une telle réforme, le passage au PAS serait beaucoup plus simple. En contrepartie, la fiscalité française serait moins redistributive ; les bénéficiaires d’importants revenus financiers paieraient moins d’impôts ; les familles des classes moyennes en paieraient davantage.

La réforme est surtout portée par Bercy qui voudrait simplifier la collecte de l’impôt, ne plus avoir à gérer les déclarations de 35 millions (et les paiements de 18 millions) de contribuables, s’adresser uniquement  aux entreprises et aux banques pour recevoir l’impôt. Mais, sauf réforme radicale de l’impôt, les ménages devront toujours compléter une déclaration récapitulative au début de l’année suivante[2], de sorte que les gains administratifs seront limités.

Le gouvernement a sagement décidé que le PAS ne s’accompagnerait d’aucune modification de l’IR. L’intérêt de la réforme est donc quasiment nul du point de vue purement économique. Les propriétés redistributives ou incitatives de l’impôt ne sont pas modifiées. Mais un impôt aussi compliqué que l’impôt français, qui porte sur les revenus de l’ensemble du ménage, qui est progressif (sur une base annuelle), qui fait la somme des revenus du travail et du capital, peut-il être prélevé simplement à la source ?

Le diable est dans les détails

Les deux points délicats sont : Comment calculer les prélèvements mensuels ? Qui les paye ? Le principe du PAS est que ces prélèvements sont payés par les employeurs et les banques du ménage contribuable. Mais ceux-ci ne peuvent pas faire le total des revenus du ménage ; ils ne peuvent pas faire varier les prélèvements en fonction des fluctuations du revenu du ménage. Ce serait possible dans le cas simple du célibataire à employeur unique qui n’aurait que des revenus salariaux. Mais que faire dans le cas d’un couple avec enfants, qui a des revenus du capital, dont la femme a certes un revenu stable, mais dont le mari a des revenus fluctuant fortement au cours de l’année avec plusieurs employeurs successifs ? Comment échanger les informations et harmoniser les paiements entre les employeurs, l’Unedic, les banques des deux conjoints ?

Certains ont proposé que les employeurs et les banques prélèvent l’impôt sur le revenu courant selon une formule simple, ne tenant pas compte des situations familiales, la régularisation se faisant en début d’année suivante. On aboutirait à un système peu acceptable où les familles avec enfants ou les couples à revenus très différents feraient crédit à l’Etat tandis que certains ménages à revenus élevés mais de sources différentes auraient un avantage de trésorerie.

La solution la plus simple est que le fisc communique aux employeurs et aux banques du ménage un taux moyen d’imposition, découlant des revenus de l’année n-1 et du barème décidé à la fin de l’année n-1. Ceux-ci l’appliqueront à tous les revenus du ménage, durant l’année n, avec une régularisation au début de l’année n+1.

Cependant, le système conserve de nombreux défauts. Le revenu de l’année n-1, et donc le taux d’imposition moyen à appliquer à l’année n, n’est pas connu tout au début de l’année n. Le PAS devra donc commencer avec le taux de l’année n-1 pour être rectifié en cours d’année. Il faut que les conjoints soient d’accord pour se voir appliquer le même taux d’imposition, ce qui est contestable si leurs revenus sont très différents. Sinon, il faudra qu’ils se mettent d’accord sur un partage de l’imposition qu’ils devront faire agréer par le fisc. Comme le taux moyen n’est pas le taux marginal, les fluctuations de l’impôt dues aux fluctuations du revenu resteront  trop faibles. Que se passera-t-il si l’entreprise a prélevé l’IR sur le salaire de son salarié mais ne l’a pas retransmis au fisc (en cas de faillite, par exemple) ? Imaginons une famille taxée à un taux de 15% ; l’un des conjoints, devenu chômeur, subit une forte perte de revenu en cours d’année. L’autre conjoint pourra-t-il demander à son entreprise de baisser le taux à 10% ? Qui aura la responsabilité de cette baisse ? En sens inverse, que faire pour une personne qui commence à travailler ? Qui aura la responsabilité d’évaluer son impôt (compte tenu du salaire de son conjoint) ?

Le problème est que l’entreprise aura une nouvelle tâche : celle de faire l’interface entre ses salariés et le fisc en matière d’IR, ce qui est autrement plus compliqué que de verser des cotisations sociales. Une fiche de paie comporte déjà 28 lignes. Faut-il en rajouter d’autres ? D’une part, les entreprises pourront dire que ce n’est pas leur rôle, qu’elles ne veulent pas s’engager dans de nouvelles tâches administratives, que les revenus du conjoint de leurs salariés, leurs déductions fiscales, leurs revenus du capital ne les concernent pas. De l’autre, chaque citoyen peut refuser que l’entreprise interfère dans ses relations avec le fisc.

Dans tous les cas, une régularisation serait nécessaire l’année suivante. Il n’est pas certain qu’elle pourra être plus rapide que dans la situation actuelle.

Comment gérer l’année transitoire ?

En tout état de cause, il y aura une année transitoire : 2017 dont les revenus ne seront pas imposés en principe. En 2017, les contribuables paieront leurs impôts sur les revenus de l’année 2016. En 2018, le PAS sera effectif et les contribuables paieront leurs impôts sur les revenus de l’année 2018. Globalement, et au premier ordre, cela ne changera rien pour l’Etat et les contribuables. Mais, les jeunes qui commenceront à travailler en 2018 paieront immédiatement l’IR pour 2018 ; les personnes qui prendront leur retraite en 2017 seront gagnantes puisqu’en 2018, elles paieront l’impôt sur leur pension de retraite de 2018 (et non sur leurs salaires de 2017 a priori plus élevés). Seront aussi gagnants les héritiers des personnes qui décéderont en 2017.

Malheureusement, la réforme a déjà été annoncée. Elle devrait être votée en 2016. Aussi, les contribuables pourront-ils avoir la tentation de concentrer leurs revenus exceptionnels en 2017 pour qu’ils ne soient pas imposés. Au niveau des salariés, l’effet sera sans doute limité ; certains pourraient vouloir travailler davantage, faire plus d’heures supplémentaires ; d’autres demanderont à leur entreprise de payer en 2017 leurs primes de 2016 ou de 2018 ; mais les entreprises seront sans doute réticentes. Il faudra cependant mettre en garde les entreprises contre la distribution de primes exceptionnelles aux salariés en 2017, mettre en place un dispositif de contrôle. Par contre, l’effet pourrait être extrêmement fort pour les dividendes et les plus-values (mobilières ou immobilières). Ainsi, chacun pourra-t-il purger ses plus-values mobilières en 2017 en vendant et en rachetant immédiatement ses titres. Il faudrait donc que la non-imposition des revenus de 2017 ne s’applique pas aux dividendes et plus-values. Mais le Conseil constitutionnel acceptera-t-il un traitement spécifique ?

En sens inverse, les ménages qui auront des droits à crédit d’impôt en 2017 devront pouvoir les faire valoir en 2018. D’une part, il serait sans doute inconstitutionnel de les en priver. D’autre part, cela aurait des conséquences fâcheuses si en 2017 les contribuables renoncent, pour des raisons fiscales, à verser aux œuvres et aux partis politiques, à payer leurs cotisations syndicales, à employer (et déclarer) du personnel pour les services à domicile, à effectuer des travaux d’économies d’énergie, à prendre soin des monuments historiques, etc… Et que faire des déductions pour pension alimentaire, des versements au PERP, des réductions d’impôt pour enfant scolarisé, des déductions pour frais de garde ?

Il faudra donc faire un inventaire minutieux de tous les types de revenus (pour éviter l’optimisation fiscale) et de toutes les dépenses fiscales (pour maintenir celles dont l’effet incitatif ne peut être suspendu en 2017). Ainsi, la déclaration récapitulative de 2018 devra obligatoirement intégrer les revenus de 2017 et 2018, avec un traitement différencié de chaque ligne, traitement qui devra être accepté par la Conseil constitutionnel.

Un projet saugrenu

Dans une note récente de Terra Nova, « Retenue à la source : le choc de simplification à l’épreuve du conservatisme administratif », Romain Perez et Marc Wolf s’appuient sur les progrès de l’informatisation et la prochaine mise en place de la Déclaration sociale nominative pour imaginer un logiciel centralisé à Bercy qui serait capable d’indiquer en temps réel à chaque entreprise, mois après mois, combien il doit prélever à chaque salarié pour aboutir en fin d’année au bon niveau d’IR.

Le  système imposerait un partage, plus ou moins arbitraire, des impôts entre les revenus salariaux et les revenus du capital de chaque conjoint. Le calcul automatique serait problématique en cas de variation des revenus d’un des conjoints. Madame C a un salaire fixe de 2 000 euros  par mois ; son mari reçoit un revenu mensuel de 5 000 euros en janvier et février. L’impôt que devra verser l’entreprise de Madame C dépend des revenus de Monsieur C, de leur caractère permanent ou temporaire. Qui va en décider ? Surtout, l’entreprise devrait prélever chaque mois un montant d’imposition variable à chacun de ses salariés, montant qu’elle serait incapable de justifier, montant qui dépendra des informations que le logiciel aura, ou non, intégré sur les différents revenus du ménage. Que se passera-t-il en cas de contestation ? Qui gèrera les conflits entre les conjoints : leurs employeurs, le fisc ? Par ailleurs, il faudra toujours une déclaration de régularisation en début de l’année n +1.  Il nous semble difficile de prétendre que le PAS est un « choc de simplification ».

D’autre part, les exemples du logiciel Louvois ou du dossier médical personnel montrent que ce genre de logiciel ne fonctionne pas. Les auteurs le disent clairement : leur solution s’appuie « sur la capacité prochaine d’un ordinateur central alimenté de mois en mois par toutes les données de revenus transmises à l’administration, d’anticiper au fil de l’eau ce que sera l’imposition future du foyer et sa déclinaison optimale entre les membres qui le composent ». Peut-on baser un prélèvement effectif sur une anticipation informatisée ? Quel ministre ferait confiance à une telle usine à gaz ?

Pour réduire le problème posé par l’année transitoire, les auteurs proposent un passage progressif en quatre ans, années durant lesquelless les deux systèmes cohabiteront, les ménages devant payer en l’année n une partie des impôts de l’année n-1 et les entreprises une partie des impôts de l’année n, partie qui monterait en puissance. Durant cette période, les entreprises devraient modifier chaque année leur logiciel de paie. Le patronat s’étranglerait, à juste titre, devant une telle complication. Le projet est d’ailleurs si complexe, prévoyant un traitement spécifique des avantages familiaux, traitement variant au cours des quatre années, qu’il serait sans aucun doute censuré par la Cour constitutionnelle.

Une alternative

Contrairement à ce que peuvent laisser croire des analyses sommaires, il n’existe pas de solution parfaite. L’impôt devant porter sur l’ensemble des revenus du ménage, être progressif et familial, il ne peut s’ajuster immédiatement aux revenus mensuels des conjoints ; il peut difficilement être payé par chaque employeur et chaque banque.

Une solution intermédiaire serait de maintenir le principe de la responsabilité de chaque contribuable sur le paiement de ses impôts tout en passant au prélèvement contemporain au revenu. L’impôt serait obligatoirement mensualisé. L’impôt payé pour l’année n correspondrait bien au revenu de l’année n. La question de l’année transitoire donc reste entière. Chacun devrait payer, chaque mois, un douzième de l’impôt de l’année n-1 ou un douzième de l’impôt prévisible pour l’année n, qu’il pourrait calculer sur le site « impôts.gouv.fr » du ministère des Finances en évaluant ses revenus de l’année. Chaque contribuable pourrait gérer son dossier sur le site, en y inscrivant les opérations donnant droit à abattement de revenu, crédit ou réduction d’impôt. Ceci suppose cependant que chaque contribuable ait un accès Internet au site et que des agents des impôts consacrent leur temps à la tenue des comptes des personnes qui n’ont pas la maîtrise d’Internet. Au début de l’année n+1, un bilan des sommes versées et des sommes dues serait fait automatiquement.

Quelle que soit la réforme envisagée, le gain sera faible pour la grande masse des contribuables. La réforme du mode de collecte ne rendra le système fiscal ni plus ni moins redistributif.. Une déclaration annuelle récapitulative sera toujours nécessaire. Le risque est qu’une partie de la tâche du fisc passe à la charge des entreprises. Le risque est que l’année transitoire donne lieu à des tentatives d’optimisation fiscale. Les avancées récentes (généralisation du prélèvement mensuel, déclaration des revenus pré-remplie) font que le passage au PAS apporte peu d’avantages. Dans une France toujours en dépression, toujours en chômage de masse, avec un secteur industriel en difficulté, il est permis de penser que cette réforme nécessitera beaucoup d’énergie pour un piètre résultat.

 

 

 

 


[1] Voir dans la période récente les rapports du Conseil des prélèvements obligatoires:  Prélèvements à la source et impôt sur le revenu (février 2012), Impôt sur le revenu, CSG quelles réformes ? (février 2015) et le rapport de François Auvigne et Dominique Lefebvre : Rapport sur la fiscalité des ménages, avril 2014.

[2] C’est, par exemple, le cas en Allemagne.




Pourquoi lire Piketty ?

par Jean-Luc Gaffard

L’ouvrage de Thomas Piketty, « Le Capital au XXIe siècle », a reçu un extraordinaire accueil à la mesure du travail empirique effectué, mais aussi du problème politique abordé, celui de l’accroissement spectaculaire des inégalités aux Etats-Unis. Paul Krugman et Joseph Stiglitz notamment, tous deux inquiets des tendances observées dans la société américaine, et pour qui elles sont une menace pour la démocratie, voient dans les travaux de Piketty la confirmation de leurs craintes.

Fort de l’impressionnante masse des données accumulées et d’une solide connaissance historique que renforce la lecture de grands romans de la littérature française et anglaise, Piketty prédit l’avènement d’une seconde Belle Epoque, en fait le retour à un capitalisme patrimonial basé sur l’héritage, quand revenu et capital se concentrent entre les mains du centile supérieur de la population, quand le ratio du capital au revenu augmente significativement. Plus fondamentalement, il entend souligner l’existence d’une tendance séculaire à la stagnation et au creusement des inégalités, inscrite dans l’observation d’un taux de rendement du capital durablement supérieur au taux de croissance de l’économie, un peu à la façon dont Marx insistait sur l’existence d’une baisse tendancielle du taux de profit. Le XXe siècle, et plus particulièrement la période qui suit la Deuxième Guerre mondiale, caractérisée par une forte croissance associée à la réduction des inégalités et un poids moindre du capital par rapport au revenu, n’auraient alors été qu’une parenthèse maintenant refermée. La thèse défendue est que la société capitaliste aurait renoué avec une croissance faible et des inégalités croissantes nourries par la transmission des patrimoines plus que par la rémunération des talents individuels.

L’ouvrage, toutefois, est ambivalent. Un fossé existe entre la grande richesse des données rassemblées et la simplicité revendiquée de la théorie censée en rendre compte. D’un côté, un modèle trop simple, fondamentalement a-institutionnel, retient un taux de croissance définitivement exogène et ignore l’hétérogénéité du capital, faisant de la répartition une donnée technique sans influence en retour sur la croissance elle-même. D’un autre côté, la richesse des données et les intuitions qui y sont associées incitent à réfléchir sur les tenants et aboutissants de la répartition des revenus et des patrimoines pour lui redonner une place centrale dans la théorie économique et lui restituer sa dimension sociale.

En fait, il est une conviction qui parcourt le livre : le taux de croissance, quelque puissent être les politiques économiques mises en œuvre, redeviendrait faible parce que le rattrapage ne serait plus de mise et parce que le potentiel de gains de productivité serait largement épuisé. L’héritage deviendrait, alors, d’autant plus prégnant dans la distribution des richesses qu’il alimenterait le creusement des inégalités. Ce pessimisme fondamental justifie la simplicité revendiquée de l’explication théorique. S’il fallait le partager, il faudrait, toutefois, mieux l’étayer en s’interrogeant sur les causes et les effets de la formation des rentes et en rompant avec une analyse néo-classique de la croissance décidément sans véritable pertinence au regard du sujet traité. L’évolution de la répartition des revenus et des richesses n’a rien de naturel, mais répond à des choix politiques et à des normes sociales. La question est, alors, de savoir si les choix et les normes des années de l’âge d’or ont encore un sens, en fait si le politique peut encore contrebalancer les forces de ce qu’il faut bien appeler le déclin et qui menaceraient les sociétés capitalistes modernes.

Ainsi le défi est-il implicitement lancé qui naît de par la lecture de Piketty. Il est d’élaborer une analyse qui, suivant une intuition que l’on doit aux économistes classiques, reposerait sur l’idée que l’augmentation du poids de la rente distinguée du profit, alimenterait la hausse des achats d’actifs improductifs ou de biens de luxe au détriment de l’accumulation de capital, et constituerait le véritable obstacle à la croissance.

Ces différents éléments sont développés dans la Note de l’OFCE, n°40 du 2 juin 2014, « Le capital au XXIe siècle : un défi pour l’analyse’ », qui fait suite au document de travail de Guillaume Allègre et Xavier Timbeau publié précédemment (voir le billet du blog ici).




Quand la jeunesse brésilienne rêve d’autre chose que de foot…

par Christine Rifflart

La hausse du prix des transports publics n’a pas été appliquée plus de deux semaines mais elle a allumé le feu de la révolte et amorcé un nouveau virage dans ce qu’il est convenu d’appeler le « modèle de développement brésilien ». Aspirant à des services publics de qualité (éducation, santé, transports, …), la nouvelle classe moyenne qui s’est formée au cours de la dernière décennie revendique ses droits et rappelle au gouvernement que les sommes englouties pour l’accueil des grands événements sportifs (Coupe du Monde de 2014, Jeux Olympiques de 2016) ne doivent pas être dépensées au détriment des autres priorités, surtout quand la croissance n’est plus au rendez-vous et que la contrainte budgétaire appelle à réaliser des économies.

Depuis 10 ans, la croissance brésilienne s’est accélérée : elle est passée de 2,5 % en moyenne par an dans les décennies 1980 et 1990 à presque 4 % entre 2001 et 2011. Mais surtout, elle a, pour la première fois, bénéficié à une population traditionnellement exclue de ses bienfaits. Jusqu’alors, la faible progression du revenu par tête allait de pair avec le renforcement des inégalités (supérieur à 0,6 sur la période, le Coefficient de Gini est l’un des plus élevés au monde) et la hausse du taux de pauvreté – qui a dépassé 40 % pendant les années 1980. Avec la fin de l’hyperinflation vaincue par le « Plan Real » de 1994, la croissance a repris mais est restée fragile du fait de la succession de chocs externes qui sont venus frapper le pays (conséquences de la crise asiatique de 1997 et de la crise argentine de 2001).

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L’arrivée de Lula à la présidence le 1er janvier 2003 a marqué un véritable tournant dans cette dynamique de croissance (graphique 1). Poursuivant à la fois l’orthodoxie libérale en matière de gestion macro-économique et de stabilisation financière de son prédécesseur F. H. Cardoso (à la différence de l’Argentine par exemple), le nouveau gouvernement a mis à profit la reprise de la croissance pour mieux répartir les richesses du pays et tenter d’éradiquer la pauvreté. Selon les enquêtes réalisées auprès des ménages, le revenu réel par ménage a progressé en monnaie nationale de 2,7 % par an entre 2001 et 2009 et le taux de pauvreté a reculé de près de 15 points, pour atteindre 21,4 % de la population en fin de période. De plus, le revenu réel des huit premiers déciles, en particulier celui des 20 % de la population la plus pauvre, a augmenté beaucoup plus vite que le revenu moyen (graphique 2). Au final, 29 millions de Brésiliens ont rejoint les rangs de la nouvelle classe moyenne qui compte désormais 94,9 millions d’individus (soit 50,5 % de la population) tandis que la classe à revenu supérieur a accueilli 6,6 millions de Brésiliens supplémentaires (et représente désormais 10,6 % de la population). A l’inverse, la population pauvre a baissé de 23 millions, et représente 73,2 millions d’individus en 2009. En termes de revenu, cette nouvelle classe moyenne accapare désormais 46,2 % des revenus distribués, soit plus que la catégorie la plus riche qui a vu sa part diminuer à 44,1 %[1].

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Cette nouvelle configuration de la société brésilienne modifie les modes de consommation et les aspirations, notamment en termes d’éducation, d’accès aux soins, d’infrastructures, … Mais si la consommation des ménages s’est accélérée depuis 10 ans (notamment en biens durables) et a stimulé l’investissement privé, ce vent de démocratisation pose un sérieux défi pour le gouvernement. Car si la hausse du tarif des transports publics a pu être rapidement annulée, l’offre de nouvelles infrastructures et l’amélioration de la qualité des services publics dans un pays grand comme 15 fois la France ne se fait pas en un jour. En 2012, sur 144 pays enquêtés, le World Economic Forum (pp 116-117) situait le Brésil à la 107e place pour la qualité de ses infrastructures et à la 116e place pour la qualité de son système éducatif. Les autorités doivent donc adroitement rebondir sur cette demande légitime de la population, notamment de la jeunesse[2].

Le pays dispose d’atouts importants pour y faire face et stimuler les investissements : un cadre politique et macroéconomique stable, des finances publiques saines, un endettement extérieur inférieur à 15 % du PIB, des réserves de changes abondantes, la confiance des marchés financiers ainsi que des investisseurs directs étrangers, et bien sûr des richesses naturelles variées et abondantes, tant agricoles (soja, café, …) que minières (minerai de fer, houille, zinc , bauxite, …) et énergétiques (hydroélectricité, pétrole).

Mais les difficultés à relever restent nombreuses. Actuellement, la croissance fait défaut alors même qu’elle bute sur les capacités de production. En 2012, elle n’a été que de 0,9 % (insuffisante pour accroître le revenu par tête) et, même si l’investissement repart, les prévisions pour 2013 sont régulièrement révisées à la baisse, autour de 3 %. Simultanément, l’inflation accélère, alimentée par de fortes tensions sur le marché du travail (à 5,5 %, le taux de chômage est très bas) et une productivité qui stagne depuis 2008. A 6,5 % en mai, l’inflation est sur le haut de la fourchette autorisée par les autorités monétaires. Pour respecter sa cible de 4,5 %, plus ou moins 2 points de moins, la banque centrale a remonté en avril dernier son taux directeur de 7,25 % à 8 %. La politique monétaire reste malgré tout très accommodante – l’écart du taux directeur avec le taux d’inflation n’a jamais été aussi bas – et la modération de la croissance devrait avoir raison des tensions inflationnistes. Par ailleurs, ce relatif soutien de la politique monétaire à l’économie est contrebalancé par une politique de consolidation budgétaire qui se poursuit. Après un excédent primaire de 2,4 % du PIB en 2012, l’objectif est de le maintenir à 2,3 % cette année. La dette nette du secteur public continue de baisser. De 60 % il y a dix ans, elle est passée à 43 % en 2008 et atteignait 35 % en avril dernier.

Cette quasi-stagnation de la croissance tient notamment à un grave problème de compétitivité qui ampute le potentiel de croissance du pays. Dans un contexte de conjoncture internationale morose, la hausse des coûts de production et une monnaie qui apparaît surévaluée se traduisent par une chute des performances à l’exportation, une frilosité de l’investissement et un recours accru aux importations. Le solde courant s’est dégradé de 1 point de PIB en un an pour atteindre 3 % en avril dernier.

Pour résorber ce problème d’offre, la banque centrale du Brésil intervient de plus en plus pour contrer les effets néfastes des entrées de capitaux – attirés par les taux d’intérêt élevés – sur le taux de change tandis que le gouvernement cherche à doper l’investissement. Inférieur à 20 % du PIB depuis plus de 20 ans et plutôt proche de 15 % entre 1996 et 2006, celui-ci est structurellement insuffisant pour entraîner l’économie sur une trajectoire de croissance vertueuse. Pour mémoire, le taux d’investissement a été au cours des 5 dernières années de 44 % en Chine, de 38 % en Inde et de 24 % en Russie. Pour amener le taux d’investissement autour d’une cible de 23-25 %, le gouvernement a mis en place en 2007 un Programme d’accélération de la croissance (PAC) basé sur la réalisation de grandes infrastructures. En 4 ans, les investissements publics sont passés de 1,6 % du PIB à 3,3 %. En 2011 a été lancée la deuxième phase du PAC qui prévoit d’y consacrer un budget d’1 % du PIB par an pendant 4 ans. A cela s’ajoutent d’autres programmes d’investissement dont les retombées, décevantes en 2012, devraient néanmoins aider à résoudre une partie des problèmes. Mais les efforts restent insuffisants. Selon une étude de Morgan Stanley de 2010[3], le Brésil aurait besoin d’investir dans les infrastructures 6 à 8 % du PIB chaque année pendant 20 ans pour rattraper le niveau des infrastructures de la Corée du Sud, et 4 % pour rattraper celui du Chili, référence en la matière en Amérique du Sud !

En améliorant l’offre productive et en stimulant la demande par la hausse de l’investissement public, l’objectif des autorités est donc bien de rattraper une partie du retard accumulé par le passé. Mais est-il possible de mener à bien des projets d’investissements de grande ampleur tout en poursuivant une politique de désendettement quand la dette publique nette est proche de 35 % du PIB ? Les autorités doivent accélérer le jeu des réformes pour mobiliser les investisseurs privés, notamment en favorisant le développement d’une épargne nationale de long terme (réforme des retraites, …) et, ce qui va de pair, en stimulant l’intermédiation financière. Le volume de crédits accordés par le secteur financier au secteur non financier ne représentait que 54,7 % du PIB en mai dernier. Un peu moins de la moitié sont des crédits fléchés (crédit rural, Banque nationale de développement, …) et à des taux d’intérêt largement subventionnés (0,5 % en terme réel contre 12 % pour les crédits non aidés aux entreprises, et 0,2 % contre 27,7 % respectivement pour les particuliers). Mais l’Etat doit également réformer une administration publique lourde et corrompue.

Le Brésil est un pays émergent depuis plus de quatre décennies. Avec un revenu de 11 500 dollars PPA par habitant, il est temps que ce grand pays passe à l’âge adulte en proposant les standards de qualité des services publics des pays développés et en recentrant son nouveau modèle de développement sur cette nouvelle classe moyenne dont les besoins restent à couvrir.


[1]Voir  The Agenda of the New Middle Class | Portal FGV sur le site de la Fondation Gétulio Vargas.

[2]http://www.oecd.org/eco/outlook/48930900.pdf

[3]Voir l’étude de Morgan Stanley Paving the way, 2010.

 




Remplacer la PPE par un allègement de cotisations sociales salariales sur les bas salaires

Guillaume Allègre

Nicolas Sarkozy a annoncé vouloir remplacer la Prime pour l’emploi (PPE) par un allègement de cotisations sociales salariales sur les salaires compris entre 1 et 1,3 Smic. L’allègement de cotisations pèserait 4 milliards d’euros et bénéficierait à 7 millions de travailleurs modestes. Le gain annoncé (un peu moins de 1 000 euros par an) serait nécessairement dégressif. La suppression de la PPE (2,8 milliards d’euros selon le Projet de loi de finances 2012, p. 76) serait complétée par une hausse des prélèvements sur les revenus financiers.

Cette proposition ressemble fort à la proposition initiale du gouvernement Jospin en 2000 prévoyant un abattement sur la Cotisation sociale généralisée (CSG) des revenus du travail en dessous de 1,4 Smic. Cette réforme, adoptée par le Parlement, avait été censurée par le Conseil constitutionnel car la baisse de la CSG accordée aux revenus modestes ne dépendait que des salaires individuels et non pas de la situation familiale. La CSG étant assimilé à un impôt, le Conseil avait jugé que sa progressivité devait tenir compte de la faculté contributive du contribuable et donc de ses charges familiales. Afin de répondre à cette censure, le gouvernement Jospin a créé un nouvel instrument, la Prime pour l’emploi, ayant les mêmes propriétés que l’abattement de CSG, mais dont le calcul dépend, en très faible partie, de la situation familiale (plafond de ressources élevé au niveau du foyer, et majoration résiduelle pour enfant). Mais contrairement à un abattement de CSG, l’effet de la PPE n’apparaît pas sur la fiche de paie : la prime est calculée à partir des déclarations d’impôt sur le revenu et réduit l’impôt dû par les foyers ; les foyers ne payant pas d’impôt reçoivent un chèque du Trésor. Par conséquent, la Prime pour l’emploi est perçue avec un décalage d’un an. La Prime pour l’emploi, votée sous le gouvernement Jospin, a été augmentée sous les gouvernements Raffarin et Villepin. En 2008, son poids était de 4,5 milliards d’euros (PLF 2010, p. 53). Un salarié à temps plein au Smic touchait alors 1 040 euros par an. Elle a ensuite été gelée par le gouvernement Fillon et son poids est passé de 4,4 à 2,8 milliards d’euros entre 2008 et 2012, soit une baisse d’1,7 milliards d’euros sous l’effet à la fois du gel et de la déductibilité du RSA-activité des primes versées de PPE. En 2012, un salarié à temps plein au Smic ne touche plus que 825 euros annuels. De plus, l’absence de coup de pouce au Smic a fortement réduit le nombre de foyers éligibles au taux plein (ainsi que le nombre de salariés éligibles au taux plein des allègements de cotisations patronales). Cet effet s’ajoute à l’effet de la hausse du chômage qui réduit le nombre de salariés éligibles. Un dispositif de 4 milliards, dont le gain maximal serait d’un peu moins de 1 000 euros, pèserait un peu moins que la PPE en 2008. Si l’on rajoute le coût du RSA-activité (1,6 milliards en 2012) et que l’on tient compte du coût des dispositifs antérieurs d’intéressement au RMI et à l’API (600 millions), on conclut que ces divers dispositifs de soutien aux salariés modestes pèseraient 5,6 milliards en 2012 contre 5,1 milliards en 2008, soit une augmentation à peine supérieure à l’inflation : les nouvelles politiques proposées depuis 2008 sont essentiellement financées par redéploiement d’instruments bénéficiant aux mêmes publics.

Le remplacement de la Prime pour l’emploi par un allègement de cotisations serait une avancée en termes administratifs puisque les pouvoirs publics cesseraient de prélever une cotisation pour reverser un crédit d’impôt plus faible aux mêmes personnes 6 à 12 mois plus tard. Le bénéfice de l’allègement de cotisations serait immédiat et fortement lié à l’emploi. Le fait que les salariés modestes sont des contributeurs et non des bénéficiaires de l’aide sociale serait clarifié. Les propositions de fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu (dont la PPE est un élément) poursuivent exactement le même objectif. Cette réforme pose tout de même plusieurs questions. Comment réagirait le Conseil constitutionnel s’il était saisi ? Les salariés travaillant à temps partiel bénéficient aujourd’hui d’une majoration de Prime pour l’emploi ; serait-elle reconduite ?