La reconstruction japonaise contrainte par la situation dégradée des finances publiques

par Bruno Ducoudré

A la suite du tremblement de terre qui a frappé le Japon en mars 2011, le gouvernement a évalué le coût du sinistre à 16,9 trillions de yens (3,6 points de PIB). Ce choc exogène nécessite en réponse un déficit structurel qui entre en contradiction avec la volonté du gouvernement de mettre en œuvre une politique d’austérité budgétaire afin de réduire ce déficit. Ces besoins de financement additionnels arrivent donc au plus mauvais moment, en pleine crise économique, débutée en 2008, qui s’est accompagnée d’une forte dégradation de la situation des finances publiques rendue nécessaire pour soutenir l’activité.

Sur le front de la croissance, l’année 2011 fut difficile pour le Japon, après un rebond de 4,4% du PIB en 2010 suivant une chute du PIB de 5,5% en 2009. Alors que l’économie avait retrouvé le chemin de la croissance au 3e trimestre 2011 (+1,9% de croissance du PIB en variation trimestrielle) après deux trimestres de baisse du PIB, en fin d’année les inondations en Thaïlande ont à nouveau rompu les chaînes d’approvisionnement des entreprises japonaises, et l’économie a vacillé (croissance nulle au 4e trimestre et -0,7% de croissance pour l’année 2011). En 2012 débute la période de reconstruction.

Dès l’année fiscale 2011, quatre budgets additionnels ont été votés pour un montant total de 3,9 points de PIB afin principalement de faire face aux dépenses d’urgence (pour 1,3 point de PIB) et préparer la reconstruction (pour 2,3 points de PIB). Les services de l’Etat ont estimé le budget total de celle-ci à 23 trillions de yens (4,8 points de PIB). La reconstruction s’étalera sur les dix prochaines années, le principal de l’effort étant concentré sur la période 2012-2016. Le gouvernement a décidé d’allouer 0,8 point de PIB à la reconstruction pour l’année fiscale 2012, financé aux trois-quarts par l’endettement (tableau).

Contrairement à ce qui était attendu, les plans successifs votés en 2011 ne se sont pas rapidement traduits par une forte hausse de la dépense publique : la consommation publique a cru de 2,1% en 2011, soit autant qu’en 2010 et moins qu’en 2009, et l’investissement public s’est contracté de 3,1% en 2011. Les dépenses de reconstruction se sont pour partie substituées à d’autres dépenses. De plus une partie des budgets votés a aussi été mise de côté et commence donc tout juste à être dépensée. Les commandes publiques de travaux de construction ont augmenté de 20% au 4e trimestre 2011 en glissement annuel, et les travaux publics en cours ont fortement progressé en fin d’année. Ainsi, les dépenses additionnelles liées à la reconstruction qui sont déjà votées s’étaleront pour partie sur les prochains trimestres mais aussi au-delà de l’année fiscale 2012.

De fait, la situation budgétaire japonaise apparaît précaire. Ces dépenses nécessaires à la reconstruction des régions dévastées ont été décidées dans un contexte de forts niveaux de déficit et de dette publique liés à la crise. Le déficit budgétaire s’est en effet fortement dégradé depuis le début de la crise, passant de 2,2% du PIB en 2008 à 8,1% en 2010, tandis que la dette progressait de 31,2 points de PIB depuis 2007, pour atteindre 199% du PIB en 2010. En 2011, le déficit public s’est encore creusé, à 9,3% du PIB principalement sous l’effet de la hausse de la charge de la dette, de la hausse des dépenses de sécurité sociale et de la baisse du PIB en 2011. Le gouvernement a donc annoncé qu’une partie des plans serait financée par des restrictions dans d’autres postes de dépenses, des surplus de rentrées fiscales liés à l’amélioration de l’activité en 2010, et par des réserves accumulées sur les budgets passés (pour un quart des budgets dédiés à la reconstruction sur 2011-2012).

A court terme, le gouvernement a néanmoins choisi de privilégier la croissance à la consolidation budgétaire. Nous prévoyons ainsi une impulsion budgétaire de 0,4 point de PIB en 2012 et de 0,5 point de PIB en 2013, et l’économie japonaise devrait croître de 1,9% en 2012 et de 1,5% en 2013 en moyenne annuelle (voir « Japon : le temps de la reconstruction » dans notre dossier de prévision). Dans ces conditions, le déficit budgétaire serait stable à 9,2% du PIB en 2012, et se dégraderait à 9,8% du PIB en 2013.

En revanche, au-delà de 2013, l’incertitude sur les orientations de politique économique du gouvernement demeure. Dans sa stratégie fiscale de moyen terme, décidée en 2010, le gouvernement japonais avait pour objectif de diviser par deux le déficit primaire des administrations centrale et locales à l’horizon 2015 par rapport à celui atteint en 2010 (6,4% du PIB), et d’atteindre l’équilibre à l’horizon 2020. D’après nos calculs, équilibrer le solde structurel primaire impliquerait la mise en œuvre d’une politique de consolidation budgétaire importante, de l’ordre de 1,1 point de PIB par an d’impulsion budgétaire négative à partir de 2014, à un rythme néanmoins plus lent que les politiques de consolidation prévues en zone euro en 2012-2013 (voir « Qui sème la restriction récolte la récession » dans notre dossier de prévision) A cette fin, une hausse de 5 points de la taxe à la consommation doit être débattue lors de la session courante de la Diète, le parlement japonais, session qui s’achèvera en juin. Cette hausse interviendrait en deux temps et rapporterait 2,5 points de PIB de rentrées fiscales. D’après les dernières projections à moyen terme du gouvernement japonais, elle ne suffirait pas à respecter ces objectifs (graphique 1). De plus, les moyens d’atteindre l’équilibre d’ici 2020 n’ont pas été précisés et le gouvernement n’a pas indiqué de quelle façon serait remboursée la dette contractée pour financer la reconstruction. Enfin, étant donné la progression continue de la dette publique, la charge d’intérêt, faible actuellement (1,8 point de PIB en 2011), pèsera à l’avenir de plus en plus sur les finances de l’Etat. Cela accroîtra les difficultés du gouvernement à mettre en œuvre tout ajustement budgétaire ayant pour objectif de stabiliser le ratio de dette publique rapporté au PIB à l’horizon 2020 et de le faire décroître par la suite.

Cependant, une consolidation budgétaire brutale n’apparaît pas nécessaire, le Japon empruntant à des taux d’intérêt bas (0,86% lors de la dernière émission d’obligations à 10 ans). Par ailleurs, la part de la dette détenue par les non-résidents reste faible – elle s’élevait à 6,7% au 4e trimestre 2011 – et l’épargne abondante des ménages japonais, ainsi que le programme d’achats de titres de la Banque centrale du Japon, limitent considérablement les risques d’une crise de dette souveraine telles que celles rencontrées en zone euro.

Ce texte fait référence à l’analyse de la conjoncture et la prévision à l’horizon 2011-2012, disponible sur le site de l’OFCE.




La réforme fiscale, maintenant ou jamais*

par Nicolas Delalande (Centre d’histoire de Sciences Po)

Si la question de l’impôt fut l’un des enjeux économiques majeurs de l’élection présidentielle, il faut rappeler qu’existe bien souvent un écart entre l’attention politique et médiatique reçue par un ensemble de promesses électorales (ce que les politistes appelleraient la « politics ») et leurs implications concrètes en termes de politiques publiques (les « policies »). Aussi peut-on se demander si la réforme fiscale aura bien lieu.

Depuis plus d’un an, les commentateurs et les acteurs politiques n’ont cessé d’affirmer que la question de l’impôt serait l’un des enjeux majeurs de l’élection présidentielle. Beaucoup y voyaient l’un des véritables sujets de clivage entre la majorité sortante, qui avait parié avec la loi TEPA d’août 2007 sur une stratégie de « choc fiscal » pour libérer la croissance (bouclier fiscal à 50 %, réduction des droits de succession, défiscalisation des heures supplémentaires, etc.), et l’opposition de gauche, prompte à dénoncer l’injustice et l’inefficacité de mesures qui ont affaibli la progressivité de l’impôt sans procurer les bienfaits économiques escomptés, tout en creusant les déficits publics. Les promesses de réforme, voire de « révolution » fiscale, ont figuré en bonne place dans les programmes politiques, en particulier à gauche. Pour autant, l’intensité des conflits et des débats en matière d’impôt ne garantit pas que l’élection de François Hollande soit suivie d’une authentique transformation des structures de la fiscalité française. Il peut très bien exister un écart entre l’attention politique et médiatique reçue par un ensemble de promesses électorales (ce que les politistes appelleraient la « politics ») et leurs implications concrètes en termes de politiques publiques (les « policies »). Bonnes à défendre lors des campagnes, les réformes fiscales seraient en revanche nettement moins populaires une fois venu le temps de leur application, le volontarisme politique devant alors faire face à des résistances multiples et parfois non anticipées.

Un peu partout en Europe, cependant, la nécessité a été affirmée de renforcer la fiscalité sur les plus riches, non pas tant pour résoudre le problème des déficits publics que pour restaurer un semblant de justice et d’effort partagé en ces temps de crise économique. Plusieurs pays se sont engagés dans cette voie (le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu est ainsi de 57 % en Suède, de 50 % en Grande-Bretagne, de 45 % en Allemagne), quoique certains entament déjà une marche arrière (le gouvernement conservateur de David Cameron a proposé de diminuer le taux marginal supérieur pour le ramener à 45 % en 2013). Même des milliardaires, à l’image de Warren Buffet aux États-Unis, ont appelé à relever les impôts des plus aisés pour mettre fin aux inégalités les plus criantes. La réforme ainsi comprise consiste en fait surtout à revenir sur les politiques des quinze ou vingt dernières années, en inversant la tendance à un effritement de la progressivité des prélèvements : il s’agit moins, à proprement parler, d’une réforme que d’une annulation des réformes antérieures. L’augmentation des recettes fiscales ne passe plus comme autrefois par la création de nouveaux instruments de prélèvement mais par la suppression des réductions d’impôt et des exonérations accordées depuis plusieurs années. D’où le débat, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe, sur la nature réelle des « hausses d’impôt » : les républicains accusent les démocrates d’augmenter la charge fiscale, quand ceux-ci prétendent seulement revenir sur des exonérations qu’ils jugent indues et inefficaces. La réforme n’est alors rien d’autre que le rétablissement d’un état ex ante. En France, les socialistes se sont par exemple engagés à annuler ce qu’il reste du paquet fiscal de 2007 (après la suppression du bouclier fiscal en 2011), à réduire de manière significative les niches fiscales et à établir une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu : le point de référence de ces propositions reste inscrit dans le système actuel, tel qu’il fonctionnait il y a seulement cinq à dix ans, à l’exception de la promesse, ajoutée en cours de campagne, de créer une tranche exceptionnelle à 75 % pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros.

Le chemin d’une réforme de structure plus ambitieuse, telle que la proposent par exemple Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez dans leur ouvrage, relève d’une tout autre dimension. Ouvrir la « boîte noire » de la machine à redistribuer implique en effet d’engager un débat beaucoup plus vaste sur les missions de l’impôt, son organisation administrative et ses liens avec les politiques sociales et familiales. C’est ici que les « coûts » politiques des réformes, à l’instar de l’éventuelle suppression – ou modulation – du quotient familial, peuvent se faire sentir le plus directement. Quoi qu’il en soit, le contexte actuel n’a jamais été aussi propice à l’ouverture de ces débats, compte tenu de l’érosion de la croyance selon laquelle la seule réforme bonne à mener serait celle de la diminution des prélèvements obligatoires. Les contraintes politiques, sociales et financières de cette nouvelle configuration s’annoncent certes complexes et exigeantes sur le plan démocratique, mais il ne fait guère de doute que le moment 2012 constitue une occasion unique d’engager des réformes ambitieuses, tant sont nombreuses les critiques contre les défaillances du système existant. Réformer l’impôt suppose de s’appuyer sur une coalition politique cohérente, de surmonter les diverses résistances sociales, institutionnelles et techniques susceptibles d’y faire obstacle, et de savoir tirer profit des circonstances favorables dans lesquelles s’érodent les idéologies et les croyances que l’on croyait solidement établies. D’un point de vue historique, il ne paraîtrait pas absurde que la crise économique actuelle, souvent comparée à celle des années 1930, appelle et nécessite une renégociation du pacte fiscal aussi vaste que celle expérimentée par les sociétés européennes et américaine dans le premier tiers du XXe siècle. Mais  le processus de réforme est forcément plus complexe qu’autrefois, dans la mesure où les systèmes de prélèvement et de redistribution, parvenus à un degré inédit de sophistication, reposent sur un empilement de dispositifs apparus à des dates différentes, dans des contextes politiques, économiques et sociaux singuliers,

* Ce texte est issu de l’article « L’économie politique des réformes fiscales : une analyse historique » publié dans le numéro spécial « Réforme fiscale » de la Revue de l’OFCE, disponible sur le site internet de l’OFCE.




Déflation sous-jacente

Christophe Blot, Marion Cochard, Bruno Ducoudré et Eric Heyer

A la lecture des dernières statistiques sur l’évolution des prix, au risque de la déflation semble avoir succédé celui d’une reprise de l’inflation dans les grands pays développés. Devons-nous réellement craindre le retour de l’inflation ou ces économies sont-elles encore structurellement désinflationnistes ?

Observons tout d’abord que la nature et l’ampleur de la crise économique que nous vivons depuis 2008 rappellent celles qui furent à l’origine de périodes déflationnistes (crise de 1929, crise japonaise des années 1990, …). L’enchaînement récessif enclenché en 2008 a suivi le même chemin ; le choc d’activité a conduit à un ralentissement de l’inflation – et parfois à des baisses de prix ou de salaires – dans la plupart des pays développés. Cependant, la baisse des prix n’est pas forcément synonyme de déflation. Celle-ci doit s’inscrire dans la durée et surtout, elle doit se nourrir de l’ancrage des anticipations et d’un cercle vicieux de déflation par la dette. Le scénario déflationniste ne s’est cependant pas matérialisé. Les gouvernements et les banques centrales ne sont en effet pas restés passifs et ont, dès la fin de l’année 2008, pris des mesures de politiques budgétaire et monétaire afin de stabiliser l’activité et de limiter la hausse du chômage. De plus, indépendamment de la réaction de politique économique, l’évolution des prix a été fortement influencée par celle du prix des matières premières. Dans un premier temps, l’effondrement du pétrole au deuxième semestre 2008 aurait pu accélérer le processus déflationniste, mais la hausse observée depuis 2009 est venue alimenter la hausse des prix éloignant le risque déflationniste. Par ailleurs, les entreprises ont partiellement amorti l’impact de la crise en consentant des baisses des taux de marges, ce qui a permis d’atténuer la hausse du chômage, facteur essentiel pouvant mener à la déflation.

Partant d’une modélisation de la boucle prix-salaire, nous nous proposons dans une étude de l’OFCE parue dans la collection Prévisions de la Revue de l’OFCE d’évaluer la contribution de la dynamique du prix du pétrole et le rôle de l’ajustement du marché du travail à l’évolution de l’inflation. Nous montrons que si le prix du pétrole avait poursuivi sa tendance haussière après le pic de l’été 2008 et si l’ajustement sur le marché du travail avait été, dans tous les pays, identique à celui des Etats-Unis, alors le glissement annuel de l’inflation au deuxième trimestre 2011 aurait été plus faible de 0,7 point en France à 3,4 points au Royaume-Uni (tableau 1), confirmant que ces économies sont encore structurellement désinflationniste.

Malgré les nombreuses mesures d’assouplissement quantitatif qu’elles ont mis en œuvre, les banques centrales ne doivent pas craindre le retour de l’inflation. Le contexte macroéconomique reste marqué par le risque déflationniste et donc par la nécessité de mener une politique monétaire accommodante.





Moins d’austérité = plus de croissance et moins de chômage

Eric Heyer et Xavier Timbeau

La Commission européenne vient de publier ses prévisions de printemps et anticipe une récession (légère selon les mots de la Commission, -0,3% tout de même) en 2012 pour la zone euro, rejoignant ainsi l’analyse de la conjoncture de l’OFCE de mars 2012. L’austérité budgétaire brutale engagée en 2010, accentuée en 2011 et encore durcie en 2012 dans pratiquement tous les pays de la zone euro (à l’exception notable de l’Allemagne, tableau 1 et 1 bis) pèse lourdement sur l’activité en zone euro. En 2012, l’impulsion négative en zone euro, combinaison de hausses d’impôt ou de réduction du poids des dépenses dans le PIB, dépasse 1,5 point de PIB. Dans une situation budgétaire dégradée (de nombreux pays de la zone euro ont un déficit supérieur à 4 % en 2011) et afin de pouvoir continuer à emprunter à un coût raisonnable, la stratégie d’une réduction à marche forcée des déficits s’est imposée.

 

 

 

Cette stratégie s’est appuyée sur des annonces de retour au seuil de 3% pour l’année 2013 ou 2014 puis d’un déficit public nul dès 2016 ou 2017 pour une majorité de pays. Cependant, les objectifs sont apparemment trop ambitieux puisqu’aucun pays ne tiendrait ses objectifs pour l’année 2013. La raison en est que le ralentissement de l’activité compromet les rentrées de recettes fiscales nécessaires pour le rétablissement budgétaire. Une prise en compte trop optimiste des effets de la restriction budgétaire sur l’activité (ce que l’on appelle le multiplicateur budgétaire) conduit à se fixer des objectifs irréalistes et à constater que les prévisions de croissance du PIB doivent in fine être systématiquement revues à la baisse. La Commission européenne revoit ainsi ses prévisions de printemps de 0,7 point en baisse pour la zone euro en 2012 par rapport aux prévisions de l’automne 2011. Il existe pourtant aujourd’hui un consensus large sur le fait que les multiplicateurs budgétaires à court terme sont élevés et ce d’autant plus que le plein emploi est encore hors d’atteinte (là encore, de nombreux auteurs rejoignent des analyses faites à l’OFCE). En sous-estimant la difficulté à  atteindre des cibles inaccessibles, les pays de la zone euro se sont enfermés dans une spirale où la nervosité des marchés financiers est le moteur d’une austérité toujours plus grande.

Le chômage augmente encore en zone euro alors même qu’il n’a pratiquement pas cessé d’augmenter depuis 2009. La dégradation cumulée de l’activité économique compromet aujourd’hui la légitimité du projet européen et le remède de cheval menace la zone euro de dislocation.

Que se passerait-il si la zone euro changeait de cap dès 2012 ?

Supposons que les impulsions budgétaires négatives soient de -0,5 point de PIB au lieu des -1,8 point prévu au total dans  la zone euro). Cet effort budgétaire moindre pourrait être répété jusqu’à ce que le déficit public ou la dette publique atteigne un objectif à définir. Par rapport aux plans actuels, parce que l’effort est plus mesuré, le fardeau de l’ajustement pèserait de façon plus juste sur les contribuables de chaque pays, évitant l’écueil des coupes sombres dans les budgets publics.

Le tableau 2 résume le résultat de cette simulation. Moins d’austérité conduit à plus de croissance dans tous les pays (tableau 2 bis) et ce d’autant plus que la restriction budgétaire annoncée pour 2012 est forte. Notre simulation tient compte également des effets de l’activité d’un pays sur les autres pays via le commerce extérieur. Ainsi, l’Allemagne, qui ne change pas son impulsion budgétaire dans notre scénario, voit sa croissance supérieure de 0,8 point en 2012.


Dans le scénario « moins d’austérité », le chômage baisserait au lieu de continuer à augmenter. Dans tous les pays, sauf la Grèce, le déficit public serait réduit en 2012 par rapport à 2011. Certes, cette  réduction serait moindre que dans le scénario initial dans quelques pays, notamment ceux qui ont annoncé des impulsions négatives très fortes (l’Espagne, l’Italie, l’Irlande, le Portugal et … la Grèce) et qui sont ceux qui subissent le plus la défiance des marchés financiers. A l’inverse dans certains pays, comme en Allemagne ou aux Pays-Bas, le déficit public se réduirait plus que dans le scénario initial, l’effet indirect positif d’une croissance plus forte l’emportant sur l’effet direct d’une moindre rigueur budgétaire. Pour la zone euro dans son ensemble, le déficit public serait de 3,1 points de PIB contre 2,9 points dans le scénario initial. Une différence faible en regard d’une dynamique de croissance plus favorable (2,1 %) et d’une baisse du chômage (-1,2 point, tableau 2) au lieu d’une hausse dans le scénario initial.

La clef du scénario « moins d’austérité » est de permettre aux pays les plus en difficulté, et donc les plus contraints à une rigueur qui précipite leurs économies dans une spirale redoutable, d’adopter une réduction plus lente de leurs déficits. La zone euro est coupée en deux camps. D’un côté, il y a ceux qui réclament une austérité forte et brutale pour rendre crédible la soutenabilité des finances publiques et qui ont sous estimé ou ignoré délibérément les conséquences pour la croissance ; de l’autre, ceux qui, comme nous, recommandent moins d’austérité pour préserver plus de croissance et un retour au plein emploi. Les premiers ont failli : la soutenabilité des finances publiques n’est pas assurée et la récession et le défaut d’un ou plusieurs pays guettent. La seconde stratégie est la seule voie de retour à la stabilité sociale, économique mais aussi budgétaire puisqu’elle concourt à la soutenabilité des finances publiques par un meilleur équilibre entre restriction budgétaire et croissance et emploi, comme nous l’avons proposé dans une lettre au nouveau président de la République française.

 





Lettre au Président de la République française, François Hollande

par Jérôme Creel, Xavier Timbeau et Philippe Weil

Le 15 mai 2012, nous adressions une lettre au Président de la République française pour faire part de nos craintes sur la poursuite de politiques de restriction budgétaire entamant le potentiel de croissance de l’Union européenne. Nous proposions un Pacte budgétaire intelligent, un Smart Fiscal Compact. La lettre initiale a été préparée en anglais, car elle s’inscrit dans le cadre d’un débat résolument européen. En voici la traduction française.

Monsieur le Président,

La France et l’Union européenne sont à un tournant économique critique. Le chômage est élevé, la perte d’activité  induite par la crise financière depuis 2008 n’est pas résorbée et vous avez promis, dans ce contexte dégradé, d’éradiquer les déficits publics français d’ici 2017.

Votre prédécesseur s’était engagé à atteindre le même objectif, quoiqu’un peu plus tôt, en 2016 et votre campagne a été marquée par la priorité que vous avez donnée à faire participer les plus riches à l’effort fiscal. Cette différence est importante et elle a probablement pesé dans le résultat final mais, d’un point de vue macroéconomique, elle reste secondaire tant que le long terme de l’économie européenne et française ne dépend pas de son court terme.

Selon la macroéconomie standard qui a longtemps constitué le cadre de la politique économique, les multiplicateurs budgétaires sont positifs dans le court terme mais nuls dans le long terme, long terme déterminé par la productivité et l’innovation. Dans ce cadre, réduire les déficits à un rythme moins soutenu allège un peu le fardeau dans l’immédiat mais ne change rien à long terme. Au bout du compte, l’austérité est la seule solution pour réduire durablement le ratio dette sur PIB et elle est douloureuse – très douloureuse même. Notons en effet que :
•    La fable selon laquelle les multiplicateurs à court terme pourraient être négatifs a définitivement été éventée. Une restriction budgétaire a un impact négatif sur l’activité, sauf dans le cas très particulier d’une petite économie ouverte qui, en régime de changes flexibles mène une politique monétaire accommodante, ce qui est loin de pouvoir s’appliquer à la France d’aujourd’hui. Parce que la France de 2012 n’est pas la Suède de 1992, la perspective d’un meilleur état futur des finances publiques n’est pas à même de compenser les effets récessifs directs et immédiats d’une restriction fiscale.
•    Si, comme le dit le FMI, la crise financière a durablement réduit l’activité économique, alors le déficit public que connaît la France est structurel – pas conjoncturel. Dans ce cas de figure, la seule solution est une restriction budgétaire pour assurer la soutenabilité à long terme.
•    Par ailleurs, il existe désormais un consensus sur le fait que les multiplicateurs budgétaires de court terme sont élevés en bas de cycle et plus faible en haut de cycle. Ainsi, laisser croître la dette en période faste et chercher à réduire les déficits en période de ralentissement est très coûteux.

Cette analyse est cependant périmée car il semble de plus en plus évident que la crise financière a profondément changé le contexte macroéconomique. Les multiplicateurs budgétaires y sont toujours positifs à court terme mais ne sont pas nuls à long terme à cause de deux effets contradictoires :
•    Le premier est le cauchemar des dirigeants français et européens, alimenté par le travail historique de Carmen Reinhart et de Kenneth Rogoff et illustré par les difficultés que l’Italie, l’Espagne ou la Grèce ont rencontrées lorsqu’il a fallu refinancer leur dette publique. Dans ce cauchemar, le pire se produirait après que le rapport de la dette au PIB aurait franchi un seuil  se situant autour de 90%. Passé ce seuil, les investisseurs réaliseraient brutalement qu’il n’y a plus de moyen facile de ramener la dette à un niveau contrôlable sans inflation ou sans répudiation. Ils exigeraient alors des taux plus élevés pour couvrir ce risque, impliquant une dégradation des comptes publics et alimentant l’effet “boule de neige” sur la dette. La restriction budgétaire qui  serait alors imposée par la dégradation des conditions de financement achèverait de creuser la récession – validant ainsi les doutes des investisseurs sur la soutenabilité des finances publiques. Le franchissement du seuil déclencherait une spirale irréversible. Pour l’éviter, il faudrait s’infliger immédiatement une restriction budgétaire conséquente pour en éviter une future encore plus considérable. Dans ce schéma, notre salut (économique) passerait par un changement radical et immédiat de cap pour échapper à la tempête qui s’annonce.
•    Mais il existe un danger symétrique : dans un contexte de finances publiques dégradées non pas par le laxisme budgétaire (ce qui exclut la Grèce) mais par la crise financière de 2008, une restriction budgétaire maintenant peut provoquer un effondrement social, politique ou économique ou détruire durablement la capacité productive. La restriction budgétaire ne serait donc pas simplement récessive à court terme mais également à long terme. L’expansion budgétaire serait alors une condition nécessaire pour la prospérité à long terme et la soutenabilité des finances publiques. Dans ce schéma, notre salut exigerait que nous gardions le cap dans la tempête.

Monsieur le Président, la pertinence de votre stratégie visant à « équilibrer les comptes publics en 2017 » dépend celui de ces deux écueils que vous considérerez comme le plus menaçant ou inéluctable. Devez-vous craindre que la négligence budgétaire finisse toujours par se payer au prix fort ou devez-vous redouter par-dessus tout qu’une rigueur brutale compromette le futur de notre économie et n’alimente frustrations et désespoirs ?

Pour répondre à ces questions redoutables, les préjugés ou l’idéologie sont de mauvais conseils. Nous vous pressons au contraire de considérer les éléments les plus factuels :

•    Les notations des dettes souveraines de pays dont les déficits et les dettes publics sont considérables, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ont été dégradées par les agences de notation sans conséquence particulière. Votre prise de fonctions ne s’est pas, elle non plus, traduite par une dégradation des conditions de financement de l’Etat.  Ceci laisse à penser que les marchés comprennent mieux, semble-t-il, que certains dirigeants, que le problème principal des finances publiques européennes n’est ni la dette ni les déficits mais bien la gouvernance de la zone euro et ses politiques monétaire et budgétaire. Un prêteur en dernier ressort — il n’y en a pas en zone euro —résoudrait facilement et directement les crises de dette souveraine. L’objection voulant que cela forcerait la Banque centrale européenne à monétiser les dettes publiques, en violation de ses statuts et de son objectif de stabilité des prix, ne tient pas. La simple possibilité d’une monétisation réduirait en effet la prime de risque et en éliminerait la nécessité, de sorte qu’il n’y aurait plus de panique autoréalisatrice sur le financement d’un Etat et de crise de dette souveraine italienne, espagnole, voire française.
•    En outre, Ugo Panizza et Andrea Presbitero ont montré qu’il n’existe pas de preuve historique convaincante que la réduction de la dette engendre une croissance plus forte. Dès lors, l’affirmation courante selon laquelle la réduction de la dette publique est un prérequis à la reprise de l’activité est au mieux une corrélation, au pire fallacieuse, mais en aucun cas une causalité impliquée par les données.
•    Vingt années de stagnation au Japon nous rappellent que la déflation est un piège durable et délétère. La sous-activité pousse les prix inexorablement à la baisse. Paul Krugman et Richard Koo ont montré comment les taux d’intérêt réels anticipés enclenchent une spirale de désendettement lorsque les anticipations de prix se verrouillent sur la déflation. Si de surcroît, la déflation des bilans touche le secteur bancaire, l’effondrement du crédit nourrit la contraction.
•    Un des effets pervers de l’austérité budgétaire découle de la destruction de capital humain par de longues périodes de chômage. Les cohortes de jeunes qui entrent sur un marché du travail dégradé prendront un mauvais départ qui les marquera durablement. Plus longtemps le taux de chômage persistera au-dessus de son niveau d’équilibre, plus profondes seront les frustrations issues d’un avenir bouché.
•    Au-delà du capital humain, les entreprises sont le lieu d’accumulation d’une grande variété  de capital, allant du capital social aux actifs immatériels produit par la R&D. Philippe Aghion et d’autres ont montré qu’à travers ce canal la volatilité de court terme de l’activité avait un impact (négatif) sur le potentiel de croissance. Dans un monde compétitif, le sous-investissement en R&D se traduit par des pertes de parts de marché. En rendant l’activité plus volatile, la restriction budgétaire pèse ainsi durablement sur le potentiel de croissance.
•    Ce qui est vrai pour l’investissement dans les actifs immatériels privés l’est encore plus en ce qui concerne les actifs immatériels publics, c’est-à-dire des actifs qui génèrent des flux de biens publics que les incitations individuelles peinent à produire. Les règles d’or habituellement évoquées négligent ce type d’actifs dont la comptabilité est par nature complexe. En conséquence, la recherche d’une réduction prompte des déficits se fait bien souvent aux dépens des investissements dans ces actifs publics immatériels, bien qu’ils aient une profitabilité (sociale) élevée et qu’ils seront essentiels lorsqu’il s’agira d’assurer la transition la moins brutale possible vers une économie plus économe en carbone.

Sur la base de ces constats, nous prenons la liberté de vous suggérer une stratégie en quatre points :

1.    Vous devez affirmer que l’austérité budgétaire est mauvaise à la fois à court terme et à long terme. Il faut rappeler à Madame Merkel que, par conséquent, la plus grande prudence s’impose quand on prône la rigueur.
2.    Ralentir le rythme auquel la restriction budgétaire est infligée aux pays de l’Union européenne est essentiel  aussi bien pour réduire le chômage dans le court terme que pour maintenir la prospérité à long terme. Sans prospérité de long terme, la réduction des ratios de dette sur PIB sera impossible sauf à accepter inflation et répudiation.
3.    Vous devez reconnaître que les peurs de votre prédécesseur étaient fondées : sans un prêteur de dernier ressort ou sans mutualisation des dettes publiques, une rigueur budgétaire moins déterminée expose à un risque de hausse des taux d’intérêt souverains en déclenchant une anxiété autoréalisatrice. L’exemple des Etats-Unis nous montre que le meilleur moyen de traiter ce risque est d’avoir une banque centrale bien armée qui agit comme un prêteur de dernier ressort. Il faut donc une modification rapide du traité de Maastricht dans ce sens. Amender les objectifs de la BCE en intégrant la préoccupation de la croissance est secondaire.
4.    Madame Merkel a raison de croire qu’une banque centrale qui sauve les Etats de la faillite est la porte ouverte à l’aléa moral. Vous devez donc accepter, en contrepartie de la modification des statuts de la banque centrale, qu’un pacte budgétaire (le Fiscal Compact) gouverne les finances publiques européennes. Mais vous devez lutter pour un pacte « intelligent », un Smart Fiscal Compact (SFC). Ce SFC doit renforcer la soutenabilité des finances publiques dans un monde où le long terme n’est pas écrit et invariant à l’avance et dépend de la trajectoire économique dans le court terme. Il doit s’appuyer sur des institutions européennes légitimes investies du pouvoir de contrôler et de veiller au respect des engagements budgétaires de chaque pays. Cette tâche nécessitera du pragmatisme et une solide approche empirique de l’économie plutôt que de la numérologie budgétaire ou les règles simplistes qui sont pour l’instant prévues.

Ne pas réduire les déficits publics en Europe conduira à une débâcle. Les réduire brutalement est la voie la plus sûre vers le désastre. Croire que de vieilles astuces comme la dérégulation du marché du travail stimuleront la croissance est illusoire, comme nous le rappelle l’OIT dans son dernier rapport. Le risque de bouleversements et basculements soudains dans les modes de fonctionnement économiques ou sociaux interdit les demi-mesures. La montée rampante de déséquilibres de long terme oblige à des actions rapides. Ce qui est vrai pour la France est encore plus vrai pour nos partenaires : l’ensemble des membres de l’Union européenne ont un besoin impératif de marges de manœuvres immédiates, sans quoi le futur risque bien d’être fort compromis.

Nous espérons, Monsieur le Président, que vous trouverez utiles ces quelques suggestions et nous vous prions de bien vouloir agréer l’expression de notre respectueuse considération.




Négocions un signal-prix mondial du carbone, et vite !

par Stéphane Dion [1] et Éloi Laurent

Vingt ans après la Conférence de Rio, et alors qu’une nouvelle conférence sur le climat s’ouvre à Bonn lundi 14 mai 2012, un constat d’échec s’impose sur le front de la lutte contre les changements climatiques induits par l’activité humaine. Nous ne pourrons pas échapper à un grave dérèglement du climat si nous continuons de la sorte. Il nous faut changer de direction, et vite. 

L’Agence internationale de l’Énergie prévoit un réchauffement de plus de 3.5° C à la fin du 21e siècle si tous les pays respectent leurs engagements, et de plus de 6° C s’ils se limitent à leurs politiques actuelles. À ce niveau de réchauffement, la science du climat nous prévient que notre planète deviendra bien moins hospitalière pour les humains et moins propice à toutes les formes de vie.

À la Conférence de Durban de décembre 2011, les pays ont exprimé leur vive inquiétude quant à l’écart entre leurs propres engagements et l’atteinte de l’objectif de limiter le réchauffement en-deçà de 2° C (par rapport à l’ère pré-industrielle). Ils ont promis de redoubler d’effort en vue d’abolir cet écart. Pourtant, ils ne se sont pas engagés à atteindre des cibles plus contraignantes. Nous faisons dès lors face à une distance de plus en plus insoutenable entre l’urgence de l’action et l’inertie des négociations mondiales.

Les pays développés refusent de renforcer leurs politiques climatiques tant que les autres grands émetteurs n’en feront pas autant. Mais les pays émergents, en particulier la Chine et l’Inde, avec des taux de croissance annuelle de leur produit intérieur brut de 8 à 10 %, n’accepteront pas, dans un avenir prévisible, de cibles de réduction en volume de leurs émissions de gaz à effet de serre. Ces pays pourraient en revanche être plus ouverts à l’idée de prélever un prix sur la tonne de CO2, harmonisé au plan mondial, dont le revenu leur appartiendrait, et auquel leurs compétiteurs économiques seraient eux aussi astreints.

Selon nous, le meilleur instrument de coordination internationale qu’il faille établir pour lutter contre les changements climatiques est ce signal-prix mondial du carbone. C’est pourquoi nous proposons de concentrer les négociations à venir sur cet objectif essentiel.

Voici ce que nous proposons (voir le détail, en version française http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/WP2012-15.pdf et anglaise) : chaque pays s’engagerait à instaurer, sur son territoire, un prix du carbone aligné sur une norme internationale validée par la science, en vue d’atteindre, ou du moins, de nous rapprocher le plus possible, de l’objectif de plafonnement du réchauffement planétaire à 2° C. Chaque pays choisirait de prélever ce prix par la fiscalité ou par un système de plafonnement et d’échange de permis d’émissions (un « marché du carbone »).

Les gouvernements seraient libres d’investir à leur gré les revenus issus du paiement du prix pour les rejets de carbone et de l’abolition correspondante des subventions aux énergies fossiles. Ils pourraient, par exemple, investir dans la recherche-développement en matière d’énergies propres, dans les transports en commun, etc. Ils pourraient aussi choisir de corriger les inégalités sociales dans l’accès à l’énergie.

Les pays développés auraient l’obligation de réserver une partie de leurs revenus pour aider les pays en voie de développement à instaurer des politiques d’atténuation, d’adaptation et de création de puits de carbone (reforestation, par exemple). L’apport respectif de chaque pays développé serait proportionnel à ce que représentent ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’ensemble des émissions de tous les pays développés.

En vertu de cet accord international, les pays auraient le droit de taxer, aux frontières, les produits en provenance d’un pays qui n’aurait pas établi un prix du carbone conforme à la norme internationale. Le message serait clair pour tous les grands émetteurs : si vous ne prélevez pas un prix carbone sur vos produits avant de les exporter, les autres pays le feront à votre place, et ce sont eux qui en tireront des revenus. Chaque pays verrait ainsi que son intérêt commercial est de se conformer à l’accord international, à tarifer ses propres émissions et à utiliser comme il l’entend les revenus qu’il en tirerait.

Ainsi, le monde serait doté à temps d’un instrument essentiel à son développement soutenable. Les émetteurs de carbone seraient enfin obligés d’assumer le coût environnemental de leurs actions. Les consommateurs et les producteurs seraient incités à choisir les biens et les services à plus faible teneur en carbone et à investir dans de nouvelles technologies qui réduisent leur consommation d’énergie et leurs émissions polluantes.

Nous devons négocier ce signal-prix mondial du carbone, et vite. Quel meilleur endroit pour engager cette démarche qu’à Rio, là-même où le problème du changement climatique a été reconnu par la communauté internationale voilà 20 ans ? 


[1] Stéphane Dion est député à la Chambre des Communes du Canada ; ancien ministre de l’Environnement du Canada, il a présidé la 11e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, tenue à Montréal en 2005 (COP 11).




Italie : le défi de Mario Monti

par Céline Antonin

Dès son arrivée au pouvoir, le 12 novembre 2011, l’objectif de Mario Monti était explicite et s’articulait autour du triptyque : rigueur budgétaire, croissance et équité. Réussira-t-il à relever le défi ?

Mario Monti a succédé à Silvio Berlusconi alors que la défiance des investisseurs vis-à-vis de l’Italie ne cessait de croître, comme en attestaient le creusement de l’écart de taux obligataire avec l’Allemagne et la forte augmentation des prix des CDS.

 


Pour remplir son premier objectif de rigueur budgétaire, l’une des premières mesures du gouvernement a été l’adoption d’un plan d’austérité en décembre 2011, chiffré à 63 milliards d’euros sur 3 ans. Ce plan, le troisième de l’année, portant le nom évocateur de Salva Italia (Sauver l’Italie), a pour but de revenir à un quasi-équilibre des finances publiques dès 2013 (voir « Italie : le pari de Mario Monti »).

Quant au deuxième objectif, celui de restaurer la croissance et de renforcer la compétitivité du pays, il apparaît dans le plan « Croissance de l’Italie » (Cresci Italia) adopté par le Conseil des ministres le 20 janvier 2012 dans des conditions houleuses. Outre une simplification des procédures administratives (procédures d’appels d’offre, création d’entreprises, passage au numérique, …) et des libéralisations dans les professions réglementées, l’énergie, les transports, et les assurances, ce plan prévoit des réformes complémentaires, concernant notamment la flexibilité du marché du travail. Autant les mesures de rigueur ont été adoptées facilement, autant ce deuxième plan a été assez mal accueilli, notamment les discussions autour des modifications de l’article 18 du Code du travail qui confère aux employés et aux ouvriers dans les entreprises de plus de quinze salariés une protection contre les licenciements.

Enfin, sur le plan de l’équité, les progrès sont encore timides, notamment en matière de lutte contre l’évasion fiscale et contre l’économie souterraine.

La population sait que les mesures seront douloureuses : le quotidien économique Il Sole 24 Ore a ainsi annoncé que l’augmentation annuelle des impôts pour une famille moyenne vivant en Lombardie atteindrait 1 500 euros par an, et presque 2 000 euros pour une famille du Latium. Pourtant la population italienne a jusqu’à présent fait montre d’un grand sens de l’intérêt national, acceptant avec résignation la cure d’assainissement budgétaire. Quant aux marchés financiers, ils ont dans un premier temps relâché la pression sur le pays, l’écart de taux publics à long terme avec l’Allemagne passant de 530 à 280 points de base entre début janvier et mi-mars 2012. L’action de Mario Monti n’est pas la seule explication : grâce au rachat de titres obligataires fin 2011 et aux deux opérations de refinancement du système bancaire à 3 ans (LTRO) pour un montant total de 1 000 milliards d’euros, dont ont largement profité les banques italiennes, la BCE a activement participé à cette détente des taux. En outre, la réussite du plan d’échange de la dette grecque avec les créanciers privés a également contribué à détendre les taux.

La situation n’en demeure pas moins fragile et volatile : il a suffi que l’Espagne montre des signes de faiblesse budgétaire pour que l’Italie pâtisse de la méfiance, que l’écart de taux publics à long terme avec l’Allemagne se creuse à nouveau, atteignant 400 points de base début mai 2012 et que les primes sur CDS se remettent à progresser (graphique).

Quelles sont donc les perspectives pour les deux années à venir ? Après une récession entamée en 2011, avec deux trimestres de croissance négative, l’Italie devrait connaître une année 2012 difficile, avec une forte contraction du PIB de 1,7 %, conséquence des trois plans de rigueur votés en 2011. Cet effet se poursuivrait en 2013, avec une nouvelle contraction du PIB de -0,9 %[1]. En l’absence de mesure de rigueur supplémentaire, elle réduirait son déficit, mais moins qu’escompté en raison de l’effet multiplicateur : le déficit atteindrait 2,8 % du PIB en 2012, et 1,7 % en 2013, soit un rythme de réduction des déficits inférieur à son engagement qui prévoit de revenir à l’équilibre en 2013.


[1] Le FMI donne une prévision plus pessimiste pour 2012, avec -1,9 % de croissance en 2012 et plus optimiste pour 2013, avec -0,3 %.




Compétitivité et développement industriel : les difficultés du couple franco-allemand

Jean-Luc Gaffard

L’obsession de la compétitivité revient sur le devant de la scène avec la campagne électorale. Elle traduit une réalité : les entreprises françaises souffrent effectivement d’une perte de compétitivité qui explique la dégradation du commerce extérieur depuis presque une décennie. Cette perte est manifeste vis-à-vis des pays émergents et explique les délocalisations. Elle est également effective vis-à-vis d’entreprises appartenant à d’autres pays développés, principalement au sein de la zone euro et, singulièrement, vis-à-vis des entreprises allemandes. Cette dernière est d’autant plus grave qu’elle met en cause la cohérence de la construction européenne (cf. OFCE, note n°19  : Compétitivité et développement industriel : un défi européen).

L’écart de compétitivité qui s’est créé avec l’Allemagne est, à l’évidence, un écart de compétitivité-hors prix dont l’une des raisons d’être est la supériorité de son modèle industriel caractérisé par le maintien d’un tissu local fait d’entreprises de toutes tailles centrées sur leur cœur de métier et la fragmentation internationale de la production. Ce modèle est particulièrement adapté au développement d’entreprises s’adressant à des marchés mondiaux et prémunit largement le pays d’origine de ces entreprises du risque de désindustrialisation.

Ce serait, cependant, une erreur que d’ignorer qu’il s’est également produit une évolution défavorable de la compétitivité-prix du fait, à la fois, des réformes du marché du travail en Allemagne, qui ont abaissé relativement le coût salarial, et des stratégies de segmentation de leur production et de délocalisation des segments intermédiaires qui ont également permis une baisse des coûts de production.

Ainsi l’Allemagne est parvenue à la quasi stabilisation de ses parts de marché à l’exportation au niveau mondial grâce à leur augmentation réalisée dans l’Union européenne (+1,7% au cours des années 2000) et plus encore dans la zone euro (+2,3%), quand la France a perdu des parts de marché dans ces mêmes zones (respectivement 3,1% et 3,4%).

La France a subi deux évolutions peu favorables à son industrie. Le tissu des PME industrielles s’est délité. Celles-ci ont souffert moins de barrières à l’entrée que de barrières à la croissance.  Leurs managers ont trop souvent été enclins ou incités à les céder à de grands groupes plutôt que d’en assurer la croissance. L’absence de partenariat véritable avec ces groupes en est l’une des causes en même temps que les difficultés rencontrées auprès des banques et des marchés pour obtenir un financement pérenne. De leur côté, les grandes entreprises industrielles, qu’elles soient présentes sur une multitude de marchés locaux ou sur des marchés internationaux, ont fait le choix de la croissance externe et d’un éparpillement territorial de leur implantation ainsi que de celle de leurs fournisseurs d’équipements ou de services. Cette stratégie, conçue pour répondre au déplacement géographique de la demande, mais aussi pour faire droit à des impératifs de rentabilité immédiate exigée par un actionnariat volatile, s’est faite, en partie, au détriment du développement de tissus productifs locaux. Elle a été réalisée grâce un vaste mouvement de fusions et acquisitions mobilisant des compétences avant tout financières. Les institutions financières se sont, de leur côté, converties au modèle de banque universelle, délaissant en partie leurs métiers traditionnels de banque de crédit mais aussi de banque d’affaires. Ces évolutions concomitantes  se sont révélées désastreuses pour la compétitivité de l’ensemble, d’autant que dans le même temps les coûts salariaux horaires dans l’industrie augmentaient.

Rétablir la compétitivité des entreprises françaises et favoriser, ainsi, une ré-industrialisation du territoire repose alors sur une double exigence. La première est de permettre une maîtrise immédiate des coûts salariaux et le rétablissement des taux de marge, notamment au moyen de mesures fiscales impliquant de réviser le mode de financement d’une partie de la protection sociale. La deuxième exigence est de peser en faveur d’une réorganisation industrielle impliquant la constitution d’un tissu de relations stables entre les différents acteurs du processus industriel, notamment au moyen d’aides conditionnées à la coopération entre grandes et petites entreprises au sein des pôles de compétitivité.

Cet effort à moyen terme restera largement vain si des politiques coopératives ne sont pas mises en œuvre à l’échelle de l’Europe, qui relèvent aussi bien de la stimulation de l’offre grâce à la mise en œuvre de programmes de développement technologique que du soutien des demandes internes là où elles sont manifestement insuffisantes au regard des capacités de production.




Plaidoyer pour un pacte de croissance : beaucoup de bruit pour cacher un désaccord persistant

par Jean-Luc Gaffard et Francesco Saraceno

L’insistance mise sur la nécessité de compléter la rigueur budgétaire par des mesures susceptibles de relancer la croissance, pour une part induite par le débat électoral en France, est une bonne nouvelle, entre autre parce qu’elle représente la tardive reconnaissance que l’austérité est en train d’imposer un prix trop élevé aux pays du sud de l’Europe.

Cependant, invoquer la croissance n’a rien de nouveau et peut rester sans contenu réel. Déjà à la suite d’une intervention du gouvernement français, le pacte de stabilité était devenu en 1997 le pacte de stabilité et de croissance. Sans véritable conséquence sur la nature d’une stratégie tout entière tournée vers l’application de règles strictes en matière monétaire et budgétaire et la recherche de davantage de flexibilité dans le fonctionnement des marchés.

La semaine dernière, Mario Draghi, ou encore Manuel Barroso et Mario Monti se sont montrés inquiets par la récession enregistrée notamment en Espagne, au Portugal, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, mais aussi soucieux de répondre formellement à la demande qui pourrait venir du nouveau gouvernement français. Aussi plaident-ils pour que soit négocié un pacte de croissance, mais en prenant soin de rappeler qu’il doit consister dans un engagement commun à effectuer les réformes structurelles là où elles n’ont pas encore été faites. Cette position rappelle la lettre de onze premiers ministres, aux autorités européennes  en février dernier. Autrement dit, rien ne change dans la doctrine qui commande les choix de politique économique en Europe : la croissance ne peut être obtenue que par des reformes structurelles notamment des marchés du travail.

Cette position est pourtant doublement critiquable. Il n’est pas sûr, en premier lieu, que ces réformes structurelles soient efficaces, à moins d’être utilisées dans un esprit non coopératif pour améliorer la compétitivité du pays qui s’y livre au détriment de ses partenaires commerciaux, comme a pu le faire l’Allemagne avec les réformes Hartz. En second lieu, des réformes généralisées, y compris lorsqu’elles sont justifiées en termes de croissance de long terme, auraient dans un premier temps un impact récessif sur la demande[1], et donc sur l’activité. Elles ne peuvent donc répondre à ce qui est une exigence immédiate et prioritaire, à savoir enrayer la récession en train de se généraliser.

Le véritable défi auquel sont confrontés les Européens est bien de concilier le court et le long terme. La solution proposée jusqu’ici, une austérité budgétaire généralisée qui rétablirait la confiance des acteurs privés, et que viendraient compléter ces réformes structurelles censées augmenter le taux de croissance potentiel, ne marche simplement pas. Le prouvent les évolutions observées en Grèce, mais aussi au Portugal et en Irlande, élèves modèles des plans de sauvetage européens, ainsi qu’en Grande-Bretagne, en Italie et en Espagne. Les multiplicateurs budgétaires restent fermement keynésiens (voir Christina Romer, et Creel, Heyer et Plane), et les effets dits « non-keynésiens » sur les anticipations sont limités ou inexistants.

La croissance ni ne se décrète ni ne s’établit instantanément, contrairement à la spirale déflation-austérité dans laquelle s’enlisent aujourd’hui de plus en plus de pays européens.

Elle n’a de chances de se concrétiser que si la consolidation budgétaire n’est ni immédiate ni drastique. En fait, si la consolidation imposée aux pays en difficulté est étalée dans le temps (au delà de l’horizon 2013 qui sera en tout état de cause impossible à atteindre) et si une  politique budgétaire plus expansionniste est conduite dans les pays en mesure de le faire de manière à ce que, au niveau européen, l’effet global soit au moins neutre ou mieux expansionniste. Cette stratégie  ne serait pas forcément sanctionnée par les marchés qui ont montré dans un passé récent qu’ils étaient sensibles à l’exigence de croissance. Dans le cas contraire, des mesures devraient être prises par la BCE pour échapper à la contrainte qu’ils exercent. Ce soutien à court terme doit s’accompagner d’un effort substantiel à moyen terme d’investissement réalisé dans le cadre de programmes industriels européens financés par l’émission d’euro-obligations, et donc par un budget européen enfin de taille appropriée aux tâches de l’Union. Cette façon d’articuler et coordonner les choix à court et moyen terme serait un pas important vers la mise en place d’une structure fédérale seule à même de permettre la résolution de la question européenne.

 


[1] R.M. Solow, Introduction à Solow R.M. Ed. (2004) Réformes structurelles et politique macroéconomique, Paris : Economica (Traduction de Structural Reforms and Macroeconomic Policy, London : Macmillan).

 

 




Classes moyennes : peurs infondées ou réelles difficultés?

par Louis Chauvel

L’expression « classes moyennes » fait partie de ces notions des sciences sociales propices à la controverse par la complexité même de leur définition, de leur dynamique et du débat politique qu’elles suscitent. Que des diagnostics forts divergents puissent s’y attacher n’est donc pas pour nous surprendre. Dans une note de l’OFCE – où une définition plurielle des classes moyennes est proposée [1] – nous revenons sur plusieurs dimensions du malaise social de ces groupes sociaux souvent vus comme relativement protégés, pour tenter d’en saisir les fondements objectifs.

Deux thèses sont ici en effet en présence :
– d’une part, la thèse du maintien des classes moyennes dans leur statut de naguère, de l’affermissement de la protection dont elles jouissent et de leur ascension économique confirmée [2] – une thèse qui rend paradoxale la « peur de déchoir » qui les anime ;
– d’autre part, la thèse de la remontée objective de problèmes sociaux, naguère confinés dans les classes populaires (employés et ouvriers, deux groupes sociaux dont les salaires horaires sont semblables) mais dont la diffusion par capillarité est de moins en moins endiguée [3].
Ainsi, des tenants de la thèse optimiste, celle du maintien, affirment que « contrairement aux idées reçues », le déclassement des classes moyennes est une « fiction », ce groupe social « incarnant à la fois une ‘France qui tient’ et une ‘France qui monte’ » (Goux et Maurin). Ainsi, la peur de déchoir serait une réaction psychologique des classes moyennes sans cause réelle.
Dans cette note qui soutient une autre thèse, nous revenons sur plusieurs dimensions de ce diagnostic pour saisir les fondements objectifs de ce malaise des classes moyennes. Nous montrons ainsi que des difficultés croissantes des catégories populaires – par exemple le risque de chômage – remontent en effet progressivement au sein des classes moyennes intermédiaires, dont on ne peut plus dire qu’elles sont protégées. Il s’agit d’un élément de la « théorie du morceau de sucre au fond d’une tasse de café » : si la partie supérieure et moyenne de la société semblent toujours intactes, l’érosion continue, progressant par capillarité de la partie immergée la menace d’une dégradation inévitable, si rien n’est fait.

Le niveau de vie relatif des classes moyennes intermédiaires a connu son apogée à la fin des Trente glorieuses : depuis la fin de cet âge d’or, la stagnation des salaires et des revenus, la réduction des écarts salariaux avec les classes populaires en emploi (voir graphique), le risque inédit de chômage, l’expansion numérique des diplômes située très au-delà des places disponibles dans les professions intermédiaires, le déclassement scolaire qui s’ensuit, etc. ont été autant de dimensions problématiques analysées dans cette note soulignant l’existence d’un malaise bien réel. Ainsi, il est possible de montrer que, du point de vue des diplômes, la population des classes moyennes intermédiaires est de plus en plus constituée d’une part de cadres potentiels (par leur niveau de diplôme) ayant manqué leur entrée véritable dans les classes moyennes supérieures, faute de places en nombre suffisant, et d’autre part de survivants d’une concurrence exacerbée, témoins de la rétrogradation d’un nombre croissant de personnes de même niveau de diplôme tombées dans les classes populaires.

Dans cette note, nous nous interrogeons donc sur les causes de la déstabilisation du projet de « civilisation de classe moyenne » (Alexandre Koyré) qui avait vu le jour dans le contexte de croissance et de modernité des années 1960 à 1980. La dynamique sociale correspondante n’était pas simplement fondée sur l’expansion numérique des classes moyennes, mais aussi sur un projet social et politique cohérent, aujourd’hui déstabilisé. Quels sont les moyens de renouer avec cette dynamique ? Comment sortir d’un cercle vicieux où, à mesure que les catégories moyennes se désagrègent, nous développons des politiques ciblées sur les catégories les plus en difficulté sans voir qu’elles se nourrissent de la chute de groupes naguère mieux situés et que nous n’avons pas soutenus ? La réponse se situe dans l’investissement productif dans des secteurs porteurs d’avenir de long terme. Faute de comprendre les causes réelles du malaise des classes moyennes et d’en traiter la racine objective, nous pourrions bien nous préparer à une décennie problématique.
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[1] Les classes moyennes sont définies dans leur pluralité entre des classes moyennes supérieures qui s’apparentent aux « cadres et professions intellectuelles supérieures », de l’ordre de 10 % des ménages, et des classes moyennes intermédiaires, qui correspondent aux 20 % situés immédiatement en dessous, proches donc des professions intermédiaires définies par l’INSEE.
[2] D. Goux et E. Maurin, 2012, Les nouvelles classes moyennes, Seuil, Paris. Ces idées sont pour la plupart déjà présentes dans S. Bosc, 2008, Sociologie des classes moyennes, La Découverte.
[3] L. Chauvel, 2006, Les classes moyennes à la dérive, Seuil, Paris.