La BCE doit-elle s’inquiéter de l’augmentation récente de l’inflation ?

Christophe
Blot
, Caroline Bozou et Jérôme
Creel

En août 2021, l’inflation dans la
zone euro a atteint 3 % en glissement annuel. Un tel niveau n’avait pas
été observé depuis novembre 2011 et dépasse la cible de 2 % que s’est
fixée la BCE. Cette dynamique récente est en partie tirée par le prix du pétrole
mais on observe dans le même temps un rebond de l’inflation sous-jacente, qui
exclut du calcul les indices des prix de l’énergie et du secteur alimentaire. L’inflation
aux États-Unis
renoue également avec des niveaux qui n’avaient pas été observés depuis
plusieurs années, ce qui y alimente le débat sur un potentiel retour du risque
inflationniste. De par leur mandat orienté vers la stabilité des prix, il est
légitime que les banques centrales s’interrogent sur les sources de ce retour
de l’inflation. Dans un document récent en vue de la préparation du Dialogue
monétaire entre le Parlement européen et la BCE
, nous discutons cependant
du caractère temporaire plutôt que permanent de cet épisode d’inflation.



L’évolution récente de
l’inflation ne peut être dissociée de la conjoncture économique, actuellement
encore fortement marquée par la crise sanitaire. Après une forte chute de
l’activité – le PIB s’est contracté de 6,5 % en 2020 –, les performances
macroéconomiques de la zone euro restent erratiques. La crise a été sans
précédent à la fois par son ampleur mais aussi par ses caractéristiques
sectorielles et par la nature des chocs qui ont affecté les économies de la
zone euro. En effet, la crise de la Covid-19 se caractérise à la fois par un
choc négatif d’offre et de demande (voir Dauvin et
Sampognaro, 2021
).

Les éléments qui expliquent
l’inflation actuelle semblent être de nature temporaire. Un examen des données
récentes suggère en effet que la hausse de l’inflation serait principalement
liée aux prix de l’énergie, aux modifications des taux d’imposition de la TVA
et à la reprise qui suit la récession annuelle la plus spectaculaire depuis la
Seconde Guerre mondiale (figure 1).  Pour
autant, à un niveau désagrégé, il semble que pour la plupart des biens, les
prix sont souvent inférieurs au niveau de décembre 2019 tandis que les prix de
certains services sont plus élevés (figure 2).

Il n’en reste pas moins que les
facteurs qui pourraient influencer l’inflation à moyen terme sont nombreux et laissent
planer quelques incertitudes sur les tensions à venir. Le choc de demande
résultant des mesures de relance budgétaire européenne et des pressions sur le
marché du travail devrait être faible. Le coût en termes d’inflation d’une
baisse du chômage dans la zone euro est désormais très bas – on parle
d’aplatissement de la courbe de Phillips, voir Bobeica,
Hartwig, et Nickel  (2021)
– et le
niveau « élevé » des emplois vacants l’est moins qu’en 2018 alors
qu’aucune crainte d’un retour de l’inflation n’était alors évoquée. Toutefois,
les pressions inflationnistes dues au comportement de désépargne des agents
pourraient présenter une trajectoire plus incertaine. Une poussée de la demande
pourrait alimenter de futures hausses de prix, surtout si les difficultés
d’ajustement de l’offre, observées récemment dans certains secteurs, persistaient.
Du côté des difficultés d’approvisionnement et de la hausse des coûts du
transport maritime, la corrélation forte de ces derniers avec le prix du
pétrole laisse imaginer une baisse lors des deux prochaines années (voir le
bulletin de la US Energy
Information Administration
).  

Pour autant, si on se place dans une perspective plus longue, on peut observer que cette remontée d’inflation ne permet en aucun cas de compenser les nombreuses années au cours desquelles l’inflation fut inférieure à la cible de 2% (figure 3). Ainsi, tant que la poussée observée ces derniers mois reste contenue, ce retour de l’inflation pourrait plutôt être perçu comme une bonne nouvelle par la BCE lui permettant d’atteindre enfin sa cible et même éventuellement de rattraper les sous-ajustements passés.