Par Guillaume Allègre, @g_allegre
Dans une tribune intitulée « Revenu universel, l’impossible expérimentation », je souligne les limites des expérimentations en cours et à venir du revenu universel[1] : échantillons trop petits et non représentatifs, limites inhérentes au tirage au sort (absence des effets d’équilibre sur le marché du travail ; absence d’« effets de pair »[2]). Clément Cayol a répondu à ma tribune sur le site du Mouvement Français pour un Revenu de Base (« M Allègre : les expérimentations de revenu de base sont un chemin possible vers l’instauration »). Il propose d’expérimenter le revenu universel sur des « sites de saturation » (par exemple un bassin d’emploi). L’idée serait de choisir certains bassins d’emploi comme groupe de traitement (par exemple Toulouse et Montbéliard) et d’utiliser des bassins d’emploi qui ont des caractéristiques proches comme groupe de contrôle (Bordeaux et Besançon ?). En comparant les différences de comportement entre les deux groupes (en termes d’emploi, de temps partiel, de salaires…), on pourrait connaitre l’impact du revenu universel. Une telle expérimentation a lieu dans un village kényan.
L’idée d’expérimenter sur un site de saturation peut paraître séduisante et répond à certaines de mes critiques (on peut mesurer les effets d’équilibre sur le marché du travail et les effets de pairs). Elle ne répond pas aux autres critiques : une telle expérimentation est par construction temporaire (or les individus ne réagiront pas de la même façon à une incitation temporaire qu’à une incitation permanente) ; on ne pourra pas expérimenter le côté financement du revenu universel (or le revenu universel coûte cher, il faudra le financer par exemple par un impôt sur le revenu, ce qui aura des effets sur les incitations financières à reprendre un emploi).
Expérimenter sur un site de saturation a ses propres limites : il faut trouver un groupe de contrôle ayant des caractéristiques proches du groupe de traitement, il faut contrôler des migrations (est-ce que je peux bénéficier du revenu universel en déménageant de Montbéliard à Besançon ?). Se pose également et surtout la question juridique[3] et éthique : peut-on donner 500 euros par mois à tous les habitants de Toulouse et Montbéliard et financer cette expérimentation par le contribuable français[4] ? La loi permet aux collectivités territoriales d’expérimenter mais seulement dans l’objectif d’étendre le dispositif expérimenté, or un revenu universel étendu à l’ensemble du territoire français n’est pas d’actualité.
[1] Voir aussi Guillaume Allègre, 2010 : « L’expérimentation du revenu de solidarité active entre objectifs scientifiques et politiques », Revue de l’OFCE, n°113.
[2] L’effet de pair désigne ici le fait qu’un individu arrêtera plus facilement de travailler si ses amis arrêtent également de travailler : mon loisir est complémentaire de celui de mes amis.
[3] Voir : https://www.senat.fr/rap/l02-408/l02-40810.html
[4] On peut difficilement imaginer que l’expérimentation fasse des perdants parmi le groupe de traitement, le financement est donc nécessairement national.
Dès lors qu’un projet de revenu universel comporte un bilan économique, ce qui est le cas du mien, on constate deux choses :
1) un revenu de base à 800€/mois/adulte et 325€ par enfant peut se financer uniquement par le “recyclage de dépenses existantes”,
2) Il ne justifie aucune expérimentation car il n’y a rien à expérimenter.
pour plus d’information:
mmpbeaumelang@9online.fr
Bonjour,
Une chose m’intrigue toujours au sujet du revenu universel, c’est qu’on ne précise jamais clairement d’où seraient tirées les recettes fiscales permettant de le financer.
Ceux qui répondent que l’on taxera les entreprises, semblent oublier que les grandes entreprises échappent très largement à l’impôt de manière légale, ce qu’on nomme l’optimisation fiscale. Alors de là à s’imaginer qu’elles vont spontanément mettre la main à la poche, alors qu’elles font tout pour y échapper…
Donc on ne peut compter que sur ceux qui ne peuvent pas se délocaliser, c’est à dire les PME et les salariés.
Comment alors s’imaginer que çà pourrait marcher avec une base si étroite, et qu’en plus cela rendrait les PME encore moins concurrentielles vis à vis des multinationales, et les emplois salariés plus couteux donc moins compétitifs vis à vis des emplois délocalisés.
Devant cette situation insoluble, on me répète qu’on taxera les grandes entreprises. Mais c’est nier la notion de libre circulation des capitaux, instaurée par le traité de Maastricht et reconduite dans le traité de Lisbonne (art63), qu’on signé tous les membres de l’UE.
Qui peut me citer ne serait-ce qu’un seul membre de l’UE qui voudrait revenir sur ce principe ?
Bonjour,
en l’état, je ne suis pas sûr que la constitution française permette qu’un territoire ait sa propre fiscalité sur le revenu…
Bonjour,
une expérimentation serait possible sur un territoire donné si toute la fiscalité des habitants concernés est réformée permettant à la fois d’assurer les coûts de ce que la collectivité assure à tous aujourd’hui (moins ce qui perd son intérêt avec ce revenu pour tous, allocations, aides …) et le financement total de ce revenu de base ! Il faut l’accord d’une majorité de la population. Ce serait une mesure de simplification fiscale et une avancée sociale.
Mais toute expérimentation partielle et non pérenne semble peu pertinente.