Financiarisation et crise financière : vulnérabilité et choc traumatique

par Jérôme Creel, Paul Hubert, Fabien Labondance

Depuis le mini-krach survenu à la bourse de Shanghai en août dernier, l’instabilité financière a refait surface sur les marchés et dans les média et, de nouveau, le lien avec la financiarisation a été évoqué. La crise chinoise serait le résultat d’un mélange de bulles immobilière et boursière nourries par l’épargne abondante d’une classe moyenne à la recherche de placements à rendements élevés. On se croirait revenu presque dix ans en arrière lorsqu’on recherchait dans la financiarisation jugée excessive de l’économie américaine – l’épargne abondante des pays émergents rendant possible l’endettement généralisé des ménages américains -, la cause de l’instabilité financière et de la crise qui allait se déclencher à l’été 2007.

Ce lien entre d’un côté, le recours à l’endettement et la grande diversité des placements financiers, et, de l’autre, la volatilité des cours boursiers et la détérioration de la qualité des crédits bancaires, existe-t-il vraiment ? Et s’il existe, dans quel sens se produit-il : de la financiarisation vers l’instabilité financière, de l’instabilité financière vers la financiarisation, ou les deux à la fois ? La montée de l’endettement pourrait ainsi engendrer l’octroi de prêts de plus en plus risqués à des agents qui s’avéreraient incapables de les rembourser, ce qui déboucherait sur une crise financière : c’est le premier cas de figure possible. L’occurrence d’une crise modifierait le comportement des ménages et des entreprises, en les amenant à se désendetter : c’est le second cas de figure où l’instabilité financière réduit la financiarisation de l’économie. Selon les cas, les politiques publiques à mettre en place sont différentes. Dans le premier, il faut surveiller le degré de financiarisation de l’économie et cibler, par exemple, un montant maximal de crédits bancaires en proportion du PIB afin de prévenir les bulles spéculatives et leur éclatement. Dans le second cas, deux situations sont possibles : soigner les causes, et donc surveiller la qualité des prêts consentis aux ménages et aux entreprises afin de veiller à la bonne allocation du capital dans l’économie ; ou soigner les conséquences en soutenant l’investissement productif pour annihiler tout rationnement du crédit.

Dans le cadre du débat sur les liens entre financiarisation et instabilité financière, et des conséquences à en tirer en termes de politique publique, la situation européenne est intéressante à double titre : en effet, l’Union européenne a mis en place une surveillance des déséquilibres extérieurs, y compris financiers, depuis 2011 et une union bancaire depuis 2014. Dans un récent document de travail, nous nous intéressons à ce débat pour plusieurs groupes de pays de l’Union européenne sur la période 1998-2012.

A première vue, la relation entre ces deux concepts n’est pas aisée à démontrer, comme l’illustre le graphique suivant. Ce dernier présente un nuage de points qui pour chaque année et pour chaque pays européen donne les niveaux de financiarisation (approximée ici par la part des crédits/PIB) et d’instabilité financière (approximée ici par les prêts non performants). La corrélation entre ces variables est de -0,23.

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Nous testons donc les deux cas de figure discutés plus haut. Nous qualifions le premier cas d’effet de vulnérabilité. En se développant, la financiarisation entraînerait une sorte d’euphorie qui donnerait lieu à l’octroi de prêts de plus en plus risqués qui favoriseraient l’instabilité financière. Cette hypothèse renvoie aux travaux de Minsky (1995)[1]. Parallèlement, nous testons le lien potentiellement négatif entre instabilité financière et financiarisation que nous qualifions d’effet de trauma. L’instabilité financière, de par son occurrence et ses effets, incite les agents économiques à prendre moins de risques et à réduire leur endettement. Nos estimations montrent que le lien entre instabilité financière et financiarisation n’est pas uni-directionnel. Contrairement à ce que laisse supposer le coefficient de corrélation simple, le signe de la relation n’est pas le même lorsque l’on regarde l’effet de l’une des variables sur l’autre, et vice-versa. Les deux effets, de vulnérabilité et de trauma, ont été à l’œuvre dans les pays européens. Une politique d’ordre macro-prudentiel visant à surveiller la politique d’octroi de crédits des banques, en termes de volume et de qualité, semble donc bel et bien nécessaire en Europe.

Nous testons aussi la possibilité que ces effets soient non-linéaires, c’est-à-dire qu’ils dépendent de valeurs de référence. L’hypothèse de vulnérabilité semble dépendante à la fois du niveau de financiarisation (plus il est élevé, plus cette relation est établie) et du temps. Ce dernier point nous montre en effet que la relation positive entre financiarisation et instabilité financière se révèle au moment de la crise pour les pays déjà fortement financiarisés. Enfin, dans les pays périphériques de l’Union européenne[2], les taux d’intérêt de long terme et les taux d’inflation influencent beaucoup la variable d’instabilité financière. Par conséquent, dans ces pays, il semble qu’une forte coordination entre supervision bancaire et surveillance macroéconomique doive être organisée.

 


[1] Minsky H. P. (1995), « Sources of Financial Fragility: Financial Factors in the Economics of Capitalism », paper prepared for the conference, Coping with Financial Fragility: A Global Perspective, 7-9 September 1994, Maastricht, available at Hyman P. Minsky Archive. Paper 69.

[2] Ce groupe comprend l’Espagne, l’Irlande, l’Italie, la Grèce, le Portugal et des pays des vagues d’élargissement de 2004 et 2007. La constitution de ce groupe est expliquée dans le document de travail.




Exercices d’assouplissement à la BCE : il n’y a pas d’âge pour commencer

par Christophe Blot, Jérôme Creel, Paul Hubert et Fabien Labondance

La décision de la BCE de lancer un plan d’assouplissement quantitatif (QE) était largement anticipée. En effet, Mario Draghi avait répété à plusieurs reprises au cours du deuxième semestre 2014 que le Conseil des gouverneurs était unanime dans son engagement à mettre en œuvre les mesures nécessaires, dans le respect de son mandat, pour lutter contre le risque d’un ralentissement prolongé de l’inflation. De par l’ampleur et la nature du plan annoncé le 22 janvier 2014, la BCE envoie un signal fort, bien que peut-être tardif, de son engagement à lutter contre le risque déflationniste qui s’est amplifié dans la zone euro, ainsi qu’en atteste notamment le décrochage des anticipations d’inflation aux horizons d’un et deux ans (graphique 1). Dans l’étude spéciale intitulée « Que peut-on attendre du l’assouplissement quantitatif de la BCE ? », nous clarifions les conséquences de cette nouvelle stratégie en explicitant les mécanismes de transmission de l’assouplissement quantitatif, et en se référant aux nombreuses études empiriques sur les précédents assouplissements intervenus aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et au Japon.

Graphique : Anticipations d’inflation dans la zone euro

 

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    Source : BCE (Survey of Professional Forecasters).

Les modalités de l’assouplissement quantitatif décidées par la  BCE sont en effet proches de celles adoptées par d’autres banques centrales, en particulier la Réserve fédérale ou la Banque d’Angleterre, ce qui légitime les comparaisons. Il ressort des expériences américaines, britanniques et japonaises que les mesures mises en œuvre ont conduit à une baisse des taux d’intérêt souverains et plus généralement à une amélioration des conditions financières dans l’ensemble de l’économie[1]. Ces effets ont notamment résulté d’un signal sur l’orientation présente et future de la politique monétaire et d’une réallocation des portefeuilles des investisseurs. Certaines études[2] montrent également que le QE américain a provoqué une dépréciation du dollar. La transmission du QE de la BCE à cette variable pourrait être primordiale dans le cas de la zone euro. Une analyse en termes de modèles VAR montre en effet que les mesures de politique monétaire prises par la BCE ont un impact significatif sur l’euro mais également sur l’inflation et les anticipations d’inflation. Il est vraisemblable que les effets de la dépréciation de l’euro sur l’activité économique européenne seront positifs (cf. Bruno Ducoudré et Eric Heyer), ce qui rendra plus aisé pour Mario Draghi le retour de l’inflation à sa cible. La mesure aurait donc bien les effets positifs attendus ; cependant, on pourra regretter qu’elle n’ait pas été mise en œuvre plus tôt, quand la zone euro était engluée dans la récession. L’inflation dans la zone euro n’a cessé de baisser depuis la fin de l’année 2011, témoignant mois après mois d’un risque déflationniste croissant. De fait, la mise en œuvre du QE à partir de mars 2015 permettra de consolider et d’amplifier une reprise qui aurait sans doute eu lieu de toute façon. Mieux vaut tard que jamais !

 

 

 

 

 

 


[1] L’impact final sur l’économie réelle est cependant plus incertain notamment parce que la demande de crédit est restée atone.

[2] Gagnon, J., Raskin, M., Remache, J. et Sack, B. (2011). “The financial market effects of the Federal Reserve’s large-scale asset purchases,” International Journal of Central Banking, vol. 7(10), pp. 3-43.

 




Guide pratique de la baisse des prix du pétrole

par Paul Hubert

Depuis juin 2014, les prix du pétrole ont baissé de plus de 55%, après une période de volatilité exceptionnellement faible autour de 110 dollars le baril entre 2011 et mi-2014. L’évolution des prix du WTI et du Brent se distingue de celle des autres matières premières. Le prix des métaux industriels et des denrées agricoles ont été relativement stables en 2014, à l’exception d’une hausse des prix agricoles pendant l’été liée à la météo. Le prix du minerai de fer connaît lui une baisse continue depuis 2011, antérieure à celle des prix du pétrole, en raison de la forte concurrence entre les grandes sociétés minières et d’une baisse de la demande chinoise. Les prix du pétrole ont cessé d’évoluer de concert avec ceux des autres matières premières, suggérant que leur baisse est liée à des facteurs spécifiques au secteur.

A. Quels facteurs poussent les prix du pétrole à la baisse ?

Une grande partie de la baisse des prix du pétrole est liée à de récents développements du côté de l’offre. La production mondiale de pétrole a augmenté de 2 millions de barils par jour (mbpj) par rapport à il y a un an, tandis que la croissance de la demande n’a été que de 0,7 mbpj. Cette hausse de l’offre est principalement due à une production libyenne et nord-américaine supérieure aux anticipations de 1 mbpj (source: IEA). La faiblesse de la demande, due au ralentissement de la croissance mondiale et en particulier des pays émergents, a également joué un rôle. Les prévisions de demande de pétrole de l’IEA pour 2015 sont inférieures de 0,5 mbpj aux prévisions de juin, moment où les prix ont commencé à baisser.

Cependant, ces révisions de la demande et de l’offre ne sont pas suffisantes pour expliquer l’ampleur de la baisse du prix du pétrole observée récemment. Le premier facteur explicatif de la baisse des prix est la modification du comportement des pays de l’OPEP. Ceux-ci, en particulier l’Arabie Saoudite, auraient cherché à évincer du marché les producteurs de pétrole non-conventionnel (schiste, sable bitumineux) dont les coûts de production sont élevés, ne réduisant pas leur production afin d’équilibrer le marché et soutenir les prix. Ils auraient donc laissé filer les prix, de façon à ce que l’exploitation du pétrole non-conventionnel soit moins rentable[1]. Jusqu’à présent, les marchés étaient convaincus que l’OPEP ajusterait sa production, ce qui se traduisait par une faible volatilité des prix du baril autour des 100 dollars. La décision de l’OPEP de ne pas réduire la production alors que les prix ont commencé à baisser a ainsi surpris les marchés financiers. Ceci signifie qu’un facteur-clé fournissant un plancher au prix a disparu.

B. Quel prix du pétrole à court et moyen terme ?

La concomitance d’une offre abondante et d’une demande relativement atone a conduit à une hausse des stocks. A court terme, une poursuite de la baisse des prix est donc possible, en particulier parce que l’offre devrait continuer d’excéder la demande en 2015. S’il n’y a pas de réponse de l’OPEP du côté de la production ou s’il n’y a pas de perturbations géopolitiques, les acheteurs exigeront une décote plus élevée par rapport aux prix futurs pour stocker le pétrole acheté aujourd’hui.

Mais il existe des raisons de penser que les prix du pétrole seront plus élevés à moyen terme, reflétant un ensemble de facteurs qui sont susceptibles à la fois de réduire la production et d’accroître la demande. La baisse des prix conduira à une réduction significative de l’offre des producteurs marginaux à coûts élevés (principalement de pétrole de schiste, basés aux Etats-Unis). Il est également possible que les prix faibles augmentent la demande, et donc les prix, tandis que les risques géopolitiques persistent.

i) La production de pétrole de schiste américain répondra-t-elle à la baisse des prix ?

Le pétrole de schiste est une source d’approvisionnement en pétrole dont le coût de production est relativement élevé par rapport au pétrole « classique ». Les estimations du seuil de rentabilité de ce type de production varient selon les champs d’exploitation et les producteurs : elles sont comprises entre 40 et 90 dollars. Cependant, la production de pétrole de schiste est potentiellement plus rapide à répondre aux évolutions de prix que les autres productions non-conventionnelles (sables bitumineux, pétrole lourd, schiste bitumineux, exploitation en offshore profond), car l’exploitation des puits est plus rapide et nécessite des investissements initiaux moins lourds. Les producteurs de pétrole de schiste doivent forer et donc investir en continu pour maintenir la production : ils ont donc la possibilité d’ajuster leur production dans des délais relativement courts. Par conséquent et sous l’hypothèse que le gouvernement américain ne subventionne pas les producteurs domestiques, la croissance de la production américaine de pétrole devrait ralentir en 2015 et donc fournir un certain soutien aux prix.

ii) Risques géopolitiques

Le principal levier à la hausse pour les prix du pétrole est la potentielle perturbation de la production liée aux risques géopolitiques. La récente baisse des prix du pétrole est aussi partiellement due à la reprise de la production dans les pays ayant subi des interruptions de production pour ces raisons. Le risque de nouvelles interruptions est encore significatif, en particulier dans le cas d’une intensification des conflits en Libye ou Irak. En outre, les économies émergentes à forte dépendance aux exportations de pétrole et aux recettes publiques dérivées du pétrole pourraient subir des troubles politiques et sociaux, impactant la production des principaux pays exportateurs (Venezuela – 2.5mbpj et Nigeria – 2mbpj par exemple).

iii) La demande mondiale de pétrole

Dans son rapport December 2014 Short Term Energy Market outlook, l’Agence américaine d’information sur l’énergie (l’EIA) a révisé à la baisse ses perspectives mondiales de consommation de pétrole et ce, même après la baisse de 18% des prix du pétrole en novembre 2014 : elle justifie ses révisions par la détérioration des perspectives de croissance mondiale. Les estimations de l’élasticité-prix à court terme de la demande de pétrole sont plutôt homogènes et suggèrent qu’une baisse de 10% des prix du pétrole devrait stimuler la demande mondiale de pétrole d’environ 0,2-0,3% (voir tableau 11.3 du IEA, 2006, et les tableaux 3.1, 3.2 et 3.3 du IMF WEO, 2011)[2]. Sur cette base, la baisse de 50% des prix du pétrole cette année devrait augmenter la demande de l’ordre de 1,25%. Cependant, les prévisions 2015 de demande de pétrole de l’IEA ont déjà été revues à la baisse de 0,7mbpj en raison d’une activité économique plus faible que prévue, ce qui réduit encore davantage la demande de pétrole. En outre, le rééquilibrage et ralentissement de la croissance en Chine pourraient peser sur la demande de pétrole.

C. Impacts théoriques d’une baisse des prix du pétrole (pour un importateur net)

Les dépenses d’énergie font partie du panier de consommation ; une baisse des prix du pétrole affecte donc directement l’inflation et le pouvoir d’achat des ménages. Cet effet « consommation » dépend de la part des produits à forte intensité énergétique dans l’indice des prix à la consommation et du degré de substituabilité entre consommation liée ou non à l’énergie (qui est susceptible d’être faible à court terme quand la demande d’énergie est relativement inélastique). Les hydrocarbures et autres produits énergétiques entrent aussi dans la fonction de production. Par conséquent, une baisse des prix du pétrole affecte les coûts de production finaux directement, mais aussi indirectement, au travers de la baisse des prix des autres biens intermédiaires importés et des coûts de transport. La baisse des coûts de production finaux affectera à son tour les marges des entreprises, et ensuite leur investissement ou emploi (en fonction du partage de la valeur ajoutée). C’est l’effet « production » dont la taille dépend de la part des produits énergie dans la production finale et du degré de substituabilité entre les facteurs énergétiques et non-énergétiques (comme la consommation, le degré de substituabilité est faible à court terme). Enfin, l’impact via les prix à l’importation hors énergie dépendra de la part des importations dans la production ainsi que de la substituabilité entre produits nationaux et importés.

Enfin, la rémunération, selon leur part dans la valeur ajoutée, des facteurs de production – salaires et profits – est susceptible de s’adapter à la baisse des prix du pétrole. C’est l’effet « prix relatifs ». Les ménages enregistrant une augmentation de leur salaire réel vont augmenter, toutes choses égales par ailleurs, leur demande de produits hors énergie, ce qui exercera une pression à la hausse sur l’indice des prix. En revanche, il peut y avoir une pression à la baisse sur certains revenus non salariaux, tels que les dividendes des entreprises liées au secteur pétrolier. La réponse globale de l’investissement dépendra du prix relatif des facteurs de production et des perspectives de demande. Les plans budgétaires publics peuvent aussi changer en raison des révisions de l’impôt sur les sociétés et des taxes sur l’énergie. L’impact sur le commerce extérieur dépendra de la demande relative et des effets de la baisse des prix du pétrole sur les prix relatifs.

Un autre impact, moins économique qu’écologique, concerne la transition énergétique. Un pétrole bon marché ralentit la transition énergétique dans les transports, en rendant les véhicules hybrides, tout-électriques et ceux plus efficaces, moins attractifs : cela constitue une très mauvaise nouvelle pour les émissions de gaz à effet de serre.

D. Dans quelles proportions la baisse des prix du pétrole affecte-t-elle la croissance ?

L’effet d’une baisse des prix du pétrole sur la croissance d’un pays est différent selon que le pays est importateur ou exportateur net de pétrole, une baisse des prix du pétrole transférant les revenus des pays producteurs vers les pays importateurs. De plus, pour un pays importateur, cela dépend de l’intensité énergétique de son appareil productif mais aussi des facteurs responsables de la baisse des prix du pétrole (facteurs d’offre ou de demande).

Une baisse des prix est supposée produire une hausse du PIB dans les pays importateurs nets de pétrole, la baisse des prix stimulant les revenus disponibles réels (au travers de l’effet « prix relatifs »). En outre, l’offre globale est supposée croître grâce à la baisse des coûts de production intermédiaires. Mais ce canal de transmission tend à être faible (Kilian, 2008), car la part des produits pétroliers dans la fonction de production est relativement faible (entre 2 et 5% selon les secteurs et les régions, IMF WEO, 2011). Chez les pays exportateurs, la baisse des revenus liés au pétrole peut avoir un impact négatif sur leur croissance économique en l’absence d’autres sources de revenus. Aujourd’hui, la baisse du prix du pétrole risque d’avoir un fort impact négatif sur la croissance de pays producteurs les plus vulnérables tels que les la Russie et le Venezuela.

Un autre facteur important à considérer concerne la nature du choc. Si les prix du pétrole baissent en raison d’une détérioration de la demande mondiale, alors la baisse des prix n’enrayera pas la baisse de la croissance mondiale, tandis que si les prix baissent en raison d’une hausse de l’offre, alors le choc est susceptible d’être accompagné d’une hausse de la croissance mondiale (voir Archanskaia, Creel and Hubert, 2012).

Un chapitre du World Economic Outlook (2011) du FMI fournit les impacts estimés d’une baisse des prix du pétrole sur le PIB pour un certain nombre de pays. L’impact est similaire aux États-Unis et en zone euro où une baisse de 10% des prix accroît le PIB d’environ 0,2%. L’impact sur le PIB est plus important pour les pays émergents importateurs nets de pétrole du fait de leur intensité énergétique plus élevée (Chine, + 0,35%). Les exportateurs nets de pétrole voient un effet négatif important (Russie et Arabie saoudite, – 1,2%)[3].

E. L’impact sur la croissance pourrait-il être différent aujourd’hui?

Il existe au moins trois raisons pour lesquelles l’impact de la récente baisse des prix pourrait être différent de la moyenne des impacts précédents :

• Non-linéarités potentielles : les estimations précédentes supposent toutes un impact linéaire du pétrole sur l’activité. Mais certains chercheurs (voir Hamilton, 2010) soutiennent que les changements de prix ont un effet non linéaire à cause de l’incertitude. Plus le choc sur les prix relatifs est grand, plus il est susceptible de provoquer des ajustements sectoriels et dans les technologies de production. Cela signifierait que les baisses des prix du pétrole ont un impact plus modéré sur l’activité que les hausses, de la même façon que l’incertitude accrue et la nécessité de réaffecter les ressources peuvent partiellement compenser l’augmentation des revenus réels de la baisse des prix.

• La suppression des subventions : plusieurs gouvernements ont profité de la baisse des prix pour réduire leurs subventions aux carburants. Les subventions ont été réduites ou les taxes augmentées en Chine, Inde, Indonésie, Malaisie, Koweït et Egypte (Oil Market Report de l’IEA). L’effet sur la croissance dans les économies émergentes serait donc plus faible à court terme[4].

• Déflation : une autre raison pour laquelle la baisse des prix pourrait avoir un effet plus faible sur la croissance est le (déjà) très faible niveau d’inflation dans de nombreuses économies avancées et la contrainte de la borne inférieure des taux d’intérêts pour la politique monétaire. En effet, la récente baisse des prix augmente le risque de déflation, et donc d’une augmentation des taux réels ajoutant une pression supplémentaire à la baisse sur les perspectives de croissance.

F. Quelle est la réponse appropriée de politique monétaire à une baisse des prix du pétrole ?

La façon dont les ajustements des prix relatifs affectent l’économie dépendra aussi de la réponse de politique monétaire. La littérature sur la politique monétaire optimale suggère qu’en réponse à un choc sur les prix relatifs, la banque centrale doit essayer de stabiliser l’inflation des biens (ou des facteurs de production) dont les prix sont les plus persistants et ne pas se préoccuper des prix plus flexibles. L’ajustement nécessaire se produira alors dans les secteurs où les prix sont flexibles, ce qui permettra d’éviter des distorsions de prix ainsi que des écarts de production et d’emploi trop forts.

Mais la réponse optimale de politique monétaire n’est pas possible si les taux d’intérêts directeurs sont contraints par la borne inférieure des taux d’intérêts, ce qui empêche les taux courts de s’ajuster pour contrer les pressions déflationnistes. Sous l’hypothèse que les anticipations d’inflation ne sont pas rationnelles, une baisse des prix du pétrole pourrait conduire à un dés-ancrage à la baisse des anticipations d’inflation, réduisant ainsi la crédibilité de la banque centrale. Ce risque suggère de mettre l’accent en amont sur des politiques accommodantes agissant comme une assurance contre le risque déflationniste.

G. Quels sont les risques pour les pays exportateurs de pétrole ?

La baisse des prix du pétrole pourrait exacerber les fragilités de certains pays exportateurs de pétrole, augmentant le risque de perturbation sur les marchés financiers. Pour les pays producteurs nets de pétrole dont ce secteur représente plus de 10% du PIB, l’exportation de pétrole représente en moyenne 75% du total des exportations (source: IEA). Ainsi, une nouvelle baisse du prix du pétrole et la réduction associée des recettes pétrolières seraient un frein important à la croissance du PIB.

Il existe un petit groupe de pays pour lesquels la baisse des prix du pétrole semble déjà être à l’origine de perturbations financières ; mais ceux-ci sont relativement isolés du système financier mondial. Le Venezuela, l’Iran, le Nigeria, le Kazakhstan, le Tchad et la République du Congo ont une forte dépendance aux revenus pétroliers. Pour le Venezuela, où le pétrole représente plus de 90% des exportations et 40% des recettes publiques, la baisse du prix du pétrole a encore augmenté le risque d’un défaut souverain. Un autre sous-ensemble de pays comprenant les principaux producteurs de pétrole comme le Koweït, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite, qui représente près de 25% de la production totale de pétrole, a des positions extérieures solides qui offrent une protection contre une baisse des prix du pétrole. Ceux-ci seraient moins fragiles : si les revenus liés au pétrole diminuent, ils n’ont pas besoin de procéder à un rapatriement de leurs avoirs à l’étranger.

La Russie est un important exportateur de pétrole et de gaz, et les prix d’une grande partie de ses exportations de gaz sont encore mécaniquement liés au prix mondial du pétrole. La baisse du prix du pétrole réduit ainsi les recettes d’exportation de la Russie. Malgré cela, la position extérieure de la Russie est encore assez forte. Les réserves de change représentaient 11 % du PIB en décembre 2014. La dette publique est faible (9 % du PIB en 2014) et seule une petite proportion (moins de 2 % du PIB) est en monnaie étrangère (source). Le système bancaire russe est créancier net vis-à-vis du reste du monde. Le risque principal est que les entreprises russes, particulièrement exposées aux fluctuations des prix du pétrole ou ayant contracté des emprunts en devises, soient affectées par la baisse du rouble et des prix du pétrole. Le besoin affiché de préserver les réserves de change dans l’optique de fournir un soutien financier semble avoir été l’une des principales raisons de la décision de la Banque centrale russe en novembre 2014 d’adopter un système de change flottant.

 


[1] Provocation ou non, le ministre saoudien de l’Énergie a ainsi déclaré en décembre 2014 qu’un pétrole à 20 dollars était soutenable par l’Arabie Saoudite.

[2] L’élasticité-prix à long terme est supposée plus élevée qu’à court terme, conduisant à de nouvelles pressions à la hausse sur la demande dans les années suivantes qui peuvent, à leur tour, affecter les anticipations à court terme.

[3] Un récent post du blog de la Réserve Fédérale d’Atlanta soutient que la baisse pourrait en effet peser sur la croissance américaine à court terme en réduisant l’exploitation minière et les investissements pétroliers. A plus long terme, l’impact sur la croissance est positif, et plus faible de l’ordre de 0,15 point de pourcentage, que ne le suggèrent les estimations précédentes.

[4] La réduction des distorsions de prix étant supposément bénéfique à long terme.




La BCE est-elle impuissante ?

Christophe Blot, Jérôme Creel, Paul Hubert et Fabien Labondance

En juin 2014, la BCE annonçait un ensemble de nouvelles mesures (dont la description détaillée est proposée dans une étude spéciale intitulée « Comment lutter contre la fragmentation du système bancaire de la zone euro ? », Revue de l’OFCE, n°136), afin d’enrayer la baisse de l’inflation et soutenir la croissance. Mario Draghi avait ensuite précisé les objectifs de sa politique monétaire indiquant que la BCE souhaitait augmenter son bilan de 1 000 milliards d’euros pour retrouver un niveau proche de celui observé au cours de l’été 2012. Parmi les mesures mises en œuvre, beaucoup était attendu de la nouvelle opération de refinancement (TLTRO pour targeted long-term refinancing operation) qui doit permettre aux banques de la zone euro d’accéder au refinancement de la BCE sur une maturité de 4 ans en contrepartie de l’octroi de crédits au secteur privé (hors prêts immobiliers). Pourtant, après les deux premières allocations (24 septembre 2014 et 11 décembre 2014), le bilan est plus que mitigé, les montants alloués étant bien inférieurs aux attentes. Cette situation témoigne de la difficulté de la BCE à lutter efficacement contre le risque déflationniste.

En effet, après avoir alloué 82,6 milliards d’euros en septembre (contre un montant anticipé compris entre 130 et 150 milliards), la BCE n’a octroyé « que » 130 milliards le 11 décembre, soit un chiffre à nouveau inférieur à ce qui avait été anticipé. On est donc bien loin du montant maximum de 400 milliards d’euros qui avaient été évoqué par Mario Draghi en juin 2014 pour ces deux opérations. De plus, ces deux premières allocations sont clairement insuffisantes pour doper significativement le bilan de la BCE (graphique 1), et ce d’autant plus que les banques continuent à rembourser les prêts à trois ans qu’elles avaient obtenus fin 2011 et début 2012 dans le cadre du programme VLTRO (very long term refinancing operation)[1]. Comment expliquer la réticence des banques à recourir à cette opération qui leur permet pourtant de refinancer les crédits octroyés à un taux très bas et pour une durée de 4 ans ?

La première tient au fait que les banques ont déjà un accès très large et très avantageux aux liquidités de la BCE dans le cadre des opérations de politique monétaire déjà mises en œuvre par la BCE[2]. Ces opérations sont même actuellement assorties d’un taux d’intérêt plus faible que celui du TLTRO (0,05 % contre 0,15 %). De même, le TLTRO n’est pas plus attractif que certains financements de marché à long terme, surtout que de nombreuses banques n’ont pas de contraintes de financement. L’intérêt du TLTRO est donc marginal, lié à la maturité de l’opération, et plus contraignant car conditionnel à la distribution de crédit. Pour les deux premières opérations menées en septembre et décembre 2014, l’allocation ne pouvait dépasser 7 % de l’encours de prêts au secteur privé non-financier de la zone euro, à l’exclusion des prêts au logement, au 30 avril 2014. De nouvelles séries de TLTRO seront menées entre mars 2015 et juin 2016, sur un rythme trimestriel. Le montant maximum pouvant être alloué aux banques dépendra cette fois-ci de la croissance de l’encours de prêts au secteur privé non-financier de la zone euro, à l’exclusion des prêts au logement, entre la date du 30 avril 2014 et celle de l’adjudication considérée.

La deuxième raison tient au fait que la faiblesse du crédit dans la zone euro ne résulte pas uniquement des facteurs d’offre mais aussi de la demande. Le peu d’activité et l’objectif de désendettement des agents privés limitent la demande de crédit.

Troisièmement, au-delà de la capacité des banques à se refinancer, il est possible que les banques cherchent à réduire leur exposition au risque. Le problème est alors lié à leurs actifs. Or, les prêts non-performants se situent toujours à un niveau très élevé, notamment en Espagne et en Italie (graphique 2). En outre, bien que l’AQR (Asset Quality Review) menée par la BCE ait révélé que les risques d’insolvabilité étaient limités dans la zone euro, le rapport souligne également que certaines banques ont des niveaux de leviers élevés et qu’elles ont surtout utilisé les liquidités pour acheter des titres obligataires publics, afin de satisfaire leurs exigences de fonds propres. Elles réduisent alors le risque de leur bilan en limitant les crédits octroyés au secteur privé.

Enfin, deux éléments d’incertitude viennent réduire la participation des banques au TLTRO. Le premier concerne la stigmatisation liée à la conditionnalité du TLTRO et au fait que les banques qui ne respecteraient pas leurs engagements de distribution de crédit seront tenues de rembourser les financements obtenus auprès de la BCE après deux années. Les banques ayant des perspectives incertaines sur leur capacité à augmenter leurs prêts peuvent ainsi souhaiter éviter la perspective d’avoir à rembourser ces fonds plus tôt. Le second est lié aux incertitudes concernant les programmes d’achats d’ABS et de Covered Bonds[3]. Les banques pourraient également privilégier ces programmes pour obtenir des liquidités en contrepartie de la cession d’actifs dont elles souhaiteraient se débarrasser.

La politique monétaire est-elle devenue totalement inefficace ? La réponse est très certainement non, puisqu’en offrant aux banques la garantie qu’elles pourront refinancer leur activité via différents programmes (TLTRO, ABS, Covered Bonds, etc.), la BCE réduit les risques de rationnement du crédit liés aux passifs dégradés de certaines banques. La politique monétaire permet ainsi de rendre plus opérant le canal du crédit. Mais ses effets demeurent néanmoins limités, comme le suggèrent Bech, Gambacorta et Kharroubi (2012) qui montrent que la politique monétaire est moins efficace dans les périodes de reprise qui suivent une crise financière. Peut-on sortir de cette impasse ? Ce constat sur l’efficacité de la politique monétaire montre qu’il ne faut pas trop et tout attendre de la BCE. Il reste donc essentiel de compléter le soutien à l’activité par une politique budgétaire expansionniste à l’échelle de la zone euro. C’est aussi ce qu’affirmait le Président de la BCE pendant l’été lors de la conférence de Jackson Hole déclarant que « Les politiques de demande sont non seulement justifiées par la composante cyclique du chômage mais également parce que dans un contexte d’incertitude, elles permettent de se prémunir contre le risque d’effet d’hystérèse[4] ».

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[1] Voir dans la Revue de l’OFCE n°136, l’étude spéciale « Comment lutter contre la fragmentation du système bancaire de la zone euro ? » pour un exposé des différentes mesures de politique monétaire mises en place par la BCE depuis le début de la crise financière et une estimation de leur impact sur la sphère réelle.

[2] Cela inclut les opérations standards de politique monétaire ainsi que l’opération VLTRO par laquelle la BCE avait octroyé des liquidités pour une durée exceptionnelle de 3 ans en décembre 2011 et février 2012.

[3] Il s’agit ici de programmes d’achat de titres sur les marchés et non de liquidités octroyées directement aux banques. Les Covered bonds et les ABS sont des titres gagés sur des actifs et dont la rémunération dépend de celle de l’actif sous-jacent qui est nécessairement un crédit hypothécaire dans le cas des Covered bonds et qui peut inclure d’autres types de crédits (cartes de crédit, crédits de trésorerie aux entreprises, …) dans le cas des ABS.

[4] “Demand side policies are not only justified by the significant cyclical component in unemployment. They are also relevant because, given prevailing uncertainty, they help insure against the risk that a weak economy is contributing to hysteresis effects.”




Les prévisions macroéconomiques des banques centrales sont-elles meilleures que celles des agents privés ?

par Paul Hubert

Les anticipations privées – d’inflation, de croissance ou de taux d’intérêt – sont un élément crucial de la plupart des modèles macroéconomiques récents, car elles déterminent les réalisations courantes et futures de ces mêmes variables. La prise en compte par les banquiers centraux et l’influence qu’ils peuvent exercer sur les anticipations privées, via les décisions de taux ou leur communication, a ainsi pris de plus en plus de poids dans l’élaboration des politiques monétaires. La mise en place par les banques centrales de politiques d’orientation prospective, dites de « forward guidance », renforce d’autant plus l’importance des prévisions macroéconomiques de la banque centrale comme outil de la politique monétaire pour affecter ces prévisions privées.

Un article récent paru dans la Revue de l’OFCE (n° 137 – 2014) évalue la performance de prévision de la Réserve fédérale des Etats-Unis par rapport à celle des agents privés. Cette revue empirique de la littérature existante confirme que la Fed bénéficie d’une performance de prévision supérieure aux agents privés en ce qui concerne l’inflation, mais pas sur la croissance du PIB. En outre, plus l’horizon de prévision est lointain, plus l’avantage de la Fed est prononcé. Cette supériorité semble cependant diminuer dans la période la plus récente, mais reste importante. Cet article met en lumière les sources potentielles de cette supériorité et suggère qu’elle pourrait provenir d’une meilleure information sur les chocs affectant l’économie plutôt que d’un meilleur modèle de l’économie. La publication de ces prévisions macroéconomiques participe donc à la diffusion de l’information parmi les agents économiques et à l’efficacité de la politique monétaire en permettant aux agents privés d’en appréhender l’inclination et l’évolution future probable.

 




Les enjeux du triple mandat de la BCE

par Christophe Blot, Jérôme Creel, Paul Hubert et Fabien Labondance

La crise financière a initié un débat sur le rôle des banques centrales et la conduite de la politique monétaire avant, pendant et après les crises économiques. Le consensus qui prévalait sur le rôle des banques centrales s’est fissuré. L’objectif unique de stabilité des prix est remis en cause au profit d’un triple mandat incluant l’inflation, la croissance et la stabilité financière. C’est de facto l’orientation qui est donnée au rôle de la BCE. Nous évoquons cette situation dans l’un des articles d’un numéro de la revue de l’OFCE intitulé « Réformer l’Europe »[1], dans lequel nous discutons de la mise en œuvre de ces différents objectifs.

La poursuite du seul objectif de stabilité des prix est aujourd’hui insuffisante pour assurer la stabilité macroéconomique et financière[2]. Un nouveau paradigme émerge dans lequel les banques centrales doivent à la fois veiller à la stabilité des prix, à la croissance et à la stabilité financière. Les évolutions institutionnelles récentes de la BCE vont dans ce sens puisqu’elle se voit confier la surveillance micro-prudentielle[3]. En outre, la conduite de la politique monétaire dans la zone euro montre que la BCE est restée attentive à l’évolution de la croissance[4]. Mais si la BCE poursuit de fait un triple mandat, la question de la bonne articulation entre ces différentes missions continue de se poser.

La coordination entre les différents acteurs en charge de la politique monétaire, de la régulation financière et de la politique budgétaire est primordiale et fait défaut dans l’architecture actuelle. Par ailleurs, certaines pratiques doivent être clarifiées. La BCE a joué un rôle de prêteur en dernier ressort (des banques et dans une moindre mesure des Etats) sans que cette fonction ne lui soit précisément attribuée. Enfin, dans ce nouveau schéma où la BCE joue un rôle accru dans la détermination de l’équilibre macroéconomique et financier de la zone euro, il nous semble nécessaire de renforcer le contrôle démocratique de la BCE. La définition des objectifs de la BCE dans le Traité de Maastricht lui laisse en effet une forte autonomie d’interprétation (voir notamment la discussion de Christophe Blot, ici). Par ailleurs, si la BCE rend compte régulièrement de son action auprès du Parlement européen, ce dernier n’a pas la possibilité de l’orienter [5].

A la suite de ces constats, nous évoquons plusieurs propositions afin d’articuler plus efficacement les trois objectifs poursuivis dorénavant par la BCE :

1 – Sans modification des traités en vigueur, il est important que les dirigeants de la BCE soient plus explicites dans les différents objectifs poursuivis[6]. La priorité annoncée à l’objectif de stabilité des prix ne semble désormais plus correspondre à la pratique de la politique monétaire : l’objectif d’écart de croissance semble primordial, tout comme celui de stabilité financière. Plus de transparence rendrait la politique monétaire plus crédible et certainement plus efficace à prévenir une autre crise bancaire et financière. Le recours à une politique de change[7] ne devrait plus être négligé car elle peut participer à la résorption des déséquilibres macroéconomiques dans la zone euro.

2 – En l’absence d’une telle clarification, l’indépendance extensive de la BCE devrait être remise en cause afin de mieux correspondre aux standards internationaux en la matière. Les banques centrales disposent très rarement de l’indépendance d’objectif : à titre d’exemple, la Réserve fédérale poursuit un double mandat explicite, tandis que la Banque d’Angleterre inscrit son action dans un ciblage d’inflation institutionnalisé. Un triple mandat explicite pourrait être imposé à la BCE par les gouvernements, à charge pour les dirigeants de la BCE d’arbitrer efficacement entre ces objectifs.

3 – La question de l’arbitrage devient effectivement plus délicate au gré de l’élévation du nombre des objectifs poursuivis. Elle l’est d’autant plus que la BCE s’est lancée de facto dans une politique de gestion de la dette publique qui l’expose désormais à la question de la soutenabilité des finances publiques européennes. Le mandat de la BCE devrait donc mentionner de jure son rôle de prêteur en dernier ressort, tâche usuelle des banques centrales, ce qui clarifierait la nécessité d’une coordination plus étroite entre gouvernements et BCE.

4 – Plutôt qu’à une remise en cause totale de l’indépendance de la BCE, qui n’obtiendrait jamais l’unanimité des Etats membres, nous appelons à la création ex nihilo d’un « organe de contrôle » de la BCE, qui pourrait être une émanation du Parlement européen, chargé de discuter et d’analyser la pertinence des politiques monétaires mises en place au regard des objectifs élargis de la BCE : stabilité des prix, croissance, stabilité financière et soutenabilité des finances publiques.  La BCE serait alors non seulement invitée à rendre compte de sa politique – ce qu’elle fait déjà auprès du Parlement ou au travers du débat public – mais pourrait aussi voir ses objectifs ponctuellement redéfinis. Cet « organe de contrôle » pourrait par exemple proposer une quantification de la cible d’inflation ou d’un objectif de chômage.

 


[1] « Réformer l’Europe », sous la direction de Christophe Blot, Olivier Rozenberg, Francesco Saraceno et Imola Streho, Revue de l’OFCE, n° 134, mai 2014. Le numéro est disponible en version française et anglaise et a fait l’objet d’un post de blog.

[2] Le lien entre stabilité des prix et stabilité financière est analysé dans Assessing the Link between Price and Financial Stability(2014),  Christophe Blot, Jérôme Creel, Paul Hubert, Fabien Labondance et Francesco Saraceno, Document de travail de l’OFCE 2014-2.

[3] La mise en œuvre de l’union bancaire confie à la BCE un rôle en matière de régulation financière (décision du Conseil de l’Union européenne du 15 octobre 2013). Elle est désormais en charge de la supervision bancaire (plus particulièrement des institutions de crédit dites « significatives ») dans le cadre du SSM (Single supervisory mechanism). A compter de l’automne 2014, la BCE sera en charge de la politique micro-prudentielle, en étroite coopération avec les organismes et institutions nationales. Voir également, l’article de Jean-Paul Pollin « Au-delà de l’Union bancaire » dans la Revue de l’OFCE (« Réformer l’Europe »).

[4] Castro (2011) « Can central banks’ monetary policy be described by a linear (augmented) Taylor rule or by a nonlinear rule ? », Journal of Financial Stability vol.7(4), p. 228-246. Ce papier montre, au travers de l’estimation de règles de Taylor entre 1999:1 et 2007:12, que la BCE a réagi significativement à l’inflation et à l’écart de production.

[5] Aux Etats-Unis, le mandat de la Réserve fédérale est défini par le Congrès qui exerce ensuite un droit de surveillance pouvant ainsi modifier ses statuts et son mandat.

[6] Au-delà de l’explicitation des objectifs en termes d’inflation ou de croissance, l’objectif fondamental de la banque centrale est de garantir la confiance en la monnaie.

[7] Cette question est en partie évoquée dans un post récent.




Quelles options pour la BCE ?

par Paul Hubert

Tous les yeux sont actuellement tournés vers la BCE dont les déclarations récentes indiquent qu’elle se préoccupe du risque déflationniste dans la zone euro. Le nouveau recul de l’inflation au mois de mai à 0,5 %, en rythme annuel rappelle que ce risque s’accroît, ce qui pourrait amener la BCE à agir, lors de la réunion mensuelle du Conseil des Gouverneurs qui se tient aujourd’hui, ou dans les mois à venir. Ce post présente un court résumé des options possibles et disponibles pour la BCE.

1. Réduire le taux d’intérêt directeur (main refinancing operations rate, ou taux MRO) actuellement à 0,25%. Le consensus sur les marchés financiers se situe autour d’une réduction de 10 à 15 points de pourcentage, ce qui permettrait de réduire un peu plus le coût du financement pour les banques qui dépendent encore des liquidités de la BCE. Cette mesure aurait cependant un impact marginal sur les taux des opérations de refinancement (MRO et LTRO, opérations dites de refinancement à plus long terme), ce qui influencerait peu les conditions de financement et aurait donc peu d’avantages pour les banques espagnoles et italiennes (principales utilisatrices de cette option).

2. Réduire le taux d’intérêt des dépôts (deposit facility rate) de zéro à des taux négatifs (à nouveau de 10 à 15 points de pourcentage). Cette option est anticipée en grande partie par les marchés financiers. Un taux d’intérêt négatif sur les dépôts devrait également être accompagné d’une modification de la politique des réserves excédentaires de la BCE en plafonnant le montant des réserves excédentaires des banques commerciales au bilan de la BCE ou en appliquant le même taux négatif aux réserves excédentaires. Sans cela, les banques transfèreraient tout simplement leur fonds du compte de dépôts vers les réserves excédentaires. Une combinaison de ces deux politiques devrait conduire à un taux Eonia plus faible, entre zéro et 0,05%. Ainsi, l’incitation des banques à laisser leurs liquidités à la BCE serait réduite afin de stimuler la distribution de crédits au secteur non financier.

3. Une extension de la politique de provision de liquidités en quantité illimitée à taux fixe (fixed-rate full allotment) de mi-2015 à fin 2015 ou même mi-2016, est majoritairement considérée comme une option facile et rapide qui fournirait une assurance supplémentaire sur les marchés avant les échéances de LTRO de début 2015. Ce type de mesure garantirait la liquidité du système bancaire mais pourrait avoir un impact limité sur l’activité et l’inflation tant que les banques préféreront placer leurs liquidités auprès de la banque centrale.

4. La BCE annonce la fin de la stérilisation du programme SMP (Securities Markets Programme, programme d’achats d’obligations souveraines des pays en difficulté de la zone euro). Les marchés paraissent divisés sur cette question. La BCE n’a pas réussi à attirer une demande suffisante pour stériliser complètement cette opération lors des huit dernières semaines. Cela ajouterait 164,5 milliards d’euros (le montant cible du SMP) de liquidités au système et conduirait le taux Eonia à zéro ou même en territoire négatif et pourrait réduire la volatilité apparue ces derniers mois. Cette mesure réduirait donc également le taux des refinancements interbancaires, ce qui reviendrait peu ou prou à la première option.

5. Un programme de LTRO conditionnel et ciblé pourrait voir le jour. Cela consisterait à copier le programme de financement ciblé (Funding for Lending Scheme -FLS-) mis en place par la Banque d’Angleterre dans lequel un financement peu cher est accordé aux banques en échange de l’octroi de nouveaux prêts à l’économie réelle. Cela prendrait cependant du temps à mettre en place et encore plus à produire un effet réel sur l’économie mais serait probablement la mesure la plus efficace pour stimuler l’activité car elle permettrait de peser sur les conditions de refinancement au-delà des opérations interbancaires.

En tout état de cause, la situation économique de la zone euro, aussi bien pour les perspectives des entreprises que pour la situation sur le marché de l’emploi, appelle à une réaction forte de la BCE pour éviter que la zone euro ne rentre en déflation. L’effet de signal pourra être tout aussi important que la mesure concrètement mise en œuvre par la BCE. En se montrant active à l’issue de la réunion d’aujourd’hui, la BCE montrera sa détermination à lutter contre le risque déflationniste, ce qui pourra au moins modifier les anticipations des agents. Si toute action de la BCE est la bienvenue, il reste que la situation économique actuelle résulte également des politiques budgétaires restrictives qui pèsent sur l’activité (voir également ici).




La BCE, ou comment devenir moins conventionnel

par Jérôme Creel et Paul Hubert

La situation économique morose de la zone euro, avec ses risques de déflation, amène les membres de la Banque centrale européenne (BCE) à réfléchir à de nouveaux assouplissements monétaires quantitatifs, comme en attestent les récentes déclarations des banquiers centraux allemand, slovaque et européen. De quoi pourrait-il s’agir et ces mesures pourraient-elles être efficaces pour relancer l’économie de la zone euro ?

Les assouplissements quantitatifs, bien souvent qualifiés de QE (pour Quantitative Easing), regroupent plusieurs types différents de politique monétaire non-conventionnelle. Pour les définir, il convient de commencer par caractériser la politique monétaire conventionnelle.

La politique monétaire conventionnelle consiste à modifier le taux d’intérêt directeur (celui des opérations dites de refinancement à moyen terme) par des opérations dites d’open-market pour influencer les conditions de financement. Ces opérations peuvent modifier la taille du bilan de la banque centrale, notamment par le biais de la création monétaire. Il y a donc là un écueil dans la distinction entre politiques conventionnelle et non-conventionnelle : l’augmentation de la taille du bilan de la banque centrale ne suffit pas pour caractériser une politique non conventionnelle.

A contrario, une politique d’assouplissement quantitatif, non-conventionnelle, donne lieu stricto sensu à une augmentation de la taille du bilan de la banque centrale, mais sans création monétaire immédiate supplémentaire : le supplément de liquidités fourni par la banque centrale aux banques commerciales sert à augmenter les réserves de celles-ci auprès de la banque centrale, à charge pour elles d’utiliser in fine ces réserves à l’acquisition ultérieure de titres ou à l’octroi de crédits. Ces réserves, qui sont des actifs sûrs des banques commerciales, permettent d’assainir leurs propres bilans : la proportion d’actifs risqués diminue, celle des actifs sûrs augmente.

Un autre type de politique monétaire non-conventionnelle, l’assouplissement qualitatif (ou Qualitative Easing), consiste à modifier la structure du bilan de la banque centrale, généralement côté actif, mais sans modifier la taille du bilan. Il peut s’agir pour la banque centrale d’acquérir des titres plus risqués (non triple A) au détriment de titres moins risqués (triple A). Ce faisant, la banque centrale atténue la part de risque au bilan des banques auprès desquelles elle a acquis ces titres risqués.

Un dernier type de politique monétaire non-conventionnelle consiste à mener à la fois une politique d’assouplissement quantitatif et qualitatif : c’est l’assouplissement du crédit (ou Credit Easing). La taille du bilan de la banque centrale et le risque induit augmentent de concert.

Parmi les politiques monétaires non-conventionnelles attribuées à la BCE, on cite souvent les opérations d’octroi de liquidités à long terme (3 ans) et à taux d’intérêt bas, entreprises en novembre 2011 et février 2012 et qualifiées d’opérations VLTRO (Very long term refinancing operation). S’agissait-il effectivement d’opérations non-conventionnelles de grande ampleur ? D’une part, ces opérations n’ont pas porté sur des montants de 1 000 milliards d’euros, mais sur des montants nets plus proches de 500 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable, après corrections des remboursements des banques auprès de la BCE. D’autre part, les opérations de LTRO font partie de l’arsenal conventionnel de politique de la BCE. Enfin, ces opérations auraient été en partie stérilisées : les crédits octroyés par la BCE aux banques commerciales auraient été compensés par des ventes de titres par la BCE, modifiant ainsi la structure de l’actif de la BCE. On peut donc conclure que les opérations de VLTRO ont été, pour partie, « conventionnelles » et, pour partie, « non-conventionnelles ».

Il en va différemment du mécanisme de Securities Market Programme qui a consisté, de la part de la BCE, à acquérir sur les marchés secondaires des titres de dette publique pendant la crise des dettes souveraines. Ce mécanisme a conduit à augmenter la taille du bilan de la BCE, mais aussi le risque induit : cette politique d’assouplissement du crédit a bel et bien été une politique non-conventionnelle.

Compte tenu des différentes définitions existantes à propos de ces politiques non-conventionnelles, il est utile de rappeler que la BCE communique expressément sur les montants qu’elle a consentis dans le cadre qu’elle a défini comme étant caractéristique de ses politiques non-conventionnelles (Securities held for monetary policy purposes). Ces montants sont représentés dans le graphique ci-après. Ils témoignent de la fréquence et de l’ampleur des activités monétaires que la BCE définit donc elle-même de non-conventionnelles.

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Les 3 différentes mesures représentées sur ce graphique (taille du bilan de la BCE, montant des LTRO et montant des Securities held for monetary policy purposes) sont exprimées en milliards d’euros. Les deux premières ont connu une hausse au 4e trimestre 2008 après la faillite de Lehman Brothers tandis que la troisième mesure de politique non-conventionnelle n’a commencé qu’en juin 2009. On remarque ensuite une nouvelle vague conjointe d’approfondissement de ces mesures lors de la fin d’année 2011. A la suite de cet épisode, le montant des opérations de LTRO était égal à 1 090 milliards d’euros et représentait environ 10 % du PIB de la zone euro (9 400 Mds€), soit un tiers environ du bilan de la BCE, tandis que le montant des Securities held for monetary policy purposes n’était que de 280 milliards d’euros, soit 3 % du PIB de la zone euro, et environ 4 fois moins que les opérations de LTRO. Il est intéressant de noter que la politique monétaire de la BCE, qui dépend de la demande de liquidités des banques, s’est modifiée en 2013. On peut interpréter la réduction de la taille du bilan comme le signe d’une politique moins expansionniste ou comme une baisse de la demande de liquidités en provenance des banques. Dans le premier cas, il s’avèrerait que cette stratégie de sortie des politiques d’assouplissement monétaire était sans doute trop précoce au regard de la conjoncture européenne, d’où le recours évoqué récemment à de nouvelles mesures non-conventionnelles.

Jusque-là, ces mesures ont été introduites officiellement afin de restaurer les canaux de transmission de la politique monétaire de la BCE à l’économie réelle, canaux qui dans certains pays de la zone euro ont été brouillés par la crise financière et de la zone euro. Le moyen de restaurer ces canaux a consisté à injecter des liquidités dans l’économie et à augmenter les réserves du secteur bancaire afin d’inciter les banques à accorder à nouveau des prêts. Un autre objectif de ces politiques est d’envoyer un signal aux investisseurs sur la capacité de la banque centrale à assurer la stabilité et la pérennité de la zone euro, matérialisé par le célèbre « whatever it takes »[1] prononcé par Mario Draphi le 26 juillet 2012.

Dans un récent document de travail avec Mathilde Viennot, nous nous penchons sur l’efficacité des politiques conventionnelles et non-conventionnelles pendant la crise financière. Nous estimons les effets de l’instrument conventionnel et des achats de titres dans le cadre des politiques non-conventionnelles de la BCE (Securities held for monetary policy purposes) sur les taux d’intérêt et volumes de nouveaux crédits consentis sur différents marchés : prêts aux entreprises non-financières, aux ménages, marché des dettes souveraines, marché monétaire et celui des dépôts.

Nous montrons que les politiques non-conventionnelles ont permis de réduire les taux d’intérêt sur le marché monétaire, celui des titres souverains et des prêts aux entreprises non-financières. Ces politiques n’ont cependant pas eu d’effets sur les volumes de prêts accordés. Dans le même temps, il s’avère que l’instrument conventionnel, dont l’inefficacité a été l’une des justifications à la mise en place des mesures non-conventionnelles, a eu l’effet attendu sur quasiment tous les marchés étudiés, et d’autant plus dans les pays du Sud de la zone euro que dans ceux du Nord sur le marché des titres souverains à 6 mois et des prêts immobiliers aux ménages.

Il semble donc que les politiques non-conventionnelles ont eu des effets directs sur le marché des titres souverains et des effets indirects, en permettant de restaurer l’efficacité de l’instrument conventionnel sur les autres marchés. Une des raisons permettant d’expliquer le faible impact des deux instruments sur les volumes de prêts accordés tient à la nécessité pour les banques commerciales[2] de se désendetter et de réduire la taille de leur bilan en ajustant leur portefeuille d’actifs pondérés des risques, ce qui les a poussées à accroître leurs réserves plutôt que d’assurer leur rôle d’intermédiation et à réclamer une rémunération relativement plus élevée pour chaque exposition consentie. Ces comportements, bien que légitimes, nuisent à la transmission de la politique monétaire : les taux baissent mais le crédit ne repart pas. Il semble dès lors important que la politique monétaire ne repose pas exclusivement sur le secteur bancaire. Si une nouvelle vague d’opérations non-conventionnelles devait être entreprise, il faudrait qu’elle soit concentrée directement sur l’acquisition de titres souverains ou d’entreprises privées afin de contourner le secteur bancaire. Grâce à ce contournement, on assisterait certainement à des effets d’amplification de la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle. Et ce serait bienvenu pour échapper au risque de déflation dans la zone euro.[3]

 


[1] « La BCE mettra en œuvre tout ce qu’il faudra pour préserver l’euro. Et croyez-moi, ce sera suffisant. »

[2] Le raisonnement du désendettement s’applique aussi à leurs clients : les agents non-financiers.

[3] Voir le post de Christophe Blot et le récent rapport du CAE par Agnès Bénassy-Quéré, Pierre-Olivier Gourinchas, Philippe Martin et Guillaume Plantin sur ce sujet.




L’instabilité financière nuit-elle réellement aux performances économiques ?

par Jérôme Creel, Paul Hubert et Fabien Labondance

Quel lien pouvons-nous établir entre le degré de financiarisation des économies (entendu comme le ratio des crédits accordés aux agents privés sur le PIB), l’instabilité financière et les performances économiques (généralement le PIB par habitant) dans l’Union européenne (UE) ? C’est à cette question que nous entendons apporter des éléments de réponse à travers les résultats tirés d’un récent document de travail[1].

Dans la littérature économique, deux grandes visions s’affrontent. D’un côté, une optique héritée de Schumpeter rappelle la nécessité pour les entrepreneurs d’accéder à des sources de crédit afin de financer leurs innovations. Le secteur financier est dès lors perçu comme un préalable à l’activité innovatrice et comme un facilitateur des performances économiques. D’un autre côté, le développement financier est vu comme le résultat ou la conséquence du développement économique. Ce dernier implique une demande accrue de services financiers de la part des ménages et des entreprises. Il existe donc une source d’endogénéité dans les liens entre développement financier et économique puisque l’un est susceptible d’entraîner l’autre, et vice versa.

Jusqu’à récemment, les analyses tentant de départager et de quantifier ces causalités montraient un lien positif et significatif allant du degré de financiarisation des économies aux performances économiques (Ang, 2008). La crise financière internationale est cependant venue relativiser ces conclusions. En particulier, Arcand et al. (2012) montrent que les effets d’une financiarisation accrue deviennent négatifs au-delà d’un certain seuil[2]. La relation entre financiarisation et performance économique peut être représentée par une courbe en cloche : positive au début puis, à partir de seuils oscillant entre 80 et 100% du ratio crédits/PIB, progressivement nulle voire négative.

Contrairement à d’autres travaux qui incluent des pays avancés et des pays émergents, voire en développement, notre étude se focalise sur les Etats membres de l’UE de 1998 à 2011. L’intérêt de cet échantillon est que nous incluons uniquement des économies dont les systèmes financiers sont développés, ou pour le moins, avancés dans leur niveau de développement[3]. Par ailleurs, il s’agit d’un espace politique relativement homogène qui autorise la mise en place de régulations financières communes. Nous reprenons la méthodologie de Beck & Levine (2004) qui, à l’aide d’un panel et de variables instrumentales, permet de résoudre les problèmes d’endogénéité évoqués précédemment. Les performances économiques sont expliquées par les variables usuelles de la théorie de la croissance endogène, à savoir le PIB par tête initial, l’accumulation du capital humain à travers la moyenne des années d’enseignement, les dépenses publiques, l’ouverture commerciale et l’inflation. De plus, nous incluons les variables de financiarisation précédemment évoquées. Nous montrons ainsi que, contrairement aux résultats usuels de la littérature, le degré de financiarisation des économies n’a pas d’effets positifs sur les performances économiques mesurées par le PIB par tête, la consommation des ménages, l’investissement des entreprises ou encore le revenu disponible. Dans la plupart des cas, l’effet de la financiarisation n’est pas différent de zéro, et quand il l’est, le coefficient a un signe négatif. Difficile alors de prétendre que développement financier et économique vont de pair dans ces économies !

De plus, nous avons inclus dans ces estimations différentes variables quantifiant l’instabilité financière afin de vérifier si les résultats précédemment évoqués ne provenaient pas uniquement des effets de la crise. Ces variables d’instabilité financière (Z-score[4], CISS[5], taux de créances douteuses, volatilité des indices boursiers et un indice reflétant les caractéristiques microéconomiques des banques européennes) apparaissent la plupart du temps comme ayant un impact significatif et négatif sur les performances économiques. Parallèlement, les variables mesurant le degré de financiarisation des économies n’ont pas d’effets manifestes sur les performances.

Ces différents résultats suggèrent qu’il est certainement illusoire d’attendre un impact positif d’un accroissement supplémentaire du degré de financiarisation des économies européennes. Il est vraisemblable que les systèmes bancaires et financiers européens ont atteint une taille critique au-delà de laquelle aucune amélioration des performances économiques ne saurait être attendue. Au contraire, des effets négatifs sont susceptibles de se faire sentir du fait d’un excès d’instabilité financière que participerait à engendrer un secteur financier devenu trop grand et dont les innovations sont insuffisamment ou mal réglementées.

Les conclusions de cette étude suggèrent plusieurs recommandations de politique économique. L‘argument des lobbys bancaires selon lequel réglementer leur taille aurait un impact négatif sur la croissance n’est absolument pas étayé par nos résultats, bien au contraire. De plus, nous montrons que l’instabilité financière est coûteuse. Il est important de la prévenir. Cela passe très certainement par une meilleure définition des normes micro- et macroprudentielles et une supervision effective des banques européennes. L’union bancaire, en cours d’avènement, le permettra-t-elle ? Nombreux sont ceux qui en doutent, tels des économistes de Bruegel, du Financial Times ou de l’OFCE.

 

 

 


[1] Creel Jérôme, Paul Hubert et Fabien Labondance, Financial stability and economic performance, Document de travail de l’OFCE, 2013-24. Cette étude a bénéficié d’un financement au titre du 7e PCRD de l’Union européenne (2007-2013) n°266800 (FESSUD).

[2] Nous évoquions ce travail dans un précédent post.

[3] Au-delà du ratio des crédits accordés aux agents privés sur le PIB, le degré de financiarisation est également appréhendé par le turnover ratio qui permet de mesurer le degré de liquidité des marchés financiers. Il s’agit du rapport de la valeur totale des actions échangées sur la capitalisation totale.

[4] Indice mesurant la stabilité des banques via leur profitabilité, le ratio de capital et la volatilité de leur résultat net.

[5] Indice de risque systémique calculé par la BCE et englobant cinq composantes des systèmes financiers: le secteur bancaire, celui des institutions financières non bancaires, les marchés monétaires, les marchés des titres (actions et obligations) et les marchés des changes.




Le clair-obscur du “forward guidance” de la BCE*

par Paul Hubert et Fabien Labondance

« The Governing Council expects the key interest rates to remain at present or lower levels for an extended period of time[1] ». Par ces mots prononcés le 4 juillet 2013 lors de la conférence de presse suivant la réunion mensuelle du Conseil des Gouverneurs, Mario Draghi amorce l’adoption par la Banque centrale européenne (BCE) d’une nouvelle stratégie de communication dite de forward guidance. Ces mots ont été depuis ce jour toujours inclus dans son allocution qui suit l’annonce de politique monétaire de la BCE, et il les a à nouveau répétés aujourd’hui[2]. Que faut-il en attendre ? Le forward guidance a été récemment adopté par plusieurs banques centrales, mais les modalités choisies par le BCE diffèrent et laissent entrevoir une efficacité limitée de cette mesure dans la zone euro.

La communication est devenue un élément à part entière de la conduite de la politique monétaire depuis que les taux directeurs sont maintenus à leur niveau plancher. Plus précisément, le forward guidance consiste à annoncer et à s’engager sur la trajectoire future du taux directeur. Par cet intermédiaire, les banques centrales souhaitent accroître la transparence de leur action et ancrer les anticipations. L’objectif est à la fois de préciser leur stratégie ainsi que leurs prévisions quant à l’évolution de la conjoncture. Dans le cas présent, les banques centrales souhaitent affirmer leur volonté de ne pas relever les taux d’intérêt dans un futur proche. Elles espèrent ainsi influencer les anticipations privées de taux courts, et donc les taux longs, afin de renforcer la transmission de la politique monétaire, et ainsi soutenir l’économie.

De la théorie…

Les promoteurs de la stratégie de forward guidance, au premier rang desquels figurent Eggertsson et Woodford (2003), suggèrent que l’efficacité de la politique monétaire peut être accrue avec une politique de taux d’intérêt stable et connue à l’avance. Cette proposition est justifiée par le fait que la demande de crédit dépend fortement des anticipations de taux d’intérêt à long terme, lesquelles dépendent des anticipations de taux à court terme. Ainsi, en annonçant à l’avance les niveaux futurs des taux d’intérêt, la banque centrale précise ses intentions et dissipe l’incertitude reposant sur ses futures décisions. Cette stratégie est d’autant plus pertinente en situation de trappe à liquidité lorsque les taux nominaux sont proches de zéro, comme c’est le cas actuellement. L’outil traditionnel des banques centrales est alors contraint, les taux d’intérêt nominaux ne pouvant être négatifs. Les banques centrales ne peuvent donc plus influencer le prix des prêts accordés mais sont en revanche en mesure de jouer sur les volumes via les mesures non conventionnelles[3]. Le canal des anticipations et l’envoi de signaux aux agents privés deviennent dès lors primordiaux et complètent l’assouplissement quantitatif.

Il est important de préciser que l’effet du forward guidance sur les taux longs et donc sur l’économie passe par la structure par terme des taux d’intérêt. Plusieurs théories tentent d’expliquer comment les taux varient en fonction de leur maturité. La structure par terme des taux d’intérêt peut être abordée sous l’angle de la théorie des anticipations qui suppose que les taux longs sont une combinaison des taux courts futurs anticipés et donc que les différentes maturités sont des substituts parfaits. De son côté, la théorie de la prime de liquidité suppose que les taux d’intérêt à long terme incluent une prime liée à l’existence d’un ou plusieurs risques à long terme. Enfin, une autre théorie repose sur l’hypothèse de segmentation du marché et stipule que les instruments financiers de différentes maturités ne sont que peu substituables et que leurs prix évoluent indépendamment. Si les investisseurs souhaitent détenir des actifs liquides, ils préféreront les instruments à court terme à ceux à long terme et leurs prix varieront dans des directions opposées. Dans le cas des deux premières théories uniquement, le forward guidance peut avoir l’effet désiré sur les taux longs.

…à la pratique

Avant la crise financière de 2008, certaines banques centrales avaient déjà mis en œuvre une telle stratégie. C’est le cas en Nouvelle-Zélande depuis 1997, en Norvège depuis 2005 et en Suède depuis 2007. Les Etats-Unis ont également mis en place cette stratégie de communication à plusieurs reprises alors que les taux étaient très bas. Le Federal Open Market Committee (FOMC) avait introduit de manière implicite le forward guidance dans sa communication en août 2003. Alors que son taux cible était à son plus bas historique, le FOMC mentionna que « that policy accommodation can be maintained for a considerable period[4] ». Ce vocabulaire propre au forward guidance demeura dans les communiqués du FOMC jusqu’à fin 2005. Il y réapparut en décembre 2008 et de manière plus précise en août 2011, lorsque Ben Bernanke, président de la Réserve Fédérale (ou « Fed ») des États-Unis, annonça que les conditions économiques justifiaient le maintien des taux des fonds fédéraux à un bas niveau au moins jusqu’à mi-2013. Depuis, l’annonce du 13 septembre 2012 précisant que la Fed ne relèvera pas ses taux avant mi-2015, prolonge précisément cette stratégie.

Pour comprendre quel pourrait être l’effet du forward guidance de la BCE, il est important de distinguer deux types de forward guidance : celui pour lequel l’action de la banque centrale est conditionnée à une période temporelle, et celui dépendant de variables économiques incluant des seuils déclenchant une action de sa part. Dans le cas de la Fed, les premières annonces mentionnées précédemment font référence à une période de temps. Mais depuis décembre 2012, la Fed conditionne dorénavant son engagement sur l’évolution future des taux à des seuils conjoncturels déclencheurs. Elle a ainsi annoncé que « les niveaux exceptionnellement bas des taux des Fed Funds le resteront aussi longtemps que le taux de chômage demeurera au-dessus de 6,5%, que l’inflation prévue à 1-2 ans ne dépassera pas de plus d’un demi-point l’objectif à long terme (2%) et que les anticipations d’inflation à plus long terme resteront bien ancrées.» L’arrivée de nouveaux membres au FOMC à partir de janvier 2014 pourrait cependant modifier le timing du prochain resserrement monétaire. De même, Mark Carney, nouveau gouverneur de la Banque d’Angleterre (BoE), a mis en place en août 2013 une stratégie de forward guidance signalant son intention de ne pas remonter les taux tant que le taux de chômage n’est pas repassé sous la barre des 7%. Cet engagement est néanmoins conditionnel à une inflation contenue, des anticipations d’inflation ancrées et à un effet neutre de cet engagement sur la stabilité financière.

Le forward guidance conditionnel à une durée de temps, adopté par la BCE (et comme nous le décrirons plus tard) présente un inconvénient majeur : les conditions économiques évoluant au cours de la période de temps en question, elles rendent l’engagement caduc. La crédibilité de l’annonce est donc très faible. Le forward guidance conditionnel à des seuils sur des variables économiques ne présente pas cet inconvénient. Un critère pour la crédibilité de ces engagements conditionnels à des seuils est néanmoins que les variables sous-jacentes choisies soient observables (PIB plutôt qu’output gap) et ne souffre pas d’erreurs de mesure (inflation plutôt qu’anticipations d’inflation) afin que les agents privés puissent évaluer si la banque centrale agit comme elle s’était engagée à le faire. Alors et seulement alors, les agents pourront avoir confiance dans ces annonces et la banque centrale sera en mesure d’influencer les anticipations de taux longs. Les avantages et inconvénients relatifs des deux types de forward guidance expliquent que la Fed soit passée de l’un à l’autre et que la BoE ait aussi pris un engagement lié à des seuils.

La mise en place d’un forward guidance conditionnel à un seuil pour une variable macroéconomique peut néanmoins concourir à brouiller les pistes concernant la hiérarchie des objectifs de la banque centrale. Si plusieurs variables sont ciblées simultanément et que leurs évolutions divergent, quelles seront ses futures décisions ? La Fed ne hiérarchise pas ses objectifs. Qu’elle souhaite, en sortie de crise, s’assurer de la vigueur du PIB ou de la diminution du chômage plutôt que de l’inflation est dès lors tout à fait envisageable. De son côté, la BoE suit une stratégie de ciblage d’inflation. Elle a ainsi défini des conditions (« knockouts ») sur l’inflation, les anticipations d’inflation et la stabilité financière, qui dès lors qu’elles ne seraient pas respectées, entraîneraient la fin du forward guidance et donc de l’engagement à maintenir les taux inchangés. La hiérarchie des objectifs serait donc bien respectée, et la crédibilité de la BoE maintenue.

Quelle peut être l’efficacité du forward guidance? Kool et Thornton(2012) expriment de sérieux doutes quant aux résultats obtenus par l’intermédiaire du forward guidance. Ils évaluent la prédictibilité des taux courts et longs dans les pays où cette stratégie a été adoptée et montrent que le forward guidance n’améliore la capacité des agents privés à prévoir les taux courts futurs que pour des horizons de prévisions inférieurs à un an, sans amélioration de la prédictibilité des taux à plus long terme. Le graphique ci-dessous montre ainsi les anticipations de taux à 3 mois par les marchés financiers en octobre 2013 pour les prochains mois. L’évolution minimale des taux directeurs étant de 0,25%, ce graphique nous indique qu’aucune modification des taux n’est pour l’heure anticipée, hormis peut être aux Etats-Unis à l’horizon d’un an.

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La timide adoption par la BCE

En ce qui concerne la BCE, qui de son côté hiérarchise ses objectifs en donnant la priorité à l’inflation, la mise en place du forward guidance constitue un engagement conditionnel à une période de temps  (« … for an extended period of time ») en l’absence de référence à des seuils. De ce point de vue, elle est à contre-courant de la Fed et de la BoE qui ont pris des engagements conditionnels à des seuils chiffrés. Pour mémoire, avant le 4 juillet, la BCE donnait des indices quant à sa prochaine décision du mois suivant sous la forme d’expressions aisément reconnaissables par les observateurs. Ainsi, l’insertion du mot « vigilance » dans le discours du président de la BCE lors de sa conférence de presse annonçait un probable durcissement de la politique monétaire[5]. En intégrant le forward guidance à sa panoplie d’instruments, la BCE se veut moins énigmatique. En particulier, il semblerait qu’elle ait voulu répondre à des inquiétudes portant sur une éventuelle remontée des taux.

Cependant, Benoit Coeuré, membre du directoire de la BCE, a affirmé que cette stratégie ne remettait pas en cause la règle, répétée maintes fois en conférence de presse, qui veut que la BCE ne s’engage jamais sur les politiques futures (« no pre-commitment rule ») et que le forward guidance soit réévalué à chaque réunion du Conseil des Gouverneurs. Jens Weidmann, membre du conseil de politique monétaire de la BCE en tant que president de la Bundesbank, a confirmé que le forward guidance « is not an absolute advanced commitment of the interest rate path[6]» tandis que Vitor Constancio, vice-président de la BCE, a ajouté une dose supplémentaire de confusion en affirmant que le forward guidance de la BCE «  is in line with our policy framework as it does not refer to any date or period of time but is instead totally conditional on developments in inflation prospects, in the economy and in money and credit aggregates – the pillars of our monetary strategy[7]. »

L’efficacité à attendre d’une politique mal définie, qui ne semble pas faire consensus au sein du Conseil des Gouverneurs de la BCE, et dont la clé du succès – la crédibilité de l’engagement – est ouvertement remise en cause, paraît donc très faible.

Références bibliographiques

Eggertsson, G., et Woodford, M. (2003). Optimal monetary policy in a liquidity trap. NBER Working Paper (9968).

Kool, C., et Thornton, D. (2012). How Effective is Central Forward Guidance? Federal Reserve Bank of Saint Louis Working Paper Series .

Rosa, C., et Verga, G. (2007). On the Consistency and Effectiveness of Central Bank Communication: Evidence from the ECB. European Journal of Political Economy, 23, 146-175.

 

 

* Ce texte s’appuie sur l’étude “Politique monétaire: est ce le début de la fin?” à paraître prochainement dans les perspectives 2013-2014 de l’OFCE pour l’économie mondiale.


[1] « Le Conseil des Gouverneur anticipe que les taux directeurs demeurent à leur niveau actuel ou à des niveaux plus bas pour une période de temps prolongée ».

[2] La baisse aujourd’hui de 25 points de base du taux directeur est en accord avec la stratégie de forward guidance de la BCE.

[3] Les mesures non conventionnelles renvoient aux pratiques de politique monétaire qui ne relèvent pas de la politique traditionnelle (i.e. des modifications du taux directeur). Il s’agit de mesures entraînant une modification du contenu ou de la taille du bilan des banques centrales via des achats de titres publics ou privés. On parle alors d’assouplissement quantitatif (« Quantitative easing »).

[4] « Notre politique accommodante pourra être maintenue sur une longue période. »

[5] Rosa et Verga (2007) proposent une description de ces expressions.

[6] « Le forward guidance ne constitue pas un pré-engagement absolu quant à la trajectoire du taux d’intérêt. »

[7] « Notre communication de type forward guidance est en accord avec notre cadre opérationnel de politique monétaire puisqu’il n’est fait référence à aucune date ou période de temps précise et qu’elle est entièrement conditionnée aux évolutions des perspectives d’inflation, dans l’économie et dans les agrégats monétaires et de crédits, qui demeurent les piliers de notre stratégie monétaire ».