Trop de finance tue-t-il la croissance ?

par Jérôme Creel, Paul Hubert et Fabien Labondance

Existe-t-il un niveau optimal de financiarisation de l’économie ? Un document de travail du FMI écrit par Arcand, Berkes et Panizza (2012) s’intéresse à cette question et tente d’évaluer empiriquement ce niveau. Il met en avant les effets négatifs engendrés par une financiarisation trop approfondie.

La financiarisation renvoie à la place prise par les services financiers dans une économie et par conséquent au niveau d’endettement des agents économiques. Traditionnellement, l’indicateur du niveau de financiarisation se mesure en calculant le ratio entre les crédits au secteur privé et le PIB. Jusqu’au début des années 2000, cet indicateur ne prenait en compte que les crédits octroyés par les banques de dépôt, mais le développement du shadow banking (Bakk-Simon et al., 2012) incite dorénavant à prendre également en compte les prêts accordés par l’ensemble des institutions financières. Cet indicateur nous permet d’appréhender l’intermédiation financière (Beck et al., 1999)[1]. Le graphique ci-dessous présente l’évolution de la financiarisation dans la zone euro, en France et aux Etats-Unis depuis les années 1960. Cette dernière a plus que doublé dans les trois économies. Avant le déclenchement de la crise des subprime à l’été 2007, les crédits accordés au secteur privé dépassaient 100% du PIB dans la zone euro et 200% aux Etats-Unis.

Graphe-Blog-28-08

Arcand, Berkes et Panizza (2012) se demandent dans quelle mesure la place de plus en plus prépondérante prise par la finance a un impact sur la croissance économique. Pour comprendre l’intérêt de ce papier, il est utile de rappeler les divergences existantes dans les conclusions de la littérature empirique. Une partie, la plus prolixe, mettait en évidence jusqu’à récemment une causalité positive entre développement financier et croissance économique (Rajan et Zingales, 1998, ou Levine, 2005) : le secteur financier est un lubrifiant de l’économie qui permet une meilleure allocation des ressources et l’émergence de firmes innovantes. Ces enseignements tirés de modèles de croissance (endogène notamment) sont confirmés par des comparaisons internationales incluant des pays en développement dotés de petits secteurs financiers.

Certains auteurs, plus sceptiques, estiment que le lien finance-croissance économique est surestimé (Rodrik et Subramanian, 2009). De Gregorio et Guidotti (1995) mettent notamment en avant que ce lien est ténu, voire inexistant, dans les pays développés et suggèrent qu’à partir d’une certaine richesse économique, le secteur financier ne contribue plus que marginalement à améliorer l’efficacité des investissements. Il abandonne son rôle de facilitateur de la croissance économique pour se concentrer sur sa propre croissance (Beck, 2012). Cela génère de grands groupes bancaires et financiers de type « too big to fail » permettant à ces entités de prendre des risques exagérés tout en se sachant couverts par les autorités publiques. Leur fragilité se transmet rapidement à l’ensemble des autres groupes et à l’économie dans son ensemble. La crise des subprime a bien montré la puissance et l’ampleur de ces effets de corrélation et de contagion.

Pour tenter de réconcilier ces deux courants, plusieurs travaux supposent une relation non linéaire entre financiarisation et croissance économique. C’est le cas de l’étude d’Arcand, Berkes et Panizza (2012). Ils expliquent, dans le cadre d’une méthodologie en panel dynamique, la croissance du PIB par tête par l’intermédiaire des variables usuelles de la théorie de la croissance endogène (à savoir le PIB par tête initial, l’accumulation du capital humain à travers la moyenne des années d’enseignement, les dépenses publiques, l’ouverture commerciale et l’inflation) et ajoutent à leur modèle les crédits au secteur privé et cette même variable élevée au carré, afin de tenir compte d’une potentielle non-linéarité. Ils parviennent ainsi à montrer que :

  1. la relation entre la croissance économique et les crédits au secteur privé est positive ;
  2. la relation entre la croissance économique et les crédits au secteur privé élevés au carré (c’est-à-dire l’effet des crédits au secteur privé lorsqu’ils sont à un niveau élevé) est négative ;
  3. pris ensemble, ces deux éléments indiquent une relation concave – une courbe en cloche –  entre la croissance économique et les crédits au secteur privé.

La relation entre croissance et finance est donc positive jusqu’à un certain niveau de financiarisation, et au-delà de ce seuil, les effets de la financiarisation commencent progressivement à devenir négatifs. Suivant les différentes spécifications estimées par Arcand, Berkes et Panizza (2012), ce seuil (en part de PIB) est compris entre 80% et 100% de crédits accordés au secteur privé[2].

Alors que le niveau de financiarisation des économies développées se situe au-dessus de ces seuils, ces conclusions incitent à contrôler le développement de la financiarisation et l’efficacité marginale que celui-ci peut avoir sur l’économie. De plus, l’argument des lobbys bancaires, selon lequel réguler la taille et la croissance du secteur financier aurait un impact négatif sur la croissance des économies concernées, n’est pas corroboré par les données dans le cas des pays développés.

 


[1] S’il peut sembler succint, car ne rendant pas compte de la désintermédiation, l’utilisation de cet indicateur se justifie par sa disponibilité au niveau international qui permet des comparaisons. Par ailleurs, les enseignements qu’il nous apporte seraient certainement amplifiés avec un indicateur protéiforme de la financiarisation.

[2] Cecchetti et Kharroubi (2012) précisent que ces seuils ne doivent pas être perçus comme des cibles mais davantage comme des « extrema » à n’atteindre qu’en période de crise. En période « normale », il conviendrait dès lors que les niveaux d’endettement soient plus faibles afin de laisser une certaine marge de manœuvre aux économies en cas de crise.




Quelle politique monétaire pour la BCE en 2013 ?

par Paul Hubert

La Banque centrale européenne (BCE), après sa réunion mensuelle du Conseil des gouverneurs du 7 février 2013, a décidé de maintenir son principal taux directeur à 0,75%. L’analyse de la situation économique faite par Mario Draghi lors de la conférence de presse qui a suivi révèle des développements contrastés qui justifient ce statu quo. Dans une récente étude, nous montrons que les projections d’inflation de la BCE permettent d’apporter un autre éclairage sur les évolutions futures du taux directeur.

Le statu quo actuel s’explique par plusieurs facteurs qui se compensent mutuellement. Les banques ont commencé à rembourser une partie des liquidités obtenues à travers le mécanisme du LTRO (140 milliards d’euros sur 489), ce qui reflète une amélioration de leur situation financière, mais dans le même temps les prêts accordés aux entreprises non financières continuent de se contracter (-1,3% en décembre 2012) tandis que les prêts aux ménages restent à des niveaux très faibles.

D’un point de vue macroéconomique, la situation au sein de la zone euro ne donne pas de signaux clairs sur la politique monétaire à venir : après une contraction de 0,2% au deuxième trimestre 2012, le PIB réel de la zone euro a encore baissé de 0,1% au troisième trimestre, tandis que l’inflation, mesurée en rythme annuel, est passée de 2,6% en août 2012 à 2% en janvier 2013 et devrait repasser sous la barre des 2% dans les mois à venir sur la base des chiffres de croissance du PIB et des prix du pétrole actuels et anticipés.

De plus, les anticipations d’inflation des agents privés, mesurées par le Survey of Professional Forecasters, restent solidement ancrées autour de la cible d’inflation de la BCE. Au quatrième trimestre 2012, elles étaient de 1,9% pour les années 2013 et 2014. Avec un objectif d’inflation « inférieur à, mais proche de 2% » atteint en l’état actuel, une zone euro en récession et un chômage à des niveaux records, la BCE pourrait porter soutien à l’activité réelle. Cependant, la BCE anticipe que l’activité économique devrait reprendre graduellement au second semestre 2013, en partie grâce au caractère accommodant de la politique monétaire actuelle.

De cette anticipation, et compte tenu du niveau historiquement bas auxquels sont les taux directeurs aujourd’hui et des délais de transmission de la politique monétaire à l’économie réelle[1], la probabilité d’une future baisse des taux paraît bien faible. Un dernier élément vient finir de brouiller les pistes: la hausse récente de l’euro  – même si on est encore bien loin des niveaux records – pourrait tuer dans l’œuf la faible reprise économique qui s’annonce et justifierait, selon certains, un soutien aux secteurs exportateurs[2].

Dans un récent document de travail de l’OFCE (n°2013-04), nous discutons de l’utilisation que peut faire la BCE de ses prévisions d’inflation pour améliorer la mise en œuvre de sa politique monétaire. Nous proposons un nouvel élément d’éclairage sur les évolutions futures du taux directeur basé sur les projections macroéconomiques que publie la BCE trimestriellement. Dans cette étude consacrée aux effets de la publication des projections d’inflation de la BCE sur les anticipations d’inflation des agents privés, nous montrons qu’une baisse des projections d’inflation de la BCE de 1 point de pourcentage est associée à une baisse du taux directeur de la BCE de 1,2 point de pourcentage dans les deux trimestres suivants. Nous concluons que les projections d’inflation de la BCE sont un outil qui permet de mieux comprendre les décisions de politique monétaire courantes ainsi que de mieux anticiper les décisions futures.

Les dernières projections d’inflation pour les années 2013 et 2014, publiées en décembre 2012, s’établissent respectivement à 1,6% et 1,4%. La publication, le 7 mars prochain, des nouvelles projections pourrait donner une indication complémentaire sur l’orientation de la politique monétaire à attendre en 2013.


[1] En moyenne, une variation des taux directeurs est estimée produire ses effets sur l’inflation après 12 mois et sur le PIB après 18 mois.

[2] Rappelons tout de même qu’environ 64% du commerce de la zone euro se fait avec des partenaires de la zone euro et est donc indépendant des variations de change.




European Council: wait and sink?

By Jérôme Creel, Paul Hubert and Francesco Saraceno

The European Council meeting being held at the end of the week should have been spent, according to the wishes of the French authorities, on renegotiating the European Fiscal Compact adopted on 2 March 2012. However, renegotiation has not been on the agenda. Alas, the Fiscal Compact does need to be re-opened for debate: it should be denounced for being poorly drafted, and its overly restrictive character needs to be reviewed; ultimately, the text should be amended. The focus of the debate on the structural deficit rule, which is unfairly described as the “golden rule”, is wide of the mark in so far as it is the rule on the reduction of public debt that is the more restrictive of the two rules included in the Fiscal Compact. This is the rule that demands to be discussed, and urgently, in order to avoid sinking deeper into a contagion of austerity plans that are doomed in advance…

The conflict over European growth between the French and Italians on the one side and the Germans on the other was probably defused by the agreement late last week with Spain in favour of a coordinated European recovery plan. The plan represents 1% of Europe’s GDP, i.e. 130 billion euros, though its contours and funding remain to be clarified. The slogan of the European Council has thus been, by a process of elimination, “banking union”, in an effort to prevent a new wave of banking and financial crises in the European Union. Is the creation of a banking union important? Certainly. Is it urgent? Less so than a return to growth, which, while it certainly cannot be decreed, can be prepared. Given the state of the current Fiscal Compact, we can conclude that what is being prepared is not economic growth, but recession [1].

The Fiscal Compact, which is contained in Title III of the Treaty on Stability, Coordination and Governance in the Economic and Monetary Union, explicitly includes two fiscal rules. The first clarifies what constitutes a budgetary position that is “balanced or in surplus”, a term enshrined long ago in the Stability and Growth Pact. According to the Fiscal Compact of March 2012, a budgetary position that is “balanced or in surplus” means a structural deficit of at most 0.5% of GDP. The structural deficit is the cyclically adjusted public deficit, i.e. adjusted for the well-known automatic stabilizers; this includes interest charges, among other items. When the structural deficit is exceeded, apart from exceptional circumstances, e.g. a “significant” downturn in activity, an automatic adjustment mechanism, whose nature is not specified, must bring it back below this limit. The structural deficit rule is relaxed for Member States whose public debt is below 60% of GDP: the structural deficit ceiling is increased to 1% of GDP.

The second fiscal rule is also a requirement for euro zone Member States with a public debt in Maastricht terms that is greater than 60% of GDP. In 2012, this rule applies to 12 out of the 17 Member States of the euro zone. This second rule aims to reduce the public debt by one-twentieth every year. Unfortunately, the text adopted is poorly written and opens the door to different interpretations, as we show below. It is therefore inapplicable. Even worse, given the current state of the economy, this rule is the more restrictive of the two rules in the Fiscal Compact. It is therefore urgent to pay attention to it and modify it to make it enforceable.

According to Article 4 of the Treaty, “When the ratio of a Contracting Party’s general government debt to gross domestic product exceeds the 60% reference value…, that Contracting Party shall reduce it at an average rate of one-twentieth per year as a benchmark….” The problem is that “it”, which we have put in italics, refers to the public debt ratio rather than to the difference between the public debt and the 60% reference value. So, in 2012 should Germany, with a public debt in 2011 of a little more than 80% of GDP, reduce its debt by 4 GDP points (one-twentieth of 80% of GDP) or by 1 GDP point (one-twentieth of the difference with the reference value of 60% of GDP)? Legally, it is essential that a clear answer can be given to this kind of question.

Moreover, the Fiscal Compact is silent on the nature of the surplus to be used to reduce the debt: if, to leave room for maneuver in case of a cyclical deficit, this rule were to address the structural deficit — which would therefore need to be explained in the Compact — the debt rule would be even more restrictive than the golden rule: a structural surplus would be systematically required to reduce the public debt to 60% of GDP in the 12 Member States whose debt exceeds the reference value. Again, the formulation needs to be clear.

Suppose now that the “it” in Article 4 concerns the difference between the debt and the reference value, and that the rule on debt reduction applies to the entire public deficit. The question can then be asked, which of the two rules – the “golden rule” or the debt reduction rule – places greater restrictions on the Member States, and thus needs to be applied. We have set out, in an appendix [2], the small set of fiscal rules compatible with the Fiscal Compact. The total deficit is the sum of the cyclical deficit and the structural deficit. The cyclical deficit depends on the difference between actual and potential GDP, i.e. the output gap, which has an elasticity of 0.5 (average elasticity customary in the literature on the European countries, cf. OECD). The “golden rule” relates only to the structural deficit, while the debt reduction rule concerns the total public deficit, and thus depends on both the output gap and the structural deficit.

For what values of the public debt and the output gap is the “golden rule” more restrictive than the debt reduction rule? Answer: when the output gap is greater than 1 plus one-tenth of the difference between the original debt and the reference value. This means that, for a country like Germany, the debt reduction rule would predominate over the “golden rule” except in cases of very high growth: the real GDP would have to be at least two points higher than the potential GDP. According to the OECD economic forecast published in May 2012, Germany’s output gap in 2012 will be -0.8. The debt reduction rule is thus much more restrictive than the “golden rule”. This is also true for France (debt of 86% of GDP in 2011), which would have to have an output gap of at least 3.6 points for the “golden rule” to be binding; yet the OECD forecasts an output gap of -3.3 in 2012. The same holds true for all the countries in the euro zone with a debt greater than 60% of GDP, without exception.

Except in cases of very strong growth, the debt reduction component dominates the structural deficit component. Yet it is the latter that is the focus of all the attention.

When a treaty is open to such differences in interpretations, isn’t it normal to want to revise it? When a treaty requires intensifying austerity measures in an area like the euro zone, whose GDP is almost 4 percentage points below its potential, according to the estimates of an organization, the OECD, that is generally not suspected of overestimating the said potential, is it not desirable and urgent to renegotiate it?


[1] A recent post emphasized the risks of social instability and the potential losses that might result from austerity-induced contagion in the euro zone (cf. Creel, Timbeau and Weil, 2012).

[2] Annex:

We start by defining with def the total public deficit, which includes a structural component s and a cyclical component dc:

def = s + dc

All the variables are expressed as a proportion of GDP. The cyclical component is composed of the variation in the deficit that occurs, thanks principally to the action of the automatic stabilizers, when the economy deviates significantly from its potential. A reasonable estimate is that the deficit increases by 0.5 point per point of lost output. The cyclical component can thus be expressed as:

dc = – 0.5 y

where we define y as the output gap, i.e. the difference between GDP and its potential level.

The rules introduced by the fiscal compact can be expressed as follows:

s1 < 0.5,

that is, the structural deficit can never exceed 0.5% of GDP (s1 refers to the first aspect of the rule), and

def = – (b0 – 60)/20,

that is, the total deficit must be such that the public debt (expressed as a proportion of GDP) is reduced every year by one-twentieth of the difference between the initial public debt (b0) and the 60% reference level. The debt rule can thus be re-written in terms of the structural deficit as:

s2 = def – dc = 0.5 y – (b0 – 60)/20.

We thus have 2 possible cases for when the structural deficit component is less restrictive than the debt reduction component:

Case 1

s1 < s2 if y >1 + (b0 – 60)/10.

Assume the case of a debt level like Germany’s (b0 = 81.2 % of GDP). Case 1 implies that the structural deficit component will be less restrictive than the debt reduction component if and only if y > 3.12%, that is, if Germany has a GDP that is at least three points higher than its potential. If a country has a higher level of debt (e.g. Italy, at 120% of GDP), then y > 7%!

Case 2

If the debt reduction rule concerns the structural deficit (rather than the total public deficit), then we have:

s1 < 0.5

and

s2 = – (b0 – 60)/20

In this case, s1 < s2 if 1 < – (b0 – 60)/10, which will never happen so long as the public debt is greater than the reference level.




Conseil européen : wait and sink ?

par Jérôme Creel, Paul Hubert et Francesco Saraceno

Le Conseil européen de cette fin de semaine devait être consacré, selon les souhaits des autorités françaises, à la renégociation du Pacte budgétaire européen adopté le 2 mars 2012. Cependant, il semblerait qu’une telle renégociation ne soit pas à l’ordre du jour. Las, le débat sur le Pacte budgétaire devrait être rouvert : la médiocrité de sa rédaction doit être dénoncée, et son caractère par trop restrictif doit être à nouveau débattu ; in fine, le texte doit être amendé. La focalisation des débats sur la règle de déficit structurel qualifiée injustement de « règle d’or » est déplacée dans la mesure où c’est la règle de réduction de la dette publique qui est la plus contraignante des deux règles inscrites dans le Pacte budgétaire. C’est sans doute d’elle qu’il faudrait reparler, et en urgence, afin d’éviter de sombrer un peu plus dans une contagion de plans d’austérité voués à l’échec…

L’opposition entre français et italiens d’un côté, et allemands de l’autre, à propos de la croissance européenne a sans doute été désamorcée par l’accord de la fin de semaine dernière, avec l’Espagne, en faveur d’un plan de relance européen concerté portant sur 1 % du PIB européen, soit 130 milliards d’euros, dont les contours et le financement restent cependant à préciser. Le mot d’ordre du Conseil européen sera alors, par élimination, « l’union bancaire », solution préventive à un nouvel épisode de crises bancaire et financière dans l’Union européenne. La création d’une union bancaire est-elle importante ? Certainement. Est-elle urgente ? Moins que le retour de la croissance qui, certes, ne se décrète pas, mais se prépare. En l’état actuel du Pacte budgétaire, on peut affirmer que ce n’est pas la croissance économique que l’on prépare, mais la récession que l’on fomente[1].

Le pacte budgétaire, inscrit au titre III du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’UEM, comporte explicitement deux règles budgétaires. La première précise ce en quoi consiste une « position budgétaire à l’équilibre ou en surplus », expression depuis longtemps inscrite dans le Pacte de stabilité et de croissance. Selon le Pacte budgétaire de mars 2012, cette « position budgétaire à l’équilibre ou en surplus » consiste en un déficit structurel d’au plus 0,5 % du PIB. Le déficit structurel est le déficit public corrigé des variations cycliques, donc corrigé des fameux stabilisateurs automatiques; il inclut entre autres les charges d’intérêt. En cas de dépassement de ce déficit structurel, et en dehors de circonstances exceptionnelles, e.g. un retournement « important » de l’activité, un mécanisme correcteur automatique, dont la nature n’est pas précisée, doit le ramener en deçà de la limite. La règle de déficit structurel est assouplie pour les Etats membres dont la dette publique est inférieure à 60 % du PIB : le plafond de déficit structurel est porté à 1 % du PIB.

La seconde règle budgétaire s’impose aussi aux Etats membres de la zone euro dont la dette publique au sens de Maastricht est supérieure à 60 % du PIB. En 2012, cette règle s’impose à 12 pays parmi les 17 Etats membres de la zone euro. Cette seconde règle vise à réduire la dette publique d’un vingtième par an. Malheureusement, le texte adopté est mal rédigé et ouvre la voie à différentes interprétations, comme nous le montrons ci-dessous. Il est donc inapplicable. Pire, cette règle est la plus contraignante et la plus restrictive des deux règles du Pacte budgétaire, en l’état actuel de la conjoncture. Il est donc urgent de s’en soucier et de la modifier pour la rendre applicable.

Selon l’article 4 du Traité, « (l)orsque le rapport entre la dette publique et le PIB d’une partie contractante est supérieur à la valeur de référence de 60 % (…), ladite partie contractante le réduit à un rythme moyen d’un vingtième par an. » Problème : le « le » auquel nous avons rajouté les italiques semble se rapporter au ratio de dette publique, plutôt qu’à l’écart de la dette publique aux 60 % de référence. L’Allemagne, avec sa dette publique d’un peu plus de 80 % du PIB en 2011, doit-elle réduire sa dette en 2012 de 4 points de PIB (un vingtième de 80 % du PIB) ou de 1 point de PIB (un vingtième de l’écart à 60 % du PIB) ? Légalement, il est sans doute requis qu’à une telle question, la réponse soit limpide…

Par ailleurs, le Pacte budgétaire est muet sur la nature du surplus permettant de réduire la dette : si, pour laisser des marges de manœuvre en cas de déficit conjoncturel, cette règle devait porter sur le déficit structurel – ce qui mériterait donc d’être explicité dans le Pacte -, la règle de dette serait toujours plus contraignante que la règle d’or : un surplus structurel serait systématiquement requis pour ramener la dette publique à 60% du PIB dans les 12 Etats membres dont la dette a dépassé la valeur de référence. Là encore, la formulation se devrait d’être limpide.

Admettons maintenant que le « le » de l’article 4 soit associé à l’écart de la dette à sa cible de référence et que la règle de réduction de la dette porte sur le déficit public total. On peut se poser la question de savoir laquelle des deux règles – « règle d’or » ou règle de réduction de la dette – est la plus contraignante pour les Etats membres, donc celle à appliquer. Nous avons posé, en annexe à ces développements[2], le petit système de règles budgétaires compatible avec le Pacte budgétaire. Le déficit total est la somme du déficit conjoncturel et du déficit structurel. Le déficit conjoncturel dépend de l’écart du PIB à son potentiel, l’output gap, avec une élasticité de 0,5 (élasticité moyenne usuelle dans la littérature pour les pays européens, cf. OCDE). La « règle d’or » porte uniquement sur le déficit structurel tandis que la règle de réduction de la dette porte sur le déficit public total et dépend donc, à la fois, de l’output gap et du déficit structurel.

Pour quelles valeurs de dette publique et d’output gap la « règle d’or » est-elle plus contraignante que la règle de dette ? Réponse : lorsque l’output gap est supérieur à 1 plus 1/10 de l’écart de la dette initiale à sa valeur de référence. Cela signifie que pour un pays comme l’Allemagne, la règle de réduction de la dette dominerait la « règle d’or », sauf en cas de croissance très forte : le PIB effectif devrait être au moins deux points supérieurs au potentiel. Selon les perspectives économiques de l’OCDE publiées en mai 2012, l’output gap de l’Allemagne serait de -0,8 en 2012… La règle de réduction de la dette est donc bien plus restrictive que la « règle d’or ». Elle l’est aussi pour la France (dette de 86% du PIB en 2011), qui devrait avoir un output gap d’au moins 3,6 points pour que la « règle d’or » soit contraignante ; l’OCDE prévoit un output gap de -3,3 en 2012… Elle l’est pour tous les pays de la zone euro avec une dette supérieure à 60 % du PIB, sans exception.

Aussi, sauf en cas de très forte croissance, le volet réduction de la dette domine le volet déficit structurel. Et pourtant c’est sur le deuxième que se concentre toute l’attention…

Lorsqu’un traité laisse ouvertes autant de voies à l’interprétation, n’est-il pas normal de vouloir le revoir ? Lorsqu’un traité prévoit d’intensifier les cures d’austérité dans une zone, la zone euro, dont l’écart de production à son potentiel est de -4 points, selon les estimations d’une organisation, l’OCDE, généralement peu suspectée de surestimer ledit potentiel, n’est-il pas souhaitable et urgent de le renégocier ?


[1] Dans un post récent étaient soulignés les risques d’instabilité sociale et les pertes de croissance potentielle que la contagion de l’austérité impliquait dans la zone euro (cf. Creel, Timbeau et Weil, 2012).

[2] Annexe :

Nous commençons par définir avec def le déficit public total qui comporte une composante structurelle s, et une composante cyclique dc:

def = s + dc

Toutes les variables sont exprimées en proportion du PIB. La composante cyclique est constituée de la variation du déficit qui intervient, grâce principalement à l’action des stabilisateurs automatiques, quand l’économie s’éloigne de son potentiel. Une estimation raisonnable est que le déficit augmente de 0,5 point par point d’output perdu. La composante cyclique peut donc être écrite:

dc = – 0,5 y

où nous définissons y comme l’output gap, i.e. la différence entre le PIB et son niveau potentiel.

Les règles introduites par le pacte budgétaire peuvent être écrites comme suit:

s1 < 0,5,

c’est-à-dire que le déficit structurel ne peut jamais dépasser 0,5 % du PIB (s1 fait référence au premier volet de la règle), et

def = – (b0 – 60)/20,

c’est-à-dire que le déficit total doit être tel que la dette publique (exprimée en proportion du PIB) se réduit chaque année d’un vingtième de la différence entre la dette publique initiale (b0) et le niveau de référence de 60 %. La règle de la dette peut être réécrite en termes de déficit structurel, soit :

s2 = def – dc = 0,5 y – (b0 – 60)/20.

Nous avons alors 2 cas possibles pour que le volet déficit structurel soit moins restrictif que le volet réduction de la dette :

Cas 1

s1 < s2 si y >1 + (b0 – 60)/10.

Supposons qu’on démarre d’un niveau de dette comme celui de l’Allemagne (b0 = 81,2 % du PIB). Le cas 1 implique que le volet déficit structurel sera plus contraignant que le volet réduction de la dette si et seulement si y > 3,12 %, c’est à dire si l’Allemagne a un écart de production par rapport au potentiel de plus de trois points.  Le même calcul, pour un pays à  dette élevée (120 % du PIB) comme l’Italie, donne y > 7 % !

Cas 2

Si la règle de réduction de la dette porte sur le déficit structurel (plutôt que sur le déficit public total), on a :

s1 < 0,5

et

s2 = – (b0 – 60)/20

Dans ce cas, s1 < s2 si 1 < – (b0 – 60)/10, ce qui ne peut jamais arriver tant que la dette publique est supérieure au niveau de référence.




Should the Stability and Growth Pact be strengthened?

By Jérôme Creel, Paul Hubert and Francesco Saraceno
The European fiscal crisis and the ensuing need to reduce the levels of public debt accelerated the adoption of a series of reforms of European fiscal rules in late 2011. Two rules were introduced to strengthen the Stability and Growth Pact (SGP). Given that many Member States in the euro zone have structural deficits and public debts that exceed the thresholds under consideration, it seemed worthwhile to assess the macroeconomic implications of compliance with these fiscal rules by four countries, including France.
The current limit of the public deficit to 3% of GDP was supplemented by a limit on the structural deficit equivalent to 0.5% of GDP, and by a rule on debt reduction requiring heavily indebted countries to reduce their level of public debt every year by 1/20th of the difference with the reference level of 60% of GDP. Moreover, the limit on the structural deficit goes beyond the 3% rule because it is associated with a requirement to incorporate a balanced budget rule and automatic mechanisms for returning to balanced budgets in the constitution of each Member State in the euro zone. Due to an unfortunate misnomer, this is now often called the “golden rule” [1]. To distinguish this from the “golden rule of public finance” applied by the French regions, the German Länder and, from 1997 to 2009, the UK, we will henceforth call this “balanced budget rule” the “new golden rule “.
Because of the international financial crisis raging since 2007, the euro zone States often fall far short of the demands of the new rules. This raises the question of the consequences that flow from imposing these rules on the Members. To this end, we decided to study the paths of convergence with the different rules of four countries that are representative of the euro zone, using a standard theoretical model.
We chose a large country with an average level of public debt (France), a small country with a somewhat larger debt (Belgium), a large country with a large debt (Italy) and a small country with a relatively low level of debt (Netherlands). The size of the country, large or small, is associated with the size of their fiscal multiplier, i.e. the impact of public spending on growth: large countries that are less open than the small countries to international trade have a greater multiplier effect than the small countries. The four countries also differed with respect to the size and sign of their structural primary balance in 2010: France and the Netherlands ran a deficit, while Belgium and Italy had a surplus.
In the model, the evolution of the public deficit is countercyclical and the impact of an increase in the public deficit on GDP is positive, but excessive indebtedness increases the risk premium on the long-term interest rates paid to finance this debt, which ultimately undermines the effectiveness of fiscal policy.
The rules that we simulated are: (a) a balanced (at 0.5% of GDP) budget or the “new golden rule”; (b) the 5% per year rule on debt reduction; (c) the 3% ceiling on the total deficit (status quo). We also evaluated: (d) the impact of adopting an investment rule along the lines of the golden rule of public finance which, in general, requires a balanced budget for current expenditure over the cycle, while allowing the debt to finance public investment.
We simulated over 20 years, i.e. the horizon for implementing the 1/20th rule, the impact of the rules on growth, on the inflation rate and the structural public deficit and on the level of public debt. First, we analyzed the path followed by the four economies after the adoption of each fiscal rule in 2010. In other words, we asked how the rules work in the context of the fiscal austerity that Europe is currently experiencing. Second, we simulated the dynamics of the economy after a demand shock and a supply shock, starting from the base situation of the Maastricht Treaty, with the economy growing at a nominal rate of 5% (growth potential of 3% and inflation rate of 2%), and a debt level of 60%. It is interesting to note that the real growth potential in the euro zone countries has been consistently below 3% since 1992, which has helped to make the rule limiting public finances even more restrictive than originally planned.
Our simulations led to a number of results. First, in every case the adoption of the rules produced a short-term recession, even in small countries with a small fiscal multiplier and a small initial public debt, such as the Netherlands. This complements the analysis that the widespread implementation of austerity in Europe is inevitably undermining growth (see The very great recession, 2011) by showing that there is no fiscal rule that, strictly applied in the short term, makes it possible to avoid a recession. This finding points to an incentive on the part of government to dissociate the use of the fiscal rules de facto and de jure: in other words, if the ultimate goal of economic policy is the preservation and stability of economic growth, then it is wise not to act on the pronouncements.
Second, recessions can lead to deflation. Under the constraint of zero nominal interest rates, deflation is very difficult to reverse with fiscal austerity.
Third, the investment rule leads to a better macroeconomic performance than the other three rules: the recessions are shorter, less pronounced and less inflationary over the time period considered. Ultimately, the levels of public debt decreased admittedly less than with the 1/20th rule but, as a result of the growth generated, France’s public debt shrinks by 10 GDP points from its 2010 level, while the Belgian and Italian debt are reduced by 30 and 50 GDP points, respectively. Only the country that was least indebted initially, the Netherlands, saw its debt stagnate.
Fourth, while ignoring the investment rule, which is not part of European plans, it appears that, in terms of growth, the status quo is more favorable than the “new golden rule” or the rule on debt reduction; it is, however, more inflationary for the large countries. This indicates that, in terms of growth, the strengthening of the Stability and Growth Pact, brutally applied, would be detrimental to the four economies.
Fifth, when the economy in equilibrium is hit by demand and supply shocks, the status quo seems appropriate. This confirms the idea that the current Pact provides room for fiscal maneuvering. The simulations nevertheless suggest that the status quo remains expensive compared with the investment rule.
To conclude, it is difficult not to notice a paradox: the rules designed to prevent governments from intervening in the economy are being discussed precisely after the global financial crisis that required governments to intervene to help cushion the shocks resulting from market failures. This work aims to shift the debate: from the goal of fiscal stabilization to the goal of macroeconomic stabilization. The European authorities – the governments, the ECB and the Commission – seem to consider the public debt and deficit as policy objectives in their own right, rather than as instruments to achieve the ultimate objectives of growth and inflation. This reversal of objectives and instruments is tantamount to denying a priori any role for macroeconomic policy. Many studies [2], including the one we have conducted here, adopt the opposite position: economic policy definitely plays a role in stabilizing economies.

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[1] This misnomer has been criticised in particular by Catherine Mathieu and Henri Sterdyniak in 2011, and by Bernard Schwengler in 2012.
[2] See, for example, the cross-disciplinary study that appeared in English in 2012 in the American Economic Journal, Macroeconomics, and the bibliography that it contains, or in French, the study that appeared in 2011 by Creel, Heyer and Plane on the multiplier effects of temporary fiscal stimulus policies.




Fallait-il renforcer le Pacte de stabilité et de croissance ?

par Jérôme Creel, Paul Hubert et Francesco Saraceno

 

La crise budgétaire européenne et l’exigence de réduire les niveaux de dette publique qui a suivie ont accéléré l’adoption d’une série de réformes des règles budgétaires européennes à la fin de l’année 2011. Deux règles ont été introduites afin de renforcer le pacte de stabilité et de croissance (PSC). Etant donné que de nombreux Etats membres de la zone euro ont des déficits structurels et des dettes publiques supérieurs aux seuils considérés, il nous a semblé intéressant d’évaluer les conséquences macroéconomiques du respect de ces règles budgétaires par 4 pays, dont la France. 

La limite actuelle de déficit public à 3% du PIB a été complétée par une limite sur le déficit structurel équivalant à 0,5% du PIB, et par une règle de réduction de la dette imposant aux pays fortement endettés de réduire chaque année leur taux d’endettement public d’1/20e de la différence vis-à-vis du niveau de référence de 60% du PIB. De plus, la limite de déficit structurel va au-delà de la règle des 3% car elle est associée à l’obligation d’incorporer une règle de budget équilibré et des mécanismes automatiques de retour à l’équilibre budgétaire dans la Constitution de chaque Etat membre de la zone euro. Par un malheureux abus de langage, elle est désormais souvent qualifiée de « règle d’or » [1]. Afin de distinguer la « règle d’or des finances publiques » appliquée par les régions françaises, les Länder allemands et, de 1997 à 2009, par le Royaume-Uni, nous qualifierons par la suite cette « règle de budget équilibré » de  « nouvelle règle d’or ».

Du fait de la crise financière internationale qui sévit depuis 2007, les Etats de la zone euro sont souvent loin de satisfaire aux exigences des nouvelles règles en vigueur. Cela pose donc la question des conséquences que le respect de ces règles imposerait à ces Etats.  Pour ce faire, nous avons choisi d’étudier les trajectoires de convergence aux différentes règles de quatre pays, représentatifs de la zone euro, à l’aide d’un modèle théorique standard.

Nous avons choisi un grand pays avec un niveau moyen d’endettement public (France), un petit pays avec une dette un peu plus élevée (Belgique), un grand pays avec une dette élevée (Italie) et un petit pays avec une dette comparativement assez faible (Pays-Bas). La taille des pays, grande ou petite, est associée à la taille de leur multiplicateur budgétaire, l’effet des dépenses publiques sur la croissance : les grands pays moins ouverts que les petits pays au commerce international ont un effet multiplicateur plus important que les petits pays. Les quatre pays diffèrent également en fonction de la taille et du signe de leur solde primaire structurel en 2010 : la France et les Pays-Bas ont un déficit, alors que la Belgique et l’Italie dégagent un excédent.

Dans le modèle, l’évolution du déficit public est contracyclique et l’impact d’une hausse du déficit public sur le PIB est positif, mais un endettement excessif augmente la prime de risque sur les taux d’intérêt de long terme payés pour financer cette dette, ce qui nuit in fine à l’efficacité de la politique budgétaire.

Les règles que nous simulons sont : (a) l’équilibre (à 0,5% du PIB) du budget ou «nouvelle règle d’or» ; (b) la règle de 5% par an de réduction de la dette ; (c) le plafond de 3% de déficit total (statu quo). Nous évaluons également : (d) l’effet de l’adoption d’une règle d’investissement dans la veine de la règle d’or des finances publiques qui, de façon générale, impose l’équilibre budgétaire au cours du cycle pour les dépenses courantes, tout en permettant de financer l’investissement public par la dette.

Nous simulons sur 20 ans, i.e. l’horizon de réalisation de la règle du 1/20e, l’effet des règles sur la croissance, le taux d’inflation et le déficit public structurel, ainsi que sur le niveau de la dette publique. Premièrement, nous analysons le chemin suivi par les quatre économies après l’adoption de chaque règle budgétaire à partir de 2010. Nous demandons, en d’autres termes, comment les règles fonctionnent dans un scénario de consolidation budgétaire que l’Europe connaît d’ores et déjà aujourd’hui. Deuxièmement, nous simulons la dynamique de l’économie après un choc de demande et un choc d’offre, partant de la situation de base du Traité de Maastricht, avec l’économie à un taux de croissance nominal de 5% (une croissance potentielle à 3% et un taux d’inflation de 2%), et un niveau d’endettement de 60%. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que la croissance potentielle réelle dans les pays de la zone euro a été constamment inférieure à 3% depuis 1992, ce qui a contribué à rendre encore plus contraignante qu’initialement prévu la règle coercitive pesant sur les finances publiques.

Les résultats de nos simulations sont multiples. Premièrement, l’adoption des règles produit dans tous les cas une récession à court terme, même dans les petits pays avec un multiplicateur budgétaire faible et une faible dette publique initiale comme aux Pays-Bas. Cela complète le diagnostic selon lequel la rigueur généralisée en Europe nuit immanquablement à la croissance (cf. La très grande récession, 2011) en montrant qu’il n’existe pas de règle budgétaire qui, appliquée scrupuleusement à court terme, permet d’échapper à une récession. Cette constatation révèle une incitation, de la part des gouvernants, à dissocier les usages de jure et de facto des règles budgétaires : les annonces ont tout intérêt à ne pas être suivies d’effets, si l’objectif final de la politique économique est la préservation et la stabilité de la croissance économique.

Deuxièmement, les récessions peuvent engendrer la déflation. En vertu de la contrainte à zéro pesant sur les taux d’intérêt nominaux, une déflation est très difficile à inverser avec une contrainte budgétaire.

Troisièmement, la règle d’investissement aboutit à de meilleures performances macroéconomiques que les trois autres règles : les récessions sont plus courtes, moins prononcées et aussi moins inflationnistes sur l’horizon considéré. In fine, les niveaux de dette publique diminuent certes moins qu’avec la règle du 1/20e mais, sous l’effet de la croissance engendrée, la dette publique française perd 10 points de PIB par rapport à son niveau de 2010, tandis que les dettes belges et italiennes diminuent respectivement de 30 et 50 points de PIB. Seul le pays initialement le moins endetté, les Pays-Bas, voit sa dette stagner.

Quatrièmement, en faisant abstraction de la règle d’investissement qui ne figure pas dans les projets européens, il apparaît que le statu quo est plus favorable que la « nouvelle règle d’or » ou que la règle de réduction de la dette en termes de croissance ; il s’avère cependant plus inflationniste pour les grands pays. En termes de croissance, cela semble signifier que le renforcement du Pacte de stabilité et de croissance, appliqué brutalement, serait préjudiciable aux 4 économies considérées.

Cinquièmement, lorsque l’économie à l’équilibre est frappée par des chocs de demande et d’offre, le statu quo semble approprié. Ceci confirme l’idée que le PSC actuel donne des marges de manœuvre budgétaire. Les simulations montrent néanmoins que le statu quo reste coûteux en comparaison avec la règle de l’investissement.

Pour conclure, il est difficile de ne pas remarquer un paradoxe : des règles visant à empêcher les gouvernements d’intervenir dans l’économie sont discutées précisément après la crise financière mondiale qui a requis des gouvernements qu’ils interviennent afin de contribuer à amortir les chocs découlant de défaillances de marché. Ce travail vise ainsi à réorienter le débat de l’objectif de  stabilisation budgétaire à celui de stabilisation macroéconomique. Les autorités européennes – les gouvernements, la BCE, ou la Commission – semblent considérer la dette et le déficit publics comme des objectifs politiques en soi, plutôt que comme des instruments pour atteindre les objectifs finaux de croissance et d’inflation. Ce renversement des objectifs et des instruments équivaut à nier a priori tout rôle à la politique macroéconomique. De nombreux travaux [2], dont celui que nous avons mené, adoptent plutôt la position opposée : la politique économique joue certainement un rôle dans la stabilisation des économies.

 

 

[1] Cet abus de langage a notamment été dénoncé par Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak en 2011, ou par Bernard Schwengler en 2012.

[2] Voir par exemple, en anglais, l’étude transversale parue en 2012 dans American Economic Journal, Macroeconomics, et la bibliographie qu’elle contient, ou, en français, l’étude parue en 2011 de Creel, Heyer et Plane, sur les effets multiplicateurs de politiques temporaires de relance budgétaire.

 

 




Politique monétaire : Open-Market Operations ou Open-Mouth Operations ?

par Paul Hubert

La communication d’un banquier central peut-elle influencer les anticipations des agents au même titre que les modifications de taux d’intérêt ? A en croire Ben Bernanke, il semblerait que oui.

Dans son discours du 18 octobre 2011, Ben Bernanke, gouverneur de la Banque centrale des Etats-Unis, a mis en avant l’intérêt qu’il porte à trouver de nouveaux outils pour que les entreprises et ménages soient en mesure d’anticiper les orientations de politique monétaire futures. On apprend ainsi que le Comité de décision de la politique monétaire (FOMC) étudie les moyens d’accroître la transparence de ses prévisions macroéconomiques. En effet, ces prévisions pourraient être considérées comme un outil de politique monétaire si leur publication influence la formation des anticipations privées.

Il est intéressant de noter que l’effet de la communication des prévisions de la banque centrale passe par sa crédibilité. En effet, la publication de prévisions n’a pas d’effets contraignants et mécaniques sur l’économie. Le canal de transmission passe par la confiance que les entreprises et ménages ont dans les annonces de la Banque centrale. Ainsi, si une annonce est crédible, alors l’action n’est plus obligatoirement nécessaire ou l’amplitude de l’action requise réduite. Le mécanisme est simple : la publication des prévisions modifie les anticipations privées qui modifient à leur tour leurs décisions et affectent donc les variables économiques. La volonté de Ben Bernanke de mettre en œuvre ce qu’il nomme « forward policy guidance » et l’emphase qu’il met sur l’importance des prévisions des banques centrales suggèrent que la Fed cherche à utiliser cet instrument additionnel que semblent être les prévisions pour mettre en œuvre plus efficacement sa politique monétaire.

Sur la base des anticipations d’inflation des agents privés collectées à l’aide d’enquêtes trimestrielles appelées Survey of Professional Forecasters et disponibles ici, il apparaît que les prévisions d’inflation du FOMC, publiées deux fois par an depuis 1979, ont un effet positif et persistant sur les anticipations privées (voir le document de travail). Celles-ci augmentent de 0,7 point de pourcentage lorsque la Fed augmente ses prévisions d’1 point de pourcentage.  Deux interprétations de cet effet peuvent être proposées : en augmentant ses prévisions, la Fed influence les anticipations privées et crée d’une certaine manière 0,7 point de pourcentage d’inflation. L’efficacité d’une telle annonce serait donc discutable. A l’opposé, on peut imaginer qu’une hausse d’1 point de pourcentage de l’inflation va survenir et qu’en l’annonçant, la Fed envoie un signal aux agents privés. Ceux-ci anticipent alors une réaction de la Fed pour contrer cette hausse et réduisent leur anticipation de cette hausse. La Fed aurait donc réussi à empêcher 0,3 point de pourcentage de la future hausse d’inflation en communiquant dessus, l’annonce étant donc efficace.

Ce dernier mécanisme appelé « Open-Mouth Operations » dans un article publié en 2000 se focalisant sur la Banque centrale néo-zélandaise se veut donc un complément des opérations d’open market qui consistent à modifier le taux d’intérêt directeur de la banque centrale pour affecter l’économie.

Afin de mettre en lumière les raisons pour lesquelles les anticipations privées ont augmenté, on peut caractériser les mécanismes sous-jacents à l’influence des prévisions du FOMC. Si les prévisions du FOMC sont un bon indicateur avancé du futur taux d’intérêt directeur de la Fed, elles donnent de l’information sur les futures décisions. Il ressort de cette étude qu’une hausse des prévisions du FOMC signale une hausse du taux directeur de la Fed intervenant entre 18 et 24 mois.

De plus, les prévisions du FOMC n’ont pas les mêmes effets que le taux directeur sur les variables macroéconomiques et ne répondent pas de la même manière aux chocs macroéconomiques : les réponses du taux directeur à des chocs macroéconomiques sont larges et rapides en comparaison de celles des prévisions. Ce résultat suggère que les prévisions du FOMC sont un instrument a priori conçu pour mettre en œuvre la politique monétaire sur le long terme alors que le taux directeur est un instrument a posteriori, répondant aux chocs touchant l’économie et donc aux cycles de court terme.




Monetary policy: Open-Market Operations or Open-Mouth Operations?

By Paul Hubert

Can the communications of a central banker influence agents’ expectations in the same way as they change interest rates? To believe Ben Bernanke, the answer is yes.

In a speech on 18 October 2011, Ben Bernanke, governor of the US central bank, highlighted his interest in finding new tools to help businesses and consumers anticipate the future direction of monetary policy. Thus we learn that the bank’s Federal Open Market Committee (FOMC) is exploring ways to make its macroeconomic forecasts more transparent. Indeed, if the publication of the forecasts influences the formation of private expectations about the future, then this could be treated as another tool of monetary policy.

It is worth pointing out that the impact of communicating the central bank’s forecasts depends on the bank’s credibility. Any impact that the publication of the forecasts has on the economy is neither binding nor mechanical, but rather is channelled through the confidence that businesses and consumers place in the statements of the central bank. So if a statement is credible, then the action announced may not be needed any more or its amplitude may be reduced. The mechanism is straightforward: publishing the forecast changes private expectations, which in turn modifies decision-making and therefore the economic variables. Ben Bernanke’s determination to implement what he calls “forward policy guidanceand the emphasis he is giving to the importance of the central bank’s forecasts suggest that the Fed is seeking to use its forecasts as another instrument to implement its monetary policy more effectively.

Based on the inflation expectations of private agents collected through quarterly surveys called the Survey of Professional Forecasters (available here), it appears that the FOMC inflation forecasts, published twice yearly since 1979, have a persistent positive effect on private expectations (see the working document). Expectations rise by 0.7 percentage point when the Fed increases its forecast by one percentage point. Two interpretations of this effect could be offered: by raising its forecast, the Fed influences expectations and in a certain sense creates 0.7 percentage point of inflation. The effectiveness of such an announcement would therefore be questionable. In contrast, it is conceivable that an increase of 1 percentage point of inflation will occur and that by announcing it, the Fed sends a signal to private agents. They then expect a response from the Fed to counter the increase, and so reduce their expectation of the increase. The Fed’s communication would therefore have succeeded in preventing a 0.3 percentage point increase in future inflation, meaning that the announcement has been effective.

This last mechanism, called “Open-Mouth Operations” in an article published in 2000 dealing with the central bank of New Zealand, would therefore act as a complement to the bank’s open market operations that are intended to modify the central bank’s key rates so as to influence the economy.

In order to shed light on the reasons why private expectations have increased, it would help to characterize the mechanisms underlying the influence of the FOMC forecasts. If the FOMC forecasts are a good leading indicator of the Fed’s future key rates, they provide information about future decisions. It appears from this study that an increase in the FOMC forecasts signals that there will be an increase in the Fed’s key rates 18 to 24 months later.

Furthermore, the FOMC forecasts do not have the same impact as the bank’s key rates on macroeconomic variables, nor do they respond in the same way to macroeconomic shocks: the responses of key rates to macroeconomic shocks are substantial and rapid in comparison with the responses of the forecasts. This suggests that the FOMC forecasts are an a priori instrument intended to implement monetary policy over the long term, whereas the key rates are an a posteriori instrument that responds to shocks to the economy, and thus to the short-term cycle.

 

 




Les banques centrales peuvent-elles influencer les anticipations des agents privés ?

par Paul Hubert

Comment les prévisions d’une banque centrale peuvent-elles influencer les anticipations des agents privés et quelles en sont les raisons ? A quelques heures des conférences de presse de Ben Bernanke et de Mario Draghi, voici quelques éléments d’explication. 

L’attribution du Prix Nobel d’Economie 2011 à Thomas Sargent et Chris Sims pour « leurs recherches empiriques sur les effets causaux en macroéconomie » met en lumière le rôle primordial des anticipations des agents privés dans les décisions de politique économique. Parce que les anticipations d’inflation et de croissance des entreprises et des ménages affectent leurs décisions d’investissements, de consommation, d’épargne, et les revendications salariales, elles sont au cœur de l’interaction entre les politiques économiques et leurs effets.

Depuis les années 1980, l’instrument principal de la politique monétaire est le taux d’intérêt directeur de la banque centrale. Les variations de celui-ci affectent l’économie et permettent à la banque centrale d’arbitrer entre croissance économique et inflation via différents canaux : le canal du taux d’intérêt, le canal du crédit, le canal du prix des actifs, le canal du taux de change et enfin le canal des anticipations. En effet, dans le cadre de leurs décisions quotidiennes, les entreprises et les ménages intègrent de nombreuses anticipations sur la consommation, l’investissement, les capacités de production futures, ainsi que les salaires et prix futurs, etc. Ces anticipations jouent ensuite un rôle central dans la détermination des variables économiques. Les variations du taux directeur envoient donc des signaux sur l’état futur de l’économie ainsi que la politique monétaire future, et modifient les anticipations que forment les agents privés.

Cependant, le canal des anticipations est incertain et les variations de taux directeur peuvent être comprises de différentes manières : les agents privés peuvent réagir à une baisse du taux directeur en consommant et investissant plus, ce qui peut signaler que la croissance sera plus forte dans le futur et ce qui accroît leur confiance et leur volonté de consommer et investir. A l’opposé, les mêmes agents peuvent interpréter que la croissance présente est plus faible que prévue, poussant la banque centrale à intervenir, ce qui réduit leur confiance, donc leur volonté de consommer et d’investir… Depuis les années 1990, les banques centrales utilisent donc en complément du taux d’intérêt des effets d’annonce pour clarifier leurs intentions futures. La communication semble ainsi être devenue un outil de la politique monétaire et deux types peuvent être distingués. La communication qualitative comprend les discours et interviews, tandis que la communication quantitative correspond à la publication des prévisions d’inflation et de croissance de la banque centrale.

Dans un récent document de travail, nous analysons l’effet des prévisions d’inflation et de croissance publiées trimestriellement par les banques centrales du Canada, de Suède, du Royaume-Uni, du Japon et de Suisse. A l’aide d’enquêtes réalisées par Consensus Forecasts auprès de prévisionnistes professionnels des secteurs financiers et non-financiers, nous montrons que les prévisions d’inflation des banques centrales de Suède, du Royaume-Uni et du Japon sont un déterminant significatif des prévisions d’inflation des agents privés. Autrement dit, la publication des prévisions d’inflation de ces banques centrales entraîne une révision des prévisions des agents privés. Il s’avère en outre que le contraire n’est pas vrai : les prévisions de la banque centrale ne réagissent pas aux prévisions des agents privés.

Deux raisons peuvent expliquer cette influence de la banque centrale : premièrement, les prévisions d’inflation de la banque centrale pourraient être de meilleure qualité et il est rationnel pour les agents privés d’être influencés par celles-ci afin d’améliorer leurs propres prévisions des variables macroéconomiques. Deuxièmement, les prévisions d’inflation de la banque centrale peuvent influencer les agents privés parce qu’elles transmettent des signaux, soit sur les futures décisions de politique monétaire, soit sur l’information privée dont dispose la banque centrale. Ce type d’influence est indépendant de la performance de prévision de la banque centrale.

Afin de déterminer les sources de cette influence, nous évaluons la performance de prévision relative des banques centrales et des agents privés et testons si l’influence des anticipations privées par la banque centrale dépend de la qualité de ses prévisions. Les estimations montrent que seule la banque centrale de Suède, au sein de notre échantillon de banques centrales, produit de façon significative, régulière et robuste des prévisions d’inflation de meilleure qualité que celles des agents privés. Nous trouvons en outre que le degré d’influence dépend de la qualité des prévisions d’inflation. Autrement dit, les prévisions d’inflation à un horizon court (1 ou 2 trimestres), dont une analyse historique des performances de prévisions nous apprend qu’elles sont de faible qualité, n’influencent pas les agents privés tandis que celles de meilleure qualité les influencent. De plus, les prévisions d’inflation à plus long terme de la banque centrale de Suède réussissent à influencer les anticipations privées même lorsque leur qualité est faible et les influence d’autant plus que leur qualité est meilleure.

Alors que les banques centrales du Royaume-Uni, du Japon  et de Suède réussissent toutes les trois à influencer les anticipations privées via la publication de leurs prévisions macroéconomiques, il apparaît que les raisons de cette influence sont différentes. Les deux premières utilisent la transmission de signaux, tandis que la banque centrale de Suède utilise les deux sources possibles pour influencer les anticipations privées : à la fois sa meilleure capacité de prévisions et l’envoi de signaux. La conséquence de ces résultats est que la publication par la banque centrale de ses prévisions macroéconomiques pourrait faciliter et rendre plus efficace la mise en place de la politique monétaire désirée en guidant les anticipations privées. Ce canal de transmission, plus rapide car il ne repose que sur la diffusion de prévisions, pourrait permettre ainsi à la banque centrale d’affecter l’économie sans modification de son taux d’intérêt directeur et peut effectivement constituer un instrument supplémentaire.




Can the central banks influence the expectations of private agents?

By Paul Hubert

Can the forecasts of a central bank influence the expectations of private agents, and if so what are the reasons for this? A few hours after the press conferences of Ben Bernanke and Mario Draghi, here are some explanations.

The awarding of the 2011 Nobel Prize in Economics to Thomas Sargent and Chris Sims for “their empirical research on causal effects in macroeconomics” highlights the role of the expectations of private agents in economic policy decisions. Because the expectations of businesses and households about inflation and growth affect their decisions on investment, consumption, savings, and wage demands, these are at the heart of the interaction between economic policies and their effects.

Since the 1980s, the main instrument of monetary policy has been the interest rate set by the central bank. Changes in this affect the economy and allow the central bank to arbitrate between economic growth and inflation through several channels, and in particular interest rates, credit, asset prices, exchange rates and, finally, expectations. Indeed, in the course of their daily decision-making, businesses and households base themselves on numerous expectations about consumption, investment, future capacity and future wages and prices, etc. These expectations then play a central role in the determination of economic variables. Changes in the central bank rate thus send signals about the future state of the economy and future monetary policy, and alter the expectations formed by private agents.

However, the expectations channel is ambiguous, and changes in the base rates can be understood in different ways: private agents may respond to lower rates by consuming and investing more, which may indicate that growth will be stronger in the future, bolstering their confidence and their willingness to consume and invest. In contrast, the same agents may feel that current growth is lower than expected, prompting the central bank to intervene, which reduces their confidence, and hence their willingness to consume and invest…. Since the 1990s, the central banks have been complementing interest rates with the effect of announcements to clarify their future intentions. Communication seems to have become a tool of monetary policy, and two types can be distinguished. Qualitative communication includes interviews and speeches, while quantitative communication consists of the publication of the central bank’s forecasts of inflation and growth.

In a recent working paper, we analyze the effect of the forecasts of inflation and growth published quarterly by the central banks of Canada, Sweden, the UK, Japan and Switzerland. With the help of surveys conducted by Consensus Forecasts of professional forecasters from financial and non-financial sectors, we show that the inflation forecasts of the central banks of Sweden, the UK and Japan are a significant factor in the inflation forecasts of private agents. In other words, the publication of the central bank inflation forecasts leads to a revision of the forecasts of private agents. It also appears that the opposite is not true: the central bank forecasts do not respond to the forecasts of private agents.

Two factors could explain the central bank’s influence: first, the inflation forecasts of the central bank could be higher quality, making it rational for private agents to be influenced by them so as to improve their own forecasts of macroeconomic variables. Second, the inflation expectations of the central bank can influence private agents because they transmit signals, either about future decisions on monetary policy, or about the private information available to the central bank. This type of influence is independent of the forecasting performance of the central bank.

To determine the sources of this influence, we evaluated the relative forecasting performance of the central banks and private agents and tested whether the central bank’s influence on private expectations depends on the quality of its forecasts. Estimates showed that, in our sample of central banks, only the central bank of Sweden produced significant, regular and robust inflation forecasts that were better than those of private agents. We also found that the degree of influence depends on the quality of the inflation forecasts. In other words, the inflation forecast over a short horizon (1 or 2 quarters), which a historical analysis of forecast performance tells us are of low quality, do not influence private agents, whereas those of higher quality do influence them. Furthermore, the longer-term inflation forecasts of Sweden’s central bank managed to influence private expectations even when their quality was low, and the better the quality, the stronger the influence.

While the central banks in the United Kingdom, Japan and Sweden all succeed in influencing private expectations by publishing their macroeconomic forecasts, it appears that the reasons for this influence differ. The first two use the transmission of signals, while the Swedish central bank uses both possible sources for influencing private expectations: its greater forecasting capability and the sending of signals. The consequence of these results is that the publication by the central bank of its macroeconomic forecasts could facilitate and render more effective the establishment of the desired monetary policy by shaping private expectations. This transmission channel, which is faster because it relies only on the provision of forecasts, could thus allow the central bank to affect the economy without changing its key interest rate, in practice making it an additional policy instrument.