Le système d’assurance-chômage aux États-Unis et son parallèle avec la France

S. Auray (CREST-Ensai, RSB et OFCE) et Camille Boissel (CREST-Ensae)

Les premières résolutions de la réforme de l’assurance-chômage engagées en France sous la présidence d’Emmanuel Macron ont été adoptées en 2019 et ont notamment introduit un mécanisme dit de « bonus-malus » dans certains secteurs de l’économie grands consommateurs de contrats précaires. Appliqué depuis le 1er septembre 2022, ce système est conçu pour internaliser les coûts liés aux allocations chômage, en les facturant aux employeurs des salariés licenciés, avec pour objectif d’inciter les entreprises à améliorer la qualité des emplois qu’elles proposent. Or, le mode de financement de l’assurance-chômage aux États-Unis fonctionne selon un principe similaire depuis sa création au début des années 1930, ce qui a largement inspiré la nouvelle méthode française de calcul des cotisations employeurs. Ce texte se propose de revenir sur les grands principes de l’assurance-chômage aux États-Unis, en s’appuyant sur l’ouvrage de S. Auray et D. Fuller « L’assurance-chômage aux États-Unis ».



Un bref historique de l’assurance chômage aux États-Unis

En 1932, lors de la Grande Dépression, alors que le taux de chômage ne cessait d’augmenter et dépassait les 25%, le Wisconsin devint le premier État à adopter une loi sur l’assurance-chômage aux États-Unis. Six autres États se dotèrent de lois comparables avant qu’en 1935, un texte ne modifie profondément le système d’assurance-chômage en vigueur aux États-Unis : le Social Security Act, qui jette alors les bases du système de sécurité sociale américain. En mai 1937, la Cour suprême confirma la constitutionnalité de cette loi fédérale et, en août 1937, les 48 États contigus ainsi que l’Alaska, Hawaii et le district de Columbia avaient tous promulgué leurs lois d’assurance-chômage. Au cours des 75 années qui ont suivi son lancement, le programme d’assurance-chômage a connu plusieurs réformes. La durée standard des allocations est passée, par exemple, de 16 à 26 semaines dans la plupart des États[1]. Lorsque l’on considère l’ensemble du pays, on observe que les systèmes d’assurance-chômage varient considérablement d’un État à l’autre, en termes de générosité et de mode de financement. Les règles d’éligibilité ont également évolué. Au cours des premières années, les États n’excluaient pas les travailleurs ayant quitté leur emploi volontairement, ayant été licenciés pour faute grave ou ayant refusé un emploi convenable. Ces salariés étaient simplement considérés comme inéligibles à l’assurance-chômage pendant un certain temps. À la fin de l’année 1945, vingt-six États ont limité l’éligibilité à l’assurance-chômage aux seuls travailleurs ayant perdu leur emploi de manière involontaire, et ces dispositions sont désormais en vigueur dans tous les États. De même, en 1952, seuls douze États réclamaient qu’après une période d’inéligibilité, les chômeurs obtiennent un nouvel emploi afin d’être à nouveau éligibles. Aujourd’hui, cinquante États appliquent une règle comparable. Par ailleurs, le système d’assurance-chômage a été modifié pour faire face aux périodes de ralentissement économique : en cas de brusque augmentation du taux de chômage, des programmes étatiques et fédéraux spéciaux accordent des semaines supplémentaires d’allocations aux travailleurs ayant épuisé leurs semaines de droits à l’assurance-chômage de l’État[2]. Enfin, des programmes dits de bien-être, aux critères d’éligibilité spécifiques, peuvent se juxtaposer à l’assurance-chômage.

Le principe de modulation des cotisations employeurs à l’assurance-chômage : un système « pollueur-payeur »

Les allocations chômage fournissent une assurance contre le risque de perte d’emploi et de revenu. La transition de l’emploi vers le chômage implique en effet une perte de revenu que l’assurance-chômage permet de compenser, au moins en partie. C’est pourquoi les économistes font référence aux indemnisations ou aux allocations chômage comme à une assurance face au risque de chômage. Ce dispositif d’assurance peut, cependant, affecter le comportement et les choix des employés, des demandeurs d’emploi et des entreprises; et ces changements ne sont pas sans conséquence sur le bon fonctionnement du marché du travail, conséquences dont l’ampleur reste toutefois à déterminer. Ce système a alors été conçu pour limiter l’impact des fluctuations économiques sur le revenu des travailleurs, tout en répartissant les efforts de financement de manière équitable.

Le système d’assurance-chômage aux États-Unis correspond à un partenariat fédéral-étatique unique, fondé sur la loi fédérale mais administré par les employés des États dans le cadre juridique de ceux-ci. Les États sont en effet responsables du financement et de l’attribution de leurs allocations chômage et déterminent, chacun, la structure fiscale et les taux de cotisation applicables. Ce financement est assuré par des cotisations patronales : les entreprises sont soumises à une cotisation sur les salaires qui dépend de l’historique de l’entreprise en matière de licenciement. Le système de modulation des cotisations consiste à faire supporter à chaque employeur les coûts générés par ses licenciements. Il ne s’agit pas d’un mécanisme fiscal, mais d’une méthode de calcul des cotisations sociales.

Chaque État disposant du pouvoir de fixer la durée et le niveau de ses allocations chômage et de déterminer le régime fiscal des cotisations, il existe des différences importantes entre les États sur ces deux aspects. Notamment, les États utilisent des méthodes différentes pour calculer le taux de cotisation applicable aux entreprises[3], bien que les principes restent comparables. Ainsi, en règle générale, l’administration prend en compte l’historique de l’entreprise depuis sa création et applique un barème de calcul tenant compte du volume de licenciements réalisés par l’entreprise. Les fonds ainsi récoltés sont alors versés aux travailleurs licenciés éligibles qui en font la demande sous forme d’allocations chômage ; le statut d’éligibilité des travailleurs licenciés est vérifié par l’administration compétente de l’État, auprès de l’ancien employeur. Les entreprises qui licencient fréquemment des travailleurs appelés à bénéficier d’allocations d’assurance-chômage supportent des taux de cotisations plus élevés que celles qui licencient plus rarement, ou celles dont les travailleurs licenciés décident de ne pas faire valoir leurs droits à ces allocations Les travailleurs pourraient ne pas avoir travaillé le nombre de semaine minimum pour être éligibles à l’assurance chômage par exemple. Ils peuvent aussi décider de ne pas avoir recours à l’assurance chômage pour éviter les coûts administratifs associés. Plus précisément, ce système repose sur le niveau des allocations perçues par les anciens salariés, qui dépend lui-même de la fréquence des licenciements et de la capacité des salariés licenciés à retrouver rapidement un emploi. Dans le système standard de financement des indemnisations chômage aux États-Unis, le taux de cotisation d’une entreprise ne dépend donc pas seulement du nombre de travailleurs déjà licenciés au cours des années les plus récentes, mais également, et surtout, du nombre de travailleurs licenciés par cette entreprise qui perçoivent effectivement des allocations chômage.

Une internalisation seulement partielle des coûts sociaux liés aux licenciements

La modulation des cotisations employeurs à l’assurance-chômage aux États-Unis que nous venons de décrire n’est néanmoins que partielle, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, les taux de cotisations ne sont appliqués qu’à une partie de la masse salariale totale imposable d’une entreprise. En 2023, la Floride avait une masse salariale imposable plafonnée à 7 000 $ par salarié et par an, tandis que ce plafond était de 67 600 $ dans l’Etat de Washington. La masse salariale imposable reflète donc la part du salaire de chaque travailleur incluse dans l’assiette fiscale de l’État. Enfin et surtout – quelle que soit la formule utilisée pour calculer le taux des cotisations –, il existe dans chaque État un niveau maximal et un niveau minimal de taux de cotisations employeur. Le taux de cotisations maximal implique que certains employeurs qui contribuent fortement aux dépenses d’allocation n’assurent pas la couverture complète de celles-ci. À l’inverse, un employeur imposé au taux minimal doit supporter plus de cotisations qu’il ne génère de dépenses d’allocations chômage au titre des licenciements auxquels il procède. Tout comme la masse salariale imposable, les taux de cotisations minimal et maximal varient selon les États. En 2023, le taux minimal de cotisations variait de 0 % (dans l’Iowa, le Missouri et le Texas, par exemple) à 2,8 % en Pennsylvanie. Le taux maximal de cotisations, dont le principe est imposé par la loi fédérale, était compris entre 5,4 % (dans 16 États) et 19,57 % (dans le Massachusetts).

Avantages et inconvénients du système de modulation des cotisations employeurs à l’assurance-chômage

Tel que nous venons de le voir, le système de financement de l’assurance-chômage aux États-Unis est donc basé sur une modulation partielle. Ce système a été mis en place lors de la Grande Dépression avec l’objectif clair de dés-inciter les entreprises à licencier. Les États décident de la mesure dans laquelle ils imposent à chaque entreprise d’internaliser ses propres coûts, arbitrant entre une mutualisation complète des coûts, ou à l’inverse une individualisation intégrale des cotisations des employeurs, ou encore des formules mixtes. Face au phénomène du chômage, ce système présente donc certainement des avantages. En 2008, les États-Unis sont entrés en récession et le taux de chômage a atteint alors un nouveau pic. Pourtant, depuis 2010, ce taux a recommencé à baisser pour revenir à un niveau relativement stable, pendant que d’autres pays, comme la France, ne parvenaient pas à le réduire, ni même à empêcher son augmentation.

Cependant, il est à noter que les indemnités de licenciement légales ou conventionnelles versées par les employeurs aux salariés licenciés, s’apparentent à une contribution proportionnelle au nombre de séparations, mais sans mutualisation des sommes ainsi versées au bénéfice des régimes d’assurances sociales. Le système de modulation ne présente effectivement pas que des avantages. En utilisant les données américaines de l’Enquête sur le revenu et de participation au programme (Survey of Income and Program Participation -SIPP) couvrant 1990-2013, Moscarini et Fujita (2015) montrent, qu’après une période sans emploi, un nombre étonnamment élevé de travailleurs retrouvent un emploi chez leur employeur précédent, et ont des carrières dont le profil diffère totalement de celles des individus qui changent simplement d’emploi. Par ailleurs, ces auteurs montrent que la probabilité d’être rappelé par son employeur précédent est beaucoup moins dépendante du cycle économique et moins volatile que la probabilité de trouver un nouvel emploi. Enfin, en utilisant la même base de données, il est possible de calculer la probabilité de sortir du chômage selon que les individus perçoivent ou non leurs assurances chômage alors qu’ils sont éligibles à ces allocations. On trouve alors que cette probabilité est environ deux fois plus élevée pour les individus ayant choisi de ne pas percevoir l’assurance-chômage. Le lien entre choix de ne pas percevoir l’assurance-chômage et le fait d’être rappelé par son employeur précédent apparaît donc clairement (Auray, Fuller et Lepage Saucier 2023). Il reste cependant difficile à expliquer sans une enquête précisant les raisons de ce choix. Ce phénomène montre que le système de modulation peut présenter certaines limites.

 Perspectives sur l’implémentation de ce principe en France

Peu d’autres pays développés recourent à la modulation individualisée des cotisations d’assurance-chômage. Les pays européens dont la réglementation du travail est relativement protectrice, en comparaison de celle en vigueur dans les autres zones adhérentes à l’OCDE, ne jugent généralement pas nécessaire de mettre en place une incitation des employeurs à modérer leurs décisions de licenciement. En France, les cotisations sont payées par les employés et par les employeurs. Depuis 2004, le taux de cotisations total est de 6,4 %, dont 2,4 % à la charge des employés et 4 % à la charge des employeurs, le tout sur une assiette limitée à quatre fois le plafond de la sécurité sociale. Le régime d’assurance-chômage étant basé sur un principe d’autofinancement, les taux de cotisations sont régulièrement ajustés nationalement. Il ne s’agit donc pas d’un système de bonus-malus tel que celui existant aux États-Unis. Pourtant, la mise en place d’un tel système a été proposée à plusieurs reprises, et ce même avant la réforme de 2019, notamment par Edmond Malinvaud en 1998, dans un rapport remis au Premier ministre de l’époque Lionel Jospin, qui recommandait son application à la part patronale des cotisations. Le 27 septembre 1999, le Premier ministre annonçait que son gouvernement allait proposer l’instauration d’une modulation des cotisations chômage en fonction du comportement des entreprises vis-à-vis des licenciements (Journal Le Monde, 29 septembre 1999, p. 7). Ce système n’a pas été appliqué, mais on peut remarquer la mise en place en France de certaines contributions à l’assurance-chômage variant en fonction du comportement de l’entreprise vis-à-vis du licenciement de certaines catégories de travailleurs. Ainsi la contribution dite Delalande a été mise en place, en 1987, pour dissuader les entreprises de licencier des travailleurs âgés de plus de 50 ans. Ce type de dispositif peut, néanmoins, avoir des effets pervers en incitant, par exemple, les entreprises à éviter l’embauche de travailleurs âgés pour ne pas s’exposer au risque d’avoir à payer cette contribution (Behaghel, Crépon et Sédillot, 2004). Depuis le 1er juillet 2013, la part des contributions d’assurance-chômage à la charge des employeurs, au taux de 4%, est majorée pour les contrats de travail à durée déterminée conclus pour surcroît d’activité et ceux dits « d’usage ». Elle est ainsi de 7% pour les contrats de travail d’une durée inférieure ou égale à 1 mois, de 5,5% pour les contrats de travail d’une durée supérieure à 1 mois et inférieure ou égale à 3 mois et de 4,5% pour les contrats de travail dits d’usage d’une durée inférieure ou égale à 3 mois. Ainsi, même si ces majorations ne tiennent pas compte du comportement passé de l’employeur, il s’agit toutefois déjà d’une modulation de type bonus-malus. La réforme de 2019 introduit alors le premier véritable système de modulation des cotisations employeurs à l’assurance-chômage. Actuellement, seuls 7 secteurs sont concernés par cette mesure, soit 30 000 entreprises[4]. Contrairement aux États-Unis, le taux de séparation d’une entreprise est comparé au taux de séparation médian de son seul secteur d’activité pondéré par la masse salariale, et non pas au taux médian de séparation de toutes les entreprises françaises. Selon un rapport de février 2023 de l’Unédic, le taux de séparation dans cinq des secteurs concernés aurait déjà fortement baissé ; mais cela pourrait très bien être dû aux fortes pénuries de main-d’œuvre, qui ont beaucoup affecté les secteurs considérés. Le recul nous manque encore pour évaluer les effets de cette réforme, et le comité d’évaluation de la réforme de l’assurance-chômage entérinée en 2021 sortira fin 2024.

Globalement et quelle que soit l’économie considérée, la modulation des cotisations employeurs à l’assurance-chômage ne doit porter, selon nous, que pour partie sur la cotisation patronale. Autrement dit,  en respectant le principe de l’autofinancement du régime, les cotisations pourraient ne pas être totalement supportées par les employeurs, mais également en partie par les salariés. Un système partiel de modulation peut permettre de trouver un compromis entre, d’une part, l’opportunité d’internaliser les coûts de licenciements selon la situation de chaque entreprise et, d’autre part, l’objectif de garantir un certain partage des risques entre les secteurs en ce qui concerne ces coûts de licenciement. Enfin, toujours dans le cas d’un système de modulation des cotisations, un décalage temporel entre l’augmentation des licenciements et celle, correspondante, des taux de cotisation peut s’avérer utile pour éviter des coûts inappropriés aux entreprises touchées par des chocs négatifs. Le financement des allocations chômage par les cotisations sociales influe sur les décisions de licenciement et conduit à une subvention croisée entre des secteurs dont les taux de licenciement diffèrent. Bien qu’il existe des différences importantes entre les marchés européen[5] et américain du travail, il y a de bonnes raisons d’attendre des gains significatifs en cas d’introduction éventuelle, en Europe, d’un système de modulation des cotisations employeurs à l’assurance-chômage (Blanchard et Tirole, 2007). Enfin, si l’on devait spécifiquement penser à la mise en place d’un tel système pour toutes les entreprises dans certains pays européens et notamment en France, il est assez évident qu’il faudrait réduire les coûts de licenciement pour les entreprises et en particulier dans le cas des nouvelles embauches. En effet, conjuguer la mise en place d’un système de bonus-malus pour limiter les incitations aux licenciements par les entreprises, tout en réduisant les coûts des nouvelles embauches permettrait sans aucun doute de réduire les destructions d’emploi tout en faisant augmenter les créations d’emploi.


[1] Il n’existe ni durée minimale ni durée maximale fixée par l’Etat fédéral en ce qui concerne la durée de la période d’indemnisation.

[2] Par exemple, le programme « Federal Extended Benefits » se déclenche lorsque le taux de chômage d’un État dépasse un certain pallier et met à disposition des chômeurs éligibles 13 à 20 semaines supplémentaires de prestations d’assurance-chômage.

[3] En 2023, quatre méthodes sont en vigueur dans des États différents : le ratio de réserves (adopté par 33 États), le ratio des prestations (18 États), le ratio des salaires des allocataires (2 États) et la variation de la masse salariale (Alaska). Voir S. Auray et D. Fuller , chapitre 2 pour plus de détails.

[4] Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac. Travail du bois, industries du papier et imprimerie. Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d’autres produits minéraux non métalliques. Production et distribution d’eau, assainissement, gestion des déchets et dépollution. Transports et entreposage. Hébergement et restauration. Autres activités spécialisées, scientifiques et techniques.

[5] Les initiatives d’implémentation partielle du système d’expérience rating ne concernent pas que la France.




FRANCE TRAVAIL : À QUEL PRIX ?

Bruno Coquet

Avec la création de France Travail, le Gouvernement porte « l’ambition d’un emploi pour tous à travers un accompagnement socioprofessionnel renforcé des personnes qui en ont le plus besoin, et une transformation du service public de l’emploi et de l’insertion »[1]. Mais il y a un éléphant dans la pièce, sur lequel le projet de loi reste muet : la question du financement du nouveau réseau et de ses opérateurs.

Incidemment, la question a fait surface dans la négociation ouverte sur les règles de l’assurance chômage. Le document de cadrage de cette négociation indique en effet que « la contribution de l’UNEDIC à Pôle emploi devra de plus permettre d’accompagner la montée en charge de la réforme de France Travail. Cette réforme, par l’accompagnement plus intensif des publics les plus éloignés de l’emploi et par la mise en place d’une offre de service plus performante aux entreprises, est essentielle pour atteindre le plein emploi. Ainsi la contribution de l’UNEDIC a vocation à monter en charge au fur et à mesure que le régime dégage des excédents pour atteindre en 2026 entre 12% et 13% des recettes de l’Unédic »[2]. A cet horizon, la contribution de l’Unedic dépasserait 6 milliards d’euros.



Comme en 2008, lorsqu’à la création de Pôle Emploi la loi avait prévu un prélèvement « qui ne peut être inférieur à 10% »[3] des recettes de l’Unedic ; comme en 2018, quand la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel avait augmenté ce prélèvement obligatoire à 11%, tout se passe à nouveau comme si l’Unedic –et par extension l’épargne de précaution des salariés en cas de chômage– était un réservoir inépuisable dans lequel la pelleteuse budgétaire peut puiser sans retenue ni dommages.

La création de France Travail est une opportunité d’introduire plus de logique, de lisibilité et d’efficience dans ce système. Nous nous intéressons donc ici au mode de financement du service public de l’emploi (SPE), principalement de Pôle Emploi et de France Travail qui va lui succéder, mais pas à son budget qui dépend naturellement d’autres considérations quant à la nature, la qualité et la quantité des missions qui lui sont confiées.

Comment financer le service public de l’emploi ?

Le SPE est comme son nom l’indique un service public : les opérateurs[4] fournissent un service d’intermédiation et d’accompagnement accessible à tous les actifs et tous les employeurs.

En théorie, un service public de ce type doit être financé par l’impôt, éventuellement sur une assiette restreinte au champ pertinent des actifs –voire des personnes d’âge actif, et des employeurs. Si des actions ou services spécifiques sont demandés aux opérateurs du SPE (accompagnement, calcul et versement d’allocations, formation, etc.), ceux-ci doivent les facturer au coût marginal.

Les allocations (assurance chômage, minima sociaux, etc.) n’entrent pas dans le cadre de ces principes car les opérateurs les versent mais ne les financent pas sur leurs moyens de fonctionnement. Ils n’ont en l’espèce qu’un rôle transparent de caissier.

Comment est financé Pôle Emploi ?

Les modalités de financement de Pôle Emploi sont très éloignées de ces principes. L’opérateur principal du SPE reçoit en effet trois types de financements (Graphique 1) :

  • Une dotation budgétaire pour charges de service public, qui se monte à 1,25 milliard d’euros en 2023 et représente un peu plus de 23% du budget de l’opérateur en moyenne entre 2022 ;
  • Un prélèvement de 11% sur les recettes de l’Unedic issues des contributions des salariés et les cotisations des employeurs du secteur privé : 4,33 milliards d’euros en 2023, soit un peu plus de 70% du budget de Pôle Emploi en 2023 ;
  • Des ressources diverses (dont le Fonds Social Européen, les régions, etc.), souvent fléchées vers des missions spécifiques ; on ne peut exclure que certaines financent à la marge des charges de service public mais les données budgétaires ne les identifient pas. Ce montant n’est pas publié à l’avance mais a atteint entre 178 et 745 millions d’euros par an au cours des cinq dernières années. Ce poste est à son maximum en 2022 et représentait 7% du budget en moyenne.

L’Unedic finance donc l’essentiel des moyens de fonctionnement de Pôle Emploi, ce qui pose question au regard des principes théoriques énoncés ci-dessus.

Une priorité donnée à la débudgétisation vers l’Unedic

La contribution de l’Unedic, qui augmente tendanciellement[5], donne le sentiment que l’assurance chômage finance les coûts fixes de Pôle Emploi (dépenses de structure, de personnel, etc.), et que l’État peut se contenter de compléter la part variable (entre autres liée à la conjoncture) du besoin de financement de Pôle Emploi.

En effet, la contribution de l’Unedic est forfaitaire, indépendante du nombre de chômeurs indemnisés tandis que celle de l’État est réévaluée chaque année en loi de finances. La Convention tripartite État – Pôle-Emploi – Unedic 2019-2022, qui naturellement ne s’est pas réalisée conformément à ce qui y était inscrit du fait de la crise sanitaire, illustre bien la logique de répartition des charges : se basant sur la prévision d’une hausse de l’emploi (+408 000) et une baisse du nombre de chômeurs indemnisés entre 2019 et 2022 (-174 000, soit -6,1% sur l’ensemble de la période), elle anticipait une contribution annuelle de l’Unedic en augmentation de 3,52 à 4,36 milliards d’euros entre ces trois années (+839 millions, +23,8%)[6] tandis que la subvention de l’État était prévue pour baisser de 1,37 à 1,06 milliard (-209 millions, -15,2%) sur la même période[7].

Cette divergence ne peut s’expliquer par les contributions de chacun à la charge de travail et à la consommation des services fournis par Pôle Emploi aux chômeurs, indemnisés ou non et aux employeurs. L’évolution de la contribution de l’Unedic est d’autant plus atypique que la fusion ANPE-Assedic a engendré d’importantes économies sur la gestion de l’indemnisation (Cour des Comptes, 2020)[8]. De surcroît, le nombre de demandeurs d’emploi susceptibles d’être accompagnés (DEFM ABCDE) avait augmenté de 40% entre 2010 et 2019, quatre fois plus vite que le nombre de chômeurs indemnisés (+9%).

Graphique 1 – Ressources de Pôle Emploi selon leur origine

Note : La projection de la contribution Unedic est celle des perspectives financières de l’Unedic de juin 2023 pour les années 2023 à 2025. Les recettes de l’année 2026 sont basées sur une hypothèse de croissance de masse salariale égale à la moyenne 2010-2019 (3,2%), avec un taux de prélèvement de 11%. La projection « note de cadrage de l’assurance chômage » s’appuie sur une montée en charge progressive du taux de prélèvement sur les recettes de l’Unedic qui serait de 12% en 2024, 12,5% en 2025, 13% en 2026. La projection de la contribution de l’État est celle du PLF pour 2023, maintenue au même niveau nominal jusqu’en 2026. Pour chaque année de 2023 à 2026, les « autres financements » sont prolongés comme la moyenne des 3 années précédentes.

Sources : données Dares, Unedic, Cour des Comptes, lois de finances, calculs de l’auteur. Pour une définition des DEFM ABCDE, cf. Dares.

En termes simples, l’État augmente le budget du service public, le nombre de ses missions, mais se désengage de son financement. Le projet France Travail va encore plus loin en ce sens, puisque la contribution financière de l’État au nouvel ensemble n’est pas définie (elle aurait pu l’être dans le projet de loi pour le plein emploi en discussion au Parlement) alors que le document de cadrage de la négociation sur l’assurance chômage évoque déjà sans ambigüité une augmentation du prélèvement (« entre 12% et 13% ») sur les recettes de l’Unedic.

Quelle devrait être la contribution de l’Unedic ?

Les services spécifiques fournis par Pôle Emploi aux chômeurs indemnisés (calcul, paiement de l’allocation et des cotisations, données de pilotage, etc.) devraient être facturés au coût marginal, qui est connu : c’est celui facturé aux employeurs publics en auto-assurance[9] signant une convention de gestion avec Pôle Emploi. La gestion administrative et financière de ces chômeurs est alors prise en charge, contre remboursement, à l’identique de ce qui est fait pour les chômeurs indemnisés par l’Unedic.

Ces « frais de gestion sont calculés à l’acte sur la base de deux actes métiers : d’une part, le traitement d’un calcul de droit (82,33€) : ouverture de droit initiale, rechargement, et d’autre part le traitement mensuel de l’actualisation (6,67€), qu’il y ait ou non versement d’une allocation »[10], soit 162,37€ pour un chômeur pris en charge en année pleine. Il est notable que ce coût est inchangé depuis 2008.

L’Unedic devrait donc être facturée sur cette même base : avec 2,34 millions d’ouvertures de droits (au coût unitaire de 82,33€) et 2,48 millions de chômeurs indemnisés chaque mois (6,67€ au titre de l’actualisation) en moyenne en 2022, sa contribution aurait dû être de 391 millions d’euros, soit 10 fois moins que sa contribution effective. Cette approche fait apparaître une surcontribution de l’Unedic de l’ordre de 3,6 milliards d’euros en 2022 et 3,9 milliards en 2023.

On peut en déduire que 90% de la contribution de l’Unedic finance la charge de service public, ce montant représentant comme dit précédemment, environ 70% du budget de fonctionnement de Pôle Emploi. Ce mode de financement pose trois problèmes principaux :

  • Il pèse sur le coût du travail marchand, pour financer un service public ouvert à un public bien plus large que celui de ces salariés affiliés à l’assurance chômage ;
  • Il puise massivement dans les ressources normalement dédiées au financement des allocations chômage ;
  • Il contribue au déficit de l’Unedic et à la dette qui en découle, qui sont les arguments principaux de toutes les réformes de l’assurance chômage réalisées depuis des décennies, au motif qu’ils témoigneraient de la générosité excessive des droits. Une solution inappropriée au problème, car elle revient à réduire les droits pour réduire un déficit qui n’est pas creusé par eux mais (entre autres) par ce mode de financement de Pôle Emploi.

Sur l’ensemble de la période 2008-2022, ce prélèvement a contribué à hauteur de 43 milliards à la dette de l’Unedic, soit un montant équivalent à celui de la dette hors mesures d’urgence liées à la crise sanitaire (activité partielle, extension des droits, etc.) qui se montait à environ 42,3 milliards fin 2022[11].

Le service rendu aux chômeurs indemnisés n’est pas à la hauteur du contrat…

La convention tripartie 2019-2022 comprend 15 indicateurs de performance, dont seulement 4 concernent exclusivement les chômeurs indemnisés. Pôle Emploi ne communique que sur 4 d’entre eux[12] dont un seul relatif aux seuls chômeurs indemnisés (taux de notification des droits sous 21 jours, qui est atteint). Le bilan des 4 indicateurs réalisé par l’Unedic est très mitigé[13] : 2 sur 4 n’ont pas atteint leurs cibles (le taux de satisfaction des demandeurs d’emploi vis-à-vis des informations concernant les allocations –qui par ailleurs est inférieur à son niveau de 2015 ; le taux de trop perçus), 1 sur 4 l’a atteinte mais est très dégradé par rapport à 2016 (conformité du traitement de l’allocation) et le dernier l’a également atteinte et en progression, celui sur lequel communique Pôle Emploi.

Le nombre d’entretiens entre chômeurs et conseillers ne figure pas parmi les indicateurs régulièrement publiés. C’est pourtant un service important pour les chômeurs et coûteux pour l’opérateur. De manière symptomatique, les rares chiffres disponibles sont difficiles à mettre en cohérence. En 2022, pour la première fois, Pôle Emploi mentionne 6,03 millions d’entretiens en agence[14]. Il faut remonter à 2018 pour avoir un précédent : la Cour des Comptes (2020) recensait alors 13,7 millions d’entretiens, 5,4 millions de demandeurs d’emploi ayant eu au moins un entretien professionnel (ce qui laissait près d’un million de DEFM ABCDE sans aucun entretien professionnel dans l’année), sur un périmètre plus large[15]. Ces chiffres diffèrent très fortement de ceux publiés en 2018 par la mission d’évaluation IGAS-IGF[16] qui recensaient 14,7 millions d’entretiens dont 4,3 millions en agence en 2017. Le nombre moyen d’entretiens selon la modalité d’accompagnement présentait quant à lui des écarts de 30% à 70% entre les données de la Cour et celles des inspections. Ce flou sur la quantité ne permet évidemment aucune analyse de la qualité de cette composante essentielle de l’accompagnement.

Le service rendu aux chômeurs indemnisés n’apparaît donc pas conforme au contrat d’engagement signé avec Pôle Emploi. La période était pourtant favorable, la bonne santé du marché du travail a facilité le travail de l’opérateur, en ce sens que les opportunités d’emploi ont augmenté et que le nombre de chômeurs indemnisés à accompagner a diminué.

… alors que le prix payé a fortement augmenté

Aucune de ces sources ne donne d’indication sur l’accompagnement et les entretiens dont bénéficient spécifiquement les chômeurs indemnisés. La doctrine veut cependant que les chômeurs les plus éloignés de l’emploi bénéficient du niveau d’accompagnement le plus intensif. Or les chômeurs indemnisés étant par définition plus proches de l’emploi que les autres, surtout ceux exerçant une activité réduite (DEFM B et C), ils sont plus susceptibles d’être dans un accompagnement « suivi » ou « guidé », moins coûteux pour l’opérateur. L’Unedic finance donc plus largement l’accompagnement renforcé des chômeurs non-indemnisés que celui de ses propres assurés.

La contribution de l’Unedic à Pôle Emploi s’imputant sur le déficit de l’Unedic, elle vient en déduction des sommes destinées au paiement des allocations, si bien que le coût des services fournis est donc à la charge des chômeurs indemnisés. Ce coût approche 1 700 € par an en 2023 (Graphique 2), dont seulement 140€ pour le calcul et le paiement de l’allocation ; il s’est accru de près de 36% depuis 2018, alors que dans le même temps l’allocation moyenne n’a progressé que d’un peu plus de 8%. C’est un montant considérable.

Graphique 2 – Contribution de l’Unedic à Pôle Emploi par chômeur indemnisé et par an

Note : Prélèvement annuel sur les recettes de l’Unedic rapporté au nombre moyen de chômeurs indemnisés.

Sources : données Unedic (y compris prévisions), Dares, calculs de l’auteur.

Le projet France Travail prévoit un accompagnement très renforcé pour les bénéficiaires du RSA qui vont devoir s’inscrire, dont la plupart sera en effet très éloignée de l’emploi (cela représente environ 1 million de nouveaux demandeurs d’emploi sur les listes de Pôle Emploi, soit une hausse de 15 à 20% des inscrits par rapport à aujourd’hui[17]). Dès lors, sauf en cas de hausse massive de la subvention de l’État, il semble peu probable que les services aux chômeurs indemnisés vont s’améliorer, a fortiori se renforcent, même si la contribution de l’Unedic (donc des chômeurs indemnisés) s’accroît encore, puisqu’elle atteindrait entre 5,5 et 5,9 milliards d’euros par an en 2025[18] (et plus de 6 milliards en 2026, horizon fixé dans le document de cadrage de la convention d’assurance chômage à négocier).

Les contours d’un mode de financement plus équitable et plus efficient

Le confort budgétaire que procurent les règles de financement actuelles du SPE n’incite guère à réfléchir à son amélioration. La création de France Travail fournit l’opportunité de le réformer, afin de le rendre plus lisible, équitable et efficient.

Pôle Emploi –bientôt France Travail– est une organisation suffisamment structurée pour produire une comptabilité analytique précise de ses charges fixes d’une part, des services rendus aux chômeurs et aux employeurs d’autre part. Cela donnerait d’ailleurs corps au « pilotage par des résultats partagés entre les acteurs de la gouvernance » qu’ambitionne le projet France Travail (cf. Exposé des motifs du projet de loi)

Les principes de financement du nouvel opérateur France Travail pourraient s’inscrire dans les contours suivants :

  • Une prestation universelle de suivi et d’accompagnement du chômeur : il s’agirait d’un bouquet de services accessibles à tous les actifs (et dans ce cas, associé au contrat d’engagement) et à tous les employeurs qui le souhaitent, quel que soit leur profil. Au-delà, pour les modalités d’accompagnement plus intense, le surcoût devrait être facturé à l’institution dont le chômeur reçoit ses allocations, ou par l’État si le chômeur n’est pas indemnisable ;
  • Les coûts d’indemnisation pourraient être facturés à l’Unedic, au tarif payé par les employeurs publics an auto-assurance ayant signé une convention de gestion. Ces coûts étant indépendants de la nature et du montant de l’allocation, ils devraient aussi être facturés aux employeurs pour lesquels Pôle Emploi joue le même rôle que pour les chômeurs indemnisés par l’Unedic. L’État devrait donc contribuer à ce titre pour tous les chômeurs recevant une allocation au titre de la solidarité (ASS, ATA, et bientôt RSA), ainsi que les employeurs en auto-assurance (il n’est pas clair de savoir si c’est Pôle Emploi qui calcule leurs droits, mais les chômeurs concernés ont les mêmes obligations d’inscription et de suivi que les autres) ;
  • Les charges de service public seraient financées par une subvention de l’État, qui couvrirait principalement les coûts fixes de l’opérateur. De facto, cette subvention compenserait tous les coûts qui ne peuvent être attribués aux services spécifiques listés ci-dessus.

Outre les gains évoqués ci-dessus, cette restructuration du financement aurait aussi l’avantage de placer sur un pied d’égalité tous les employeurs privés et publics d’une part, et tous les pourvoyeurs d’allocations d’autre part, et de ne plus faire peser l’essentiel de la charge du SPE sur le coût du travail marchand. Naturellement, le budget total de France Travail ne serait pas affecté par ces principes de financement, puisque défini en fonction d’autres objectifs.


[1] Exposé des motifs du projet de loi pour le Plein Emploi (2023)

[2] Document de cadrage relatif à la négociation de la convention d’assurance chômage

[3] Code du Travail, Art. L5422-24

[4] Les trois opérateurs concernés par France Travail sont Pôle Emploi, Les missions locales (jeunes), Cap Emploi (actifs handicapés), mais le SPE inclut aussi l’APEC (cadres), l’Unedic (indemnisation), et l’AFPA (formation professionnelle).

[5] La masse salariale sur laquelle sont assises les recettes et donc la contribution de l’Unedic n’a jamais diminué en France depuis 1949 (début de la série des comptes nationaux) excepté en 2020 du fait de la crise sanitaire.

[6] Source Unedic (2019) Prévisions financières du 26 novembre 2019.

[7] Source Convention Tripartite 2019-2022

[8] Cour des Comptes (2020) « la gestion de pôle emploi, dix ans après sa création », Rapport public thématique

[9] Employeurs, principalement publics, qui n’ont pas l’obligation d’affilier leurs salariés à l’assurance chômage.

[10] Source Pôle Emploi

[11] Pour une analyse sur longue période on peut se référer à B. Coquet (2016) « Dette de l’assurance chômage : quel est le problème ? » Note de l’OFCE n°60 et à B. Coquet (2016) « L’assurance chômage doit-elle financer le service public de l’emploi ? » Note de l’OFCE n°58.

[12] Source Pole Emploi

[13] Unedic, Rapport sur la gestion des risque le contrôle et l’audit en 2022

[14] Rapport annuel de 2022 de Pôle Emploi

[15] Ce décompte est assez large car il inclut les entretiens physiques et téléphoniques, et certains échanges par courriel. Aucune source ne précise si les entretiens de situation (lors de l’inscription) sont inclus dans ce total, sachant que le flux d’entrées dans les seules catégories ABC est de l’ordre de 6,5 millions dans l’année.

[16] IGAS-IGF (2018) Évaluation de la convention tripartite 2015-2018 entre l’État, l’Unédic et Pôle emploi. p.28

[17] Si tous les membres inactifs du foyer du bénéficiaire n’ont pas eux aussi l’obligation de s’inscrire.

[18] En juin 2023, l’Unedic prévoit que sa contribution à Pôle Emploi atteindrait 5 milliards en 2025 à législation constante. Le bas de la fourchette correspond à un taux de prélèvement qui passerait à 12% des recettes de l’Unedic, le haut de la fourchette à un taux de prélèvement de 13%.




La Prime d’activité n’est pas du salaire : elle amplifie la perte de revenu à la suite d’un licenciement

par Muriel Pucci

En janvier 2019, le gouvernement
a souhaité soutenir le niveau de revenu des salariés rémunérés au smic. Pour ce
faire, il a opté pour une réforme du barème de la Prime d’activité qui accroît
son montant de 90 euros au niveau du smic. À court terme, cela peut
paraître équivalent, pour un salarié rémunéré au smic, à une hausse de
90 euros du niveau du smic mensuel[1],
mais cela ne l’est plus si le salarié perd son emploi car alors la solution
choisie amplifie les effets du licenciement sur le revenu disponible du
travailleur.



Si la Prime d’activité permet
bien en général d’augmenter le revenu des personnes qui travaillent, il ne
s’agit pas d’un supplément de salaire. Et la différence est importante !
Alors qu’une augmentation du salaire s’accompagne d’un surcroît de cotisations
et donc de droits acquis aux allocations chômage et pensions de retraite
notamment, la Prime d’activité n’ouvre aucun droit. Lorsqu’un travailleur perd
son emploi, il perd à la fois son salaire et sa prime d’activité mais le
montant d’allocation chômage perçu ne dépend que du seul salaire. Ainsi, à
l’inverse des autres prestations sociales qui limitent la baisse des revenus
disponibles en période de crise, la Prime d’activité est pro-cyclique : les
sommes versées diminuent lorsque le chômage augmente.

La Prime d’activité est une
prestation sociale pour les travailleurs à bas salaire dont le montant doit garantir
aux familles un revenu disponible croissant avec le revenu d’activité des
actifs du foyer. Son calcul tient compte de l’ensemble des ressources du foyer
en accordant un statut particulier aux revenus professionnels : un euro de
revenu professionnel en plus réduit la Prime d’activité de 39 centimes, mais un
euro en plus d’une autre ressource la réduit d’un euro.

Alors
que le revenu d’activité d’une personne seule rémunérée au smic baisse de 28% à
la suite d’un licenciement, son revenu d’activité PA comprise baisse de 40%

En effet, considérons une
personne seule rémunérée au smic (1 219 €). Si elle ne dispose d’aucune
autre ressource, le montant de sa prime d’activité est de 237 euros, son
revenu disponible est donc de 1 456 euros (voir graphique 1). Si elle
perd son emploi en étant éligible au chômage indemnisé, elle percevra  878 euros au titre de l’ARE[2],
le taux de remplacement de l’ARE étant de 72 % au niveau du smic. Mais les
allocations chômage, bien qu’elles soient des revenus d’activité, n’ouvrent pas
droit à la Prime d’activité qui ne bonifie que les revenus professionnels. Outre
son salaire, le salarié perd donc également l’intégralité de sa PA et son
revenu disponible diminue de 578 euros (soit 1456 € – 878 €).

À titre de comparaison, si la Prime
d’activité était un élément de rémunération ouvrant les mêmes droits que le
salaire, le montant de l’ARE serait de 1 048 euros, soit 72% de la
somme salaire + PA. La baisse du revenu d’activité après licenciement serait de
171 euros de moins que dans le système actuel. Notons que cette différence serait
en partie compensée par les prestations sociales. Par exemple, pour une
personne seule rémunérée au smic et vivant en ville moyenne, le licenciement
pourra ouvrir droit à une aide au logement de 188 euros dans le système
actuel contre seulement 61 euros si la PA était considérée comme un
complément de salaire (voir graphique 2). Néanmoins, cette compensation par les
aides au logement n’est que partielle et, pour ce salarié, la baisse du revenu
disponible à la suite d’un licenciement reste amplifiée par le fait qu’une
partie de sa rémunération est une prestation sociale sans droits acquis (-32%
au lieu de -24% si la PA était considérée comme un complément de salaire). En
perdant son emploi, il perd 113 euros de plus (aide au logement comprise) dans
le système actuel que dans une situation fictive où la Prime d’activité
ouvrirait les mêmes droits sociaux que le salaire.

Si l’on
considère maintenant la réforme de 2019, si l’augmentation de la Prime
d’activité avait ouvert les mêmes droits qu’une hausse de salaire, un salarié
au smic perdant son emploi aurait pu bénéficier d’un montant d’ARE de
942 euros (soit 72 % de 1 219 € + 90 €), soit
64 euro de plus que dans le système actuel.

Les gouvernements successifs ont,
avec le RSA-activité d’abord et la Prime d’activité ensuite, souhaité augmenter
le revenu des travailleurs à bas salaire au moyen d’une prestation
différentielle. Il est important de souligner que ce faisant, ils ont fragilisé
la situation de ces mêmes travailleurs en période de crise en réduisant le taux
de remplacement des allocations chômage. Au-delà, on peut craindre que les
effets de ce basculement sur le taux de remplacement des pensions de retraite
soit à l’avenir la source d’un nouvel appauvrissement des retraités. Une
solution serait qu’à l’instar de ce qui est fait pour les parents de jeunes
enfant recourant à la Prepare[3],
la Prime d’activité donne lieu au versement par la Caf de cotisations chômage
et vieillesse permettant d’éviter la baisse des taux de remplacements de ces
prestations assurantielles pour les travailleurs qui bénéficient de la Prime
d’activité.


[1] C’est le cas pour un salarié vivant seul mais pas
toujours s’il vit en couple et/ou a des enfants à charge.

Elle amplifie la perte
de revenu à la suite d’un licenciement.

[2] Le calcul est effectué ici pour un mois de 30 jours et
en négligeant la période de maintien du droit à la Prime d’activité qui peut
aller jusqu’à 3 mois.

[3] La Prepare (Prestation partagée d’éducation de l’enfant) est une aide financière versée par la Caf aux parents qui réduisent ou interrompent leur activité à la naissance d’un enfant. Elle peut, sous conditions de ressources du foyer, ouvrir droit à l’AVPF (assurance vieillesse du parent au foyer), dispositif par lequel la Caf verse des cotisations vieillesse pour garantir la continuité dans la constitution des droits à la retraite.




Augmenter les cotisations retraites est-il sans effet sur l’emploi ?

par Xavier Timbeau

Dans un
post récent et éclairant sur le site de Médiapart
, Clément Carbonnier,
chercheur et enseignant en économie,  discute des inégalités qui découleraient du
nouveau système de retraite et de la difficulté à en anticiper l’ampleur. Analysant
les pistes de financement pour les retraites, il déploie un argument choc :
la hausse des taux de cotisations retraite n’aurait pas d’effet sur l’emploi.
C’est un résultat fort puisqu’il implique que les efforts consentis pour
abaisser le coût du travail, une demande ancienne et constante des employeurs,
auraient été produits en vain. CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et
l’emploi), pacte de responsabilité, allègements généraux de cotisations
sociales sont autant de dispositifs dont Clément Carbonnier suggère que seuls
les volets bas salaires auraient produit des effets mais qui au total sont très
peu efficaces pour l’emploi.



À la base de son argument, plusieurs autorités sont
mobilisées. Des études réalisées par deux laboratoires, le TEPP[1]
et le LIEPP[2], sous le
pilotage de France Stratégie, concluent à des effets presque nuls sur l’emploi
(rapport
du Comité de Suivi du CICE, 2017
). La divergence relative entre les
résultats des deux équipes a été arbitrée par l’INSEE et exposée dans le rapport
2018 du Comité de suivi du CICE
. Les conclusions de ces études et de la
synthèse de l’INSEE sont riches d’enseignements et procèdent d’une méthodologie
maîtrisée, employée couramment dans l’évaluation des politiques
publiques : l’évaluation ex-post en utilisant un groupe de
bénéficiaires et un groupe de contrôle[3]
et comparer le destin de ces deux groupes pour identifier l’effet de la
réforme.

A quelques détails
près.
Premièrement, le CICE n’a pas été mis en place en faisant en sorte
qu’il y ait un groupe de bénéficiaires d’un côté et de l’autre un groupe
témoin. Cela aurait été la configuration idéale (ou presque, voir infra) pour
mesurer l’effet du CICE, si les deux groupes avaient été tirés au sort. On
parle de Randomized Controlled Trial (RCT), largement appliqué en médecine
et en pharmacologie. Cette méthode a valu le prix en sciences économiques en
mémoire à Alfred Nobel à Esther Duflo
pour ses applications fructueuses à
de nombreuses questions de politiques publiques, notamment dans le cadre de
l’économie du développement[4].
Même lorsque les deux groupes sont tirés rigoureusement au sort, la méthode repose
sur quelques hypothèses fortes puisqu’on n’observe jamais ce qui se serait
passé pour le groupe des bénéficiaires en l’absence de politique. On l’infère à
partir de ce qui se passe pour le groupe témoin, ce qui suppose qu’il n’y ait d’effet
de la mesure que sur les individus (ou les entreprises) traités.

Pour pallier cette absence d’assignation aléatoire, on raisonne
par ce qu’on appelle une expérience naturelle : le tirage au sort n’est
pas intentionnel, mais le traitement a été pris de façon suffisamment diverse
pour qu’on puisse reconstruire des groupes aléatoires. Par exemple, un
médicament est interdit en dessous d’un certain âge et en séparant les
individus juste au-dessus et juste au-dessous de cet âge limite, on peut
espérer construire des groupes pseudo-aléatoires. Malheureusement pour le CICE
(et c’est le deuxième point), cette approche est impossible : toutes les
entreprises (soumise à l’impôt sur les sociétés) étaient éligibles au CICE et
prendre comme groupe de contrôle les associations à but non lucratif ou les
administrations publiques n’aurait aucun sens. Sans cette option, il faut
essayer de contourner l’obstacle.

La méthode d’évaluation ex post du CICE utilisée est une
forme encore plus dégradée de la méthode d’indentification par RCT. Ne
disposant ni d’un groupe de contrôle choisi aléatoirement, ni de la possibilité
de le reconstruire à partir des observations, c’est l’intensité de traitement
qui est employée pour mesurer les effets du CICE. Certaines entreprises
reçoivent un montant de CICE plus élevé que d’autres et c’est sur la base de
ces différences que l’on espère pouvoir identifier un effet du CICE. Si le CICE
était un médicament et les entreprises des patients traités par ce médicament,
on chercherait à mesurer les effets du médicament non pas en séparant d’un côté
ceux qui ont pris le médicament et de l’autre ceux qui ne l’ont pas pris (en
s’arrangeant pour que la décision de prise du médicament soit
« aléatoire »), mais en différenciant ceux qui ont pris une dose de
ceux qui en ont pris davantage. Cette approche ne peut fonctionner que si on
est sûr que l’effet du traitement est proportionnel à la dose prise et c’est
une hypothèse analogue qui a été retenue pour l’évaluation du CICE.

Cet empilement d’hypothèses affaiblit la capacité de la
méthode à produire un résultat utilisable. Mais la première est centrale :
il est difficile de penser que dans un environnement concurrentiel ce qui
arrive à une entreprise n’a pas d’impact sur les autres[5].
Baisser les coûts d’une entreprise réduira l’activité chez ses concurrentes si
elles ne bénéficient pas elles-mêmes de la même mesure ; Clément
Carbonnier oublie un peu vite une étude
pourtant pas si ancienne de Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo
sur une
population très particulière qui concluait à un effet tellement massif des
baisses de charges sur les bas salaires qu’il impliquerait un effet important
pour un dispositif qui n’est pas concentré. Utilisant le dispositif « zéro
charge » pour les entreprises de moins de 10 salariés, les auteurs
montraient un très fort effet pour les entreprises juste en deçà de 10 salariés
par rapport à celles juste au-dessus. L’effet exhibé est un effet différentiel,
potentiellement différent de l’effet agrégé sur l’ensemble de la population des
entreprises. Supposer que les entreprises sont comme des individus néglige les
interactions entre les entreprises, essence même d’une économie de marché.

Toujours sous la houlette de France Stratégie, d’autres
analyses ont été conduites[6],
employant la même méthode – en cherchant à exploiter l’intensité de traitement
au CICE pour en identifier les effets, mais sur des données de branche. Si l’on
perd beaucoup d’observations, passant de plusieurs dizaines de milliers à
quelques dizaines, et donc de puissance statistique, on gagne sur un
plan : au lieu de considérer des « atomes » insaisissables dont
la taille varie au gré du traitement et des interactions avec les
« atomes » concurrents, on peut considérer avec un peu plus
d’assurance que les secteurs agrègent la plupart de ces dynamiques et sont un
objet d’étude plus robuste. Ces analyses concluent à un effet du CICE sur
l’emploi, significativement différent de 0. Le résultat n’est pas très précis,
mais il est probable que le changement dans le niveau d’observation suffise à améliorer
la capacité de la méthode à identifier un effet du CICE.

Toujours est-il que ne pas mesurer un effet ne veut pas dire
que cet effet est inexistant. Considérer que l’absence de résultats tranchés à
des méthodes qui reposent sur des hypothèses qui sont intuitivement très loin
d’être satisfaites ressemble un peu à un jeune enfant qui se cache en fermant
les yeux : si je ne vois rien, personne ne me voit. Appuyer cette naïveté
déconcertante par des arguments d’autorité ne la rend pas plus convaincante,
bien au contraire.

Conclure ainsi de l’échec de la mesure des effets du CICE à
l’échec du CICE et de cet échec au fait qu’augmenter les cotisations retraites
n’aurait pas d’effet sur l’emploi ou toute autre variable d’intérêt est en opposition
avec une kyrielle d’analyses[7].
Argument d’autorité n’est pas autorité de l’argument.


[1]
Fédération de recherche CNRS « Travail, emploi et politiques publiques » (FR
CNRS n° 3435).

[2]
Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques, Science
Po Paris, à laquelle Clément Carbonnier est rattaché.

[3] Le groupe
de bénéficiaires reçoit la mesure (on parle de traitement) alors que le groupe
de contrôle, dont les individus sont « proches » de ceux du groupe de
bénéficiaires, ne reçoit pas la mesure (ou le traitement).

[4] Il y a
néanmoins des limites notables aux RCT (voir ici).

[5] Un autre
canal de « contagion » passe par le financement de la mesure. Si
cette contagion par le financement n’est pas corrélée au traitement, elle
n’empêche pas la mesure du traitement. Cette hypothèse s’ajoute aux autres.

[6] Par
l’OFCE, ces résultats seront publiés dans le rapport du Comité de suivi 2020.

[7]La
question de savoir ce qui se passe en cas de hausse de cotisations sociales de
façon générale (dans la plupart des pays, la notion de cotisations sociales
employeurs n’existe pas) est assez complexe (voir Melguizo et
Gonzalez-Paramo (2012)
pour
une méta analyse, et les travaux récents de Bozio, Breda,
Grenet (2017)
ou Alvaredo,
Breda, Roantree et Saez (2017)
pour un focus sur le cadre institutionnel
français.




Cotisations sociales des salariés et des non-salariés : vers la divergence ?

par Henri Sterdyniak

Dans le cadre de la
réforme des retraites, le gouvernement envisage de réduire l’assiette de la
CSG-CRDS payé par les non-salariés, à la fois pour compenser la hausse des
cotisations retraites et pour faire converger l’imposition des salariés et des
non-salariés. Ces deux objectifs sont-ils compatibles ? Nous montrerons
ici que non.



La comparaison des taux de
cotisations sociales entre salariés et non-salariés est particulièrement
délicate : les taux affichés diffèrent, mais aussi l’assiette (le salaire
brut versus le revenu professionnel).
Les barèmes de réduction des cotisations se font à des niveaux différents
(tableau 1). Enfin les droits à prestations ne sont pas les mêmes. La
comparaison a été rendue encore plus délicate par le remplacement de
cotisations salariés, chômage et maladie de remplacement, par la CSG.

Actuellement, les
cotisations sont basées sur le salaire brut pour les salariés, sur le revenu
moins les cotisations (dit revenu professionnel) pour les non-salariés. La
distinction cotisations salariales / cotisations patronales n’a guère de sens
économique à long terme et repose sur des évolutions historiques. Les seules
notions pertinentes sont celles de salaire extra-brut et de salaire net. Pour
les non-salariés, cette distinction n’existe pas ; on calcule un revenu
professionnel en soustrayant les cotisations et la CSG déductible du revenu
global, ce qui a le défaut d’introduire une certaine circularité. La CSG-CRDS
est basée sur le salaire brut pour les salariés, tandis qu’elle l’est sur le
revenu global pour les non-salariés, incluant donc les cotisations. Le
gouvernement envisage de réduire l’assiette de la CSG-CRDS pour les
non-salariés pour compenser la hausse de leur cotisation retraite (article 21
du Projet de loi de réforme des retraites). 
Les cotisations des non-salariés comme leur CSG-CRDS seraient basées sur
leur revenu après un abattement de 30 %. Ceci va-t-il dans le sens de la
convergence des prélèvements ? 

Nous allons comparer les
cotisations portant sur un salarié et un membre d’une profession libérale, en
assimilant le salaire extra-brut (y compris cotisations employeurs) des
salariés et le revenu des professionnel (avant cotisations), ceci pour deux
niveaux de revenu, moyen et supérieur : un salaire brut de 2 500 euros
correspondant à un revenu de 42 000 euros pour le professionnel ; un
salaire brut de 6 000 euros correspondant à un revenu de 100 000 euros
pour le professionnel.

On peut d’abord constater
que le rapport entre revenu professionnel et revenu, salaire brut et salaire
extra-brut est proche de 70 %, actuellement, pour les deux niveaux de
revenus, de sorte que la simplification envisagée par le gouvernement de fixer
le revenu professionnel à 70 % du revenu pour les non-salariés n’induit
pas d’effets majeurs.

Les tableaux 2 et 3
montrent qu’effectivement les non-salariés paient actuellement plus de CSG-CRDS
que les salariés. Introduire un abattement de 30 % apparaît donc
justifiable. Par contre, les cotisations non-contributives (maladie, famille,
dépendance, logement, transport) sont nettement plus fortes pour les salariés.
De sorte que globalement, les impositions ne rapportant pas de droits
spécifiques ont un poids identique pour les salariés et les non-salariés (voir
ligne 5 des tableaux) au niveau d’un revenu extra-brut de 42 000 euros (2 500
euros de salaire brut mensuel) et ont un poids plus élevé pour le salarié au
niveau du revenu extra-brut de 100 000 euros (6 000 euros de salaire
brut mensuel).

Les salariés paient
actuellement plus de cotisations contributives que les non-salariés. Ceci est
justifié puisqu’ils bénéficient de prestations chômage et accident du travail
que n’ont pas les non-salariés ; ils bénéficient aussi de prestations
retraites plus généreuses.

La réforme des retraites
n’augmente guère les cotisations des salariés (la hausse est de 0,35 point en
dessous du Pass, de 1,12 point au-dessus). Par contre, elle augmente fortement
les cotisations des non-salariés (de 24,75 à 28,12 % en dessous du Pass,
de 8,6 à 12,94 %, au-dessus). Comme le montrent les tableaux 2 et 3, la baisse envisagée
de la CSG-CRDS, permet finalement de réduire le poids des cotisations sur les
non-salariés (de 0,62 point pour le revenu moyen, de 1,1 point pour le revenu
supérieur).

Ainsi, la hausse des
cotisations contributives des non-salariés est compensée par une baisse de
leurs impositions non-contributives (via
la baisse de la CSG-CRDS, mais aussi la baisse de l’assiette des cotisations
pour les plus hauts revenus), de sorte que l’écart se creuse avec les salariés.
Or, les cotisations contributives ouvrent des droits dépendant des cotisations,
tandis que la CSG-CRDS comme les cotisations non-contributives sont des
prélèvements qui n’ouvrent aucun droit et qui doivent donc être les mêmes entre
contribuables à revenu donné. En fait, les écarts de taux d’imposition se
creusent :  de 5,46 à 8,8 points
(revenu moyen) ; de 3,43 à 10,16 points (haut revenu). Cela ne va pas dans
le sens de la convergence.

Par ailleurs, la mesure de
rééquilibrage se traduit par une baisse des ressources de la CSG-CRDS au
détriment de l’équilibre financier des branches de la Sécurité sociale, autres
que la retraite.

Au total, le souci de ne pas augmenter des cotisations des non-salariés écarte de l’objectif d’équité entre non-salariés et salariés. On peut estimer qu’il est nécessaire de soutenir les non-salariés, dont l’activité est souvent fragile.  On peut estimer, en sens inverse, que la baisse de la CSG sur les non-salariés devrait s’accompagner, dans un souci de neutralité, d’une hausse de leurs cotisations maladie et famille, en particulier pour les hauts revenus.