par Pierre Madec
Le vendredi 8 avril dernier, le Président de la République a annoncé la prolongation du dispositif d’incitation à l’investissement locatif dit « Pinel ». « Puisque ça marche, il n’y a pas de raison de changer » a ainsi déclaré François Hollande. Accueillie très favorablement par les professionnels du secteur, en particulier les promoteurs immobiliers qui réalisent une grande part de leur activité sur l’investissement locatif privé (près de la moitié en 2015), cette annonce a le mérite d’apporter une certaine continuité à un secteur en proie à une grande instabilité. Du dispositif Méhaignerie instauré au milieu des années 1980 au dispositif Pinel mis en place à l’été 2014, plus d’une dizaine d’instruments différents ont été utilisés au cours des 30 dernières années pour doper le secteur de l’investissement locatif[1]. Il est clair que cette forte volatilité des dispositifs ne permet pas de les évaluer correctement dans un temps long. Malgré tout, certaines critiques semblent se dégager ces dernières années concernant l’utilité même de ce type de dispositifs de défiscalisation dont l’objectif initial était de développer, dans les zones les plus tendues, une offre de logement « intermédiaire » en direction des classes moyennes. Qu’en est-il ? Le Pinel est-il, comme l’a indiqué le Président de la république, un dispositif « qui marche » ? A-t-il permis, en remplaçant le décrié dispositif « Duflot », d’enclencher le redémarrage du marché de la construction en France ? Permet-il de remplir l’objectif affecté de développement d’un parc locatif intermédiaire ? Si oui à quel coût ?
Le « Pinel » qu’est-ce que c’est ?
Le dispositif Pinel est donc un dispositif d’incitation à l’investissement locatif. En contrepartie d’une défiscalisation plus ou moins importante, un investisseur s’engage à mettre son bien immobilier neuf en location, pour un durée allant de 6 à 12 ans, tout en respectant des plafonds de loyers et de revenus des locataires fixés par décret. Le logement doit se situer dans une zone dite « tendue » définie elle aussi par décret et respecter un certain nombre de critères de performance énergétique.
En 2016, les plafonds de loyers et de ressources sont les suivants :
Selon l’engagement initial de location (6 ans ou 9 ans), le taux de la réduction d’impôt varie de 12% à 18% du montant de l’opération dans la limite d’un investissement de 300 000 euros et 5 500 euros par mètre carré habitable. Cet engagement initial peut être prolongé de 3 ans, une ou deux fois, dans la limite d’un engagement total de 12 ans. Chaque prolongation donnant droit à une réduction d’impôt supplémentaire de 3% du montant de l’investissement.
Enfin, contrairement à son prédécesseur, est offerte à l’investisseur Pinel la possibilité de louer à l’un de ses ascendants ou de ses descendants.
Le « Pinel » : pour quoi faire ?
Au travers la mise en place du dispositif Pinel en août 2014, le gouvernement souhaitait apporter des réponses à la fois au secteur de la construction, confronté à une crise importante, et à la crise du logement cher qui traverse la France depuis maintenant plus de trois décennies. En l’absence de données précises sur les investissements Pinel réalisés depuis la mise en place du dispositif, il paraît complexe de conclure positivement ou négativement sur l’impact de ce dispositif tant pour les investisseurs que pour les locataires. Certes, les ventes de logements par les promoteurs se sont bien rétablies en 2015 (100 200 unités soit +7% par rapport à l’année précédente), néanmoins elles restent très inférieures aux niveaux observés en 2013 (103 770) mais surtout entre 2010 et 2012 (117 400 en moyenne annuelle), temps des dispositifs Scellier (jusqu’en 2012) puis Duflot. Si le redémarrage du marché de la construction semble indéniable (hausse des mises en chantier et des permis de construire depuis la mi-2015), conclure à un impact des dispositifs d’investissement locatif semble très prématuré d’autant plus que ces derniers ne représentent qu’une faible part de l’ensemble de la production neuve. Si l’on parle ainsi de 50 000 « Pinel » produits en 2015, rappelons que cette année a vu se construire près de 400 000 logements.
Concernant l’impact de ce type de dispositif sur l’émergence d’un parc accessible aux classes moyennes éprouvant des difficultés à se loger dans le parc locatif privé « traditionnel » et trop « aisées » pour accéder au parc social, là aussi les conclusions ne peuvent être tirées définitivement compte-tenu du manque de données sur l’occupation des biens ainsi produits. Malgré tout, les plafonds de revenu et de loyer définis par la loi laissent à penser que l’objectif initial semble lointain. Concernant les plafonds de loyer, ils sont en réalité très proches des loyers pratiqués sur les marchés. Selon l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne, le loyer moyen acquitté par les locataires du parc privé de la petite couronne parisienne, en partie incluse dans la Zone A bis visée par le dispositif Pinel, était en 2015 de 16,5 euros le m². A titre de comparaison, le plafond défini pour pouvoir bénéficier du dispositif Pinel était, pour une zone relativement comparable, de 16,83 euros par m². Si les zones considérées ne sont pas parfaitement comparables, ces données permettent de relativiser le caractère « intermédiaire » des loyers proposés. Il paraît clair que l’objectif de proposer des loyers inférieurs de 20% aux loyers de marché ne semble pas rempli. Pour ce qui est des plafonds de revenu, ils ne semblent pas cibler prioritairement les ménages aux revenus proches de la « moyenne ». A titre d’exemple, en 2012, les personnes seules déclaraient un revenu médian de 17 800 euros annuel. Le dernier décile de revenu déclaré était de 35 800 euros (ERFS, 2012). Clairement, les plafonds de revenu définis au sein du dispositif Pinel ne semblent pas le flécher vers les ménages aux revenus insuffisants pour se loger correctement dans le parc locatif privé traditionnel.
De même, le zonage afférent à la mesure, largement critiqué et déjà remanié lors de la mise en place du Duflot, reste encore largement perfectible. Bien que les caricatures observées lors de la mise en œuvre du Scellier aient en grande partie disparues, il demeure que certaines zones concernées ne correspondent pas tout à fait à la définition de zones « en tension », c’est-à-dire de zones où l’offre de logement est largement insuffisante.
Enfin, si la possibilité offerte de louer à ses ascendants ou descendants est pour le moins curieuse, la réduction de la durée minimale de mise en location, réclamée par les professionnels afin d’intégrer de la « flexibilité » dans l’investissement est quant à elle très critiquable. Rappelons que ce type de dispositif avait pour objectif initial de développer en France un parc de logements dits « intermédiaires ». Alors que la fixation de plafonds de loyers et de ressources élevées ne permet pas de cibler correctement les locataires pouvant correspondre aux critères initialement souhaités, les durées d’engagement posent question. Peut-on subventionner des logements dont la durée de mise en location est si courte alors même que la nécessité de développer durablement un parc de logements abordables semble faire consensus ?
Le « Pinel », combien ça coûte ?
Le coût des dispositifs d’incitation à l’investissement locatif est l’une des principales critiques qui leur est adressé. Ainsi, malgré l’existence de plafonds d’investissement, excluant d’ailleurs de fait certaines zones très tendues telle que celle de Paris, le coût budgétaire par logement peut s’avérer très élevé. Par exemple, une personne seule au revenu déclaré de 77 000 euros par an et investissant dans un Pinel à hauteur du plafond (300 000 euros) pour une durée de 12 ans, serait amenée à déduire de ses impôts plus de 53 000 euros. A titre de comparaison, l’ensemble des aides publiques affectées à la production d’un logement social du type PLAI – dont les plafonds de loyers sont de 5,94 euros par m² pour la zone équivalente à la zone A bis du dispositif Pinel – s’élève à 59 000 euros alors même que la production de logements sociaux s’inscrit par définition dans un temps bien plus long.
Conscient du caractère « extrême » de ce cas de figure et afin d’évaluer le coût budgétaire potentiel du Pinel, nous nous sommes basés sur la méthodologie proposée par le Ministère du Logement en 2008. Nous considérons dans un premier temps la dépense fiscale moyenne par logement puis multiplions cette dépense par le nombre de « Pinel » produit pour l’année 2015. Cela nous fournit une estimation du coût budgétaire d’une génération de « Pinel ».
La dépense fiscale par logement est calculée à partir des paramètres micro-économiques moyens : le logement considéré est un logement standard, invariant sur la période, d’une surface habitable de 65 m² ; son prix est déterminé à partir du prix moyen au mètre carré de vente des appartements neufs par les promoteurs, tel que donné par l’enquête « Commercialisation des logements neufs » (ECLN) pour le quatrième trimestre 2015 (3 892€/m²) ; et enfin l’investisseur considéré est une personne mariée avec un enfant disposant d’un revenu de 60 000 € environ.
Les simulations n’intègrent ni les revenus émanant de l’investissement (les loyers perçus) ni le cumul possible avec d’autres niches fiscales. La durée de mise en location est la durée intermédiaire de 9 ans. In fine, pour cet investissement, le coût budgétaire est pour l’Etat de 20 077 euros. Sous l’hypothèse de 50 000 Pinel produit en 2015, le coût budgétaire d’une génération de Pinel dépasse donc le milliard d’euros.
Si cette estimation ne donne qu’un ordre de grandeur des coûts induits, elle livre tout de même un certains nombres d’enseignements. Un milliard d’euros d’aides de l’Etat adressé à la construction de logement type PLAI, en plus d’engendrer tout autant d’emplois que la construction de Pinel[2], permettrait la création de près de 30 000 PLAI supplémentaires chaque année …
[1] Méhaignerie, Quilès-Méhaignerie, Périssol, Besson, Robien, Daubresse, Robien recentré, Borloo Populaire, Scellier, Scellier intermédiaire, Duflot et Pinel.
[2] François Hollande soulignait justement dans la même intervention que la production d’un logement générait la création de 2 emplois.
J’ai lu un article intéressant sur le site loi pinel , ça expliquait le coût de la tva, les coûts de construction, plutôt intéressant
2020 est une année qui sera toute de même différente la loi pinel, en effet les taux de crédit vont augmenter, le HCSF a demandé une stricte application de l’endettement à 33% cela va changer bien des choses.
2020 est une année qui sera toute de même différente la loi pinel, en effet les taux de crédit vont augmenter, le HCSF a demandé une stricte application de l’endettement à 33% cela va changer bien des choses.
2020 est une année qui sera toute de même différente [[https://www.la-loipinel.fr La Loi Pinel]] , en effet les taux de crédit vont augmenter, le HCSF a demandé une stricte application de l’endettement à 33% cela va changer bien des boses.
@serey c’est vous qui n’avez pas les bonnes informations: la tva sur les logements neufs en loi pinel 2018 est de 20% sauf sur les logements situés en zone ANRU où elle est de 10%. Et l’exonération de taxe foncière n’est valable que 2 ans maximum, elle dépend de la commune qui ne l’accorde pas toujours en totalité.
Claire je pense que vous n’avez pas les bonnes informations
La TVA n’est pas à 20 % mais à 5,5 en zone ANRU à 10 % ailleurs
De plus ils sont exonérés et taxe foncière pendant 20 ans malgré l’engagement maxi de 12 ans
cher Pierre, J’ai lu avec attention votre article sur le dispositif Pinel et vous avez raison ce n’est pas un bon dispositif. Mais nous sommes d’accord pour des raisons différentes. Vous avez en effet omis de préciser que l’Etat récupère une tva de 20% sur chaque bien vendu alors même que la réduction offerte par la loi Pinel n’est que de 21% soit un coût réel de 1% pour l’état. c’est au final bien peu quand on se place du côté des investisseurs et je ne parle pas des autres impôts qu’il faudra payer ensuite. Le grand gagnant au final c’est le promoteur qui a vendu un bien très cher au m² et le locataire qui a pu se loger pour un loyer modique dans un appartement neuf.
PINEL : l’horreur !
A Grenoble et dans ses environs, tous les logements neufs proposés à la location sont des PINEL avec plafond de ressources demandés aux locataires. Vu que nous dépassons très légérement ces plafonds, nous n’avons en fait AUCUNE possibilité de trouver des logements neufs. Il n’y en a AUCUN ! Bravo Pinel… grâce à toi, ceux qui veulent un logement neuf ne peuvent même plus en trouver un !
Je pense que même si la loi Pinel a un certain coût pour le gouvernement et les citoyens, elle aide les personnes qui n’arrivent pas à se loger dans les zones tendues (où l’offre en logement est plus faible que la demande). Ces zones entraînement par effet de levier une forte hausse des loyers (du fait de la rareté des biens). Le dispositif Pinel impose aux investisseurs un plafond de loyer et de ressources pour éviter les abus des “marchands de sommeil”. Le non respect de ces conditions entraînent la non éligibilité au dispositif de défiscalisation Pinel.
Le nombre de construction est en hausse, ce qui va permettre d’agrandir le parc immobilier français. La France n’a pas assez de logements pour tous ses habitants… Il serait peut-être temps d’agir ? Sylvia Pinel l’a fait. A quoi bon se plaindre que cela coûte de l’argent à l’Etat ? Cela va, outre la réduction d’impôt pour les investisseurs, permettre de loger des personnes qui n’y arrivent pas dans les grandes villes.