Déficit des retraites ou déficit de travail ?

Retraite
Emploi
Autrices, auteurs
Affiliation
Bruno Coquet
Date de publication

16 juillet 2025

A l’occasion de la publication de son dernier rapport, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a abaissé son hypothèse de productivité du travail, passée de +1% à +0,7% par an. Ce changement est justifié par une volonté de cohérence avec l’hypothèse retenue par la Cour des Comptes, celle-ci la jugeant plus réaliste1 .

1 Cour des Comptes (2025) Situation et perspectives du système de retraites, Février.

Cette révision a naturellement pour effet de détériorer le solde du système de retraites, puisque la richesse produite par actif progresserait moins vite qu’anticipé jusqu’à présent, cet effet s’ajoutant au déclin de la population d’âge actif.

Cette hypothèse phare en occulte d’autres qui auraient méritées d’être explicitées, car elles ne sont pas moins cruciales. Nous nous concentrons ici sur le taux d’emploi fortement revu à la baisse :

2 Cour des Comptes (2025) Situation et perspectives du système de retraites, Février.

3 COR Rapport 2025 cf. Fig. 1.9 p.41

4 On peut voir dans la Fig. 1.7 p.37 que le taux d’emploi des 65+ augmente mais le taux d’emploi toutes tranches d’âge confondues n’est pas publié.

5 COR Rapport 2025 cf. Fig. 1.7 p.37

Dans un contexte de diminution de la population active, ces projections et plus encore les révisions qu’elles subissent, sont étonnantes à plusieurs égards :

Ces hypothèses détériorent mécaniquement le solde du système des retraites. Un taux d’emploi plus élevé induirait en effet un PIB plus élevé : de par la manière dont le COR calcule les recettes, la trajectoire de ces dernières serait inchangée en points de PIB, mais le niveau de la production étant alors plus élevé les dépenses de retraites seraient amoindries de près de 0,4% du PIB6 .

6 COR Rapport 2025 cf. Fig. 2.12 p.82

Le rapport du COR ne propose malheureusement pas de variante intégrant une hypothèse de taux d’emploi plus élevée, ne serait-ce qu’inchangée par rapport à celle publiée en 2024. D’autant qu’à cette perspective d’une France qui travaillerait peu s’ajoutent des hypothèses troublantes mais non documentées : par exemple la diminution à venir de la durée des carrières validées (de 39,3 à 38,1 ans dans les vingt années à venir ) alors même que le nombre d’heures travaillées durant ces carrières va fortement diminuer ; ou encore l’allongement de plus de 3 ans de la durée des retraites à l’horizon de la projection (de 23,6 à 26,6 ans ). Mi-hypothèses mi-résultats ces facteurs dégradent aussi le solde des retraites (des variantes seraient là aussi utiles) mais soulèvent aussi des problèmes d’équité intergénérationnelle d’autant plus importants à souligner qu’ils sont à rebours de ceux habituellement mis en avant.

Le rapport du COR nous projette donc dans une France qui travaillera moins, beaucoup moins, sans nous expliquer pourquoi. Il est évident que dans ces conditions il sera difficile de financer les retraites, et bien plus largement encore le train de vie de la Nation. Le côté positif de cette lecture est qu’elle permet de s’extraire de l’insoluble équation des leviers traditionnels rappelés par le rapport (hausse des cotisations, baisse des prestations, recul de l’âge minimum d’ouverture des droits), car elle met en évidence des voies de réforme plus simples et équitables qui auraient pour effet de stabiliser la quantité de travail et la contributivité d’une génération à l’autre.