2024: La France en excédent extérieur courant

Commerce extérieur
France
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Date de publication

22 juillet 2025

Le 10 juillet dernier, la Banque de France a publié le rapport annuel sur la balance des paiements pour l’année 2024. La principale nouvelle concerne le solde courant, lequel recouvre le commerce des biens mais aussi celui des services ainsi que la balance des revenus. La France retrouve une situation d’excédent extérieur avec un solde positif de 3 milliards d’euros. Celui-ci reste bien évidemment modeste mais il convient de rappeler que si des déficits extérieurs importants ne sont pas soutenables dans la durée, des excédents massifs ne servent à rien sinon à déstabiliser l’économie des pays voisins.

Cette amélioration de 30 milliards d’euros (soit environ 1 point de PIB) par rapport à 2023 est due à la forte progression de l’excédent des services et à la réduction du déficit sur le commerce de biens. Les services aux entreprises ont été particulièrement dynamiques avec une progression des exportations de l’ordre de 10% en valeur. Le solde touristique a également légèrement progressé, passant de 14 à 16 milliards d’euros indiquant un effet « JO » plutôt limité. La baisse du déficit commercial s’explique principalement par une nouvelle amélioration du solde énergétique1 et dans une moindre mesure de celui sur les produits manufacturés, avec une baisse significative des importations en volume (-2,5%)2, et une hausse du volume des exportations (+1,5%). Cette performance intervient dans un contexte conjoncturel assez difficile, avec la forte hausse de l’excédent commercial chinois, la stagnation de notre principale partenaire industriel, l’Allemagne, ainsi que des difficultés sectorielles persistantes (contraintes d’offre sur l’industrie aéronautique). Au total, le solde des biens et services est presque à l’équilibre en 2024, soit son niveau le plus haut des dix dernières années. L’excédent de la balance des revenus a légèrement diminué en 2024 par rapport à 2023 et reste en nettement en dessous des niveaux de 2021 et 2022 en raison de la hausse des taux d’intérêt.

1 Les importations en énergie ont diminué de 15 milliards d’euros en 2024 par rapport à 2023.

2 La croissance française en 2024 (1,2% dans le compte annuel provisoire de mai 2025) étant proche de son niveau potentiel, elle ne semble pas pouvoir constituer la principale explication à cette baisse des importations. Cependant, l’écart entre la croissance des importations manufacturières (0%) en volume et la croissance du PIB depuis 2019 (proche maintenant de 5%) est désormais très significatif. Il est tout à fait légitime de s’interroger sur le caractère temporaire ou permanent de cette baisse du taux de pénétration. Cette question va cependant bien au-delà de ce billet et requiert une analyse fine des évolutions du tissu productif français.

La position extérieure nette de la France, c’est à dire la différence entre les actifs détenus par les résidents français à l’étranger et les actifs détenus par les résidents étrangers en France, s’est également nettement améliorée en 2024. Elle demeure négative mais est passée de 900 à 670 milliards d’euros. Cette amélioration dépasse le simple effet du solde courant et reflète surtout des effets de valorisation favorables. La coexistence d’une position extérieure négative et d’une balance des revenus positive s’explique par le rendement supérieur des actifs français détenus à l’étranger (dont beaucoup d’IDE et d’actions) par rapport aux actifs étrangers détenus en France (dont beaucoup de dette publique dont le rendement est faible).

Ces chiffres, plutôt positifs dans l’ensemble, peuvent paraitre surprenants au regard d’une récente estimation gouvernementale donnant un déficit commercial supérieur à 100 milliards d’euros en 20243. Cette divergence s’explique simplement. Le déficit de 100 milliards mentionné ne concerne que le commerce de biens, évalué de plus CAF-FAB et non FAB-FAB comme dans la balance des paiements. Cette dernière précision est importante. Dans les données brutes, les importations sont évaluées en intégrant les coûts du transport (dits « couts assurances fret ») contrairement aux exportations qui sont évalués avant coûts de transport (« franco à bord »). Pour rendre les données plus comparables, les statisticiens « fabisent » les importations en retranchant les coûts d’assurance et de fret des importations de biens et en les rajoutant dans les importations de services. Une fois cette correction effectuée, le déficit commercial en biens en 2024 n’est plus de 100 milliards d’euro mais de l’ordre de 80 milliards d’euros4. Les excédents des activités de négoce international (20 milliards d’euros) et des services (presque 60 milliards d’euros) ont permis de compenser ce déficit.

3 Cette estimation a été présentée lors de la conférence de presse du 15 juillet sur la dette et la hausse de la production

4 L’ajustement CAF-FAB sur les importations est estimé par l’INSEE à 19 milliards d’euros dans les comptes nationaux trimestriels.