La zone euro en crise

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par Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak

Le 8 juin 2012, s’est tenue à Kiel la 9e Conférence EUROFRAME[1] sur les questions de politique économique de l’Union européenne. Son sujet était : « La zone euro en crise : défis pour la politique monétaire et les politiques budgétaires ». Le numéro 127 de la collection « Débats et Politiques » de la Revue de l’OFCE publie des versions révisées de douze des communications présentées[2], rassemblées autour de cinq dossiers : déséquilibres de taux de change, indicateurs de la crise de la dette, règles budgétaires, questions bancaires et financières et stratégies de sortie de crise.

L’analyse des origines de la crise de la zone euro et les recommandations de politiques économiques à mener pour sortir la zone euro de la crise font l’objet de grands débats entre économistes dont la Conférence EUROFRAME a donné une illustration. Ainsi, le lecteur verra apparaître au fil des articles plusieurs lignes de fracture :

–         Pour les uns, ce sont les politiques irresponsables des pays du Sud qui sont la cause des déséquilibres : ceux-ci ont laissé se développer des bulles immobilières et salariales tandis que les pays du Nord pratiquaient des politiques vertueuses d’austérité salariale et de réformes structurelles. Les pays du Sud doivent donc adopter la stratégie des pays du Nord et accepter une longue cure d’austérité. Pour les autres, la monnaie unique a permis le développement de déséquilibres jumeaux et opposés : elle a conduit à la sous-évaluation des économies des pays du Nord, ce qui les a autorisés à compenser leurs politiques excessives d’austérité salariale et sociales par des excédents extérieurs excessifs ; elle a autorisé la persistance de déficits extérieurs au Sud ; il en résulte la nécessité d’une convergence contrôlée où la relance au Nord facilite la résorption des déséquilibres extérieurs du Sud.

–         Pour les uns, chaque pays doit mettre en œuvre des politiques alliant une forte réduction des dépenses publiques – afin de résorber les déficits budgétaires et réduire le poids de la dette publique – et des réformes structurelles (libéralisation des marchés des biens et des services, déréglementation du marché du travail) qui en compenseraient l’effet dépressif sur le marché du travail. Il faut laisser les marchés financiers imposer aux pays la discipline nécessaire. Pour les autres, il faut maintenir les déficits publics tant qu’ils seront nécessaires pour soutenir l’activité, faire garantir les dettes publiques par la Banque centrale européenne (BCE) afin de faire converger les taux d’intérêt nationaux vers le bas et mettre en œuvre une stratégie de croissance à l’échelle de l’UE (en particulier par le financement des investissements nécessaires à la transition écologique).

–         Certains estiment même qu’il faut éviter l’extension de la solidarité européenne qui permettrait à certains pays de retarder les réformes nécessaires, qui rendrait persistants les déséquilibres, qui induirait de la création monétaire et donc de l’inflation. D’autres jugent que des erreurs de politiques économiques ont été commises depuis la création de la zone euro, qu’elles ont abouti à de fortes disparités dans la zone, qu’il faut essayer de résorber aujourd’hui par une stratégie solidaire et cohérente. L’Europe est une grande famille ; il faut manifester de la solidarité et accepter des compromis pour continuer à vivre ensemble.

–         Pour les uns, la fin de la crise des dettes des pays de la zone euro suppose la mise en place d’une union budgétaire, ce qui signifie la mise en place de règles contraignantes inscrites dans le Pacte budgétaire et un certain fédéralisme budgétaire ; la Commission et le Conseil européen doivent avoir un droit de regard sur les politiques budgétaires des États membres. Pour les autres, il faut laisser aux États membres un degré d’autonomie nécessaire pour pratiquer la politique budgétaire de leur choix ; c’est à la fois une question de démocratie et d’efficacité économique : les situations économiques des pays sont trop diverses pour qu’une politique budgétaire uniforme soit possible ; il faut une coordination ouverte des politiques économiques, sans normes préétablies et rigides de finances publiques, ayant pour objectif une croissance satisfaisante et la résorption des déséquilibres extérieurs.


[1] EUROFRAME est un réseau d’instituts économiques européens qui regroupe : DIW et IFW (Allemagne), WIFO (Autriche), ETLA (Finlande), OFCE (France), ESRI (Irlande), PROMETEIA (Italie), CPB (Pays-Bas), CASE (Pologne), NIESR (Royaume-Uni).

[2] Dont 10 en langue anglaise et 2 en français.