Logement social : un accès entravé pour les ménages les plus pauvres

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Par Pierre Madec, Maxime Parodi, Xavier Timbeau, Xavier Joutard, Edgar Aubisse et Pauline Portefaix (Fondation Abbé Pierre)

Le 19 octobre dernier, est parue une étude soutenue par le Défenseur des droits et visant à qualifier et à quantifier les difficultés d’accès des ménages les plus pauvres au parc social.

Cette étude s’inscrit dans une réflexion de long terme menée par l’OFCE comme par le Défenseur des droits sur le processus d’attribution des logements sociaux et dans le prolongement de recherches ayant révélé les difficultés d’accès au parc social des ménages les plus pauvres.

À partir de l’exploitation d’une version inédite des données du Système national d’enregistrement de la demande (SNE), et de techniques économétriques avancées basées sur le machine learning et le ré-échantillonnage, une reconstruction de l’offre disponible a été réalisée, afin de qualifier et de quantifier l’impact du niveau de ressources des ménages sur leur probabilité d’accéder au parc social.

L’analyse des taux d’attribution par tranches de niveau de vie confirme les difficultés d’accès des ménages les plus pauvres. Ainsi, au niveau national, les ménages déclarant moins de 500 euros par mois et par unité de consommation (UC) sont ceux connaissant le taux d’attribution le plus faible (inférieur à 12 %). Ceux déclarant entre 500 et 600 euros de niveau de vie enregistrent un taux d’attribution de l’ordre de 15 %. Les taux d’attribution des ménages des tranches de niveau de vie supérieures oscillent entre 17 % et 19 %.

Si les demandeuses et demandeurs les plus pauvres ont accès à un parc de logements plus réduit, notamment en zones tendues, cela ne suffit pas à expliquer leur plus faible probabilité d’attribution par rapport à l’ensemble des demandeurˑseˑs. Une fois contrôlées l’offre disponible mais aussi les caractéristiques des ménages (composition familiale, motif de la demande, priorisation du dossier, nombre d’enfants, nationalité, statut vis à vis de l’emploi, localisation de la demande…), les chances d’obtenir un logement social ont tendance à croître avec le niveau de vie.

Autrement dit, toutes choses égales par ailleurs, plus les demandeurˑseˑs sont pauvres, moins ils ont de chance d’accéder au logement, et ce indépendamment de leurs autres caractéristiques. Les difficultés sont particulièrement importantes pour les ménages déclarant moins de 800 euros de niveau de vie par unité de consommation et le sont encore davantage pour les ménages déclarant moins de 500 euros de niveau de vie.

Les disparités territoriales sont cependant importantes et les résultats, appuyés par les entretiens menés auprès de certains acteurs du système d’attribution des logements, mettent en lumière d’importantes différences dans les politiques d’attribution locales.

Sans surprise, le niveau de tension locale et donc l’offre de logements disponibles déterminent en partie les choix opérés par les acteurs lors des attributions. La hiérarchisation de la demande apparaît par ailleurs comme un facteur déterminant et ce en défaveur des ménages les plus pauvres. Ces ménages sont le plus souvent mis en « concurrence » avec des ménages moins pauvres, mais cumulant d’autres critères déterminants en matière de hiérarchisation (situation de logement, taille ou composition du ménage, ancienneté de la demande, situation au regard de l’emploi…).

Une analyse par cas-type a également été menée afin de quantifier l’écart entre probabilité théorique et probabilité effective d’attribution. Ces résultats mettent en évidence la place importante, dans le processus de sélection des candidats à un logement, de la priorisation de la demande ainsi que des logiques de peuplement (présence d’enfants, pratiques locales, rôle de la nationalité…).

L’ensemble de nos résultats sont présentés dans une application interactive qui fournit les informations sous 4 formes différentes :

  • Le premier onglet (« Attribution ») présente sous forme graphique, par EPCI, les probabilités théoriques et effectives d’attribution selon le niveau de vie. Il fournit également pour 2 niveaux de vie (500 euros et 1200 euros) les probabilités estimées ainsi que les intervalles de confiance associés.
  • Le deuxième onglet (« Contribution ») présente sous forme graphique, par EPCI, la contribution des différentes variables du modèle à la probabilité d’attribution. Il fournit également pour 2 niveaux de vie (500 euros et 1200 euros) les contributions respectivement du niveau de vie et du niveau de tension ainsi que les intervalles de confiance associés.
  • Le troisième onglet (« Odd ratio (carte) ») présente, sous forme de cartes et pour les 100 EPCI comptant le plus de demandeur.se.s, le rapport de chance (l’Odd ratio) entre probabilité effective et probabilité théorique (voir supra) ainsi que les résultats de l’onglet « Attribution » pour chaque EPCI.
  • Le quatrième onglet (« Attribution (carte) ») présente lui les probabilités effectives d’attribution pour les 100 EPCI comptant le plus de demandeur.se.s.