Que peuvent encore faire les banques centrales face à la crise ?

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par Christophe Blot et Paul Hubert

Le retour de nouvelles mesures de confinement dans plusieurs pays devrait infléchir le rythme de la reprise économique, voire entraîner une nouvelle chute de l’activité en fin d’année. Pour faire face à ce risque, les gouvernements annoncent de nouvelles mesures de soutien qui viennent dans certains cas compléter les plans de relance mis en œuvre à l’automne. Du côté de la politique monétaire, aucune mesure supplémentaire n’a pour l’instant été annoncée. Mais avec des taux proches ou à 0 % et une politique massive d’achat de titres obligataires, on peut se demander si les banques centrales disposent encore de marges de manœuvre. En pratique, elles pourraient poursuivre les programmes de QE et augmenter les montants d’achats d’actifs. Mais d’autres options sont également envisageables, comme celle d’une monétisation des dettes publiques.

Avec la crise de la Covid-19, les banques centrales – la Réserve fédérale, la Banque d’Angleterre ou la BCE – ont repris ou amplifié leur politique de QE si bien que certains y voient une monétisation de facto de la dette. Dans un récent Policy Brief, nous argumentons que le QE ne peut pas être strictement considéré comme de la monétisation de la dette publique, notamment parce que les achats de titres n’ont pas pour contrepartie l’émission de monnaie mais de réserves excédentaires. Or celles-ci sont distinctes de la monnaie en circulation dans l’économie puisqu’elles ne peuvent être utilisées qu’au sein du système bancaire et qu’elles sont sujettes à un taux d’intérêt (le taux des facilités de dépôt dans le cas de la zone euro) alors que la monnaie ne l’est pas.

Notre analyse permet donc de revenir sur les caractéristiques du QE et de préciser les conditions d’une monétisation des dettes. Celle-ci devrait se traduire par i) une économie d’intérêts payés par le gouvernement, ii) une création de monnaie, iii) permanente (ou durable) et iv) refléter un changement implicite de l’objectif des banques centrales ou de leur cible d’inflation. La mise en œuvre d’une telle stratégie est donc une option à la disposition des banques centrales et permettrait le financement de politiques budgétaires expansionnistes. Le gouvernement, en contrepartie d’un ensemble de mesures budgétaires – transferts aux ménages ou dépenses de santé, soutien aux entreprises – émettrait une obligation perpétuelle à coupon zéro, achetée par les banques commerciales qui créditeraient le compte des agents ciblés par les mesures de soutien. La dette n’aurait aucune obligation de remboursement ou de paiement d’intérêt et serait ensuite acquise par la banque centrale et conservée dans son bilan.

La monétisation serait probablement plus efficace que le QE pour la stabilisation de la croissance nominale. Elle réduirait le risque sur la stabilité financière induit par le QE dont l’effet repose sur sa transmission aux prix d’actifs susceptibles de créer des bulles de prix d’actifs ou d’inciter les agents privés à s’endetter de façon excessive. La monétisation a souvent été repoussée en raison de la crainte qu’elle se traduise par une hausse de l’inflation. Dans le contexte actuel, une politique budgétaire expansionniste est nécessaire pour soutenir l’activité et envisager la reprise, une fois que la pandémie sera maîtrisée. Une accélération de l’inflation satisferait aussi les banques centrales et l’insuffisance de la demande devrait largement réduire le risque d’une spirale inflationniste hors de contrôle. La monétisation requiert une plus forte coordination avec la politique budgétaire, ce qui rend sa mise en œuvre plus difficile dans la zone euro.

1 Comment

  1. Mais la logique du QE (en plus de pousser à la baisse les taux obligataires), c’est que la monnaie qu’elle reçoit en échange des titres soit utilisée dans une optique de dynamisation de l’activité économique, en finançant l’activité réelle ou au pire en achetant des actifs sur les machés financiers, non? Donc cette monnaie centrale n’est pas censée rester à l’actif des banques (avec un taux de facilité de dépôt négatif de surcroit) ?

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  1. Novembre 2020

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