The Paradox of Confidence

by Augusto Hasman, département Innovation et Concurrence de l’OFCE

An interesting question raised in many forums is why Greek depositors continue to have confidence in their government while Greek bonds holders do not.

The Hellenic Deposit and Investment Guarantee Fund’s (HDIFGF) derives resources from initial membership as well as from annual contributions paid by credit institutions. If these resources are not sufficient to compensate depositors in case of failures, supplementary resources are provided by the Central Bank (Law 3746/2009).

But in the case of a bank run, would the Greek government be able to pay those depositors without the help of the European Central Bank? The Greek debt is now 153% of the GDP, up from 106% in 2007. Is it reasonable to believe that the government can raise extra funds in case of a bank run without the need to print money and with no explicit guarantee? (In practice, the European Central Bank is not obliged to bailout Greek banks or to insure Greek depositors).

In the aftermath of Irish increase of the deposit guarantee in 2008, many countries followed suit in order to prevent depositors from looking for safer accounts in other European countries. Greece was one of them. It increased the insurance to cover deposits up to 100,000€. That might be one of the reasons why Greek bank deposits increased considerably during 2008 and 2009 (14.4 and 11% respectively). Although it seems to be that depositors are turning their back to the banks (deposits have been falling since then, -6.7% in 2010 and -10.14% during the first 7 months of 2011), once considering the effect of the fall of income, the deposit/consumption ratio is still over the average for the decade (the ratio between deposits and consumer expenditures is decreasing but it is still higher than what it was during the period 2001-2008, figure 2). Surprisingly, depositors’ behaviour has not been really affected by the country risk (see figure 1, the spread of Greek bonds over the German ones is a measure of government risk and it has risen).

What makes Greek depositors apparently so confident in their banks? It must be recalled that beyond deposit insurance, it might take time if depositors were to get their money back in case of failures, (up to 6 months according to the HDIFGF – ask Northern Rock depositors for more information about the subject!). What would happen if eventually Greece decided to abandon the Euro? In which currency would depositors expect to be paid? In this case better ask the question to Argentinean depositors!

I do not want to spread fear among Greek depositors but to debate the implications of greater financial integration without an explicit European safety net. For example, should deposit insurance be a national matter or a European one? What about supervision? Today the centre of the hurricane is in Greece, but the risk of contagion to other countries is high.




Cherté du logement : le logement social est-il la bonne solution ?

par Sandrine Levasseur

Si les lois, réglementations ou pratiques bancaires, ont permis d’éviter en France la crise des subprime (à l’américaine), le problème des crédits hypothécaires (à la britannique), et l’allongement inconsidéré des durées de crédit immobilier (à l’espagnole), il n’en demeure pas moins une crise du logement : celle du logement cher. La cherté du logement en France ne cesse de croître, elle touche ceux qui souhaitent réaliser un projet d’acquisition (primo-accédants ou non) mais aussi les locataires, notamment ceux du secteur privé. Les ménages modestes ainsi que les jeunes sont les catégories les plus concernées par le logement cher. Dès lors, on peut s’interroger sur l’opportunité de renouer avec un programme de logement social plus ambitieux que celui actuellement en cours.

La note associée propose des éléments de cadrage statistique sur la cherté du logement et des pistes de réflexion sur la question du logement social. Elle s’intéresse notamment aux avantages d’une production de logements sociaux plus importante relativement à toute la panoplie des solutions possibles ou étudiées jusqu’à maintenant pour résoudre la crise du logement. Une offre supplémentaire de logements sociaux pose nécessairement celle de son financement. En l’état actuel des choses, compte tenu des contraintes et difficultés budgétaires, seule une participation accrue de la Caisse des Dépôts et Consignations au travers de son fonds d’épargne est envisageable. La question pertinente est donc celle des moyens à mettre en œuvre pour drainer de façon durable l’épargne sur les livrets A (rémunération et plafond). Alternativement, ne pourrait-on pas envisager le développement de produits d’épargne solidaire destinés au financement du logement social ? En ces temps de forte volatilité (et faible rentabilité) boursière, on peut parier que ces produits rencontreraient un franc succès auprès des ménages français dont l’idée même d’une participation au financement du logement social (au travers de la possession du fameux livret A) ne s’est jamais démentie.




Pourquoi les pays développés doivent renoncer à leur AAA

par Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak

Par essence, les Etats à monnaie souveraine devraient renoncer à leur AAA : en effet, quelle logique y-a-t-il à voir des agences de notation noter un Etat dont le défaut est rendu impossible par sa capacité à créer sa propre monnaie ? Pour éviter la dépendance envers ces agences de notation et mettre fin à la crise qui sévit en Europe, les Etats membres de la zone euro doivent retrouver leur souveraineté monétaire par la garantie conjointe quasi-intégrale des dettes publiques. 

Depuis 1945, aucun pays développé n’a fait défaut sur sa dette publique. Celle-ci était sans risque, puisque les Etats s’endettaient dans leur propre monnaie et pouvaient toujours se financer auprès de leur banque centrale. Les pays développés jouissaient de la « souveraineté monétaire ». C’est toujours le cas aujourd’hui pour le Japon (qui s’endette à 10 ans à 1% malgré une dette de 210% du PIB), les Etats-Unis (qui s’endettent à 2% avec une dette de 98% du PIB), le Royaume-Uni (qui s’endette à 2,5% pour une dette de 86% du PIB).

Les banques et les assurances ne peuvent fonctionner si elles ne disposent pas d’un actif sans risque et si elles doivent se garantir contre la faillite de leur propre État, ce qui est bien sûr impossible : les montants en jeu sont énormes et les titres publics servent de garantie aux activités bancaires et d’assurances. Les banques et les assurances ne peuvent accumuler suffisamment de fonds propres pour résister à la faillite de leur pays ou de plusieurs pays de la zone euro. Cette exigence, on le voit aujourd’hui, avec la crise des dettes publiques de la zone euro, mène à la paralysie générale du système bancaire.

Il est foncièrement absurde que les agences de notation notent un État à souveraineté monétaire, comme si son défaut était une possibilité à envisager. Les États à monnaie souveraine devraient renoncer à leur AAA : par essence, leur dette est sans risque puisqu’elle est garantie par le pouvoir de création monétaire de leur banque centrale.

Les pays de la zone euro ont perdu leur « souveraineté monétaire » : selon le Traité de l’Union européenne, la BCE n’a pas le droit de financer les États ; les États membres ne sont pas solidaires. Les marchés financiers s’en sont aperçus à la mi-2009. Du coup, une spéculation incontrôlable s’est déclenchée sur les pays les plus fragiles de la zone : Grèce, Portugal, Irlande, ceux qui avaient connu la plus forte croissance avant la crise, mais qui vont devoir changer leur modèle de croissance ; puis, par effet de domino, sur l’Italie, l’Espagne et même la Belgique. Aujourd’hui, la Belgique doit payer un taux d’intérêt de 3,8 %, l’Espagne de 5,2 % et l’Italie de 5,6 % contre 2,6% pour la France, et même 1,8% pour l’Allemagne. La Grèce, l’Irlande, le Portugal sont ramenés dans la situation des pays en développement de jadis : leurs dettes sont devenues des actifs risqués qui subissent d’importantes primes de risque ; ils doivent passer sous les fourches caudines du FMI.

Ce jeu des marchés financiers risque de paralyser complètement la politique budgétaire. Lorsqu’un pays dispose de la souveraineté monétaire, en période de récession, la banque centrale peut diminuer au maximum son taux d’intérêt et s’engager, si nécessaire, à le maintenir durablement bas ; l’Etat augmente son déficit mais le bas niveau des taux d’intérêt évite que la dette publique ne fasse boule de neige ; il provoque une baisse du taux de change, qui soutient l’activité. La garantie des dettes par la création monétaire fait qu’il n’y a pas de risque de faillite, donc pas de raison de devoir en permanence rassurer les marchés. La banque centrale, en maintenant les taux longs à de bas niveaux en période de récession, garantit l’efficacité de la politique budgétaire. La politique budgétaire n’a pas à se soucier des marchés. C’est toujours la stratégie des États-Unis.

En zone euro, le risque est que demain un pays ne puisse plus augmenter son déficit de crainte que les agences ne dégradent sa notation et que ses taux d’intérêt ne s’envolent. Les pays sont donc condamnés à des concours de vertu pour apparaître aussi sages que l’Allemagne aux yeux des marchés. Ceci rend leur politique budgétaire impuissante, et donc leur conjoncture incontrôlable (voir, par exemple, L’impossible programme des candidats à l’élection présidentielle). La dette publique devient un facteur permanent de risque puisque les États sont à la merci des esprits animaux des marchés. Toute politique économique devrait être évaluée en tenant compte de l’opinion des marchés. Or ceux-ci n’ont pas de compétence macroéconomique particulière. Ils imposent des politiques d’austérité en période de récession, puis se plaignent du manque de croissance. C’est ce qu’ils font aujourd’hui, pour la zone euro en général, pour l’Italie et la Grèce en particulier. Ils favorisent les réformes libérales comme la réduction de la protection sociale ou celle du nombre d’enseignants. Pour que les pays conservent la capacité de réguler leur activité économique, le risque de faillite doit être nul.

La zone euro doit donc choisir entre se dissoudre ou se réformer de façon à garantir les dettes publiques des États membres, qui retrouveraient leur « souveraineté monétaire ». Les dettes publiques européennes doivent redevenir des actifs sans risques, faiblement rémunérés mais totalement garantis (par la solidarité européenne et fondamentalement par la BCE). C’est le seul moyen de maintenir l’autonomie des politiques budgétaires, qui est nécessaire compte tenu des disparités en Europe et de la perte pour chaque pays de l’instrument monétaire et de celui du taux de change.

Le fonctionnement de la zone euro n’a pas été réfléchi au moment de sa création, en particulier l’arbitrage « autonomie des politiques budgétaires/monnaie unique/souveraineté monétaire ». La garantie conjointe crée un problème d’aléa moral puisque chaque pays peut augmenter sa dette sans limite, mais une absence de garantie laisse le champ libre au jeu des marchés financiers, qui seront en permanence à l’affût. La garantie ne peut être réservée aux pays qui respectent les règles automatiques, injustifiables sur le plan économique et non respectables du Pacte de stabilité. Elle doit être automatique et totale. Pour éviter l’aléa moral, le Traité européen doit comporter un dispositif prévoyant le cas extrême où un pays pratiquerait effectivement une politique budgétaire insoutenable ; dans ce cas, la nouvelle dette de ce  pays ne serait plus garantie ; mais ceci ne doit jamais survenir.

N’ayant plus la nécessité de rassurer les marchés, les pays de la zone euro pourraient pratiquer des politiques budgétaires différenciées mais coordonnées, se donnant comme objectif principal le retour à un niveau d’emploi satisfaisant, compatible avec une inflation modérée.




Why the developed countries should renounce their AAA rating

By Catherine Mathieu and Henri Sterdyniak

By their very nature, states with monetary sovereignty should renounce their AAA rating: indeed, what is the logic behind having the rating agencies rate a state whose default is rendered impossible by its ability to create its own money? To avoid dependence on the rating agencies and put an end to the crisis in Europe, the Member States of the euro zone must recover their monetary sovereignty through the joint, virtually complete guarantee of their public debts.

Since 1945, no developed country has defaulted on its debt. There was no risk on the debt, since the states borrowed in their own currency and could always obtain financing from their central bank. The developed countries enjoyed “monetary sovereignty”. This is still the case today for Japan (which enjoys 10-year loans at 1% despite a debt of 210% of GDP), the United States (which borrows at 2% with a debt of 98% of GDP), and the United Kingdom (which borrows at 2.5% with a debt of 86% of GDP).

Banks and insurance companies cannot function if they do not have risk-free assets and if they have to guard against the failure of their own state, which is of course impossible: the amounts involved are enormous, and government securities serve to guarantee banking and insurance activities. The banks and insurance companies could not accumulate enough capital to withstand the bankruptcy of their own country or multiple euro zone countries. As we can see today with the sovereign debt crisis in the euro zone, such a requirement would lead to the general paralysis of the banking system.

It is fundamentally absurd that the rating agencies rate a state with monetary sovereignty, as if its default were an option worth considering. States with monetary sovereignty should renounce their AAA rating: by their nature, their debt is risk-free because it is guaranteed by the central bank’s power to create money.

The euro zone countries have lost their “monetary sovereignty”: under the Treaty of the European Union, the European Central Bank has no right to finance Member States, and the States are not bound by joint liability. The financial markets noticed this in mid-2009, and suddenly uncontrollable speculation erupted, targeting the most fragile countries in the zone: first Greece, Portugal, and Ireland, which had the fastest growth before the crisis, but will have to change their growth pattern, and then, like dominos, Italy, Spain, and even Belgium. Today, Belgium has to pay an interest rate of 3.8%, Spain 5.2% and Italy 5.6%, compared with 2.6% in France and just 1.8 % for Germany. Greece, Ireland, and Portugal are now in the situation that the developing countries faced yesteryear: their debts have become risky assets subject to high risk premiums, and they are being brought under the yoke of the IMF.

The workings of the financial markets could completely paralyze fiscal policy. When a country enjoys monetary sovereignty, then in a recession the central bank can lower its maximum interest rate and if necessary commit to keeping it low in the long term; the state increases its deficit, but the low interest rates prevent the debt from snowballing; and it pushes exchange rates lower, which boosts activity. Since the debt is guaranteed by the creation of money, there is no risk of bankruptcy, and thus no reason to have to constantly reassure the markets. The central bank, by maintaining long-term rates at low levels in a recession, ensures that fiscal policy is effective. Fiscal policy does not need to worry about the markets. This is still the strategy of the United States today.

In the euro zone, the risk is that in the future a country could no longer increase its deficit for fear that the agencies might downgrade its rating and interest rates would then soar. The countries are therefore condemned to prove their virtue so as to appear as wise as Germany in the eyes of the markets. This renders their fiscal policy impotent, and their economic situation spins out of control (see, for example, The impossible programme of the candidates for the presidential election). The public debt becomes a permanent risk factor, since the states are at the mercy of the markets’ insatiable appetite. Any economic policy should of course be assessed while taking into account the views of the markets. Yet the markets have no special competence in macroeconomics. They impose austerity policies during a recession and then turn around and complain about the lack of growth – which is exactly what they are doing today with respect to the euro zone in general, and Italy and Greece in particular. They are promoting free market reforms such as cutting social welfare programs or the number of teachers. For countries to retain the ability to regulate their economic activity, the risk of default needs to be zero.

The euro zone must thus choose between dissolution and a reform that would guarantee the public debt of the Member States, which would re-gain their “monetary sovereignty”. European public debts should become risk-free assets, compensated at low rates but guaranteed in full (by European solidarity and fundamentally by the ECB). This is the only way to maintain the independence of fiscal policy, which is essential given the disparities in Europe and the loss by each country of its monetary and exchange rate instruments.

The functioning of the euro zone was not thought through at the time of its creation, particularly with respect to the trade-off between “autonomy of fiscal policy / single currency / monetary sovereignty”. Joint liability creates a moral hazard problem, as each country can increase its debt without limit, but a lack of a guarantee leaves the field open to the play of the financial markets, which are constantly on the lookout. The guarantee cannot be limited to countries that meet the automatic rules, which is unwarranted economically and fails to comply with the Stability Pact. It should be automatic and total. To avoid moral hazard, the European Treaty should include a provision for the extreme situation where a country carries out an unsustainable fiscal policy, in which case the new debt of the country would no longer be guaranteed – but this should never come to pass.

Freed of the need to reassure the markets, the euro zone countries could engage in differentiated but coordinated fiscal policies, with their main objective being to ensure a return to a satisfactory level of employment consistent with low inflation.




L’économie de l’enseignement supérieur : de la nécessité de marcher sur deux jambes

par Jean-Luc Gaffard

Pour tenir son rang dans l’économie de la connaissance, la France a décidé de transformer l’organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche (cf. note longue). En faisant le choix de l’autonomie de ses universités et s’engageant sur la voie d’une concurrence fondée sur une évaluation indépendante de leurs performances, elle a privilégié le soutien d’une recherche de haut niveau au motif que davantage investir dans ce domaine apporterait des points supplémentaires de croissance. Ce faisant, le développement des formations d’enseignement supérieur destinées à pourvoir un nombre grandissant d’emplois hautement qualifiés a été assez largement négligé, alors même que la croissance en dépend sans doute plus que de l’intensité de la recherche en elle même. Aussi faudrait-il ne pas se limiter à promouvoir un petit nombre de grandes universités renommées pour la qualité de leurs recherches à l’échelle internationale. Comme cela a été souligné dans une conférence tenue à l’UNESCO, « [Les classements] poussent nos décideurs à copier Harvard. (…) [Le problème] n’est pas que nous ne pouvons pas avoir partout des Harvard. Il est que nous n’en avons pas besoin et que nous n’en voulons pas » (New York Times, 30 mai 2011). Le choix de développer l’enseignement supérieur pour pourvoir des emplois de plus en plus qualifiés devrait conduire à une réelle diversification des critères d’excellence et des établissements ; cela garantirait l’existence d’un tissu universitaire dense et diversifié, remplissant avec efficacité la double mission de recherche et d’enseignement.

Le mode de gouvernance des universités, les conditions de recrutement et de rémunération des universitaires et les conditions de financement, en bref le modèle économique de fonctionnement des universités, seront déterminants du chemin qui sera suivi.




Faut-il revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires ?

par Eric Heyer

Parmi les mesures du plan d’économies annoncé le 24 août 2011 par le Premier ministre François Fillon, figure une modification du dispositif  de défiscalisation des heures supplémentaires et son exonération de cotisations sociales[1] en vigueur en France depuis le 1er octobre 2007. A cette occasion il nous semble intéressant de revenir sur les principales conclusions de différents travaux effectués à l’OFCE sur ce dispositif.

1 – Dans un article à paraître dans l’Oxford Review of Economic Policy[2], il est montré que ce dispositif aurait un impact différent sur l’économie selon la conjoncture en vigueur au moment de son application.

  • Dans un contexte économique favorable, la hausse de la durée du travail incitée par la baisse du coût du travail et la suppression des charges salariales semble appropriée. Certes celle-ci n’est pas financée (dégradation du déficit public) et son financement par une hausse des prélèvements en change radicalement la nature mais sans remettre toutefois en cause l’impact positif sur l’emploi et le chômage.
  • En revanche, cette mesure est mal adaptée à une situation conjoncturelle dégradée comme celle que connaît actuellement de l’économie française. Dans une telle conjoncture de chômage de masse, une augmentation de 1% de  la durée du travail a une incidence négative sur l’emploi (-58 000 à 5 ans et -87 000 à 10 ans). Le taux de chômage augmente légèrement (0,2 point à 5 ans, 0,3 point à 10 ans). Cette mesure a un impact faible sur la croissance (0,2 point à 5 ans et 0,3 point à 10 ans) et n’est pas financé : le déficit se dégraderait de 0,5 point à 5 ans (0,4 point à 10 ans).

2 – Cela corrobore les résultats d’une étude récente publiée dans Economie et Statistique[3]. Menée sur des données regroupant 35 secteurs de l’économie française, les auteurs estiment qu’une hausse de 1 % des heures supplémentaires détruirait près de 6 500 emplois salariés du secteur marchand (soit 0,04 % des salariés marchand) dont les ¾ seraient des emplois intérimaires.

Ainsi, dans un contexte de grave crise économique, il semblerait que l’incitation à travailler plus ait nui à l’emploi, et notamment à l’emploi intérimaire.

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[1] Le gouvernement a décidé de réintégrer les heures supplémentaires dans le barème des allégements généraux de charges en maintenant les avantages fiscaux et sociaux spécifiques. Concrètement, cette mesure ne changera rien pour les salariés : la rémunération nette ne sera pas réduite et l’imposition ne sera pas alourdie. Quant aux employeurs, ils continueront à bénéficier des exonérations de charges au titre des heures supplémentaires déclarées mais verront leurs allégements de charges rabotés sur les bas salaires. Elle entrera en vigueur le 1er janvier prochain et générera d’après le gouvernement 600 millions d’euros de recettes de cotisations supplémentaires.

[2] Heyer É. (2011), « The effectiveness of economic policy and position in the cycle : the case of taxe reductions on overtime in France », Oxford Review of Economic Policy, à paraître.

[3] Cochard M., G. Cornilleau et É. Heyer (2011) : « Les marchés du travail dans la crise », Economie et Statistiques, n°438-440, juin.




Should tax breaks on overtime be reversed?

By Eric Heyer

Among the savings plans announced on 24 August 2011 by French Prime Minister François Fillon figures a change to the system of tax reductions on overtime hours and their exemption from social contributions,[1] a scheme that has been in force in France since 1 October 2007. This provides an opportunity to take another look at some of the main conclusions of the work carried out by the OFCE (French version) on this subject.

1 – An article to be published soon in the Oxford Review of Economic Policy[2] explains how the impact of this scheme will differ depending on the position of the economy in the cycle at the time the measure is applied.

  • In a favourable economic climate, an increase in working hours prompted by lower labour costs and the elimination of payroll taxes would seem appropriate. The measure is of course not funded (the public deficit deteriorates), and financing it through higher levies would radically change its nature, even though this would not call into question its positive impact on employment and unemployment.
  • However, this measure is poorly suited to the kind of economic downturn that the French economy is going through today. In a situation of mass unemployment, an increase of 1% in working hours has a negative impact on employment (-58,000 jobs at 5 years and -87,000 at 10 years). The unemployment rate would increase slightly (0.2 point at 5 years, 0.3 point at 10 years). The measure would have a small impact on growth (0.2 point at 5 years and 0.3 point at 10 years) and is not funded: the deficit would deteriorate by 0.5 point at 5 years (0.4 point at 10 years).

2 – This corroborates the results of a recent study published in Economie et Statistique[3]. The authors examined data on 35 sectors of the French economy and estimated that a 1% increase in overtime would destroy about 6,500 jobs in the commercial sector (i.e., 0.04% of commercial jobs), three-quarters of which would be temporary jobs.

Thus, in a context of a severe economic crisis, it seems that an incentive to work longer hours would hurt employment, especially temporary employment.

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[1] The government decided to reintegrate overtime hours into the general schedule of tax reductions while maintaining specific advantages on taxes and social welfare charges. Concretely, this measure will not change anything for employees: net remuneration will not be reduced, and income tax will not be increased. As for employers, they will continue to benefit from exemptions on charges for declared overtime hours, but will see smaller breaks on charges on low wages. This will take effect next January 1st and, according to the government, will generate 600 million euros in revenue from additional social contributions.

[2] Heyer É. (2011), “The effectiveness of economic policy and position in the cycle: The case of tax reductions on overtime in France”, Oxford Review of Economic Policy, forthcoming.

[3] Cochard M., G. Cornilleau and É. Heyer (2011): “Les marchés du travail dans la crise”, Economie et Statistiques, no. 438-440, June.

 

 




Des contrats courts pour les allocataires du RSA

par Hélène Périvier

Faut-il instaurer une obligation de travail minimum pour les allocataires du RSA ? Ce travail doit-il être non rémunéré comme le suggérait Laurent Wauquiez en mai 2011, ou rémunéré comme le propose la « mission présidentielle sur l’amélioration du RSA et le renforcement de son volet insertion » présentée par Marc-Philippe Daubresse le 14 septembre 2011 ? La note qui suit ainsi qu’une note plus longue visent à éclairer le débat.

Ce dernier propose un nouveau type de contrat aidé : un contrat d’insertion de 7 heures par semaine ciblé sur les allocataires du RSA sans emploi. Ceux-ci se verraient dans l’obligation de l’accepter sous peine de voir leur droit à l’allocation suspendu, comme le prévoit la loi. Contrairement à la proposition de Laurent Wauquiez, il s’agit bien d’un contrat conforme au droit du travail, rémunéré au SMIC, assorti d’un temps de travail très court : « un travail d’utilité sociale ». Ces travailleurs percevront le RSA-activité qui complètera de façon pérenne leur salaire. Que dire de ce nouveau dispositif ?

L’ancien contrat d’avenir proposait des emplois subventionnés de 20 heures par semaine aux allocataires de minima sociaux. Mais le rapport précise à propos de ces contrats aidés qu’ils ne sont pas « accessibles d’emblée pour certains bénéficiaires du RSA, des étapes préalables pouvant être nécessaires. » Le pari est pris qu’en abaissant le niveau de la première marche de « l’escalier » qui mène à l’emploi stable à temps plein, c’est-à-dire en divisant par 3 la durée hebdomadaire de travail, on facilitera  l’accès aux autres formes d’emploi. Or, la marche suivante correspond aux emplois aidés traditionnels, dont on sait déjà qu’ils ne permettent pas de sortir de la précarité. La durée du nouveau contrat est au minimum de six mois et ne peut excéder deux ans. Ainsi en deux ans maximum et en travaillant 1 journée par semaine, le dispositif doit remettre le pied à l’étrier des allocataires du RSA jusque-là sans emploi. On peut s’interroger sur l’efficacité de ces propositions qui cherchent à adosser la solidarité nationale sur la valeur travail au moment même où le taux de chômage est de plus de 9 %, et où le chômage de longue durée ne cesse d’augmenter sous l’effet de la crise économique.  Il ne faut donc pas trop attendre un résultat miracle de ce côté-là.

Le rapport propose la création de 10 000 contrats de ce type dans la phase expérimentale, et 150 000 par la suite. Ce sont autant de personnes en moins qui pouvaient potentiellement venir grossir les chiffres du chômage. Mais 150 000 emplois à 1 journée de travail par semaine ne représentent que 30 000 emplois à temps plein. Le coût total (aide à l’employeur et RSA-activité compris) pour l’Etat s’élèverait, d’après le rapport, à 420 millions d’euros, auxquels il convient d’ajouter la participation des départements de 294 millions d’euros pas an, soit au total 714 millions d’euros pour une réduction non négligeable des chiffres du chômage. Ce calcul ne tient pas compte du coût de l’accompagnement spécifique qu’il conviendrait d’adosser à ces emplois pour permettre aux bénéficiaires de gravir les marches du fameux escalier, le rapport affirme d’ailleurs que « l’activité est mobilisatrice et que, bien accompagnée, elle est le premier pas dans un parcours d’insertion, qui peut être long mais l’essentiel est qu’il soit engagé ».

En créant 150 000 « petits boulots » de 7 heures par semaine, on fait d’une pierre deux coups : on contient les statistiques du chômage et on remet la logique de la contrepartie au cœur de l’aide sociale.




L’économie française sur le fil du rasoir

par Hervé Péléraux

L’indicateur avancé pour l’économie française

Le climat général des affaires s’est fortement dégradé en septembre en France, plombé par la détérioration des indices de confiance dans tous les secteurs productifs sans exception. L’indice de confiance des ménages étant lui aussi en recul en septembre, il ne reste guère d’espoir pour un rebond de la croissance, après le chiffre déjà mauvais du deuxième trimestre au cours duquel le PIB a stagné. C’est ce que suggère l’indicateur avancé de l’OFCE qui exploite l’information contenue dans les enquêtes de conjoncture réalisées par l’INSEE. Au troisième trimestre, le PIB français devrait de nouveau stagner, et se replier de 0,2 % au quatrième trimestre.

L’anticipation d’un recul du PIB au quatrième trimestre est inquiétante, car elle préfigure une entrée en récession de l’économie française. Mais elle n’est pas acquise car la prévision est tributaire de l’extrapolation de certaines composantes qui interviennent sans décalage dans l’indicateur et pour lesquelles aucune information n’est à l’heure actuelle disponible (les données d’enquêtes ne le sont que jusqu’en septembre). Cette extrapolation repose sur la prolongation de leur dynamique passée, négative ces derniers mois, ce qui conduit à anticiper un nouveau recul des climats de confiance, et corrélativement, la formation d’un taux de croissance négatif au quatrième trimestre.

Cette méthode a fait ses preuves : elle table sur la persistance, à un horizon court, des mouvements passés des climats de confiance et permet d’alimenter les prévisions de manière vraisemblable quand l’information est incomplète à l’horizon d’un trimestre. Mais l’expérience montre aussi que cette procédure tend à sous-estimer l’ampleur des mouvements conjoncturels du PIB. Si tel est présentement le cas, l’indicateur envoie un signal pertinent de récession, mais en sous-estime l’ampleur comme ce fut le cas lors de la récession de 2008/09. La baisse de 0,2 % du PIB attendue pour le quatrième trimestre pourrait alors être en dessous de la réalité.

Seul un rebond des climats de confiance pourrait amener à revoir cette prévision. Mais étant donné l’aggravation de la crise des dettes souveraines cet été, la mise en place de politiques budgétaires restrictives en Europe comme à l’extérieur, et l’effondrement des bourses (le CAC40, qui est une composante de l’indicateur, a une contribution à la prévision du quatrième trimestre plus négative qu’au plus fort de la récession de 2008/09), cette embellie paraît peu probable.

Entre les deux cas polaires précédents, une hypothèse intermédiaire consisterait à supposer que les climats de confiance cessent simplement de se dégrader, c’est-à-dire qu’ils soient prolongés jusqu’en décembre en leur attribuant chaque mois la valeur de septembre. Dans ce cas, la prévision de croissance du PIB ne serait pour autant positive, puisque ce dernier stagnerait à nouveau. Force est de constater que l’économie française est bien sur le fil du rasoir…

Archives et séries historiques




Le double mandat, la Fed et la BCE

par Jérôme Creel et Francesco Saraceno

La Réserve fédérale américaine a lancé depuis le 21 septembre 2011 l’opération Twist de réallocation de son bilan pour  réduire les taux d’intérêt de long terme. Cet activisme américain contraste une nouvelle fois avec la prudence affichée par la Banque centrale européenne. Le 7 septembre 2011, un banquier central américain déclarait qu’un taux de chômage de 9% aux Etats-Unis était aussi grave que le serait un taux d’inflation de 5%. Il en concluait que la politique monétaire américaine devait lutter en priorité contre le chômage. Nous pensons que ceci devrait être encore plus vrai pour l’économie de la zone euro et nous amener à réfléchir au mandat de la BCE.

La Réserve fédérale américaine a lancé depuis le 21 septembre 2011 l’opération Twist d’échange d’obligations publiques à court terme contre des obligations publiques à long terme pour un montant de 400 milliards de dollars. Cette stratégie de réallocation du bilan de la Fed vise à réduire les taux d’intérêt de long terme. Cette décision est conforme, dans son esprit, aux récents propos du Président de la Fed de Chicago.

Le discours de Charles Evans, le 7 septembre dernier, est en effet digne de notre attention, pour au moins deux raisons. La première est qu’il signale qu’aujourd’hui, en dépit de l’enlisement des Etats-Unis dans la crise, avec la persistance du chômage et la menace d’une nouvelle phase de récession, l’attention est encore excessivement portée sur l’inflation et les déficits publics plutôt que sur toute forme d’action qui permettrait de contrecarrer la crise en menant une politique économique proportionnelle à son ampleur. Charles Evans explique, en utilisant une fonction-objectif de la Fed et une loi d’Okun, qu’un taux de chômage de 9% de la population active aux Etats-Unis est tout aussi inquiétant qu’un taux d’inflation de 5% : l’écart de 3 points à chacune des deux cibles – un taux de chômage « naturel » de 6 % (qu’il qualifie d’hypothèse conservatrice, le taux de chômage devrait descendre en deçà si les Etats-Unis récupéraient les 8 points de croissance perdus pendant la crise) ou un taux d’inflation de 2% (là aussi, une hypothèse conservatrice) – est tout à fait comparable dans un pays, les Etats-Unis, qui n’impose pas de hiérarchie entre les deux objectifs d’inflation et de croissance (plus précisément d’inflation et du nombre d’emplois maximum, voir ici). Charles Evans poursuit en rappelant que le taux de chômage aux Etats-Unis a effectivement atteint un écart de 3 points à sa cible, mais pas l’inflation… Et d’affirmer : « So, if 5% inflation would have our hair on fire, so should 9% unemployment ». Ceci porte Evans à considérer que l’objectif d’inflation, légitime à moyen terme, n’est pas prioritaire ; il convient donc d’accentuer le caractère expansionniste de la politique monétaire par des moyens conventionnels ou pas, même au prix d’une flambée des prix à court terme (qui reste peu vraisemblable dans une économie en crise).

La deuxième raison qui nous pousse à nous intéresser à ce discours est le rapprochement, ou plutôt le grand écart, avec les politiques européennes. En effet, en lisant ce discours et en observant les actions de la Fed, le contraste avec le discours et les actions de la BCE est saisissant. Les difficultés de la BCE à mener une politique appropriée à l’état de la zone euro découlent d’une approche par trop orthodoxe de la politique monétaire, n’en déplaise à certains membres démissionnaires de la BCE, qui trouve sa justification fondamentale dans le Traité sur l’Union Européenne, où la priorité est donnée à l’inflation plutôt qu’à la croissance (les articles 119 par. 2 et 127 par. 1). Ceci porte la BCE à négliger l’objectif de croissance, à le minimiser ou, quand les circonstances le requièrent inévitablement (en phase de récession ou de croissance molle) à le poursuivre de façon non transparente, donc inefficace. Nous en voulons pour preuve la nouvelle initiative conjointe entre, notamment, la Réserve fédérale et la BCE en faveur de la liquidité bancaire en dollars, sans modification du taux d’intérêt directeur. Les atermoiements de la politique monétaire européenne entre 2007 et 2008, au chevet des banques privées, certes, mais n’impulsant pas, à cause de la hausse des prix des matières premières sur laquelle la BCE n’a aucune prise, une politique monétaire active pour soutenir une activité qui se détériorait, ne devraient pourtant pas se reproduire dans les circonstances actuelles. L’inflation sur les prix à la consommation dans la zone euro en juillet 2011 est proche de la cible de moyen terme que s’est imposée la BCE (2,5%), et cette inflation est tirée à la hausse par les prix des matières premières (énergie, café, thé, cacao), par leur répercussion sur les prix de certains services (transport), et par des produits servant d’assiette à des taxes que les gouvernements ont coutume d’augmenter pour tenter de rétablir un semblant d’équilibre de leurs finances publiques (tabac). In fine, le taux d’inflation hors énergie et produits alimentaires transformés s’établissait en juillet 2011 à 1,5%. Le taux de chômage dans la zone euro est, pour sa part, de l’ordre de 10% de la population active. Pour paraphraser Charles Evans, on peut affirmer qu’une inflation de 5% ferait certainement se dresser les cheveux sur la tête des banquiers centraux européens, et nous en sommes loin, fort heureusement, mais tel devrait être aussi le cas lorsque le taux de chômage atteint 10% de la population active !

Le grand écart entre la volonté expansionniste d’un responsable de la Fed et la politique prudente de la BCE, dans des circonstances économiques comparables (les écarts des taux d’inflation et de chômage à leurs cibles respectives sont peu ou prou les mêmes), trouve un parallèle lui aussi saisissant dans les discours et les actions de politique budgétaire de part et d’autre de l’Atlantique. Alors que les débats européens portent quasi inéluctablement vers l’imposition de contraintes additionnelles sur les politiques budgétaires des pays de la zone euro (adoption de « règles d’or » en Allemagne, en Espagne, litanie de plans d’austérité budgétaire, le dernier en date en Italie), la nécessité de pouvoir compter dans la zone euro sur un instrument fort de politique économique repose exclusivement sur la BCE. Tel n’est d’ailleurs pas forcément le cas aux Etats-Unis où le gouvernement fédéral propose un nouveau plan de relance de l’économie à court terme, assorti d’un redressement des finances publiques à un horizon de 10 ans. Le discours de Charles Evans devrait être celui de Jean-Claude Trichet, mais nous en sommes loin. A camper sur le caractère impeccable de l’action passée de la BCE (voir la critique toute en nuances de Paul Krugman), le Président de la BCE, lorsqu’il s’exprime, ne semble pas prendre la mesure de sa responsabilité sur les performances futures de la politique qu’il mène aujourd’hui. S’il ne parvient pas à aller de l’avant pour soutenir l’activité, dans une phase d’inflation basse, il faudra revoir la gouvernance de l’euro. Deux choix cruciaux pour l’avenir sont possibles. L’euro pourrait disparaître, ce qui n’est pas sans poser de graves difficultés (voir le billet de Jean Pisani-Ferry à propos de la Grèce, dont les conclusions peuvent être élargies à tous les pays de la zone euro, l’Allemagne compris) et doit donc être fermement écarté. Le statut du système européen des banques centrales de la zone euro pourrait être modifié pour donner égale dignité aux objectifs de croissance économique et d’inflation, sur le modèle de la Fed. Les performances de celle-ci autorisent à minimiser les craintes d’une explosion inflationniste.