Début de quinquennat : emploi dynamique, chômage élevé

Département Analyse et Prévision (Equipe France)

Les chiffres du chômage du mois d’avril 2017, publiés par Pôle emploi, font apparaître une baisse du nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) en catégorie A (-37 700 personnes en France). Cette baisse fait suite à une forte hausse au mois de mars, après deux mois de relative stabilité. Si l’on ajoute aux inscrits en catégorie A ceux ayant réalisé une activité réduite au cours du mois (catégories B et C), l’évolution mensuelle d’avril indique une hausse des demandeurs d’emploi de 30 900 personnes.

Cette publication combinée aux derniers chiffres publiés récemment par l’Insee (taux de chômage au sens du BIT, créations d’emplois marchands, enquêtes de conjoncture) pose la question de l’état du marché du travail. La situation de l’économie française peut apparaître meilleure aujourd’hui qu’au début du quinquennat de F. Hollande : le déficit public est plus faible, les marges des entreprises se sont redressées, … En revanche, le diagnostic du marché du travail apparaît moins tranché : le chômage reste élevé mais sa tendance est à la baisse et les créations d’emplois sont relativement dynamiques. Afin d’apprécier la situation actuelle sur le marché du travail, par rapport à celle qui prévalait au début du quinquennat précédent, nous comparons plusieurs indicateurs d’emploi et de chômage issus de sources différentes (nombres d’inscrits à Pôle emploi, enquête Emploi pour le chômage au sens du BIT, enquêtes de conjoncture).

Chômage : une situation moins bonne aujourd’hui qu’il y a cinq ans…

En mai 2012, la France comptait 3,159 millions de demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A à Pôle emploi (5,3 millions toutes catégories confondues). Sur l’ensemble du quinquennat de F. Hollande, le nombre de DEFM a fortement augmenté : les inscriptions toutes catégories confondues ont progressé de 1,329 million, dont 567 900 pour la seule catégorie A, soit un rythme d’augmentation annuel moyen de respectivement 265 900 personnes toutes catégories confondues et 113 600 personnes en catégorie A. De ce point de vue, la situation s’est dégradée, même si une partie de cette dégradation s’explique par la montée en charge de la réforme des retraites de 2010 (augmentation de l’âge minimum de liquidation des droits à la retraite) et la suppression de la Dispense de Recherche d’Emploi.

Les chiffres publiés par Pôle emploi peuvent être perturbés par des changements de pratique administrative et des incidents techniques ponctuels affectant la gestion des fichiers de Pôle emploi. Les chiffres fournis trimestriellement par l’INSEE ne sont pas affectés par des problèmes de cette nature et constituent une source plus fidèle pour analyser le chômage[1]. Ils indiquent que le taux de chômage est revenu à son niveau observé au deuxième trimestre 2012 (cf. graphique 1).

Mais cet indicateur de chômage reste restrictif. En effet, la définition stricte du BIT n’intègre pas les personnes actives occupées travaillant à temps partiel et souhaitant travailler davantage ou les personnes en situation de chômage partiel. En intégrant ces personnes dans un indicateur élargi du chômage, on constate une légère amélioration sur cinq ans (baisse de 0,3 point, cf. graphique 1).

Il ne prend pas non plus en compte les situations à la marge du chômage. Ainsi les personnes souhaitant travailler mais considérées comme inactives au sens du BIT, soit parce qu’elles ne sont pas disponibles rapidement pour travailler (sous deux semaines), soit parce qu’elles ne recherchent pas activement un emploi, forment le « halo » du chômage. En intégrant ces personnes dans un indicateur encore plus élargi du chômage, la situation reste moins bonne qu’il y a cinq ans, ce qui est cohérent avec les chiffres de Pôle emploi.

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…mais des indicateurs d’emploi mieux orientés

Depuis avril 2017, l’INSEE a complété sa batterie d’indicateurs conjoncturels issus des enquêtes de conjoncture (climats des affaires, indicateurs de retournement) par un indicateur de climat de l’emploi en France. Cette information de nature qualitative, synthétisant par une série unique l’information contenue dans les soldes d’opinions sectoriels sur l’évolution passée et prévue de l’emploi, apparaît très corrélée avec les évolutions annuelles de l’emploi marchand (graphique 2).

 

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Mis en parallèle avec les données quantitatives sur les effectifs disponibles par ailleurs, l’indicateur s’insère quasi-parfaitement dans les cycles de l’emploi, la reprise de 2003 interrompue par la Grande Crise qui a débuté en 2008, le rebond post-récession de 2008/09, puis ensuite le tassement lié à la mise en place des politiques d’austérité et enfin le redémarrage du marché du travail à la mi-2015.

Le début du quinquennat de F. Hollande s’inscrivait dans une dynamique négative de destruction d’emplois et de dégradation du climat de l’emploi, dégradation qui avait démarré début 2011 avec la crise de la zone euro. Le point bas a été atteint début 2013, mais l’économie française ne s’est remise à créer des emplois salariés dans le secteur marchand non agricole qu’à partir de la mi-2015. L’accélération a été notable par la suite.

Au vu du comportement de l’indicateur entre mars et mai 2017, rien ne laisse présager d’un changement de régime des créations d’emploi : ces dernières devraient se maintenir à un rythme voisin de celui enregistré au tournant de 2016 et de 2017, soit environ 200 000 par rapport à la même période de l’année précédente. Pour conclure, si les différents indicateurs de chômage font état d’une situation encore dégradée sur le marché du travail par rapport au deuxième trimestre 2012, la dynamique de l’emploi, quant à elle, est bien plus positive qu’à l’époque.

 

[1] Selon l’enquête emploi, une personne est considérée comme « chômeur au sens du Bureau international du travail (BIT) » si elle satisfait aux trois conditions suivantes :

– être sans emploi, c’est-à-dire ne pas avoir travaillé au moins une heure durant la semaine de référence de l’enquête ;

– être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ;

– avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent l’enquête ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.




Chômage : évolutions à la carte

 

Département Analyse et Prévision (Équipe France)

Les chiffres du mois de février 2017 publiés par Pôle Emploi font apparaître une légère baisse (-3 500) du nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) n’exerçant aucune activité (catégorie A). En intégrant à ces chiffres l’évolution du nombre de demandeurs en catégorie B et C, le nombre de demandeurs d’emploi a cru de 28 800 au cours du dernier mois. Sur un an, le nombre d’inscrits en catégorie A a diminué de 3,2% et celui d’inscrit en catégories A, B, C a cru de 1%.

Les évolutions au cours du quinquennat

Cette publication du mois de mars constitue la dernière publication de Pôle Emploi avant le premier tour de l’élection présidentielle ; elle est donc l’occasion de mettre en lumière un bilan quasi définitif du quinquennat au travers l’évolution du nombre de demandeurs d’emploi depuis le mois de mai 2012.

Entre mai 2012 et février 2017, le nombre de demandeurs d’emplois inscrits en catégorie A a augmenté de 541 500 en France métropolitaine et de 561 400 en France entière. Sur cette période, le nombre de demandeurs d’emplois inscrits en catégorie A, B et C a, lui, augmenté de plus de 1,1 million de personnes.

Le nombre d’inscrits en catégorie A de moins de 25 ans, après une hausse de +60 000 entre les mois de mai 2012 et avril 2013, a entamé une décrue. En février 2017, ils étaient 475 500 inscrits à Pole Emploi, soit 24 500 de moins que 5 ans auparavant. Par contre, l’inversion attendue du nombre d’inscrits en catégorie A âgés de 25 à 49 ans a été très longue à se dessiner et n’est intervenue qu’il y a un an, en février 2016. Malgré une baisse de près de 90 000 au cours des 12 derniers mois, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A de cette tranche d’âge a augmenté de +256 600 au cours du quinquennat, soit une hausse de 14%. Bien qu’importante, cette augmentation est loin d’être celle ayant le plus contribué à l’augmentation observée du nombre de demandeurs d’emploi en France métropolitaine. En effet, depuis mai 2012, ce sont les inscrits en catégorie A de 50 ans et plus qui ont vu leur nombre progresser le plus, de +309 900, soit une hausse de plus de 50% par rapport au niveau qui était le leur en mai 2012.

Des évolutions géographiques contrastées

Si ces évolutions contrastées de la situation des demandeurs d’emploi selon leur catégorie d’âge sont notables, l’âge est loin d’être l’unique critère discriminant dans l’évolution du marché du travail. En effet, à un niveau géographique fin apparaissent des situations particulièrement hétérogènes (cartes 1 et 2)[1].

L’échelle géographique retenue ici est celle de la zone d’emploi. Arrêtées par l’INSEE, ces zones constituent « un espace géographique à l’intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, et dans lequel les établissements peuvent trouver l’essentiel de la main-d’œuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts ». Utilisé pour les études locales du marché du travail, ce zonage a le mérite d’arrêter des frontières territoriales pertinentes permettant l’analyse en termes de « bassin de vie », concept basé sur les flux de déplacements domicile-travail des actifs observés lors du recensement.

La comparaison des taux de chômage, au sens du BIT, entre le deuxième trimestre 2012 et le troisième trimestre 2016 permet de mettre en lumière les importantes hétérogénéités sur le territoire national en termes de niveau du chômage et de dynamique.

Les zones d’emploi sont regroupées par quintile de taux de chômage au deuxième trimestre 2012. Autrement dit, au troisième trimestre 2012, 20% des zones d’emploi avaient un taux de chômage compris entre 4,4% et 7,5%, et 20% affichaient un taux de chômage supérieur à 11%.

Tout d’abord, il existe d’importantes disparités entre grandes régions géographiques. En 2012, les Hauts de France et le bassin méditerranéen abritaient les territoires les plus durement touchés par le chômage. L’ouest de la France, dont l’activité économique est plus tournée vers le tourisme et les activités tertiaires était moins touché par le chômage en 2012. Néanmoins la montée du chômage au cours du quinquennat n’a pas épargné ces zones d’emploi.

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Si la hiérarchie observée en 2012 n’a pas été bouleversée au cours du quinquennat et si les hétérogénéités de taux de chômage persistent, les dynamiques à l’œuvre sont inquiétantes. En effet, une forte dégradation de la situation de nombreux territoires, pourtant relativement épargnés en 2012, s’est produite. Si quelques zones d’emploi ont vu leur taux de chômage baisser très légèrement ou se maintenir[2] – le plus souvent à un niveau élevé – au cours de la période, la plupart des territoires analysés ont connu une hausse de leur taux de chômage depuis le deuxième trimestre 2012. Les zones d’emploi bretonnes, relativement préservées jusqu’en 2012 des taux de chômage élevés, ont subi une forte dégradation de leur marché du travail (Carte 3). C’est également le cas des zones limitrophes aux territoires aux taux de chômage « historiquement » élevés (pourtour du bassin méditerranéen, nord de la France), mais aussi des territoires limitrophes aux agglomérations telles que Paris ou Lyon qui ont vu leurs taux de chômage largement augmenter au cours de la période.

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[1] Pour des raisons techniques, la Corse et les départements d’outre-mer ont été ici exclus de l’analyse.

[2] Notons que ces évolutions peuvent être expliquées par des mécanismes de mobilité démographique entre bassins d’emplois.




François Hollande a-t-il gagné son pari sur le chômage ?

Par le Département analyse et prévision (équipe France)

Les chiffres du chômage du mois d’octobre 2016, publiés par Pôle emploi, font apparaître une poursuite de la baisse du nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) en catégorie A ( –11 700 personnes en France métropolitaine après –66 300 en septembre). Sur un an, la baisse des DEFM s’établit à 101 300, évolution qui porte le nombre d’inscrits à Pôle emploi en catégorie A à son plus bas niveau depuis novembre 2014. Si l’on ajoute aux inscrits en catégorie A ceux ayant réalisé une activité réduite au cours du mois (catégories B et C), la baisse mensuelle est encore plus importante (–19 400 personnes), ce qui laisse augurer une évolution positive de l’emploi en octobre.

Le point négatif du chiffre du mois d’octobre est que la baisse observée n’arrive pas à bénéficier aux chômeurs de longue durée. Au final, la baisse du chiffre de Pôle emploi s’explique essentiellement par les DEMF inscrits depuis moins de 6 mois (–33 800).

Les évolutions mensuelles du chiffre des DEFM sont très volatiles et doivent être prises avec prudence et analysées sur des périodes relativement longues. Par conséquent, à l’approche de la fin du quinquennat de François Hollande et de l’annonce de sa possible candidature à la présidentielle 2017, que peut-on dire de l’évolution de la courbe du chômage : l’inversion a-t-elle eu lieu ? Si oui à quel moment ? De quelle courbe parle-t-on ?

Les chiffres du chômage ont pour origine deux sources, l’une statistique issue de l’Enquête emploi trimestrielle de l’Insee, l’autre administrative issue des fichiers de Pôle emploi et publiée mensuellement (cf. encadré). Ces sources indiquent que le chômage a augmenté entre le deuxième  trimestre 2012 et le troisième trimestre 2016 (dernier trimestre connu) de +145 000 au sens du BIT, de +598 000[1] pour les demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) inscrits en catégorie A à Pôle emploi (moyennes trimestrielles, cf. graphique) et de +1 121 000 pour les DEFM en catégorie A, B et C.

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En revanche, après avoir augmenté de manière quasi continue entre 2012 et 2015, le chômage a commencé à baisser depuis le second semestre 2015. Le chômage au sens du BIT a ainsi baissé de 118 000 personnes depuis le troisième trimestre 2015. Et les chiffres de Pôle emploi indiquent pour leur part un point haut au dernière trimestre 2015, et depuis une baisse du nombre de DEFM A de 59 000 personnes. Seules les statistiques des inscrits à Pole emploi en catégorie A, B et C sont très défavorables et n’indiquent aucun retournement sur la base des évolutions trimestrielles.

Si la date de retournement est proche entre les deux mesures du chômage – T3 2015 pour l’Insee contre T4 2015 pour Pôle emploi en catégorie A – il n’en est pas de même lorsqu’on considère les statistiques par sexe ou catégorie d’âge. Le point haut du chômage au sens du BIT a ainsi été atteint plus rapidement pour les moins de 25 ans et les femmes, respectivement au T4 2012 et au T2 2013. Le point haut pour les DEFM inscrits en catégorie A et âgés de moins de 25 ans est également atteint plus précocement, au deuxième trimestre 2013. En revanche, le point haut des femmes inscrites en catégorie A à Pole emploi a été atteint beaucoup plus tardivement (quatrième trimestre 2015).

Les hommes ont été plus touchés que les femmes par la hausse du chômage depuis le deuxième trimestre 2012, surtout selon les statistiques de Pôle emploi  (pour les hommes : +335 000 selon Pole emploi et +75 000 selon BIT et pour les femmes : +263 000 selon Pole emploi et +71 000 selon BIT (cf. tableau 1). Par contre, les hommes ont aussi davantage profité de l’inversion de la courbe : le nombre d’hommes au chômage au sens du BIT a ainsi baissé de 150 000 personnes entre le troisième trimestre 2015 et le troisième trimestre 2016, tandis que le nombre de femmes au chômage au sens du BIT n’a diminué que de 3 000 personnes depuis le point haut enregistré au deuxième trimestre 2013.

Concernant les personnes âgées de moins de 25 ans, l’inversion relativement rapide de la courbe n’a pas totalement permis de réduire le nombre de chômeurs depuis le deuxième trimestre 2012 (+46 000 personnes au sens du BIT, + 5 000 DEFM A, +59 000 DEFM A,B,C), excepté si l’on prend en compte l’évolution des jeunes demandeurs d’emploi inscrits en cat. A entre mai 2012 et octobre 2016 (–17 500 personnes).

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Si l’on analyse uniquement les évolutions fournies par le BIT, il est intéressant de voir que le diagnostic peut être modifié selon que l’on se focalise uniquement sur le chômage au sens strict ou que l’on étende l’analyse au halo du chômage (c’est-à-dire les personnes inactives souhaitant travailler) et au sous-emploi (c’est-à-dire les personnes en temps partiel subi). En effet, si l’on intègre le halo du chômage aux statistiques du chômage, l’augmentation depuis le deuxième trimestre 2012 s’établit à +337 000 (cf. tableau 2) et le point haut a été atteint au deuxième trimestre 2015 avec une baisse modérée depuis (–26 000). Et si à cela on ajoute les chiffres du sous-emploi, cette mesure nous indique une hausse de +390 000 depuis le deuxième trimestre 2012 avec un point haut atteint le troisième trimestre 2015 et une baisse de 136 000 depuis.

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Au final, si on constate bien une inversion, celle-ci est donc tardive, et n’efface pas la forte hausse du chômage enregistrée depuis le début du quinquennat. Seule la progression du chômage des jeunes en DEFM A a été contenue, notamment grâce aux dispositifs d’emplois aidés déployés par le gouvernement depuis le début du quinquennat (emplois d’avenir, contrats uniques d’insertion, …) et largement ciblés sur les jeunes chômeurs. Sans ces dispositifs, la progression du chômage des jeunes aurait d’ailleurs été bien plus marquée.

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Des écarts de mesure qui s’expliquent

La mesure de l’évolution du chômage au sens du BIT diffère de celle mesurée par Pôle emploi. Outre leurs différences méthodologiques (Enquête Emploi pour le BIT et source administrative pour Pôle emploi), les deux sources statistiques diffèrent par leur définition du chômage. Pour être comptabilisé comme chômeur au sens du BIT, il faut remplir trois conditions : être sans emploi, disponible pour en occuper un et effectuer une recherche active d’emploi. La seule inscription à Pôle emploi n’est cependant pas suffisante pour remplir cette dernière condition puisque les inscrits en catégorie A à Pôle emploi qui n’ont pas effectué de recherche active ne sont pas comptabilisés comme chômeurs au sens du BIT. Le critère du BIT est donc plus restrictif. Historiquement, le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi est aussi plus élevé que celui calculé au sens du BIT pour les personnes âgées de 25 ans et plus[2].

Par ailleurs, les chiffres publiés par Pôle emploi sont soumis à des aléas propres à la pratique administrative. Ces aléas ne sont pas nécessairement corrélés avec les évolutions sous-jacentes de l’emploi et du chômage. Par exemple, les évolutions récentes reflètent en partie la modification des règles d’actualisation d’inscription décidée au mois de janvier 2016.

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[1] De mai 2012 à octobre 2016, le nombre de DEFM a augmenté de 555 000 en catégorie A et de 1 102 000 en catégories A, B et C.

[2] Les moins de 25 ans ont un intérêt moindre à s’inscrire à Pôle emploi car pour ouvrir un droit à indemnisation au titre du chômage et percevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi, il faut justifier de 122 jours d’affiliation ou de 610 heures de travail au cours des 28 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (36 mois pour les 50 ans et plus).




France : croissance malmenée

par le Département Analyse et prévision

Ce texte résume les perspectives 2016-2017 pour l’économie française. Cliquer ici pour consulter la version complète.

 

La publication, le 28 octobre, d’une croissance de l’économie française de 0,2 % au troisième trimestre 2016 constitue un signal conjoncturel conforme à notre analyse de la conjoncture de l’économie française. Ce chiffre, proche de notre dernière prévision (+0,3% prévu au troisième trimestre), reste en ligne avec notre scénario de croissance à l’horizon 2018.

En effet, après trois années de croissance très faible (0,5 % en moyenne sur la période 2012-14), un modeste rebond de l’activité s’est dessiné en France en 2015 (1,2 %), tiré par la baisse des prix du pétrole, la dépréciation de l’euro et une consolidation budgétaire moins forte que par le passé. Pour la première fois depuis 2011, l’économie française a renoué avec les créations d’emplois salariés dans le secteur marchand (98 000 sur l’ensemble de l’année), favorisées par les dispositifs fiscaux réduisant le coût du travail. Cumulées à une hausse des effectifs dans le secteur non-marchand (+ 49 000) et des créations d’emplois non-salariés (+56 000), le nombre de chômeurs au sens du BIT a diminué en 2015 (-63 000, soit -0,2 point de la population active). De son côté, dynamisé par le suramortissement fiscal sur les équipements industriels, l’investissement des entreprises a connu un redémarrage en 2015 (+3,9 % en glissement annuel). 

La moins bonne performance de la croissance française par rapport à celle de la zone euro depuis 2014 s’explique, outre le fait qu’elle ait aussi mieux résisté sur la période 2008-2013, par deux éléments majeurs : d’une part, par un ajustement budgétaire plus conséquent que celui de ses voisins européens sur la période 2014-16, et d’autre part par la maigre contribution de ses exportations à la croissance, alors même que les orientations fiscales de la politique de l’offre visent à redresser la compétitivité des entreprises françaises. Or, il semblerait que les exportateurs français aient fait le choix, à partir de 2015, de redresser leurs marges plutôt que de réduire leurs prix à l’exportation, sans effet sur les volumes exportés. Si ce comportement se traduit par des pertes de parts de marché depuis plusieurs trimestres, il peut en revanche, à travers le rétablissement des situations financières des exportateurs hexagonaux, devenir un atout à plus long terme, notamment si ces marges étaient réinvesties dans la compétitivité hors-coût pour favoriser la montée en gamme des produits fabriqués en France.

En 2016, malgré un premier trimestre dynamique (+0,7 %) tiré par une demande intérieure hors stocks exceptionnellement soutenue (+0,9 %), la croissance du PIB plafonnerait à 1,4 % en moyenne sur l’année (tableau 1). Le trou d’air du milieu d’année, marqué par les grèves, les inondations, les attentats ou la fin initialement programmée du suramortissement fiscal, explique en partie la faiblesse de la reprise en 2016. Sous l’effet du redressement du taux de marge, d’un coût du capital historiquement bas et du prolongement du suramortissement fiscal, l’investissement continuerait cependant à croître en 2016 (+2,7 % en glissement annuel). Les créations d’emplois salariés marchands seraient relativement dynamiques (+149 000), soutenues par le CICE, le Pacte de responsabilité ou la prime à l’embauche. Au total, en tenant compte des non-salariés et des effectifs dans le secteur non-marchand, 219 000 emplois seraient créés en 2016. Le taux de chômage baisserait de 0,5 point sur l’année, dont 0,1 serait lié à la mise en place du dispositif « 500 000 formations », et s’établirait à 9,4 % de la population active en fin d’année. Le déficit public, quant à lui, baisserait à 3,3 % du PIB en 2016, après 3,5 % en 2015 et 4 % en 2014.

En 2017, avec un taux de croissance de 1,5 %, l’économie française continuerait à croître à un rythme légèrement supérieur à son potentiel (1,3 %), la politique budgétaire nationale ne pesant plus sur le PIB pour la première fois depuis sept ans. Par contre, la France doit faire face, par rapport à la prévision de printemps, à deux nouveaux chocs, l’impact négatif du Brexit sur le commerce extérieur et celui des attentats sur la fréquentation touristique. Ces deux chocs amputeraient de 0,2 point de PIB la croissance en 2017 (après 0,1 en 2016). L’économie française créerait 180 000 emplois, dont 145 000 dans le secteur marchand, et le taux de chômage se réduirait de « seulement » 0,1 point, en raison du rebond de la population active avec le retour progressif sur le marché du travail des personnes ayant bénéficié du plan formation. Sous l’effet de la remontée du prix du pétrole et de la baisse de l’euro, l’inflation serait de 1,5 % en 2017 (après 0,4 % en 2016). Enfin, le déficit public atteindrait 2,9 % du PIB en 2017, repassant sous la barre des 3 % pour la première fois depuis dix ans. Après s’être stabilisée à 96,1 % du PIB en 2015 et en 2016, la dette publique baisserait très légèrement, pour revenir à 95,8 % en 2017.

L’économie française, bien que malmenée par de nouveaux chocs et loin d’avoir effacé tous les stigmates de la crise, se redresse peu à peu, comme en témoigne l’amélioration graduelle de la situation financière des agents économiques : hausse du taux de marge des entreprises, rebond du pouvoir d’achat des ménages, baisse du déficit et stabilisation de la dette publique.

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Chômage : forte volatilité, faible baisse

Département Analyse et prévision (Equipe France)

Les chiffres du chômage du mois de septembre 2016, publiés par Pôle emploi, font apparaître une baisse spectaculaire du nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) en catégorie A (-66 300 personnes en France métropolitaine). Cette forte baisse fait plus que compenser la hausse tout aussi spectaculaire du mois dernier (+50 200). Au total, sur trois mois, le recul du nombre de demandeurs d’emplois atteint 35 200, troisième baisse trimestrielle consécutive, ce qui n’avait plus été observé depuis le début de la crise au début de 2008. Le chiffre de septembre confirme ainsi le retournement progressif de la courbe des DEFM sur un horizon de temps plus long : depuis le début de l’année, les effectifs en catégorie A ont baissé de 90 000 personnes et de 59 500 sur un an. Si l’on ajoute aux inscrits en catégorie A ceux ayant réalisé une activité réduite au cours du mois (catégories B et C), la baisse mensuelle est moins prononcée (-38 000 personnes), probablement parce qu’une partie des inscrits sans aucune activité a changé de catégorie après avoir retrouvé une activité réduite.

La baisse des inscrits en catégorie A au mois de septembre a bénéficié à part quasi égale aux hommes et aux femmes. Elle s’est toutefois concentrée sur les personnes les moins éloignées du marché du travail : les moins de 25 ans (-27 400, sous l’effet notamment du plan de formation) et les 25-49 ans (-37 300), ainsi que les inscrits depuis moins d’un an (-31 000 en catégorie ABC). La baisse a été marginale pour les plus de 50 ans (-1 600) et les demandeurs inscrits depuis plus d’un an (-7 100 en catégorie ABC).

Ces évolutions mensuelles très erratiques doivent à chaque fois être prises avec prudence. Les chiffres publiés par Pôle emploi sont soumis à des aléas propres à la pratique administrative. Selon Pôle emploi, elles reflètent en partie sur le passé récent la modification des règles d’actualisation d’inscription.

Focus : Le changement de règle d’actualisation et la volatilité des chiffres de Pôle emploi

Ce changement de règle, a priori anodin, a eu pour conséquence d’introduire une forte volatilité mensuelle dans les chiffres des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation : chaque mois, certains demandeurs d’emploi n’actualisent pas leur situation (soit parce qu’ils ont retrouvé un emploi, soit par oubli…) et ne sont donc plus comptabilisés comme DEFM.

A partir du mois de janvier 2016, Pôle emploi a ainsi modifié les conditions d’actualisation de la situation des demandeurs d’emploi. Avant janvier 2016, le calendrier d’actualisation était fixé selon la règle :

  • – l’ouverture de l’actualisation relative au mois m avait lieu le 3e jour ouvré avant la fin du mois m,
  • – la relance avait lieu les 8e et 9e jours ouvrés du mois m+1
  • – la clôture de l’actualisation avait lieu la veille du 12e jour ouvré du mois m+1 à 23h59, que ce jour soit ouvré ou non.

Selon ce calendrier, l’intervalle de temps pour l’actualisation reposait sur un nombre total de jours variable (compris entre 18 et 23 jours, graphique) mais d’un nombre de jours ouvrés constant (14).

A compter de janvier 2016, la règle a changé : pour un mois donné, l’actualisation est ouverte le 28 de ce mois (sauf pour les mois de février où l’actualisation est ouverte le 26) et est clôturée le 15 du mois suivant :

  • – envoi par Pôle emploi des déclarations de situation mensuelle (DSM, le 28 du mois m en général ou le 26 en février) ; cet envoi se fait principalement par internet, plus marginalement par courrier postal ;
  • – ouverture de la télé-actualisation (le lendemain de l’envoi des DSM) ;
  • – retours d’actualisation par les demandeurs d’emploi, suivis le cas échéant du calcul et de la mise en paiement de l’allocation par Pôle emploi (pour les demandeurs d’emploi indemnisés, l’actualisation déclenche le versement de l’allocation) ;
  • – repérage par Pôle emploi des demandeurs d’emploi n’ayant pas encore actualisé leur situation ;
  • – relance des demandeurs d’emploi n’ayant pas encore actualisé leur situation (le 11 et le 12 du mois m+1) ; cette relance s’effectue par téléphone, SMS, ou courrier postal ;
  • – clôture de l’actualisation (le 15 du mois m+1 à 23h59).

Il a résulté de ce changement de règles une diminution des nombres moyens de jours d’actualisation, totaux ou ouvrés, une atténuation de la volatilité du nombre total de jours d’actualisation (compris entre 17 et 19 jours) et surtout l’apparition d’une variabilité du nombre de jours ouvrés (compris entre 11 et 14 jours), qui n’existait pas auparavant. Or les jours ouvrés étant plus propices à l’actualisation de situation que les jours fériés, leur plus grande variabilité retentit sur les cessations d’inscription pour défaut d’actualisation. Les mois incluant un nombre important de jours ouvrés affichent des cessations d’inscription moins nombreuses et inversement (graphique). Les évolutions exceptionnellement erratiques des inscrits en catégorie A ces deux derniers mois relèvent en partie de ce phénomène, avec un nombre de jours ouvrés en août (14) qui a favorisé les réinscriptions sur les listes de l’Agence, et par voie de conséquence, un dégonflement des défauts d’actualisation qui s’est répercuté en une forte augmentation des inscrits. Le mouvement inverse s’est produit en septembre avec un nombre de jours ouvrés (13) en diminution. En octobre, ce nombre diminuera encore, pour atteindre 11, ce qui pourrait provoquer à nouveau une hausse des défauts d’actualisation et un effet favorable sur le nombre d’inscrits à Pôle emploi.

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Le chômage en quelques chiffres

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Chômage à contre-emploi

par OFCE, Département Analyse et prévision (Equipe France)

Les chiffres du chômage du mois d’août 2016 publiés par Pôle Emploi font apparaître une forte augmentation du nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) en catégorie A[1] (+50 200 personnes en France métropolitaine). Cette forte progression efface en grande partie les améliorations observées depuis le début de l’année. Sur un an, le nombre de demandeurs d’emploi n’exerçant aucune activité reste en légère baisse  (- 10 900 personnes). La hausse des inscrits en catégorie A au mois d’août a touché toutes les catégories d’âge. Si on ajoute les inscrits ayant réalisé une activité réduite au cours du mois, la hausse mensuelle est encore plus prononcée (+76 100 personnes). Les attentats qui ont frappé la France, et notamment celui du 14 juillet à Nice, ont eu un impact négatif sur l’activité touristique venant de l’étranger (hébergement-restauration, activités de loisir) avec des conséquences négatives sur l’emploi des secteurs concernés mais dont l’ampleur n’est à ce stade pas chiffrable.

Ces évolutions, franchement négatives, doivent être cependant prises avec prudence. Selon Pôle Emploi, elles reflètent en partie la modification des règles d’actualisation d’inscription décidée au mois de janvier 2016. Au mois d’août, le nombre de sorties pour défaut d’actualisation a atteint un point bas depuis l’instauration de la nouvelle règle. Ceci s’expliquerait par le nombre de jours ouvrés où il était possible de s’inscrire, particulièrement fort au mois d’août.

Ceci doit nous rappeler que les chiffres publiés par Pôle Emploi sont soumis à des aléas propres à la pratique administrative. Ces aléas ne sont pas nécessairement corrélés avec les évolutions sous-jacentes de l’emploi. En effet, l’analyse des tendances de l’emploi et du chômage nécessite la prise en compte d’autres indicateurs qui capturent mieux les évolutions du marché du travail.

Focus : l’évolution de l’emploi au sens de la comptabilité nationale depuis un an

Malgré un chiffre de croissance décevant au deuxième trimestre 2016, publié vendredi dernier par l’Insee, et la forte augmentation du nombre de DEFM au mois d’août (dont l’évolution est souvent très volatile au mois le mois), il n’en reste pas moins que l’économie française reste créatrice d’emplois dans le secteur marchand depuis le deuxième trimestre 2015. Les créations d’emplois salariés ont ainsi atteint ou dépassé le chiffre de 40 000 par trimestre depuis 1 an, rythme légèrement plus dynamique que fin 2010-début 2011 et qui n’avait plus été observé depuis l’année 2007 (graphique 1).

La reprise molle entamée en 2015 (+1,2 % de croissance) et qui se poursuit en 2016 (+1,1 % d’acquis à la fin du deuxième trimestre) aurait à peine permis de stabiliser le chômage, compte tenu de la croissance de la population active (+0,5 % par an) et des gains de productivité tendanciels (estimés à +0,8 % par an). Toutefois, les créations d’emplois salariés dans le secteur marchand sont stimulées par les mesures de baisse du coût du travail (CICE, Pacte de responsabilité, prime à l’embauche) qui enrichissent la croissance en emplois. Depuis quatre trimestres, les créations d’emplois salariés dans le secteur marchand ont contribué à 75 % des créations d’emplois, le reste se répartissant entre les créations d’emplois dans le secteur non-marchand[2] (pour 17 %) et les emplois non-salariés marchands (pour 8 %).

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La panne de croissance observée au deuxième trimestre, les attentats et le Brexit ne semblent pas remettre en cause la dynamique de l’emploi salarié marchand. Au-delà des derniers chiffres positifs portant sur le nombre d’intérimaires en fin de mois (+0,7 % en juillet), et sur les déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim) qui augmentent de 3,7 % en août après une hausse de 0,6 % au mois de juillet, les intentions d’embauches déclarées dans les enquêtes de conjoncture indiquent une poursuite des créations d’emplois dans les services marchands au troisième trimestre, ainsi qu’un net ralentissement des destructions d’emplois dans le secteur de la construction (graphique 2). Concernant les industries manufacturières, les intentions d’embauches sont plus hésitantes au premier semestre, après cependant une nette amélioration en 2015.

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[1] Les inscrits en catégorie A n’ont exercé aucune activité, pas même réduite, à la différence des inscrits en catégories B et C.

[2] Dans le secteur non-marchand, les créations d’emplois sont tirées notamment par les contrats aidés (emplois d’avenir, contrats d’accompagnement dans l’emploi).




La baisse du chômage annoncée par l’Insee confirmée en juillet par Pôle emploi

Département Analyse et prévision (Equipe France)

Les chiffres du chômage du mois de juillet 2016 publiés par Pôle Emploi font apparaître, après les deux hausses consécutives de mai (+ 9 200) et juin (+ 5 400), une baisse du nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) n’exerçant aucune activité (catégorie A) de 19 100 personnes en France métropolitaine. Sur les trois derniers mois la baisse est de 4 500 personnes et sur un an, le nombre de demandeurs d’emploi n’exerçant aucune activité s’est réduit de 44 100 individus. Ces évolutions viennent confirmer l’amélioration du marché du travail en France depuis le début de l’année et confirmée à la mi-août par la publication de l’INSEE du chômage au sens du BIT (cf. ci-dessous). Le chômage de longue durée a amorcé sa décrue (-2,2 % sur les trois derniers mois) alors même qu’il n’avait cessé de croître depuis la fin de l’année 2008 et le chômage des seniors continue de s’infléchir légèrement (-0,2 % sur 3 mois). Notons toutefois que la montée en charge du plan de formation instauré par François Hollande au début de l’année explique en partie ces évolutions encourageantes. Ainsi, au cours des 3 derniers mois, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits en catégorie D a crû de 10,1 %, soit près de 30 000 personnes supplémentaires, sous l’effet principalement des entrées dans les dispositifs de formation comptabilisées dans cette catégorie[1].

Focus : l’évolution du chômage au sens du BIT depuis un an

Le 18 août dernier, l’Insee publiait ses statistiques portant sur les chômeurs au sens du BIT pour le deuxième trimestre 2016. Durant ce trimestre, le taux de chômage a diminué de 0,3 point par rapport au trimestre précédent. La baisse du nombre de chômeurs au sens du BIT entamée au second semestre 2015 se confirme donc. Elle est cependant plus marquée du côté du BIT que de Pôle Emploi. Le nombre de chômeurs au sens du BIT a ainsi baissé de 133 000 personnes entre le deuxième trimestre 2015 et le deuxième trimestre 2016 (graphique 1). Dans le même temps, le nombre de DEFM inscrits en catégorie A à Pôle Emploi a diminué de seulement 27 000 personnes. Comment peut-on expliquer un tel écart ?

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Outre leurs différences méthodologiques (enquête Emploi pour le BIT et source administrative pour Pôle emploi), les deux sources statistiques diffèrent par leur définition du chômage. Pour être comptabilisé comme chômeur au sens du BIT, il faut remplir trois conditions : être sans emploi, disponible pour en occuper un et effectuer une recherche active d’emploi. La seule inscription à Pôle emploi n’est cependant pas suffisante pour remplir cette dernière condition puisque les inscrits en catégorie A[2] à Pôle Emploi qui n’ont pas effectué de recherche active ne sont pas comptabilisés comme chômeurs au sens du BIT. Le critère du BIT est donc plus restrictif. Historiquement, le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi est plus élevé que celui calculé au sens du BIT pour les personnes âgées de 25 ans et plus[3].

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Dans un contexte de reprise des créations d’emplois et donc d’amélioration du marché du travail, un certain nombre de personnes auparavant inactives, souhaitant désormais travailler, s’inscrivent à Pôle emploi et sont comptabilisées en tant que demandeurs d’emploi dans la catégorie A. Du fait de leur désir déclaré de reprise d’emploi, elles ne sont plus comptabilisés comme inactives au sens du BIT mais comme chômeurs dès lors qu’elles remplissent toutes les conditions énoncées auparavant. Cependant, une partie de ces personnes n’est pas nécessairement immédiatement disponible pour travailler. Cela a pour conséquence une augmentation du « halo » du chômage composé en partie de personnes souhaitant travailler, recherchant activement un emploi, mais non disponibles rapidement. Sur un an, le « halo » du chômage a augmenté de 43 000 personnes. Cette hausse s’explique exclusivement par les personnes souhaitant travailler mais non disponibles pour travailler dans les deux semaines (+54 000) et ce pour diverses raisons : personne achevant ses études ou sa formation, garde des enfants, personne s’occupant d’une personne dépendante, … (tableau 2). Cette évolution du halo confirmerait donc l’amélioration des perspectives sur le marché du travail et ne peut être considéré uniquement comme un phénomène de découragement des chômeurs. De la même façon, l’analyse des motifs de la baisse observée du chômage BIT au deuxième trimestre 2016 laisse présager l’amorçage d’une boucle vertueuse.

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Depuis un an, la baisse du taux de chômage au sens du BIT n’est pas artificielle

Le taux de chômage peut baisser pour deux raisons : l’amélioration de l’emploi ou le découragement de certains chômeurs qui basculent alors dans l’inactivité. Les dernières statistiques du BIT confirment que la baisse de 0,5 point du taux de chômage depuis un an s’explique intégralement par l’amélioration de l’emploi et non par le découragement. D’ailleurs, l’amélioration de l’emploi s’est aussi traduite par une hausse du taux d’activité – qui mesure le pourcentage de personnes actives dans la population âgée de 15 à 64 ans –, les chômeurs auparavant découragés reprenant leur recherche d’emploi (tableau 3).

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Dans le détail, l’arrivée des jeunes sur le marché du travail se traduit par une hausse du chômage de 0,1 point pour cette catégorie, et ce malgré un emploi qui repart. En effet, l’accélération de la croissance n’est pas assez forte pour absorber l’ensemble des jeunes arrivants sur le marché du travail. Chez les seniors, le taux d’emploi continue toujours à augmenter (de 0,8 point) du fait du recul de l’âge de départ effectif à la retraite. Certes, le chômage au sens du BIT baisse chez les seniors, mais la hausse des inscriptions à Pôle Emploi dans cette classe d’âge (tableau 1) traduit certainement une modification dans leur comportement de recherche d’emploi : de plus en plus de seniors ne font plus acte de recherche d’emploi et sont désormais classés dans le «halo» du chômage.

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Le chômage en quelques chiffres

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[1] Cette catégorie comptabilise les demandeurs d’emploi non tenus de rechercher un emploi (en raison d’une formation, d’une maladie, …), sans emploi.

[2] Les inscrits en catégorie A n’ont exercé aucune activité, pas même réduite, à la différence des inscrits en catégories B et C.

[3] Les moins de 25 ans ont un intérêt moindre à s’inscrire à Pôle emploi car pour ouvrir un droit à indemnisation au titre du chômage et percevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi, il faut justifier de 122 jours d’affiliation ou de 610 heures de travail au cours des 28 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (36 mois pour les 50 ans et plus).




Chômage : la baisse fait une (petite) pause

Département Analyse et prévision (Equipe France)

Les chiffres du chômage du mois de mai 2016 publiés par Pôle Emploi font apparaître, après deux baisses consécutives enregistrées en mars (-60 000) et avril (-19 900), une hausse du nombre de demandeurs d’emploi n’exerçant aucune activité (catégorie A) de 9 200 personnes en France métropolitaine. Les statistiques mensuelles des demandeurs d’emplois en fin de mois (DEFM) sont habituellement volatiles, mais il n’en reste pas moins que l’inflexion de la trajectoire est perceptible. En 3 mois cette baisse est de 70 700. Elle se monte à 34 400 sur un an, après 22 500 le mois précédent. A noter cependant, la forte augmentation des DEFM en catégorie D au mois de mai (+4,9 % sur un mois, soit 13 800 personnes supplémentaires) liée à la mise en place du dispositif spécifique de formation pour les chômeurs de longue durée. Cela est également visible dans les statistiques de sorties de Pôle Emploi pour « entrée en stage » qui ont augmenté de 18 800 sur le mois.

Focus : les cessations d’inscription pour défaut d’actualisation

Les chiffres de DEFM observés chaque mois résultent de la différence entre les entrées à Pôle emploi et les sorties. Ces dernières ont plusieurs motifs possibles : reprises d’emploi déclarées, entrées en stage, radiations administratives, arrêts de recherche ou encore cessations d’inscription pour défaut d’actualisation. Or les chiffres de ces derniers mois ont été marqués par une hausse des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation[1]. Leur progression a été particulièrement forte au mois d’avril (+55 700 personnes par rapport au mois de mars), mais cette hausse concerne aussi les mois précédents (+27 300 en moyenne sur les cinq premiers mois de 2016 par rapport à la moyenne en 2015), en rupture avec la relative stabilité observée en 2014 et en 2015 (graphique 1).

Les variations observées peuvent provenir entre autres de changements dans les règles d’actualisation des DEFM – celles-ci ont été modifiées à compter du 1er janvier 2016 – mais aussi de l’accélération des sorties pour reprises d’emplois – qui sont mal mesurées dans les chiffres issus de la publication mensuelle portant sur les DEFM.

Concernant le premier point, avant janvier 2016, le calendrier d’actualisation était fixé selon une règle différente  : l’ouverture de l’actualisation relative au mois m avait lieu le 3e jour ouvré avant la fin du mois m, et la clôture de l’actualisation avait lieu la veille du 12e jour ouvré du mois m+1. A partir de janvier 2016, pour un mois donné, l’actualisation est ouverte le 28 de ce mois (sauf pour les mois de février où l’actualisation est ouverte le 26) et est clôturée le 15 du mois suivant. Le changement de règle, qui paraît mineur mais qui peut avoir des conséquences importantes sur les comportements déclaratifs, implique que certains mois le nombre de jours pour actualiser sa situation est plus faible avec la nouvelle règle (c’était par exemple le cas au mois de janvier 2016). Globalement, la perturbation de la mesure des flux qui résulte de ce changement devrait n’être que transitoire puisqu’avec le temps, les demandeurs d’emploi adapteront leur comportement à la nouvelle règle d’actualisation.

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Mais la hausse des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation peut aussi provenir d’une accélération des sorties pour reprise d’emploi, non déclarées par oubli et par conséquent enregistrées comme défaut d’actualisation. Afin de mieux connaître les motifs de sortie, la Dares et Pôle emploi conduisent chaque trimestre une enquête auprès de demandeurs d’emploi sortant des catégories A, B, C. Celle-ci montre que les reprises d’emploi sont sous-estimées dans la publication mensuelle de Pole Emploi, car souvent non déclarées, ce qui symétriquement conduit à une surestimation des défauts d’actualisation (graphique 2). Et les sorties pour reprise d’emploi selon l’enquête sont logiquement corrélées aux évolutions de l’emploi total, ce qui confirme qu’une partie des défauts d’actualisation mesurés par la statistique mensuelle de Pôle Emploi a en réalité pour origine des reprises d’emploi (graphique 3).

Ces éléments suggèrent qu’une partie des cessations supplémentaires d’inscription pour défaut d’actualisation observées au premier semestre 2016 provient bien d’une accélération des sorties pour reprise d’emploi. En fixant le taux de sortie pour défaut d’actualisation à sa valeur observée dans l’enquête trimestrielle auprès des sortants de septembre 2015, dernières données disponibles, la hausse inexpliquée des défauts d’actualisation s’élèverait ainsi plutôt à 11 000 en moyenne chaque mois contre 27 300 dans la publication mensuelle.

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[1] La cessation d’inscription sur les listes résulte de la constatation d’une situation de fait : le demandeur d’emploi ne remplit plus une (ou plusieurs) condition(s) essentielle(s) pour être inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi, à savoir 1- le non-renouvellement mensuel de l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi ou 2- l’échéance du titre de séjour pour les travailleurs étrangers. Le demandeur d’emploi a la possibilité de se réinscrire à tout moment. Les cessations d’inscription portent sur les DEFM inscrits en catégories A, B, C, et concernent donc pour partie des personnes exerçant une activité réduite, donc en emploi.




Taxer les contrats courts : pourquoi et comment ?

Par Bruno Coquet

Le marché du travail français est fortement appuyé sur l’assurance chômage, pour de nombreuses raisons : le chômage est élevé, les salariés paient très cher leur assurance, mais aussi parce que la réglementation couvrant bien les salariés titulaires de contrats précaires, certains employeurs sont incités à reporter sur l’assurance chômage les coûts de la flexibilité contractuelle, qui devraient être facturés aux clients ou imputés aux actionnaires.

L’intervention de l’assurance chômage doit donc être ajustée afin de ne pas susciter de telles incitations, qui lui coûtent cher et accroissent le coût du travail. Pour ce faire c’est le coût du travail associé aux comportements coûteux pour l’assureur qui doit être augmenté, cependant que les taxes facturées aux employeurs faisant un usage raisonné des contrats courts devraient baisser.

Après avoir examiné les moyens que l’assureur doit mettre en regard de ces objectifs, nous proposons une formule de modulation des cotisations d’assurance chômage. Celle-ci tire les leçons de la sur-taxation en vigueur depuis 2013 ; plus générale, notre formule peut modifier de manière significative le coût des contrats très courts, tout en ayant des effets agrégés très modestes (et en particulier nuls sur le coût du travail agrégé) ; son éventuel effet négatif sur les embauches, en particulier dans les TPE/PME peut aisément être contrôlé

1 – Définir précisément l’objectif

1.1 – Règle générale : ne pas taxer, ni plus ni moins

Si l’on veut créer des emplois il est de bon sens de ne pas les taxer, ou plus exactement de minimiser les taxes qui pèsent sur le travail. Cela vaut dès la première heure de travail, quels que soient le niveau de salaire et les caractéristiques du contrat de travail (CDI, CDD, intérim, etc.).

Mais les modalités d’emploi peuvent cependant engendrer des effets indésirables, des transferts de coûts sur d’autres acteurs que les parties au contrat, des « externalités » qui peuvent justifier de prélever des taxes sur le travail : le financement des accidents du travail en constitue un bon exemple, mais aussi l’assurance chômage, la formation professionnelle, etc. Symétriquement le coût de certaines politiques publiques ne devrait pas être déporté vers des ressources qui n’ont rien à voir avec elles : la politique culturelle, dont le régime des intermittents du spectacle est un pilier, constitue un exemple emblématique d’un alourdissement indésirable du coût du travail.

Les systèmes mutualisés qui financent certaines politiques publiques, en particulier les assurances qui s’appuient sur la solidarité interprofessionnelle, ne devraient pas effectuer de la redistribution monétaire ou donner des subventions croisées en différenciant la tarification des assurés : le risque étant aléatoire, la règle est que chacun a l’obligation de s’affilier et paie des contributions identiques pour financer l’indemnisation de ceux pour lesquels le risque se réalise.

Par conséquent il n’existe pas de raison de taxer l’emploi quand il n’engendre pas d’externalités coûteuses, et il serait inique et inefficace de surtaxer certains assurés ou d’en exonérer d’autres.

1.2 – Règle de bonne gestion : décourager ce qui coûte cher

En revanche, dès lors que le comportement des assurés influence la probabilité de survenance des sinistres, ou le montant de l’indemnisation qui s’ensuit, l’assureur doit impérativement contrôler ces comportements qui accroissent ses dépenses (ce qui manifeste l’externalité).

Pour faire face à cette « sélection adverse » l’assureur peut, à court terme, choisir d’augmenter la taxe de droit commun facturée à tous les assurés. Mais cette option n’est pas tenable à long terme car elle encourage de plus en plus d’assurés à adopter les comportements coûteux pour l’assureur, en même temps qu’elle accroît les coûts de ceux dont le comportement est vertueux, car ce sont eux qui financent le surcroît de dépenses.

C’est en particulier le cas pour l’assurance chômage. Le chômage ne résulte pas seulement de causes macroéconomiques, cycles d’activité, ruptures technologiques, saisons, chocs exogènes, etc. Il relève également de choix productifs : ainsi une entreprise peut choisir de répondre à une demande saisonnière en stockant ses produits au fil des mois qui précèdent, quand sa concurrente augmentera sa production au dernier moment grâce à des contrats courts ; une autre peut choisir de répercuter dans son prix de vente le surcoût de l’embauche d’intérimaires pour répondre à une commande sporadique alors que sa concurrente rognera son taux marge pour bénéficier d’un chiffre d’affaires et d’un profit total accrus. Ainsi sur des marchés concurrentiels ce sont in fine les actionnaires ou les clients qui supportent les coûts associés aux choix productifs.

La présence d’une assurance chômage peut modifier ces choix : les entreprises utilisant les technologies de production flexibles qui externalisent le mieux les coûts de production vers le régime d’assurance sont avantagées, soit que leurs marges sont plus élevées, soit que leurs prix de vente plus faibles augmentent leur compétitivité et leur activité. Mais derrière le régime d’assurance chômage, qui paye pour le revenu ces chômeurs ? Une majorité d’entreprises qui n’ont rien à voir avec ces choix, ou – de manière plus problématique – des concurrentes plus vertueuses en termes de stabilité de l’emploi. En aucun cas il n’est optimal que ce soit l’assurance chômage, donc l’ensemble des assurés[1] qui supportent de tels coûts : cela signifie que l’assureur perturbe la concurrence sur le marché des biens dans un sens opposé à ce qu’est sa mission, puisque ce faisant il augmente le chômage et ses propres coûts.

Bien sûr le choix technologique et économique qui fait préférer à l’employeur l’usage de contrats courts ne résulte pas seulement de l’existence d’une assurance chômage. Cependant si l’assureur n’y prend pas garde ces comportements qui augmentent ses dépenses peuvent entraîner sa faillite, surtout si par mégarde il les encourage avec ses propres règles d’affiliation et d’indemnisation, comme c’est le cas de l’Unedic avec les contrats courts.

Une gestion rigoureuse de l’assurance chômage ne doit donc pas exclusivement s’intéresser au contrôle des dépenses. La tarification est un instrument à part entière, indispensable pour contrôler les comportements qui influencent la sinistralité.

2 – Définir précisément l’instrument

Taxer par principe, sans considération du problème que vise à résoudre la taxe, est un risque, pas une solution. La taxe vise à limiter soit le problème, soit ses conséquences, soit les deux.

2.1 – La taxe américaine a pour vocation de contrôler des problèmes américains

Une sur-taxation des entreprises faisant un recours excessif à l’assurance chômage est pratiquée aux Etats-Unis. Cette réglementation est souvent citée en exemple. Mais ce système est spécifique à plusieurs titres, ce qui rend sa transposition aléatoire :

  • Son objectif. Cette formule a été conçue dès la création du régime américain en 1935 pour prémunir l’assureur, et donc la collectivité des assurés[2], contre un danger précis : le recours disproportionné à des suppressions d’emploi temporaires (« licenciements temporaires »), très proches du chômage partiel. C’est d’autant plus nécessaire que le régime d’assurance américain a été construit pour indemniser ce type de fluctuations[3], ce qui exige d’éviter une mutualisation inter-sectorielle excessive (qui implique que les secteurs très cycliques sont financés par ceux qui sont peu cycliques) ainsi qu’une mutualisation intra-sectorielle disproportionnée (les entreprises qui utilisent beaucoup l’assurance chômage sont financées par leurs concurrentes qui l’utilisent peu) ;
  • Son champ d’application. La taxation sous forme d’experience rating est d’autant plus dissuasive qu’elle s’applique à l’ensemble de la masse salariale de l’entreprise dont le compte chez l’assureur est plus déficitaire que la norme établie[4];
  • Ses modalités administratives. Adapté à l’objectif visé cette modulation fonctionne mal car les comptes individuels des entreprises, outre qu’ils engendrent une lourde bureaucratie, nécessitent d’établir des formules de calcul complexes et peu lisibles, au détriment de leur caractère incitatif ;
  • Ses restrictions. L’assiette du salaire assurable sur laquelle porte la taxe est en général trop faible[5] pour que la sanction en termes de coût du travail n’incite à la vertu. En outre si l’expérience rating était « complet », c’est-à-dire que chaque employeur paie la totalité des coûts qu’il engendre pour l’assureur, la mutualisation serait nulle et l’assurance inutile du point de vue des employeurs.

Transposer la formule américaine n’a donc pas de sens car cette modalité est indissociable du système d’assurance de ce pays, structurellement très différent du nôtre, par ses objectifs, ses règles et la manière dont il est financé.

2.2 – Une taxe française doit viser des problèmes français

En France le comportement qui pose problème en ce qu’il coûte cher à l’assurance chômage est la récurrence emploi/chômage associée à l’usage disproportionné des contrats courts.

La durée réduite des contrats de travail engendre des besoins d’indemnisation, qui interfèrent avec la gestion de l’assureur dont l’un des objectifs est de bien sécuriser les titulaires de contrats précaires[6]. L’existence des contrats courts peut évidemment refléter des fluctuations d’activité temporaires – comme aux Etats-Unis –, mais ce qui est problématique en France c’est d’une part leur utilisation structurelle, récurrente, pour couvrir des besoins de production permanents, d’autre part le fait que l’assurance chômage soit instrumentée comme un complément de salaire par des employeurs et/ou des salariés qui maîtrisent bien les règles d’éligibilité et d’indemnisation. Face à cela l’Unedic pourrait moins bien indemniser les chômeurs, mais ce n’est qu’un moyen indirect d’agir sur les causes originelles des dépenses.

En France l’assureur doit donc essayer d’influencer la durée des contrats de travail. La taxe sur les contrats courts ne doit pas être nulle, mais fixée à un niveau optimal pour être dissuasive, sans être excessive ni punitive :

  • Il ne s’agit pas de « taxer les CDD », ou d’exonérer tel ou tel statut, mais de viser la durée effective des contrats : en effet l’assureur observe que 30% des CDI durent moins d’un an, que les ruptures durant la période d’essai représentent près de 2 fois plus d’entrées au chômage que les licenciements économiques, que les contrats d’intérim sont à la fois très courts et très récurrents en indemnisation, etc. Il apparaît donc préférable que l’assureur reste neutre envers le choix du contrat de travail, pour se focaliser sur la conséquence commune des différents statuts possibles, qui est la forte récurrence en indemnisation ;
  • La taxe n’a aucune raison d’être punitive : elle s’applique aux salaires correspondant à des contrats de courte durée, pas à l’ensemble des employeurs qui en font un usage excessif (ce qui serait le cas si la taxe américaine était transposée telle quelle) ;
  • Le but n’est pas de créer une taxe qui finance le « déficit » des contrats courts[7]. Un tel objectif serait en contradiction avec la nature même d’une assurance chômage mutualisée, qui a vocation à financer les prestations versées aux agents qui subissent des risques élevés (contrats précaires) par des contributions sur les agents dont l’exposition au risque est moindre (contrats stables). Dès lors que ces risques ne sont pas « maîtrisés » par les agents, la mutualisation réalisée par l’assurance est un transfert souhaitable, et l’assureur ne doit pas chercher à faire payer aux utilisateurs de contrats courts 100% du coût d’indemnisation qu’ils engendrent, ce qui serait la négation même du principe d’assurance mutualisée.

Une taxe sur les CDD, réduite pour les CDD d’usage, a bien été mise en place en 2013 par l’Unedic[8] (graphique 1). Mais en visant des statuts plutôt que la durée, dotée d’un champ d’application bien plus restreint que celui de ses exceptions, elle ne pouvait évidemment ambitionner d’infléchir l’usage des contrats courts. En outre, en créant des effets de seuil, elle offre à la marge des possibilités d’échapper à la surtaxe. De manière caractéristique on peut observer que cette taxe visant une mauvaise cible (le statut du contrat de travail, en l’occurrence les CDD, mais pas l’intérim et très peu les CDD d’usage) il n’est guère étonnant qu’elle n’ait pas modifié les comportements.

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2.3 – Taxer les contrats courts sans dissuader la création d‘emplois

Trois solutions existent pour taxer le travail : au début du contrat, en cours de contrat, ou à la fin de celui-ci :

  • Taxer l’embauche est évidemment contre-intuitif, mais c’est surtout inapproprié par rapport à l’objectif visé ici par l’assureur, car dans bien des cas le statut du contrat ne permet pas de juger de sa durée effective, ni du destin de la relation employeur/salarié (donc sa durée effective) qui peut se poursuivre bien plus longtemps et sans interruption que ne peut le laisser supposer la durée initiale du contrat ;
  • Taxer à la fin du contrat n’est pas souhaitable dans la mesure où l’employeur est taxé au moment où il doit se séparer du salarié, c’est-à-dire au moment où ses moyens financiers se réduisent ; c’est en outre aléatoire car s’il fait faillite la taxe n’est jamais recouvrée ; cette solution est enfin fortement combattue au motif que les coûts de sortie de l’emploi dissuadent l’embauche ;
  • Taxer en cours de contrat reste donc la meilleure solution. Ce que vise une taxe déportée vers les durées courtes de contrat, c’est de limiter les hautes fréquences de ruptures injustifiées[9].

L’objectif étant de taxer les durées effectivement courtes, en évitant les effets de seuil, une taxe d’autant moins importante que le contrat s’inscrit dans la durée apparaît adaptée au besoin.

Il reste qu’une entreprise jeune et/ou en période de forte expansion de ses effectifs est par nature surexposée à une taxe sur les contrats récemment signés, car ceux-ci représentent une fraction transitoirement élevée de sa masse salariale. Dans ce cas, le coût du travail est effectivement élevé, même si cela est parfaitement compatible avec la fonction de l’assurance chômage[10].

Pour qu’une taxe sur les CDD devienne une taxe à l’embauche il faudrait néanmoins que ces contrats représentent une très forte proportion de la masse salariale de l’entreprise. En moyenne la masse salariale des contrats à « durée limitée » représente environ 11,2% de la masse salariale totale soumise à cotisations Unedic[11]. On peut l’illustrer avec les exemples chiffrés dans les tableaux 1 et 2. Une entreprise ayant une masse salariale de CDD comprise entre 0% et 13,5% de sa masse salariale totale gagnerait à un nouveau barème de cotisation tel que celui proposé dans le graphique 1 : une entreprise de 10 salariés (120 mois ETP par an) qui conclurait dans l’année 15 contrats de 1 mois, taxés au taux le plus élevé ne verrait pas son coût du travail accru par rapport au barème actuel, puisque le taux moyen de cotisation à l’assurance chômage baisserait de 4,33% ex-ante à 4,26% ex-post (tableau 1).

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Ce n’est qu’au-delà de 13,5% que ce nouveau barème commence à être coûteux. Mais même si un employeur utilise des contrats courts dans des proportions très importantes (50% dans les exemples du tableau 2, soit plus de 4 fois le taux moyen observé) l’augmentation du taux de cotisation à l’assurance chômage reste relativement modérée (+1,05% si tous les contrats courts durent 1 mois, +1,6% s’ils ont une durée de 3 mois, et 1,25% s’il s’agit de contrats de 12 mois).

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Différentes solutions peuvent être imaginées pour atténuer l’effet de « taxe à l’embauche » d’une telle modulation des contributions. Par exemple :

  • Offrir un abattement à la base de x euros par entreprise sur les cotisations d’assurance chômage : ainsi l’assureur établit un plancher à la sur-taxation pour les employeurs qui font un usage limité des contrats courts, et comme le montant de l’abattement est défini par entreprise, ce sont les plus petites qui sont les plus favorisées. Un abattement à la base de 400 euros par an et par entreprise permettrait ainsi de neutraliser la plupart des effets d’une surtaxe des contrats courts pour une entreprise en forte croissance ayant les caractéristiques simulées dans le tableau 2 ;
  • Offrir une exonération de la surtaxe pour les x premiers emplois créés chaque année (ou depuis la création de l’entreprise, ou à partir de la date du premier emploi créé), quelle que soit leur durée, ce qui a des effets très proches de la mesure ci-dessus mais en limite le champ aux nouveaux emplois, ce qui est moins coûteux ;
  • Offrir à chaque employeur le choix entre le barème dégressif en fonction de la durée du contrat et une taxation uniforme de toute la masse salariale, comme aujourd’hui. Ce taux uniforme devrait être suffisamment élevé pour ne jamais coûter à l’assureur, ce qui aurait l’avantage de faire ressentir à tous les employeurs concernés combien la taxation uniforme actuelle (4%) peut apparaître élevée à l’immense majorité des employeurs qui n’utilisent pas les contrats courts de manière excessive.

L’avantage d’une exonération forfaitaire par entreprise (et non par emploi) est qu’il est inutile de créer un seuil destiné à la plafonner pour les entreprises les plus grosses dont les moyens sont plus élevés et qui ne sont pas exposées à l’effet de taxe à l’embauche.

L’incitation à l’allongement des contrats que constitue une taxe modulée en fonction de leur durée effective ne doit cependant pas être totalement annulée : entre des TPE concurrentes il n’y a aucune raison que l’assurance chômage favorise celles qui minimisent leurs propres risques en recrutant sur des contrats très courts. L’assureur a tout intérêt à « récompenser » les employeurs qui endosse un risque accru en facturant un coût du travail moindre.

Ces aménagements pourraient être financés par la suppression de l’exonération temporaire de cotisation d’assurance chômage ciblée sur les jeunes embauchés en CDI, instaurée en 2013. Cette disposition s’accompagne d’effets d’aubaine particulièrement élevés et, dans la mesure où elle ne s’adresse pas seulement à des jeunes indemnisés, elle relève d’une politique publique, utile dans la mesure où ces emplois s’avèreraient (très) durables, mais qui n’est pas dans la mission première de l’assureur. En revanche trouver les moyens de réduire l’usage disproportionné des contrats courts sans pour autant nuire à la création d’emploi est parfaitement en adéquation avec l’intérêt et avec la mission de l’assureur.

 

 

[1] Il faut toujours avoir à l’esprit que « les assurés » sont à la fois les entreprises (qui sont ainsi couvertes contre l’externalité que représente le coût du chômage qu’elles pourraient engendrer), et les salariés, qui sont couverts contre la perte de leur revenu.

[2] Aux Etats-Unis seules les entreprises paient des cotisations d’assurance chômage ; les salariés n’y cotisent que dans deux Etats.

[3] Ou tout au plus des fluctuations conjoncturelles courtes comme l’indique la durée maximale des droits (6 mois). Le chômage issu de chocs économiques plus importants (conjoncturels ou structurels) est pris en charge par des dispositifs d’extension de droits financés sur crédits budgétaires des Etats ou de l’Etat fédéral.

[4] Prestations servies excédant de manière importante les contributions payées.

[5] Le minimum légal est de 7000 US$ par an.

[6] A la différence des Etats-Unis les salariés français cotisent à l’Unedic, à hauteur de 37,5% de ses ressources.

[7] 8,77 Md€ par an (Unedic, 2016, Dossier de référence de la Négociation).

[8] Cette mesure a été décidée dans le cadre de l’accord interprofessionnel de janvier 2013 et non dans celui d’une renégociation de la convention d’assurance chômage.

[9] Injustifiées non au regard d’un jugement de valeur, mais en raison du fait que ces surcoûts relèvent de choix productifs qui sur des marchés concurrentiels peuvent et doivent être imputés dans les prix de vente (clients) ou les taux de marge (actionnaires) (cf. ci-dessus).

[10] La théorie montre que la présence d’une assurance chômage favorise la croissance économique entre autres parce qu’elle permet à des entreprises nouvelles d’offrir des emplois risqués, que les salariés acceptent d’autant plus volontiers qu’ils sont bien assurés. Voir par exemple Albrecht & Axell (1984) « An equilibrium model of search unemployment », Journal of Political Economy, Vol.92 n°5. Axell & Lang (1990) « The effect of unemployment compensation in a general equilibrium with search unemployment » Scandinavian Journal of Economics, Vol. 92 n°4.

[11] Calcul sur données Unedic (Unedic, 2016, Dossier de référence de la Négociation).




Chômage : ça va (un peu) mieux

Département Analyse et prévision (Equipe France)

Les chiffres du chômage du mois d’avril 2016 publiés par Pôle Emploi font apparaître, après la baisse exceptionnelle enregistrée au mois de mars (–60000), une nouvelle baisse du nombre de demandeurs d’emploi n’exerçant aucune activité (catégorie A) de 19 900 personnes en France métropolitaine[1]. Ces deux mois de baisse consécutifs interviennent après une séquence d’alternance de baisses et de hausses mensuelles depuis le mois d’août 2015. Les statistiques mensuelles des demandeurs d’emplois sont habituellement volatiles, mais il n’en reste pas moins que l’inflexion de la trajectoire est perceptible. En 3 mois cette baisse est de 41 500. Elle se monte à 22 500 sur un an, soit la première baisse observée depuis le mois de septembre 2008, mois de la faillite de la banque Lehman Brothers (cf. graphique).

 

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La baisse importante du nombre de demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an (–11 900 sur trois mois), ainsi que celle du nombre de demandeurs d’emploi de plus de 50 ans (-3 100 sur 3 mois) sont autant de signes positifs de l’amélioration en cours sur le marché du travail. Là encore, de telles baisses n’ont pas été observées depuis 2008 pour ces publics les plus éloignés de l’emploi.

Ces évolutions sont la suite logique de l’accélération de la croissance de l’économie française observée depuis l’année 2015 (+1,2% en moyenne annuelle en 2015) et de la montée en puissance des politiques de baisse du coût du travail (CICE et Pacte de responsabilité et prime à l’embauche). Cette année-là a ainsi vu une accélération des créations d’emplois totales tirée par le secteur marchand (+122 000), avec en parallèle un moindre dynamisme des créations d’emplois aidés dans le secteur non-marchand. De fait, contrairement aux années précédentes, les créations d’emplois ne sont plus soutenues par les contrats aidés dans le secteur non-marchand.

Perspectives : la baisse devrait s’amplifier

Cette dynamique positive devrait se poursuivre en 2016 et 2017, années pour lesquelles nous prévoyons une croissance de 1,6% de l’activité. Ce retour de la croissance permettrait une accélération des créations d’emplois dans le secteur marchand (177 000 en 2016 et 134 000 en 2017 en glissement annuel). De plus, la montée en charge du plan de formations[2] dans les prochains mois devrait renforcer la baisse du chômage observée depuis la fin de l’année 2015 [3]. Ainsi, le taux de chômage au sens du BIT devrait baisser de 0,5 point en deux ans, pour atteindre 9,5% de la population active fin 2017 et la baisse des inscrits en catégorie A devrait se poursuivre.

Ce rythme d’amélioration restera toutefois insuffisant pour effacer rapidement les stigmates de la crise. Rappelons qu’en 2008, le taux de chômage au sens du BIT s’élevait en France métropolitaine à 7,1%. Au rythme actuel, Il faudrait encore une dizaine d’années pour retrouver le niveau de chômage d’avant-crise.

 

[1] Cette baisse est toutefois marquée par une hausse anormale des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation (+50 700 par rapport à la moyenne observée sur les trois premiers mois de l’année), qui semblerait concerner principalement les demandeurs d’emploi inscrits en catégories B et C. Cela n’invaliderait donc pas la baisse observée des inscrits en catégorie A.

[2] Le gouvernement a annoncé 500 000 formations supplémentaires pour 2016 dans le cadre du Plan d’urgence pour l’emploi

[3] La hausse du nombre de demandeurs d’emploi en formation devrait se traduire par un transfert essentiellement des demandeurs d’emploi de la catégorie A (demandeurs d’emploi tenus de rechercher un emploi, sans emploi) vers la catégorie D (demandeurs d’emploi non tenus de rechercher un emploi (en raison d’une formation, d’une maladie…) y compris les demandeurs d’emploi en contrat de sécurisation professionnelle (CSP), sans emploi).