François Hollande a-t-il gagné son pari sur le chômage ?

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Par le Département analyse et prévision (équipe France)

Les chiffres du chômage du mois d’octobre 2016, publiés par Pôle emploi, font apparaître une poursuite de la baisse du nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) en catégorie A ( –11 700 personnes en France métropolitaine après –66 300 en septembre). Sur un an, la baisse des DEFM s’établit à 101 300, évolution qui porte le nombre d’inscrits à Pôle emploi en catégorie A à son plus bas niveau depuis novembre 2014. Si l’on ajoute aux inscrits en catégorie A ceux ayant réalisé une activité réduite au cours du mois (catégories B et C), la baisse mensuelle est encore plus importante (–19 400 personnes), ce qui laisse augurer une évolution positive de l’emploi en octobre.

Le point négatif du chiffre du mois d’octobre est que la baisse observée n’arrive pas à bénéficier aux chômeurs de longue durée. Au final, la baisse du chiffre de Pôle emploi s’explique essentiellement par les DEMF inscrits depuis moins de 6 mois (–33 800).

Les évolutions mensuelles du chiffre des DEFM sont très volatiles et doivent être prises avec prudence et analysées sur des périodes relativement longues. Par conséquent, à l’approche de la fin du quinquennat de François Hollande et de l’annonce de sa possible candidature à la présidentielle 2017, que peut-on dire de l’évolution de la courbe du chômage : l’inversion a-t-elle eu lieu ? Si oui à quel moment ? De quelle courbe parle-t-on ?

Les chiffres du chômage ont pour origine deux sources, l’une statistique issue de l’Enquête emploi trimestrielle de l’Insee, l’autre administrative issue des fichiers de Pôle emploi et publiée mensuellement (cf. encadré). Ces sources indiquent que le chômage a augmenté entre le deuxième  trimestre 2012 et le troisième trimestre 2016 (dernier trimestre connu) de +145 000 au sens du BIT, de +598 000[1] pour les demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) inscrits en catégorie A à Pôle emploi (moyennes trimestrielles, cf. graphique) et de +1 121 000 pour les DEFM en catégorie A, B et C.

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En revanche, après avoir augmenté de manière quasi continue entre 2012 et 2015, le chômage a commencé à baisser depuis le second semestre 2015. Le chômage au sens du BIT a ainsi baissé de 118 000 personnes depuis le troisième trimestre 2015. Et les chiffres de Pôle emploi indiquent pour leur part un point haut au dernière trimestre 2015, et depuis une baisse du nombre de DEFM A de 59 000 personnes. Seules les statistiques des inscrits à Pole emploi en catégorie A, B et C sont très défavorables et n’indiquent aucun retournement sur la base des évolutions trimestrielles.

Si la date de retournement est proche entre les deux mesures du chômage – T3 2015 pour l’Insee contre T4 2015 pour Pôle emploi en catégorie A – il n’en est pas de même lorsqu’on considère les statistiques par sexe ou catégorie d’âge. Le point haut du chômage au sens du BIT a ainsi été atteint plus rapidement pour les moins de 25 ans et les femmes, respectivement au T4 2012 et au T2 2013. Le point haut pour les DEFM inscrits en catégorie A et âgés de moins de 25 ans est également atteint plus précocement, au deuxième trimestre 2013. En revanche, le point haut des femmes inscrites en catégorie A à Pole emploi a été atteint beaucoup plus tardivement (quatrième trimestre 2015).

Les hommes ont été plus touchés que les femmes par la hausse du chômage depuis le deuxième trimestre 2012, surtout selon les statistiques de Pôle emploi  (pour les hommes : +335 000 selon Pole emploi et +75 000 selon BIT et pour les femmes : +263 000 selon Pole emploi et +71 000 selon BIT (cf. tableau 1). Par contre, les hommes ont aussi davantage profité de l’inversion de la courbe : le nombre d’hommes au chômage au sens du BIT a ainsi baissé de 150 000 personnes entre le troisième trimestre 2015 et le troisième trimestre 2016, tandis que le nombre de femmes au chômage au sens du BIT n’a diminué que de 3 000 personnes depuis le point haut enregistré au deuxième trimestre 2013.

Concernant les personnes âgées de moins de 25 ans, l’inversion relativement rapide de la courbe n’a pas totalement permis de réduire le nombre de chômeurs depuis le deuxième trimestre 2012 (+46 000 personnes au sens du BIT, + 5 000 DEFM A, +59 000 DEFM A,B,C), excepté si l’on prend en compte l’évolution des jeunes demandeurs d’emploi inscrits en cat. A entre mai 2012 et octobre 2016 (–17 500 personnes).

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Si l’on analyse uniquement les évolutions fournies par le BIT, il est intéressant de voir que le diagnostic peut être modifié selon que l’on se focalise uniquement sur le chômage au sens strict ou que l’on étende l’analyse au halo du chômage (c’est-à-dire les personnes inactives souhaitant travailler) et au sous-emploi (c’est-à-dire les personnes en temps partiel subi). En effet, si l’on intègre le halo du chômage aux statistiques du chômage, l’augmentation depuis le deuxième trimestre 2012 s’établit à +337 000 (cf. tableau 2) et le point haut a été atteint au deuxième trimestre 2015 avec une baisse modérée depuis (–26 000). Et si à cela on ajoute les chiffres du sous-emploi, cette mesure nous indique une hausse de +390 000 depuis le deuxième trimestre 2012 avec un point haut atteint le troisième trimestre 2015 et une baisse de 136 000 depuis.

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Au final, si on constate bien une inversion, celle-ci est donc tardive, et n’efface pas la forte hausse du chômage enregistrée depuis le début du quinquennat. Seule la progression du chômage des jeunes en DEFM A a été contenue, notamment grâce aux dispositifs d’emplois aidés déployés par le gouvernement depuis le début du quinquennat (emplois d’avenir, contrats uniques d’insertion, …) et largement ciblés sur les jeunes chômeurs. Sans ces dispositifs, la progression du chômage des jeunes aurait d’ailleurs été bien plus marquée.

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Des écarts de mesure qui s’expliquent

La mesure de l’évolution du chômage au sens du BIT diffère de celle mesurée par Pôle emploi. Outre leurs différences méthodologiques (Enquête Emploi pour le BIT et source administrative pour Pôle emploi), les deux sources statistiques diffèrent par leur définition du chômage. Pour être comptabilisé comme chômeur au sens du BIT, il faut remplir trois conditions : être sans emploi, disponible pour en occuper un et effectuer une recherche active d’emploi. La seule inscription à Pôle emploi n’est cependant pas suffisante pour remplir cette dernière condition puisque les inscrits en catégorie A à Pôle emploi qui n’ont pas effectué de recherche active ne sont pas comptabilisés comme chômeurs au sens du BIT. Le critère du BIT est donc plus restrictif. Historiquement, le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi est aussi plus élevé que celui calculé au sens du BIT pour les personnes âgées de 25 ans et plus[2].

Par ailleurs, les chiffres publiés par Pôle emploi sont soumis à des aléas propres à la pratique administrative. Ces aléas ne sont pas nécessairement corrélés avec les évolutions sous-jacentes de l’emploi et du chômage. Par exemple, les évolutions récentes reflètent en partie la modification des règles d’actualisation d’inscription décidée au mois de janvier 2016.

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[1] De mai 2012 à octobre 2016, le nombre de DEFM a augmenté de 555 000 en catégorie A et de 1 102 000 en catégories A, B et C.

[2] Les moins de 25 ans ont un intérêt moindre à s’inscrire à Pôle emploi car pour ouvrir un droit à indemnisation au titre du chômage et percevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi, il faut justifier de 122 jours d’affiliation ou de 610 heures de travail au cours des 28 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (36 mois pour les 50 ans et plus).

1 Comment

  1. Dans votre analyse, vous pointez un aléa sur les données de Pôle Emploi en référence à leur caractère administratif. En particulier, vous renvoyez à votre focus sur le changement des règles d’actualisation et l’impact des jours ouvrés. Or les données portant sur le mois de novembre 2016 invalident plutôt votre analyse, Mais si la correction des données pour jours ouvrables présente forcément une marge d’incertitude, c’est aussi le cas de la correction des variations saisonnières. Parmi ce qui rend nécessaire une telle correction, il y a notamment le recours aux emplois saisonniers (dans le tourisme ou l’agriculture en particulier). Pour simplifier, la correction des variations saisonnières est effectuée en supposant un recours moyen à ces emplois. Ces données CVS auront donc une marge d’incertitude selon que ce recours est plus faible ou plus tardif qu’à l’accoutumée (par exemple en présence d’aléas météorologiques).
    Cet aléa n’est donc pas lié au caractère administratif des données et affecte aussi les séries de chômage au sens du BIT. S’il apparaît de façon moins prononcée sur ces dernières, c’est essentiellement en raison de leur moindre fréquence.

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