Fin de partie pour les contrats aidés

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par Bruno Ducoudré

L’été 2017 a été marqué, sur le plan des politiques de l’emploi, par un changement de stratégie majeur du nouveau gouvernement par rapport au précédent quinquennat. La nouvelle politique de l’emploi donne désormais la priorité à la formation et à l’accompagnement des jeunes NEET (Not in Education, Employment or Training – ni en étude, emploi, ou stage) et des chômeurs les plus éloignés du marché du travail, et délaisse les contrats aidés comme outil de traitement du chômage. Cette nouvelle stratégie s’est opérée en deux temps. Premièrement le gouvernement a annoncé cet été qu’il n’y aurait pas de rallonge pour les contrats aidés au deuxième semestre et que le nombre de contrats prévus pour 2018 serait en forte baisse par rapport aux années précédentes. Puis le Plan Investissement Compétences (PIC), prévoyant notamment 15 milliards d’euros dédiés à la formation professionnelle sur cinq ans, a été présenté à la presse le 25 septembre. Dans ce billet, nous précisons quel devrait être l’effet de la baisse des contrats aidés sur l’emploi à partir du deuxième semestre 2017, effet pris en compte dans le dernier exercice de prévision de l’Ofce d’octobre 2017 pour 2017-2019.

La baisse programmée des contrats aidés

Le quinquennat précédent a été marqué par une progression des contrats aidés, avec notamment la création des Emplois d’avenir et l’allongement de la durée des Contrats uniques d’insertion – Contrats d’accompagnement dans l’emploi (CUI-CAE) (graphique 1). Ainsi, en 2013-2014, face à la dégradation du marché du travail, 380 000 contrats aidés dans le secteur non-marchand avaient été signés en moyenne chaque année (360 000 en moyenne sur 2012-2016). La montée en charge des emplois d’avenir, dont la durée moyenne était de 2 ans, ainsi que l’allongement de la durée des CUI-CAE avec pour objectif une durée moyenne des contrats de 10,5 mois contre 7 mois en 2012, avaient permis une forte progression du stock d‘emplois en contrat aidé. Le pic des contrats aidés a été atteint au deuxième trimestre 2016, que l’on considère les contrats aidés dans le non-marchand seuls (307 000 en stock) ou que l’on inclut l’Insertion par l’activité économique (IAE) et les contrats aidés du secteur marchand (540 000 en stock). Par la suite, le nombre d’emplois en contrat aidé a légèrement diminué, avec la baisse entamée du stock des Emplois d’avenir pour le secteur non-marchand et des Contrats uniques d’insertion – Contrats initiative emploi (CUI-CIE) dans le secteur marchand. Au deuxième trimestre 2017, on comptait 476 000 contrats aidés en France métropolitaine, dont 292 000 dans le secteur non-marchand, 135 000 dans l’IAE et 49 000 dans le secteur marchand.

L’été 2017 a marqué une rupture brutale avec les années précédentes. Alors que 280 000 contrats aidés ont été votés dans la Loi de finances 2018, une partie importante de l’enveloppe annuelle a été consommée sur le premier semestre. Une rallonge conséquente (généralement votée en Loi de finances rectificative) aurait donc été nécessaire pour stabiliser le stock de contrats aidés atteint à la fin juin 2017. Le gouvernement en a décidé autrement avec une rallonge de 30 000 contrats aidés, ciblés uniquement sur le secteur non-marchand, actant ainsi une baisse rapide du stock de contrats aidés dans ce secteur (-50 000 contrats aidés en stock prévus au second semestre 2017) et la fin des entrées en contrats aidés dans le secteur marchand.

Graphe_post12-12Cette forte baisse des contrats aidés se prolongera en 2018. Cela se traduit dans le Projet de loi de finance (PLF) pour 2018 par 200 000 contrats aidés prévus exclusivement dans le secteur non-marchand sous la forme de CUI-CAE dont la durée serait de 10,2 mois en moyenne, avec un taux de prise en charge par l’État qui baisserait à 50% contre environ 70% en 2017 (Tableau 1). Les Emplois d’avenir marchands et non-marchands disparaîtront ainsi que les CUI-CIE. Pour 2019, nous avons fait l’hypothèse de maintien du stock de CUI-CAE à son niveau prévu fin 2018. Par ailleurs, et à contre-courant de la baisse prévue sur les autres types de contrats aidés, les dispositifs d’insertion par l’activité économique bénéficieraient d’une rallonge de 10 000 contrats en 2018, que nous avons maintenue pour 2019.

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Des effets négatifs à court terme sur l’emploi

Compte tenu de ces éléments, le stock de contrats aidés baisserait fortement entre la fin 2017 et la fin 2019 (cf. graphique 1 et Tableau 1 : –86 000 contrats aidés non-marchands, –123 000 contrats aidés y compris secteur marchand et IAE). L’effet cumulé sur 2017-2019 de la baisse du stock de contrats aidés conduirait à réduire le nombre d’emplois de 86 000. Cet effet négatif s’explique principalement par le faible effet d’aubaine des contrats aidés non-marchands contrairement au secteur marchand (0,3 retenu pour les CUI-CAE, 0,4 pour les Emplois d’avenir, 0,84 pour les CUI-CIE et 0,75 pour les Emplois d’avenir du secteur marchand)[1].

Concernant l’alternance, en attendant la réforme à venir, le gouvernement a fixé pour 2018 un objectif de hausse de 2% du nombre d’entrées en apprentissage et nous avons retenu une hypothèse de stabilisation du stock de contrats de professionnalisation en prévision. L’effet sur l’emploi serait négligeable en prévision (+2 000 emplois cumulés entre 2017 et 2019).

Les autres dispositifs d’emplois aidés voient la fin de l’exonération de cotisation chômage sur les embauches de jeunes en CDI à compter du 1er octobre 2017 (entrée en vigueur de la nouvelle convention d’assurance chômage de l’Unedic) ainsi que la suppression du contrat de génération dès 2018. L’aide aux chômeurs créateurs d’entreprise serait en revanche étendue progressivement à partir de 2019[2]. Nous avons inscrit 200 000 bénéficiaires supplémentaires en 2019. Enfin, nous avons stabilisé en prévision les bénéficiaires de l’accompagnement des restructurations, ainsi que les dispositifs ciblés sur les territoires. Ces derniers devraient être toutefois rediscutés en 2019 avec l’allègement supplémentaire de cotisations sociales au niveau du SMIC[3]. Au total, les politiques de l’emploi, via les contrats aidés et les autres dispositifs d’emplois aidés, contribueraient négativement à l’évolution de l’emploi total pour –98 000 emplois sur la période 2017-2019. Ce chiffrage indiqué dans le tableau 1 ne tient toutefois pas compte d’un possible effet de l’extension de l’Accre (Aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise) sur l’emploi[4], ni de l’effet positif attendu du Plan d’investissement compétences sur l’amélioration de l’employabilité des jeunes et des chômeurs de longue durée : compte tenu de la montée en charge des formations et de la Garantie jeunes, et de l’effet attendu sur le retour à l’emploi de ces dispositifs[5], le Plan d’investissement compétences pourrait contribuer positivement à l’emploi en 2018-2019 (+54 000 emplois).

La nouvelle orientation des politiques de l’emploi devrait donc avoir un effet négatif à court terme sur l’emploi total, l’effet négatif de la forte baisse des contrats aidés entre le deuxième semestre 2017 et la fin d’année 2018 n’étant que partiellement compensé par la montée en charge progressive de Plan d’investissement compétences.

 

[1] Pour plus de détails, voir « Les contrats aidés : quels objectifs, quel bilan ? », Dares Analyses, n° 21, mars 2017.

[2] Suivant le PLF 2018, l’exonération de cotisations sociales « Aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise » (ACCRE) sera étendue dès 2019 à l’ensemble des travailleurs indépendants qui créent ou reprennent une activité, pour un coût de 200 millions d’euros » et pourrait bénéficier à terme à 350 000 créateurs ou repreneurs d’entreprise supplémentaires.

[3] Les allègements supplémentaires rendraient ces dispositifs non incitatifs.

[4] Cet effet pourrait toutefois être négligeable. Cf. Redor, D., « L’aide à la création d’entreprises a-t-elle un impact sur leur survie ? Une évaluation pour quatre cohortes d’entreprises créées par des chômeurs en France », Économie et Statistique, n° 493, 2017.

[5] L’effet de la formation sur l’emploi est calculé en appliquant une élasticité de retour à l’emploi de 0,07 sur le différentiel d’entrées en formation par rapport aux entrées constatées en 2015 (660 000 entrées). Cf. Card, D., Kluve, J., & Weber, A. (2017), « What works? A meta analysis of recent active labor market program evaluations », Journal of the European Economic Association, jvx028. L’effet de la Garantie jeunes sur l’emploi est calculé en retenant un impact de 9 % sur le taux d’emploi durable (CDI et CDD de 6 mois et plus hors emplois aidés) sur le nombre de jeunes entrant dans le dispositif chaque année. Cf. Tableau 2.2, p. 22 dans Dares, 2016 : « Premiers résultats d’évaluation statistique de l’impact de la Garantie jeunes – Annexe 5 », novembre.

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