Les Allemandes travaillent moins que les Françaises

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par Hélène Périvier et Gregory Verdugo

Vues depuis le taux d’emploi, les femmes françaises travaillent moins que les femmes allemandes : en 2017 le taux d’emploi des femmes âgées de 15 à 64 ans était de 67,2% en France contre 75,2% en Allemagne. Mais cet indicateur couramment utilisé ignore que les femmes allemandes mobilisent plus le temps partiel que les françaises pour articuler leurs temps. Ceci tient au fait que le sous-emploi et la régulation du marché du travail diffèrent dans les deux pays, avec en particulier une offre abondante de mini jobs à temps partiel en Allemagne qui affecte davantage les femmes que les hommes. Par ailleurs, les différences en termes de politiques d’articulation vie familiale-vie professionnelle dans les deux pays permettent une prise en charge de la petite enfance plus étendue en France qu’en Allemagne et induisent un recours au temps partiel par les Allemandes.

Pour comparer la situation de l’emploi des femmes en France et en Allemagne, nous utilisons des indicateurs qui prennent en compte le temps de travail, que nous calculons par âge pour illustrer une perspective de cycle de vie[1]. Les résultats confirment que les Allemandes travaillent davantage à temps partiel que leurs homologues françaises et ceci est particulièrement marqué aux âges de la maternité. Ces différences de temps de travail des femmes expliquent que les écarts de salaires hommes/femmes soient plus élevés en Allemagne qu’en France.

Taux d’emploi et taux d’emploi en équivalent temps plein par âge

Comparer les taux d’emploi et taux d’emploi en équivalent temps plein au cours du cycle de vie met en évidence les différences importantes entre les deux pays en ce qui concerne la baisse du temps de travail des femmes aux âges pendant lesquels la contrainte familiale est la plus forte entre 30 et 40 ans. Les graphiques 1a et 1b montrent les taux d’emploi et taux d’emploi en équivalent temps plein par âge pour les femmes en 2010, date à laquelle les pays européens devaient avoir atteint un taux d’emploi des femmes de 60% selon la Stratégie européenne de l’emploi (SEE). Les graphiques 2a et 2b montrent ces mêmes indicateurs pour les hommes.

Si l’on se restreint aux taux d’emploi, les modèles semblent similaires dans les deux pays : l’évolution des taux d’emploi sur le cycle de vie pour les femmes est assez proche, il en est de même pour les hommes (à l’exception des âges d’entrée et de sortie dans la vie active qui diffèrent pour les deux sexes entre les deux pays). En Allemagne comme en France, le taux d’emploi des femmes est élevé mais l’écart avec celui des hommes augmente entre 30 et 40 ans (courbes en trait plein).

Dès lors que l’on tient compte du temps partiel, il apparaît que la division sexuée du travail est beaucoup plus marquée en Allemagne comparée à la France (courbes en pointillés) [2].

À tous les âges, le taux d’emploi en équivalent temps plein des femmes est plus faible en Allemagne qu’en France (alors que pour les hommes il est proche du taux d’emploi et ceci pour les deux pays). À partir de 30 ans, le taux d’emploi en équivalent temps plein des femmes passe sous la barre des 60% en Allemagne alors qu’en France il est supérieur à 65%. Les Allemandes ajustent donc d’avantage leur temps de travail au moment où les contraintes familiales sont fortes. Pour les hommes, les taux d’emploi en équivalent temps plein sont proches des taux d’emploi à tous les âges dans les deux pays.

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Graphes2a-2b_post04-02Écart de salaire global : le poids du temps de travail

Le recours massif au temps partiel par les femmes en Allemagne relativement à la France explique une part importante des écarts de salaires qui y sont plus élevés. L’indicateur global d’écart de salaire calculé par Eurostat[3] montre que l’écart de salaire global est beaucoup élevé en Allemagne (45% contre 31% en France), et que ceci est principalement dû aux écarts de temps de travail. En moyenne les Allemandes travaillent 122 heures par mois contre 144 pour les Françaises ; le taux de salaire horaire moyen étant comparable (tableau)

Tabe_post04-02-2019Ainsi les politiques visant l’égalité professionnelle ne peuvent pas laisser de côté la question du temps de travail et de la qualité des emplois occupés par les femmes. Il semble que de ce point de vue la France soit meilleure élève que l’Allemagne, même si beaucoup reste à faire en la matière.

 

 

[1] Ce post de blog est tiré de : « La stratégie de l’Union européenne pour promouvoir l’égalité professionnelle est-elle efficace ? », Périvier H. et G. Verdugo, Revue de l’OFCE, n°158, 2018.

[2] Les taux d’emploi en équivalent temps plein ont été calculés à partir des Enquêtes sur les forces de travail européennes. Chaque emploi est pondéré par le nombre d’heures travaillées. Un emploi à temps plein est défini comme un emploi dont le nombre d’heures travaillées est supérieur ou égal à 35. Si le nombre d’heures est compris entre 25 et 34, nous assignons un poids de 75% d’un emploi à temps plein, un poids de 50% si le nombre d’heures est compris entre 15 et 24, et un poids de 25% si le nombre d’heures est inférieur à 14 heures de travail.

[3] L’ERG calculé par Eurostat correspond à l’écart de rémunération moyen pour l’ensemble de la population.

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