La politique monétaire de la BCE a-t-elle influencé les prix immobiliers ?

Par Paul Hubert et Pierre Madec

 

Quel a été l’impact de la politique monétaire résolument expansionniste de la BCE depuis le début de la crise sur les prix immobiliers ? Si certaines caractéristiques socio-démographiques restent prédominantes dans la décision d’achat, la solvabilité des ménages demeure l’un des principaux facteurs explicatifs de l’achat immobilier. En menant une politique de taux d’intérêts très bas, la politique monétaire a contribué à réduire les contraintes de financement, favorisant ainsi les décisions d’achats immobiliers. Pour répondre en partie à cette question, nous nous focalisons sur les prix de l’immobilier parisien, marché pour lequel nous disposons de données fines sur les prix ce qui n’est pas le cas pour l’ensemble des villes de France, échelle à laquelle il conviendrait idéalement de mener cette étude. La ville de Paris, avec ses arrondissements très marqués sociologiquement et économiquement fournit un cadre d’étude intéressant.

L’analyse des évolutions des prix immobiliers par arrondissement (Graphique 1) montre une dynamique commune sur le long terme, avec notamment un creux en 2008-2009, mais aussi l’existence d’hétérogénéités importantes, certains arrondissements ayant vu leurs prix être multipliés par 3 entre 1998 et 2016 (16ème arrondissement) contre 5 (10ème et 15ème arrondissements).

Gra_1_post_PH_PM

Il en est de même quant à la distribution des revenus des ménages par arrondissement (Graphique 2). On note une forte hétérogénéité entre les arrondissements. Les ménages du croissant est de Paris (10, 11, 12, 13, 18, 19 et 20ème) ont des revenus plus faibles que ceux des arrondissements du centre et de l’ouest.

Gra_2_post_PH_PM

Sous l’hypothèse, probable, qu’il existe un lien entre les revenus et la solvabilité des ménages, les arrondissements plus pauvres de l’est et du nord de Paris (18, 19 et 20ème) seraient les arrondissements pour lesquels la contrainte financière des ménages est la plus importante. L’intuition voudrait donc que l’effet de la politique monétaire, c’est-à-dire des variations de conditions de financement, y soit le plus fort.

Afin d’isoler cet effet différencié de la politique monétaire sur les prix immobiliers dans les 20 arrondissements de Paris, nous estimons un modèle[1], pour chaque arrondissement, comprenant les prix immobiliers au mètre carré, le PIB, le pouvoir d’achat du Revenu Disponible Brut (RDB) ajusté des ménages, l’inflation, la masse monétaire, le crédit aux ménages et SNF, les taux souverains à 10 ans et l’EURIBOR. A l’exception des prix, l’ensemble de ces données sont des données agrégées au niveau national puisqu’il n’existe à l’heure actuelle pas de données équivalentes à un niveau local fin, tout du moins permettant d’analyser les évolutions de ces grandeurs.

Le graphique 3 montre la réponse des prix immobiliers à une décision de politique monétaire restrictive (une hausse des taux de 22 points de base) au cours des 12 trimestres suivant la décision. Sur les 20 arrondissements parisiens, seuls les 12ème, 14ème, 15ème, 18ème, 19ème et 20ème arrondissements ont vu leurs prix réagir négativement et significativement à un choc restrictif de politique monétaire. Cette méthode d’estimation étant linéaire, ces résultats suggèrent qu’une partie de la hausse des prix immobiliers dans les arrondissements où les ménages sont les plus contraints financièrement est bien dû au caractère expansionniste de la politique de la BCE et au relâchement des conditions monétaires[2]. Dans les autres arrondissements, les décisions de la BCE n’ont semble-t-il pas eu d’effets significatifs sur l’évolution des prix immobiliers signe d’une relative déconnexion au sein de ces arrondissements entre conditions de financement et décision d’achat.

Apporter une réponse définitive à la question du rôle des chocs de politique monétaire sur les prix immobiliers demanderait la mobilisation de données à un niveau territorial fin : celui des communes. Compte tenu du manque de données à disposition, cette analyse exhaustive est actuellement impossible. Les résultats obtenus à partir de l’analyse des prix immobiliers parisien nous laissent tout de même penser que la politique monétaire expansionniste de la BCE a joué un rôle significatif sur l’évolution des prix immobiliers dans les territoires où la contrainte budgétaire des ménages est la plus forte.Graphique3_post_PM_PH_juillet2017

[1] Le modèle utilisé est un modèle vectoriel autorégressif (VAR) structurel. Ce modèle est estimé avec 2 retards sur la période 1998T3-2017T1. Ces retards permettent en outre de capter la tendance de plus long-terme dans l’évolution des prix immobiliers.

[2] Notre modèle ne comprend pas de variable mesurant stricto sensu les contraintes financières dans chaque arrondissement car il n’existe pas de séries temporelles de cette sorte. Notre analyse attribue l’effet du choc monétaire sur les prix immobiliers à ces contraintes financières en l’absence d’une caractéristique alternative liée à la politique monétaire et qui expliquerait l’hétérogénéité des réponses des prix immobiliers.




« Emplois francs » : que faut-il en attendre ?

par Paul Bauchet et Pierre Madec

Dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron figurait une mesure visant à baisser le coût du travail pour les entreprises embauchant, en CDI ou en CDD, un habitant des quartiers dits prioritaires : « Lorsqu’une entreprise, où qu’elle soit située, embauchera un habitant des quartiers prioritaires de la politique de la ville en CDI, elle bénéficiera d’une prime de 15 000 euros, étalée sur les trois premières années : ce sera comme si elle ne payait plus de charges. En CDD, la prime sera de 5 000 euros sur les deux premières années ». L’objectif affiché de la mesure est de 150 000 contrats signés pour un budget prévu de 1 milliard d’euros par an.

Bien que les contours de la mesure ne soient pas tout à fait identiques, le dispositif « d’emplois francs » a pour la première fois été mis en place sous le mandat de François Hollande. Le diagnostic posé sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville est en effet ancien. Avec une population plus pauvre, plus jeune, moins diplômée et plus enclavée, ces quartiers sont davantage exposés au chômage. Avant la réforme du zonage de la politique de la ville menée en 2014, les quartiers prioritaires, alors nommés Zones Urbaines Sensibles (ZUS), enregistraient un taux de chômage deux fois et demi supérieur au taux national et un taux de pauvreté trois fois supérieur (ONZUS, 2014). Malgré leur population plus jeune, le chômage de longue durée y était sur-représenté (+9,4 points de pourcentage de plus que la moyenne nationale hors ZUS)) (graphique 1).

graph 1

Si ces quartiers bénéficient, depuis leur entrée dans le zonage prioritaire, des crédits de la politique de la ville, les « emplois francs » mis en place par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ont constitué l’une des premières politiques d’emploi visant à discriminer positivement les habitants de ces quartiers.

« Emplois francs » : une expérience peu concluante

Le dispositif, mis en place en 2013, expérimental et initialement prévu pour une durée de 3 ans, consistait au versement en deux fois d’une aide financière d’un montant de 5 000 euros versé (2 500 € à la fin de la période d’essai et 2 500 € après 10 mois de CDI)[1]. Cette aide devait être distribuée à toute entreprise embauchant, en CDI, un « jeune » (entre 15 et 30 ans), résidant en ZUS depuis plus de 6 mois et cumulant plus de 12 mois de chômage au cours des 18 derniers mois. L’objectif affiché était la signature de 2 000 contrats en 2013[2] et de 10 000 sur les 3 ans, mais ce dernier n’a pas été atteint. En octobre 2014, date de fin prématurée du dispositif, seul 280 contrats avaient été signés.

L’une des explications est à chercher dans les caractéristiques d’une population-cible très restreinte. Selon l’enquête Emploi en continu de l’INSEE, au quatrième trimestre de 2014, 38 000 jeunes étaient éligibles au dispositif sur les 366 000 chômeurs des ZUS. Si ce recensement ne rend compte que du nombre d’éligibles au moment de l’enquête, c’est-à-dire au quatrième trimestre 2014, et non de l’ensemble des personnes potentiellement en position d’éligibilité au cours de l’année, il informe sur le caractère extrêmement restreint de la population ciblée. D’autre part, le dispositif « Emplois francs », tel que proposé par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, s’est avéré être en concurrence avec de nombreux dispositifs d’emplois aidés, non spécifiquement ciblés sur la géographie prioritaire mais plus avantageux et non cumulables entre eux (tableau).

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Les nouveaux « Emplois francs » : que faut-il en attendre ?

Exception faite de leur ciblage sur les quartiers prioritaires, les nouveaux « Emplois francs » proposés par Emmanuel Macron s’écartent du dispositif précédent. Le champ de l’aide s’étendrait à l’ensemble de la population de ces quartiers faisant passer la population éligible de 38 000 à 467 000 chômeurs selon l’EEC de l’INSEE de 2015, soit une population-cible multipliée par 12. La critique portée quant au nombre très (trop) restreint de demandeurs d’emploi éligibles semble donc dans cette nouvelle mouture écartée puisque ce dispositif devrait concerner l’ensemble des demandeurs d’emploi des quartiers prioritaires et non plus les jeunes demandeurs d’emploi de longue durée. Il en est d’ailleurs de même concernant celle portant sur l’existence d’une trop forte concurrence entre les différents dispositifs d’aide puisqu’il existe à l’heure actuelle un certain flou quant à la persistance des autres dispositifs d’emplois aidés, bien que la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, se soit prononcée en faveur d’une continuité « dans la politique de gestion des emplois aidés ».

Concernant la territorialisation de cette politique, les quartiers visés diffèrent légèrement de ceux émanant de la géographie des ZUS. En effet, la réforme du zonage de la politique de la ville intervenue début 2014 a visé à clarifier la multitude de critères d’éligibilité au zonage prioritaire. En lieu et place, la Loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 s’est fixée pour objectif de mieux identifier les quartiers les plus en difficulté à travers la mise en place d’un zonage plus simple et plus objectif reposant sur un critère unique : le revenu médian des habitants. Selon l’Insee, cet indicateur résume bien les différentes dimensions urbaines, démographiques et sociales de l’ancienne géographie de la politique de la ville. Autrement dit, l’ensemble des caractéristiques utilisées pour construire l’ancienne géographie sont captées par ce nouvel indicateur, ce qui expliquerait la relative stabilité entre l’ancienne et la nouvelle géographie. Néanmoins, ces nouveaux quartiers de la politique de ville concentrent en leur sein des ménages en plus grande difficulté que les anciennes ZUS (Madec et Rifflart, 2015). Les demandeurs d’emploi y sont ainsi plus nombreux et, semble-t-il, encore plus éloignés du marché du travail (graphique 2).

Il est enfin à noter que contrairement au dispositif précédent qui visait à sortir du chômage les jeunes les plus éloignés du marché du travail, les détails programmatiques des « emplois francs » d’Emmanuel Macron sont à chercher dans le volet « Compétitivité » du programme présidentiel au sein de l’objectif « Un travail moins cher pour l’employeur ». Si le périmètre territorial de ce nouveau type de contrat est donc proche de celui utilisé en 2013, le constat opéré par les équipes du nouveau chef de l’Etat semble, lui, différer de celui avancé par François Hollande. Ce n’est ainsi plus tant la discrimination territoriale dont seraient victimes les habitants des quartiers prioritaires qui serait visée mais le caractère moins « productif » de cette population qui nécessiterait une forte baisse du coût du travail : 15 000 euros sur 3 ans pour la signature d’un CDI et 5 000 euros sur 2 ans pour la signature d’un CDD, soit une baisse équivalente, selon les équipes du candidat, à une suppression complète des cotisations patronales. Dans les faits, le montant d’aide devrait dépasser le montant total de cotisations patronales au niveau du SMIC qui s’établit à l’heure actuelle à environ 2 000 euros par an et par salarié.

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Les difficultés mentionnées (voir supra) dues aux spécificités de la population-cible des « emplois francs » semblent demeurer dans cette nouvelle version. De plus, si la réforme de la géographie prioritaire a permis de relativement bien homogénéiser les caractéristiques socio-économiques des quartiers de la politique de ville, des hétérogénéités importantes persistent tant en termes de dynamisme de l’emploi au sein des quartiers qu’en termes d’écart relatif aux zones d’emploi qui les englobent. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, la part des demandeurs d’emploi de catégorie A dans la population âgée de 16 à 60 ans[3] varie de 7,8 % à 54,5 %. De même, la part des emplois « précaires » (contrat d’apprentissage, intérim, Emplois-jeunes, CES, contrats de qualification, stagiaires rémunérés, autres CDD) varie elle de 8,5 % à 48,3 %.

Si ces écarts peuvent s’expliquer en partie par les disparités importantes de dynamisme de l’emploi entre les zones d’emploi, l’analyse, une fois contrôlée de l’appartenance à une zone d’emploi, apporte des conclusions similaires. Au sein d’une même zone d’emploi, les parts de demandeurs d’emploi varient, selon les quartiers prioritaires, de 14,9 % à 31,2 %. La part d’emplois précaires dans les quartiers prioritaires peut, elle, osciller entre 11,3 % et 36,1 %. Ainsi, à zone d’emploi donnée, il existe une grande hétérogénéité dans les caractéristiques des quartiers prioritaires[4].

Ne sont illustrées ici que les données relatives à la part des demandeurs d’emplois inscrits en catégorie A (graphique 3) et la part des emplois « précaires » dans l’emploi total (graphique 4) comparativement au taux de chômage de la zone d’emploi des quartiers, c’est-à-dire à zone d’emploi donnée. Malgré tout, l’ensemble des données permettant de comparer les quartiers prioritaires à la zone d’emploi à laquelle ils appartiennent indiquent de fortes disparités intra zone d’emploi et une décorrélation importante entre les caractéristiques de la zone d’emploi et celles des quartiers qu’elle contient. Autrement dit, les différences analysées précédemment entre quartiers prioritaires ne semblent pas être expliquées par des différences inhérentes aux zones d’emplois dans lesquelles ils sont contenus.

graph 3

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Si la mesure proposée par Emmanuel Macron dans le cadre de la campagne présidentielle élargit le champ d’éligibilité des « emplois francs » de 2014 et permet, du fait d’une augmentation significative du montant d’aide versée, de répondre à certaines critiques adressées à l’endroit du dispositif précédent, elle ne permet pas de capter de façon homogène les territoires les plus en difficulté. Si l’objectif est de dynamiser les territoires les plus en difficulté, l’implantation des entreprises au sein des quartiers pourrait constituer une condition supplémentaire d’éligibilité au dispositif, à l’image des zones franches urbaines par exemple. De même, l’échelle géographique de la zone d’emploi pourrait être privilégiée afin de mieux capter les disparités importantes dans les dynamiques de l’emploi à l’œuvre sur les territoires, le zonage de la politique de la ville n’ayant pas pour vocation lors de sa création d’identifier les territoires aux marchés du travail les moins dynamiques[5].

En termes de création d’emplois, du fait de l’existence d’effets d’aubaine importants inhérents à ce type de dispositif à destination du secteur privé[6], en retenant un coefficient d’emploi de 0,15, de l’ordre de celui mesuré pour les contrats uniques d’insertion de type Contrat Initiative-Emploi (CUI-CIE), il ressortirait de la mise en place du dispositif un effet net sur les créations d’emplois de l’ordre de 22 500 pour un objectif de 150 000 contrats signés. Sous cette l’hypothèse, dont la réalisation semble au vu des éléments précités largement compromise, si 80 % des contrats signés sont des CDD de 2 ans, le coût budgétaire de la mesure devrait s’établir à 450 millions d’euros la première année et à 1 milliard d’euro par an à l’horizon de trois ans.

 

[1] Les 2 500 premiers euros devant être remboursés si l’individu n’atteignait pas le 10e mois de CDI.

[2] Le 3 août 2013, le Président de la République relevait cet objectif à 5 000 « emplois francs » pour la seule année 2013.

[3] Les données à disposition pour les quartiers prioritaires ne permettent pas de reconstituer la population active ou en âge de travailler (15-64 ans) de ces territoires.

[4] Une partie de l’hétérogénéité observée au sein d’une même zone d’emploi pourrait également provenir de comportements d’inscription à Pôle Emploi différents, ces différences étant liées aux comportements d’activité mais également à l’âge, les jeunes ayant par exemple moins intérêt à s’inscrire à Pole Emploi.

[5] L’objectif de ce zonage était lors de sa création d’identifier précisément les « poches de pauvreté » sur le territoire national.

[6] « Les contrats aidés : quels objectifs, quel bilan ? », Dares, Analyses, n°21, mars 2017 et « Rapport d’information sur l’enquête de la Cour des comptes portant sur les contrats aidés », Sénat, n°255, 2007.

 

 

 

 




Au-delà du taux de chômage. Comparaison internationale depuis la crise

par Bruno Ducoudré et Pierre Madec

En France, selon les chiffres de l’INSEE publié le 12 mai 2017, l’emploi marchand non agricole a augmenté (+0,3%) au premier trimestre 2017 pour le huitième trimestre consécutif. Sur une année, l’emploi marchant a cru de 198 300 postes. Malgré l’amélioration observée depuis 2015 sur le front de l’emploi, les effets de la crise se font encore ressentir.

Depuis 2008, les évolutions de l’emploi au sein des pays de l’OCDE ont été très différentes. Les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont retrouvé des taux de chômage proches de ceux observés avant le début de la crise, tandis que les taux de chômage français, italien et plus encore espagnol sont encore au-dessus des niveaux d’avant-crise. L’évolution du chômage résulte de l’écart entre l’évolution de la population active et l’évolution de l’emploi. Une amélioration sur le front du chômage peut dès lors masquer des évolutions moins favorables sur le marché du travail, en termes de comportements d’activité (évolution du taux d’activité et du « halo du chômage »), ou de progression de l’emploi précaire (temps partiel subi, …). Dans ce billet, nous revenons sur la contribution de l’évolution des taux d’activité et des durées du travail à l’évolution des taux de chômage, et sur une mesure élargie du taux de chômage qui englobe le « halo du chômage » et le temps partiel subi.

Des taux d’emploi marqués par la crise et les réformes

Excepté aux Etats-Unis, les taux d’emploi ont beaucoup évolué depuis 2008. En France, en Italie et en Espagne, le taux d’emploi des 15-24 ans et, plus largement, des moins de 55 ans a fortement reculé (graphique 1). Entre le premier trimestre 2008 et le dernier trimestre 2016, le taux d’emploi des 18-24 ans a baissé de 19 points en Espagne, de plus de 8 points en Italie, et de près de 4 points en France quand, dans le même temps, les taux de chômage de ces pays augmentaient respectivement de 9, 5 et 3 points. La faiblesse de l’activité économique dans ces pays, accompagnée par des destructions ou de faibles créations d’emplois, a fortement impacté les jeunes arrivant sur le marché du travail. A contrario, sur cette même période, le taux d’emploi des individus âgés de 55 à 64 ans croissait dans l’ensemble des pays mentionnés. En France, du fait notamment des réformes des retraites successives et de la suppression de la dispense de recherche d’emploi, le taux d’emploi des seniors a augmenté de 12,3 points en l’espace de 9 années pour atteindre 50 % au quatrième trimestre 2016. En Italie, malgré la dégradation du marché du travail, le taux d’emploi des 55-64 ans a cru de près de 18 points.

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Un fort effet du taux d’activité sur le chômage, compensé par une baisse de la durée du travail

La plupart des pays européens ont, au cours de la crise, réduit plus ou moins fortement la durée effective de travail, via des dispositifs de chômage partiel, de réduction des heures supplémentaires ou de recours aux comptes épargne-temps, mais aussi via le développement du temps partiel (particulièrement en Italie et en Espagne), notamment le temps partiel subi. A contrario, l’évolution favorable du chômage américain (tableau 1) s’explique en partie par une baisse importante du taux d’activité des personnes âgées de 15 à 64 ans (tableau 2). Ce dernier s’établissait au dernier trimestre 2016 à 73,1 %, soit 2,4 points de moins que début 2007.

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En supposant qu’une hausse d’un point du taux d’activité entraîne, à emploi constant, une hausse de 1 point du taux de chômage, il est possible de mesurer l’impact de ces ajustements (durée du travail et taux d’activité) sur le chômage, en calculant un taux de chômage à emploi constant et contrôlé de ces ajustements. Excepté aux États-Unis, l’ensemble des pays étudiés ont connu une augmentation de leur population active (actifs occupés + chômeurs) plus importante que celle observée dans la population générale, du fait entre autres des réformes des retraites menées. Mécaniquement, sans création d’emploi, ce dynamisme démographique a pour effet d’accroître le taux de chômage des pays concernés.

Si le taux d’activité s’était maintenu à son niveau de 2007, le taux de chômage serait inférieur de 1,7 point en France, de 2,8 points en Italie et de 1,8 point au Royaume-Uni (tableau 3). Par contre, sans la contraction importante de la population active américaine, le taux de chômage aurait été supérieur de plus de 2,3 points à celui observé en 2016. Il apparaît également que l’Allemagne a connu depuis la crise une baisse importante de son chômage (-5,1 points) alors même que son taux d’activité croissait de 2,8 points. A taux d’activité inchangé, le taux de chômage allemand serait de … 1,3 % (graphique 2).

Concernant la durée du travail, les enseignements semblent bien différents. Il apparaît ainsi que si la durée du travail avait été maintenue dans l’ensemble des pays à son niveau d’avant-crise, le taux de chômage aurait été supérieur de 3,4 points en Allemagne, de 3,1 points en Italie et d’1,5 point en France. En Espagne et au Royaume-Uni, le temps de travail n’a que très peu évolué depuis la crise. En contrôlant le temps de travail, le taux de chômage évolue donc comme celui observé dans ces deux pays. Enfin, sans ajustement de la durée du travail, le taux de chômage aux Etats-Unis serait 1 point inférieur.

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Il faut rappeler que les dynamiques de baisse de la durée du travail sont anciennes. En effet, depuis la fin des années 1990, l’ensemble des pays étudiés ont fortement réduit leur temps de travail. En Allemagne, entre 1998 et 2008, cette baisse a été en moyenne de 0,5 % par an. En France, le passage aux 35 heures a entraîné une baisse similaire (-0,6% par an) sur la période. Au total, entre 1998 et 2008, la durée du travail a été réduite de 5 % en Allemagne, de 6% en France, de 4 % en Italie, de 3 % au Royaume-Uni et aux Etats-Unis et de 2 % en Espagne.

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Au-delà du « taux de chômage »

En plus d’occulter les dynamiques à l’œuvre sur le marché du travail, la définition stricte du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) ne prend pas en compte les situations à la marge du chômage. Ainsi les personnes souhaitant travailler mais considérées comme inactives au sens du BIT, soit parce qu’elles ne sont pas disponibles rapidement pour travailler (sous deux semaines), soit parce qu’elles ne recherchent pas activement un emploi, forment le « halo » du chômage.

Les bases de données de l’OCDE permettent d’intégrer dans le chômage les individus qui en sont exclus du fait de la définition du BIT. Le graphique 3 présente pour les années 2008, 2011 et 2016 le taux de chômage observé auquel viennent s’additionner d’une part les individus, actifs occupés, déclarant vouloir travailler davantage et d’autre part les individus, inactifs, mais souhaitant travailler et étant disponibles pour le faire. En Allemagne, au Royaume-Uni et aux Etats Unis, les évolutions de ces différentes mesures semblent aller dans le même sens, celui d’une amélioration franche de la situation sur le marché du travail. A contrario, la France et l’Italie ont connu entre 2008 et 2011, mais surtout entre 2011 et 2016, une hausse de leur taux de chômage tant au sens strict, celui du BIT, qu’au sens large. En Italie, le taux de chômage au sens du BIT a augmenté entre 2011 et 2016 de 3,4 points. Dans le même temps, le sous-emploi a augmenté de 3,2 points et la proportion d’individus entretenant un « lien marginal » vis-à-vis de l’emploi de 1 point. Au final, en Italie, le taux de chômage intégrant une partie des demandeurs d’emploi exclus de la définition du BIT atteignait, en 2016, 26,5%, soit plus du double du taux de chômage BIT. En France, du fait d’un niveau de chômage plus faible, ces différences sont moins importantes. Malgré tout, entre 2011 et 2016, le sous-emploi a augmenté de 2,4 points quand le chômage au sens strict ne croissait « que » de 1 point. En Espagne, si l’amélioration en termes de chômage BIT est notable sur la période (-3 points entre 2011 et 2016), le sous-emploi a lui continué à croître fortement (+1,5 point). En 2016, le taux de chômage BIT était en Espagne de 7 points supérieur à son niveau de 2008. En intégrant les demandeurs d’emplois exclus de la mesure du BIT, cet écart atteint 11,0 points.

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Le bâtiment a fière allure …

par Pierre Madec

Les chiffres du premier trimestre 2017 publiés le 28 avril par l’INSEE ont confirmé le redressement du secteur de la construction à l’œuvre depuis maintenant plusieurs trimestres : le nombre de logements mis en chantier a atteint 379 000 unités, dépassant ainsi sa moyenne observée depuis 2000 (375 000). Dans le même temps, le nombre de logements autorisés à la construction frôle la barre symbolique des 450 000.

Très dégradée depuis 2012, la confiance des professionnels du secteur poursuit également son redressement. Au premier trimestre 2017, les perspectives de mises en chantier et la demande de logements neufs sont proches de leur moyenne de long terme et les perspectives de mises en chantier de logements sociaux affichent, elles, des valeurs proches de celles observées en 2009 lors du plan de soutien au secteur social entrepris par Nicolas Sarkozy.

Si les premières estimations des comptes trimestriels publiées le 28 avril 2017 sont décevantes avec un taux de croissance du PIB de 0,3%  au premier trimestre 2017, l’amélioration de la situation conjoncturelle du secteur du bâtiment a contribué fortement à cette faible croissance. En effet, au premier trimestre 2017, l’investissement des ménages – pour grande partie (82%) en logement – a cru, comme au dernier trimestre 2016, de 0,9%, portant l’acquis de croissance de la FBCF ménages à 2,1% pour l’année 2017.

Compte tenu de l’évolution des facteurs structurels explicatifs de l’investissement des ménages, il est à prévoir que ce redressement du secteur du bâtiment devrait, sauf annonces post-présidentielle importantes, se poursuivre et se traduire par une amélioration significative de l’emploi salarié sectoriel, encore largement dégradé à l’heure actuelle.

 




Présidentielle : le logement est-il bien loti ?

par Pierre Madec

La publication du rapport de la Fondation Abbé Pierre en janvier 2017 n’a pas fait exception : le mal-logement continue de progresser en France. Les prix immobiliers sont repartis à la hausse ces derniers trimestres et la publication des premiers résultats de l’Enquête nationale logement de l’INSEE de 2013 font apparaître une dégradation de la situation financière des ménages[1]. Malgré tous ces éléments, la thématique du logement est apparue relativement tardivement dans les débats entourant l’élection présidentielle. Nous tentons ici d’esquisser un panorama des propositions émanant des principaux candidats à l’élection présidentielle sur ce sujet.

François Fillon : allocation sociale unique et aides à l’investissement privé

En ce qui concerne les aides à la personne, le candidat LR reprend à son compte une proposition dans le débat depuis maintenant quelques années : la fusion des aides personnelles avec l’ensemble des minima sociaux.

L’objectif des aides personnelles est, depuis leur création, non pas de verser une prestation sociale aux bas revenus ni même d’influer sur la reprise d’activité mais de solvabiliser les ménages dans leurs dépenses en logement. A travers son mode de calcul, l’aide varie selon les ressources et la composition du ménage, à l’image d’une prestation sociale « classique » mais également, tout du moins théoriquement[2], de la dépense effective en logement et de la localisation géographique. En extrayant la dépense effective en logement du calcul de l’aide « fusionnée », cette « fusion » mettrait de facto fin aux aides personnelles au logement. A ressources et composition familiale équivalentes, un locataire du parc privé francilien présent depuis plus de dix ans dans son logement se verrait verser un montant d’aide identique à celui perçu par un locataire nouvellement emménagé alors que leurs loyers peuvent diverger de près de 40%. De même, aucune distinction ne sera faite entre locataires du parc privé et du parc social aux taux d’effort très différents. Enfin, la possibilité de versement en tiers-payant serait là encore abandonnée. Les conséquences d’une telle mesure pourraient s’avérer néfastes pour les ménages les plus modestes. Comme le souligne un rapport du Haut conseil à la famille datant de 2012 (HCF, 2012), l’entrée en vigueur d’une telle mesure pourrait inciter les ménages les plus modestes à arbitrer entre leurs dépenses en logement et d’autres dépenses de consommation, au risque de détériorer leurs conditions de logement. Elle serait de plus contraire aux préconisations du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées qui soulignait en 2005 l’importance du caractère affecté des aides personnelles. Pour les bailleurs, les aides constituent une sécurité quant au paiement du loyer. Pour les locataires, en plus de la solvabilisation qu’elles procurent, leur caractère affecté et les conditions de décence auxquelles elles sont attachées, les protègent de l’arbitrage entre dépenses de logement et autres dépenses de consommation (HCLPD, 2005).

Outre cette proposition, François Fillon prône une « accélération des procédures d’expulsion locative », la « fin de l’encadrement des loyers », la « remise en cause de la loi SRU » et la « reconduction des dispositifs ‘qui marchent’ tels que le Pinel et le PTZ ».

L’ensemble de ces propositions ont le mérite de la cohérence puisqu’elles visent toutes à inciter à l’investissement privé au travers d’une part l’accession à la propriété, mantra des politiques publiques depuis 30 ans alors même que l’on connaît en France une crise de la mobilité résidentielle (particulièrement faible chez les propriétaires), et d’autre part de l’investissement locatif privé alors que les évaluations des dispositifs d’incitation laissent mettent en exergue non seulement un impact inflationniste important mais également une incapacité du marché privé à produire des logements abordables pour les ménages les plus modestes.

Benoît Hamon : réforme fiscale et revenu universel

Le volet « Logement » présenté par le candidat socialiste présente des caractéristiques inverses de celle du candidat LR. Benoît Hamon veut faire croître les aides à la pierre à l’adresse des bailleurs sociaux jusqu’à 1 milliard, souhaite imposer une loi SRU renforcée dans le « cœur des métropoles » avec des objectifs pouvant aller jusqu’à 30% ou encore « adapter » les dispositifs d’incitation à l’investissement locatif sans pour autant apporter plus de précision. Le candidat souhaite également l’adoption d’un plan « Zéro bidonville » à l’issue du quinquennat.

Deux mesures du programme de Benoît Hamon, allant plus loin que la seule thématique du logement posent tout de même question. C’est le cas du revenu universel d’une part et de l’imposition unique sur le patrimoine d’autre part.

La première mesure, annoncée à la fin de l’été 2016 et depuis largement révisée, vise dans sa première étape la revalorisation du RSA, son élargissement aux jeunes de 18-25 ans et une refonte relativement large de l’actuelle Prime d’activité. Si le candidat s’est engagé à ne pas « toucher » aux aides personnelles au logement, l’adéquation future entre les deux dispositifs reste floue. Deux solutions s’offrent en effet aux techniciens chargés de la mise en place du revenu universel.

La première consiste à prendre en compte dans les ressources de l’allocataire d’aides personnelles, le montant reçu au titre du revenu universel. Autrement dit, le revenu universel serait versé avant tout calcul de prestations sociales. Une personne seule, sans ressource actuellement, verrait son revenu augmenté de 600 euros par mois. Alors qu’elle percevait jusqu’alors un montant proche de 275 euros d’aides au logement, ces dernières seraient réduites de 60 euros pour atteindre environ 216 euros. Au total, cela procurerait donc à l’individu en question 816 euros de ressources mensuelles (hors les autres prestations).

L’autre cas de figure est celui dans lequel la conditionnalité de ressources portant sur le versement du revenu universel intègrerait les aides personnelles. Autrement dit, aux yeux du mode des aides personnelles, l’individu en question aurait toujours des ressources nulles et percevrait donc un montant d’aide identique et celui actuellement perçu (275€/mois). Par contre, son revenu universel serait lui diminué d’une part des aides personnelles. Compte tenu des objectifs annoncés et de la formulation de la proposition au moment où nous écrivons ces lignes, la part d’aides personnelles déduite devrait être aux alentours de 30%, soit environ 80 euros. Si ces montants individuels mensuels peuvent paraître dérisoires il n’en est rien compte tenu de la multitude de situations diverses et du nombre important d’allocataires d’aides personnelles (6,2 millions). L’impact sur les finances publiques comme sur le niveau de vie des ménages les plus modestes des futures modalités de calcul est donc potentiellement important, de l’ordre de 1,5 milliard d’euros si l’on s’en tient au rapide calcul présenté précédemment.

La seconde mesure, pour le moment non encore totalement arrêtée, est celle visant à une refonte globale de la fiscalité immobilière et la création d’un impôt unique assis sur le patrimoine net. Cette réforme va dans le sens d’une meilleure lisibilité de la fiscalité immobilière. Elle va également dans le sens de la prise en compte d’une meilleure distinction entre accédant à la propriété et non accédant. Elle pose tout de même question du fait de son assise non pas sur les valeurs locatives cadastrales, comme c’est actuellement le cas de la taxe foncière, mais sur la valeur vénale des biens immobiliers. La valorisation monétaire est d’une part bien plus complexe à établir et d’autre part bien plus volatile que les loyers[3]. Une imposition assise sur la valeur vénale est de plus critiquable puisqu’elle soumettrait le contribuable aux « aléas » du marché immobilier. Notons enfin que la réforme de la fiscalité immobilière ne pourra se faire sans une meilleure prise en compte de l’occupation des logements mais également des terrains. Si l’outil choisi peut permettre à terme de refonder une fiscalité incitant massivement à la libération de foncier et de bâti ce n’est pour le moment pas encore le cas.

Marine Le Pen : préférence nationale et pouvoir d’achat

Au travers son programme « Logement », le Front National se fixe pour objectif de redonner du pouvoir d’achat aux ménages. La baisse proposée de la taxe d’habitation vise à s’attaquer aux hausses récentes de la fiscalité locale. Poursuivant le même objectif, la baisse de 10% des droits de mutation vise à faciliter les mobilités résidentielles. L’une des premières critiques à opposer à ces propositions réside en partie dans leur faisabilité. En effet, les taux de ces deux taxes sont de l’autorité des collectivités locales et les recettes fiscales qu’elles produisent leur sont en grande partie reversées. Si d’une part les pertes fiscales induites par la mise en place de ces propositions devront être compensées par l’Etat, leur mise en place même reste très conditionnelle.

Concernant les aides à la personne, la candidate du Front National propose la mise en place d’une « Protection-Logement-Jeunes » construite d’une part sur la hausse de la construction de logements pour les étudiants et d’autre part sur la revalorisation de 25% des aides personnelles pour les jeunes de moins 27 ans. L’effort supplémentaire souhaité pour la construction de logements étudiant ne peut être que salué. La hausse ciblée des aides personnelles pose elle question. Si l’on ne peut que partager l’idée selon laquelle les aides personnelles souffrent en majorité d’une sous-indexation massive, les études visant à mettre en exergue l’effet inflationniste des fortes revalorisations d’aides ont été pour nombre d’entre elles réalisées au cours de périodes où justement des populations spécifiques devenaient éligibles aux aides (Fack, 2005 ou encore  Laferrère et Le Blanc , 2002) On peut anticiper que les logements de petite surface dans les zones les plus tendues verront dans les mois qui suivent la revalorisation des loyers, sauf en cas de renforcement de l’encadrement des loyers dans lesdites zones. Une autre interrogation est à mettre sur le terrain de la justice sociale. Quid des individus le jour de leur 27e anniversaire ? Verront-ils leurs aides au logement diminuer d’un quart ? De plus, si urgence existe à mieux prendre en compte la hausse des taux d’effort des ménages les plus modestes, en quoi la catégorie spécifique des jeunes de moins de 27 ans présente-t-elle une urgence plus importante que les ménages du premier quartile de revenu qui ont subi des hausses de taux d’effort extrêmement importantes depuis le début des années 2000[4].

En ce qui concerne le parc locatif social, si la loi SRU est absente du programme du Front National, le parti propose de « réserver prioritairement aux Français l’attribution du logement social, sans effet rétroactif, et le mobiliser vers les publics qui en ont le plus besoin » et réaffirme son souhait « d’appliquer réellement l’obligation de jouissance paisible sous peine de déchéance du bail ». Il est à noter que d’une part le droit au maintien dans les lieux existe dans le parc social et que sauf à vouloir mettre fin aux surloyers de solidarité, la proposition ne fait que réaffirmer un principe inscrit dans la législation actuelle. Concernant l’attribution des logements sociaux, il est intéressant de rappeler que 83% des demandes de logement social sont attribuées à des ménages français, que 88% des locataires du parc social sont de nationalité française et que la nationalité ne figure nullement actuellement dans les critères d’attribution.

Enfin, le Front National propose que « 1% du parc locatif social » soit vendu chaque année, soit 50 000 logements par an. Rappelons que l’objectif de 1% du parc vendu chaque année avait été fixé sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. En moyenne, pas plus 10 000 logements sociaux ont été écoulés au cours des 10 dernières années.

Emmanuel Macron : continuité et flexibilité

Le candidat d’En Marche propose une exonération de la taxe d’habitation pour près de 80% des ménages français et le maintien de l’encadrement de loyer dans l’attente de son évaluation. Il propose également le développement de l’intermédiation locative ainsi que le doublement des pensions de famille, réclamé par la Fondation Abbé Pierre.

En ce qui concerne les objectifs de construction, Emmanuel Macron acte le fait que la fixation d’un objectif national n’a que peu de sens et souhaite donc diriger les efforts de construction vers les zones les plus tendues.

Ces propositions relativement consensuelles ne sont que peu sujettes à débat. Si elles ne s’attaquent nullement aux causes de la crise du logement cher en France, elles apportent des solutions de court terme à ses conséquences.

La proposition du candidat d’En Marche la plus discutée est celle du « Bail mobilité ». Critique vis-à-vis de la loi ALUR, le candidat prend acte que les ménages les plus précaires, du fait de leur condition de travail ou de leur âge, sont exclus du marché locatif privé « classique » et propose donc d’établir, pour ces ménages, un bail plus court et plus flexible, que certains auront vite dénommé « Bail précarité » mais que le candidat nomme « Bail mobilité ». Si les contours de ce bail ne semblent pas encore tout à fait arrêtés, il est important de rappeler que si les baux usuels sont d’une durée d’au moins 3 ans, il existe dans la législation française des baux d’une durée plus courte dont les bailleurs ne se privent aucunement d’user (ou d’abuser) :

  • Le bail d’occupation précaire permet, sous certaines conditions et en accord des deux parties de ne s’engager sous aucune durée de bail ;
  • Le bail de location meublée, soumis au droit commun, largement utilisé notamment au cours de la période de mise en place du décret d’encadrement des loyers, les meublés n’étant pas soumis au décret, est un bail d’une durée de 1 an renouvelable et le bail meublé « étudiant » s’étend lui sur une durée de 9 mois.

Si les modalités précises de mise en place de ce nouveau bail ne sont pas encore arrêtées, il est indispensable d’alerter sur la potentielle dangerosité que pourrait engendrer la mise à disposition d’un bail court sans garde-fous suffisants.

En ce qui concerne la proposition d’exonération de la taxe d’habitation, promise à 80% des ménages, il faut rappeler qu’une exonération, totale ou partielle, existe d’ores et déjà pour les ménages les plus modestes. Ainsi, les titulaires de l’allocation supplémentaire d’invalidité ou de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, les contribuables âgés de plus de 60 ans dont le revenu de référence de l’année précédente est inférieur à un certain plafond et qui ne sont pas soumis à l’ISF, les personnes veuves dont le revenu fiscal de référence de l’année précédente est inférieur à un certain plafond et qui ne sont pas soumises à l’ISF ou encore les contribuables atteints d’une infirmité ou d’une invalidité les empêchant de subvenir seuls aux nécessités de l’existence dont le revenu de référence de l’année précédente est inférieur à un certain plafond, sont à l’heure actuelle exonérés totalement de taxe d’habitation. De même, sous condition de ressources, certains ménages bénéficient d’un dégrèvement partiel de la taxe d’habitation. Si la mesure a vocation à étendre ces dispositions aux ménages des classes moyennes et donc à impacter positivement le pouvoir d’achat de ces derniers, le coût de la mesure (10 milliards d’euros) est important et pose donc la question de son financement.

Jean Luc Mélenchon : plus de social et moins de spéculation

Ces dernières années, de nombreux professionnels du secteur de l’immobilier et de la construction ont pointé du doigt l’impact négatif important qu’avaient pu avoir les discussions (plus que la mise en œuvre) qui ont entouré la loi ALUR au cours de l’année 2014. Si les données – exceptées celles de conjonctures réalisées auprès des professionnels – n’ont pas été en capacité de mesurer la véracité de ces affirmations, il apparaît malgré tout que la présentation du volet « Logement » du programme du candidat de la France Insoumise a dû faire plus d’un mécontent.

Alors que la garantie universelle des loyers, dispositif permettant sur le papier d’assurer correctement les deux parties signataires du bail, a été abandonnée au cours du quinquennat de François Hollande, le candidat de la France Insoumise propose non seulement sa réalisation mais son extension autour d’une « Sécurité sociale du logement » aux contours encore peu clairs.

Il propose également d’aller plus loin dans l’objectif de financement du nombre de logements sociaux en portant l’objectif annuel à 200 000. A l’image des objectifs affichés de production de logements neufs, il est important de s’extraire de chiffres globaux et de rentrer quelque peu dans le détail. En ce qui concerne les objectifs globaux de construction, leur réalisation n’a de sens qu’une fois extrait de ces derniers le nombre de résidences principales nouvellement construites. En moyenne, au cours des 20 dernières années, les résidences principales représentent moins de 80% de la production de logements nouveaux en France. En 2014, derniers résultats connus, cette part s’élevait à 60%, soit un record historiquement bas.

En ce qui concerne le parc social, la réalité est identique. Outre la définition de ce qu’est (ou doit être) un logement social en termes de loyers de sortie ou de populations accueillies, il est indispensable pour les acteurs politiques de préciser la nature de leurs objectifs. Quand Jean-Luc Mélenchon avance l’objectif de 200 000 logements sociaux supplémentaires, de quoi s’agit-il ? S’agit-il de logements sociaux construits ? Les dernières données disponibles font état de 63 356 logements sociaux construits en 2014, soit un niveau record depuis 1998 … S’agit-il de logements sociaux financés ? Ils ont été 109 000 à l’être en 2015. Parle-t-on de logements supplémentaires c’est-à-dire en tenant compte des démolitions ou de nombres « bruts » ?

Si l’objectif de donner plus de place au parc social est louable, la clarté du propos est indispensable afin de permettre à tous de juger et d’évaluer les propositions faites.

Il en est de même de l’une des propositions phares du candidat de la France Insoumise qui vise à « briser la spéculation » en taxant les plus-values immobilières. A l’heure actuelle, la taxation des plus-values immobilières ne pèse que trop peu dans la fiscalité du logement (environ 600 millions d’euros par an). Du fait, là encore, de l’existence de mécanismes d’évitement incitant fortement à la détention (exonération de taxation au-delà d’une certaine durée de détention), les ménages n’ont que peu d’intérêt à se libérer de leur foncier ou de leur bâti. Sans suppression de ces mécanismes et sans mise en place d’une fiscalité des plus-values (réalisée ou latente) plus progressive, aucune réforme de l’imposition ne serait à même de répondre aux problématiques soulevées.

* * *

Si les principaux candidats à l’élection présidentielle semblent partager le constat d’un coût du logement au sens large trop élevé et d’un besoin en construction important, les solutions envisagées pour résoudre la « crise du logement » que traverse la France divergent. Alors que certains se fixent pour objectif d’offrir plus de flexibilité aux investisseurs et aux bailleurs privés (fin de l’encadrement des loyers, bail mobilité, développement des dispositifs d’incitation à l’investissement locatif,  accélération des procédures d’expulsion locative, remise en cause de la loi SRU, …), d’autres portent leurs priorités sur le développement d’une offre de logement social plus importante, une protection des ménages les plus modestes et un accroissement de leur pouvoir d’achat. S’il n’existe pas de solution miracle à court terme, le chemin à prendre semble se trouver, à l’image des choix économiques globaux, dans un entre deux trop souvent oublié.

 

[1] Entre 2006 et 2013, le taux d’effort net moyen a augmenté en France de 1 point passant de 14,7% à 15,7%.

[2] Du fait de la sous-indexation massive des barèmes des aides, les aides personnelles sont devenues forfaitaires pour près de neuf locataires du parc privé sur dix.

[3] Notons que les valeurs locatives utilisées actuellement résultent d’estimations datant des années 1970. Une réévaluation de ces dernières est donc indispensable.

[4] Entre 2001 et 2013, les ménages du 1er quartile de revenu ont vu leur taux d’effort net moyen augmenter de 7,4 points passant de 24,9% à 31,3% (Enquêtes nationales Logement, INSEE).




Statistique publique : une révolution silencieuse

par Pierre Madec et Xavier Timbeau

Parfois des révolutions se produisent sans que personne ne s’en rende vraiment compte. L’été dernier, l’INSEE et la DREES ont mis en accès libre, sous la licence CeCILL, leur modèle de microsimulation de la législation socio-fiscale : INES. Développé depuis plus de 20 ans, ce modèle représente une grande partie de la fiscalité et des prestations en espèces du système redistributif français. Couplé à une base de données qui donne une information annuelle précise sur plus de 50 000 ménages représentatifs (130 000 individus), le but premier de ce modèle est de simuler l’effet de la fiscalité et des prestations sur la population française. Si l’on veut connaître les conséquences d’une hausse du taux de la première tranche de l’impôt sur le revenu, INES permet, foyer fiscal par foyer fiscal, de calculer l’impôt sur le revenu avant et après la modification du barème et d’en déduire la masse d’impôts collectés ou encore il permet de savoir quels foyers paient davantage d’impôts selon les caractéristiques retenues. Fait remarquable, en l’état, le modèle INES fournit une bonne approximation des masses agrégées des principaux prélèvements et des principales prestations.

L’intérêt n’est pas seulement de pouvoir simuler des réformes, mais aussi de disposer d’une photographie sur les revenus et la source de ces revenus. On peut ainsi mesurer la pauvreté monétaire, suivre les inégalités ou analyser l’impact des structures familiales sur le niveau de vie. C’est ainsi que l’INSEE et la DREES alimentent la publication Portrait social de la France chaque année, en mettant à jour la législation sociale et fiscale et en utilisant la nouvelle base décrivant les ménages et leurs revenus, l’ERFS. A l’automne 2016, l’INSEE a publié l’impact des modifications de la législation 2014 sur la distribution du revenu disponible des ménages par revenu et par structure familiale. Le modèle INES est également utilisé pour produire une prévision du taux de pauvreté, une année avant que les données définitives n’en permettent le calcul complet (11 mois précisément), améliorant ainsi un angle mort du système statistique. On connaît le taux de croissance du PIB 30 jours après la fin du trimestre, bien avant le taux de pauvreté (il faut attendre 21 mois), le premier retient plus l’attention que le second dans le débat public.

Mais la révolution n’est pas dans la construction d’un outil aussi formidable soit-il ou encore dans le recours au logiciel libre. La révolution est que par la mise à jour annuelle du modèle INES, la DREES et l’INSEE ouvrent la voie à une nouvelle forme de publication de la statistique publique. Auparavant cette dernière informait le public en produisant une photo agrégée de la situation économique (les comptes nationaux­), par nature plutôt floue, ou en donnant le détail de cette photographie individu par individu (représentatif), disons une photo nette. Dorénavant, les institutions statistiques donnent leur interprétation en code informatique de l’ensemble de la législation. Ce code est l’instrument qui permet de calculer quel impact a cette législation sur la vie des citoyens, mais également de savoir ce qui se passerait avec toute proposition alternative. Ce n’est pas une photo, ni un film, particulièrement net, mais un univers à explorer, une représentation multidimensionnelle et interactive.

De telles innovations étaient en germe dans plusieurs administrations fiscales, avec la mise en ligne du calculateur d’impôt, mis à la disposition des contribuables. Parfois, le code public de ces calculateurs donnait l’interprétation par l’administration fiscale de la législation fiscale. INES s’inscrit dans cette ligne, mais vise à donner une information plus exhaustive (celle des prestations, pas seulement celle de la fiscalité de l’impôt sur le revenu) et plus opérationnelle (elle permet de  calculer l’impact redistributif, d’appliquer cette législation à un échantillon représentatif, …, elle ne donne pas de simples cas type). Par ailleurs, l’INSEE et la DREES mettent à jour et publient depuis 2010 les législations fiscales et sociales codées et interprétées. C’est cette régularité et cette transparence qui ouvre une nouvelle ère dans la statistique publique. Le débat sur les indicateurs reste parfois à un niveau conceptuel ou général et est souvent ancré dans des pratiques de publications qui tiennent de la photographie plus ou moins floue. Donner une information sur les inégalités de revenu, en publiant les indices de Gini ou les déciles de revenu, améliore la connaissance d’une société. Donner accès aux interactions entre les prestations, les structures familiales ou la distribution des revenus ouvre la porte à de nouvelles pratiques essentielles au fonctionnement d’une démocratie, et ne repose plus sur les avis d’administrations sur le coût, la faisabilité ou les conséquences de telle ou telle réforme.

La complexité de la mise en œuvre d’un tel instrument, la difficulté de l’accès aux données de l’échantillon représentatif (qui demande de passer par le Comité du secret et de se soumettre à une procédure lourde) font que l’utilisation de cette nouvelle source nécessite l’intermédiation d’experts. Mais cette intermédiation sera ouverte et pourra être mobilisée par presque tout le monde. Donnons un exemple : nous avons très récemment évalué le coût de la mesure « revenu universel » proposée par Benoît Hamon en mobilisant INES. Potentiellement, nous pouvons de cette façon explorer les voies de financement ou envisager des variantes de la proposition. Par exemple, l’articulation entre le revenu universel et les prestations actuellement versées peut se faire selon différentes options. Faut-il continuer à verser une indemnité pour le congé parental (au-delà du congé maternité) lorsqu’on verse le RUE qui est d’un montant forfaire supérieur ? Faut-il compléter le RUE pour les mères isolées inactives afin de réduire la pauvreté des enfants ? Comment articuler le RUE avec les APL ou les autres minima sociaux ? La complexité d’un système de prestations (qui cherche à traiter de situations très diverses au nom de principes pas toujours explicites) oblige à aller au-delà de calculs approximatifs ou de cas-type bien choisis.

C’est là que réside une innovation majeure pour la statistique au XXIe siècle : ouvrir ce qui autrefois était l’apanage d’administrations discrètes et souveraines à tout un chacun. Ce n’est pas une petite révolution.




« RUE » : une ambition à financer

par Pierre Madec et Xavier Timbeau

Cette évaluation du Revenu universel d’existence (RUE), proposition phare de Benoît Hamon, met en lumière un impact potentiellement important du dispositif sur le niveau de vie des ménages les plus modestes et sur les inégalités de niveau de vie. S’il était mis en œuvre, le Revenu universel d’existence aurait pour effet de faire de la France l’un des pays les plus égalitaires de l’Union européenne. En contrepartie, le coût « net » du dispositif pourrait s’avérer élevé, de l’ordre de 45 à 50 milliards d’euros. Compte tenu du coût de la mesure, son financement par une réforme de l’impôt sur le revenu pourrait accroître encore la redistribution du système socio-fiscal français mais conduirait à une hausse considérable des taux marginaux supportés par les ménages les plus aisés.

En en faisant l’une des propositions phares de son programme pour la présidentielle, Benoît Hamon a relancé le débat autour du revenu universel. Projet radical et sujet à de nombreuses controverses (voir par exemple Allègre et Sterdyniak, 2017), la quantification d’un tel projet est nécessaire. En partant du projet de Benoît Hamon, significativement modifié ces dernières semaines, nous tentons ici, sous un certain nombre d’hypothèses importantes (individualisation totale ou partielle, dépendance aux autres prestations sociales) un premier travail d’évaluation. L’idée ici n’est pas d’entrer dans le débat de savoir si les modalités d’application retenues sont ou non pertinentes, à l’exemple de l’exclusion des retraités, ou de juger si la proposition dans sa forme actuelle s’est éloignée d’un idéal d’universalité. Le but ici est de s’extraire de ce type de débat et de qualifier et quantifier les effets de la mise en œuvre du RUE tel que proposé par le candidat à la présidentielle.

La dernière version de la première étape du revenu universel d’existence (RUE) peut se résumer ainsi : « le revenu universel correspond à une hausse de revenu net qui commence à 600 euros pour les personnes sans ressources et s’annule ensuite à 1,9 SMIC brut ».

Ainsi posée, la proposition est celle d’une allocation différentielle permettant de ne pas faire apparaître un surcroît d’impôt artificiel chez ceux dont la situation de revenu n’est pas modifiée par le revenu universel.

Pour les couples mariés, le dispositif n’est pas automatiquement individualisé puisqu’il laisse le choix de maintenir ou non une imposition commune. Les couples dont le quotient conjugal est inférieur au montant potentiel de RUE devraient choisir l’individualisation. C’est le cas des couples au sein desquels les ressources et la différence de revenu sont faibles. A contrario, les couples pour lesquels le quotient conjugal procure un avantage plus élevé que le RUE devraient faire le choix de maintenir une imposition commune[1]. Ce sera notamment le cas des couples au sein desquels l’un des individus a des revenus très élevés et l’autre aucun revenu[2].

Pour les ménages les plus modestes le RUE remplace le RSA et la Prime d’activité, et le calcul des prestations sociales (allocations logement et familiales, Allocation adulte handicapé, bourses, …) n’est pas modifié, leurs montants étant inclus dans les ressources servant de référence pour le calcul du revenu universel.

Dans le cadre général, pour l’ensemble des foyers fiscaux dont les ressources sont inférieures à 1,9 SMIC brut, soit 2 800 euros brut par mois, le RUE est égal à la différence entre le montant de base de 600 euros par mois (7 200 euros par an) et 27,4% des ressources brutes du foyer fiscal. Pour les foyers fiscaux non imposables, le RUE est considéré comme un impôt sur le revenu négatif. Pour les foyers imposables ayant des ressources comprises entre 1,5 et 1,9 SMIC brut (3,8 SMIC dans le cas d’un couple marié), le RUE vient diminuer l’impôt dû, augmentant le revenu disponible pour le ménage, ce revenu supplémentaire s’annulant à 1,9 SMIC. Le coût pour les finances publiques de la mesure pour ces ménages correspond donc à la différence entre le montant du RUE et l’impôt sur le revenu actuellement acquitté. Pour les foyers fiscaux dont les ressources brutes sont supérieures à 1,9 SMIC brut (3,8 SMIC pour les couples mariés), le système actuel s’applique et le gain est nul (graphique 1).

Formellement, le montant mensuel de RUE perçu par le foyer fiscal composé d’un seul adulte et ayant des ressources inférieures à 1,9 SMIC brut est assis sur la formule suivante :

RUE = 600 – 0,274 x RB

RB, les ressources brutes, correspondent au revenu imposable brut (RIB), au sens du code des impôts, du foyer fiscal augmenté d’un coefficient 1,33 permettant d’approximer la conversion entre revenu imposable et ressources brutes des charges et cotisations, assiette retenue pour le calcul du RUE. Dans le cas d’un couple marié, le RUE est calculé de la façon suivante, le RUE tel que proposé n’étant alors pas individualisé :

RUE = [600 – 0,274 x RB/2] x 2

Afin de mesurer l’impact redistributif de la mesure, nous avons mobilisé le modèle de micro simulation INES[3] de la DREES et l’INSEE (voir encadré)La dernière version opérationnelle du modèle datant de 2015, les résultats présentés devront être interprétés en écart à la législation de 2015. De fait, des dispositifs tels que la Prime d’activité, mise en place en 2016, ne sont pas ici pris en compte au contraire de la Prime pour l’emploi (PPE).

 

RUE graph 1

Les plus de 18 ans encore rattachés fiscalement au foyer fiscal de leurs parents, éligibles au RUE, devraient, dès janvier 2018, quitter le foyer fiscal de leurs parents afin de pouvoir bénéficier du RUE. Il est à noter que ce cas n’est pas traité dans notre évaluation, compte tenu de la complexité de la prise en compte des transferts entre parents et enfants lorsqu’ils ne sont pas dans le même foyer fiscal. Nous nous concentrerons ainsi sur les ménages pour lesquels la personne de référence était âgée de 18 à 64 ans soit 20 millions de ménages parmi les 28,3 millions de ménages français, les autres, retraités, n’étant pas éligibles au dispositif.

Le RUE a été modélisé comme une ligne supplémentaire dans le calcul de l’impôt sur le revenu, son montant venant se soustraire, sous les conditions d’âge, de ressources et de statut marital explicitées précédemment, à cette dernière.

Sous ces hypothèses, le RUE devrait bénéficier à 11,6 millions de ménages dont la personne de référence est âgée de 18 à 64 ans pour un coût brut de l’ordre de 51 milliards d’euros soit une moyenne de 4 400 euros par an et par ménage bénéficiaire.

Le coût brut n’est pas le coût pour les finances publiques. En effet, la mise en place du RUE engendrerait de facto la disparition du RSA-socle et de la Prime d’activité du système socio-fiscal français. En 2016, ces deux dispositifs ont eu un coût budgétaire proche de 15 milliards d’euros (10 milliards d’euros pour le RSA et 5 milliards pour la Prime d’activité). De plus, les interactions entre le revenu universel et les autres prestations sociales ne sont pas encore tout à fait arrêtées dans la proposition de Benoît Hamon[4]. Si le montant perçu de RUE venait à être pris en compte pour le mode de calcul des autres prestations sociales, les montants versés au titre de celles-ci se réduiraient significativement. Le coût brut du revenu universel resterait inchangé mais des économies pourraient être réalisées sur des prestations sociales. Nous faisons l’hypothèse ici que le montant perçu en prestations sociales par le ménage est pris en compte lors du calcul définitif. Autrement dit, nous soustrayons au montant de RUE perçu par le ménage 27,4% du montant de l’ensemble des prestations sociales en espèces (allocation logement et familiale, bourses, Allocation adulte handicapée, …, soit 32 milliards d’euros par an pour les bénéficiaires potentiels du RUE) qu’il perçoit. Si cette prise en compte des prestations dans le calcul du montant du RUE est rendue complexe par la structure du modèle de microsimulation, il est possible d’estimer la réduction du montant global de RUE versé en prenant en compte l’ensemble des prestations sociales à environ 6 milliards d’euros.

Dans le cas où cette option serait privilégiée – ce que nous supposons faute de plus de précisions – le coût « net » du RUE, exclusion faite des 18-25 ans rattachés fiscalement à leurs parents, serait alors de l’ordre de 30 milliards d’euros, soit un montant proche de celui affiché par le candidat, montant auquel une fois encore il conviendra d’additionner le montant dû aux individus âgés de 18 à 24 ans qui sont aujourd’hui fiscalement rattachés à leurs parents. En 2015, sur les 5,2 millions d’individus de 18 à 24 ans, 1,7 million étaient fiscalement indépendants de leurs parents. En le majorant du coût brut supplémentaire (si tous les 18-24 ans ne sont plus rattachés au foyer fiscal de leurs parents) il serait donc de l’ordre de 25 milliards d’euros auquel il conviendrait de soustraire 27,4 % des bourses (0,115 milliard d’euros par an environ) et aides au logement versées (1,4 milliard d’euros par an) ainsi que l’avantage fiscal dont bénéficient actuellement les parents des dits individus (avantage majoré à 1 500 euros par an et par enfant, au maximum 5,2 milliards si tous les foyers sont au plafond).

Ciblé sur les ménages à bas revenus, le dispositif, non financé par une augmentation de l’imposition des ménages ou une baisse des prestations sociales, impacterait positivement le bas de la distribution des niveaux de vie (graphique 2)[5].

En moyenne, les ménages du premier décile de niveau de vie devraient voir leur niveau de vie augmenter de 257 euros par mois et par unité de consommation (UC), soit une hausse de 38% de leur niveau de vie moyen. Le gain pour les ménages du deuxième décile devrait être quant à lui deux fois inférieur à 137 euros par mois et par unité de consommation, soit une augmentation de 13% de leur niveau de vie moyen.

RUE graphe 2

Compte tenu du fait que le RUE, contrairement à nombre de prestations, soit attribué non pas aux ménages mais aux foyers fiscaux, certains membres (non rattachés fiscalement mais cohabitants comme les couples non mariés non pacsés) de quelques ménages des derniers déciles de la distribution des niveaux de vie devraient percevoir le RUE (et le dernier décile plus que le neuvième par un effet de composition). En d’autres termes, il existe des foyers fiscaux à faible revenu brut au sein de ménages à niveau de vie élevé[6].

Sous ces hypothèses d’application du RUE, le niveau de vie médian serait relevé de 3,6% et le taux de pauvreté, c’est-à-dire la part des ménages français ayant des ressources inférieures à 60% du niveau de médian, c’est-à-dire environ 1 000€/mois/unité de consommation, atteindrait 8,5% contre 13,4% à l’heure actuelle. Le niveau de vie médian des ménages les plus pauvres – c’est-à-dire ceux ayant un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté –  atteindrait 11%. L’intensité de la pauvreté, mesurée comme l’écart relatif entre le niveau de vie médian de la population pauvre et le seuil de pauvreté, se verrait elle aussi réduite d’un tiers passant de 17% aujourd’hui à 11%.

Enfin, le coefficient de Gini de niveau de vie, indicateur d’inégalité, serait lui diminué de 0,04 à un niveau de 0,26, faisant ainsi passer la France d’une situation médiane en termes de Gini au niveau européen à une situation parmi les moins inégalitaires, le Gini médian européen se situant en 2015 à 0,30 (et le plus bas à 0,25).

Sans les jeunes (18-24 ans) rattachés fiscalement à leurs parents, le coût net du RUE serait de l’ordre de 30 milliards d’euros. En les ajoutant, sous réserve d’une évaluation plus fine, le coût net serait de l’ordre de 49 milliards. Ces montants sont loin des 400 milliards un temps annoncés, mais restent non négligeables[7]. Si l’on finançait le RUE par une réforme de la fiscalité des personnes, cela conduirait à une hausse considérable des taux marginaux touchant les déciles les plus élevés de la distribution des revenus. Pour rappel, l’impôt sur le revenu des personnes physiques est une ressource de 74 milliards annuels. La mobilisation d’une autre base fiscale comme le patrimoine est également possible mais aboutirait à une hausse très significative de cette fiscalité. La taxe foncière et l’ISF apportent aujourd’hui un peu moins de 30 milliards d’euros. Par ailleurs, les effets redistributifs du RUE – conséquents selon notre évaluation –, seraient amplifiés par une hausse des fiscalités déjà progressives.

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Encadré : Le modèle de micro simulation Ines (Sources : INSEE, DREES)

Ines est l’acronyme d’« Insee-Drees », les deux organismes qui développent conjointement le modèle. Le modèle est basé sur les enquêtes Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) de l’Insee, qui comprennent plusieurs centaines d’informations sur chaque individu et des données précises et fiables sur les revenus, issues des déclarations fiscales. Il permet de simuler toutes les années législatives récentes sur les millésimes d’ERFS récents.

Ce modèle est utilisé pour réaliser des études à périodicité annuelle, mais il est aussi mobilisé dans le cadre d’études approfondies afin d’éclairer le débat économique et social dans les domaines de la redistribution monétaire, la fiscalité ou la protection sociale. Enfin, il est parfois utilisé comme outil d’appui à la réflexion pour répondre à des sollicitations ponctuelles de divers Hauts conseils, de ministères de tutelle ou d’organismes de contrôle (IGF, Cour des comptes, Igas).

Le modèle Ines simule :

— les prélèvements sociaux et fiscaux directs : les cotisations sociales, la CSG, la CRDS et l’impôt sur le revenu (y. c. la prime pour l’emploi) ;

— les prestations sociales autres que celles correspondant à des revenus de remplacement : les aides personnelles au logement ; les principaux minima sociaux : le revenu de solidarité active (RSA), l’Allocation pour adulte handicapé (AAH) et ses compléments, les allocations du minimum vieillesse et l’Allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) ; les prestations familiales : allocations familiales (AF), complément familial, Allocation de rentrée scolaire (ARS) et les bourses du secondaire, Prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) et ses compléments (complément libre choix d’activité – CLCA – et complément libre choix du mode de garde – CMG), les subventions publiques pour la garde d’enfants en crèches collectives et familiales, l’Allocation de soutien familial (ASF) et l’Allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ; la Prime d’activité.

Les principales omissions concernent les taxes et aides locales (taxe foncière par exemple) et l’Impôt de solidarité sur la fortune. Les pensions de retraite, les allocations chômage et la taxe d’habitation ne sont pas simulées mais sont présentes dans les données. Les prélèvements indirects n’entrent pas non plus dans le champ d’analyse du modèle Ines stricto sensu. Le modèle simule, sur barèmes, les différentes prestations auxquelles chaque ménage a droit et les impôts et prélèvements qu’il doit acquitter. Ines est adossé à l’enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) de l’Insee qui réunit les informations sociodémographiques de l’enquête Emploi, les informations administratives de la Cnaf, la Cnav et la CCMSA et le détail des revenus déclarés à l’administration fiscale pour le calcul de l’impôt sur le revenu.

Ines est un modèle dit « statique » : il ne tient pas compte des changements de comportement des ménages, par exemple en matière de natalité ou de participation au marché du travail, que pourraient induire les évolutions des dispositions de la législation socio-fiscale. Depuis 1996, le modèle est mis à jour chaque année durant l’été afin de simuler la législation la plus récente, portant sur la dernière année révolue. Par exemple, à l’été 2016, Ines a été mis à jour pour simuler la législation de l’année 2015. Sur la base de ces mises à jour, les équipes de l’INSEE et de la DREES contribuent annuellement au Portrait social de l’INSEE dans lequel elles analysent le bilan redistributif des mesures de prélèvements et de prestations prises au cours de l’année précédente. La dernière publication s’intitule « Les réformes des prestations et prélèvements intervenues en 2015 opèrent une légère redistribution des 30 % les plus aisés vers le reste de la population » (André, Biotteau, Cazenave, Fontaine, Sicsic, Sireyjol).

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[1] Rappelons que le quotient conjugal donne droit à une réduction d’impôts maximale de 30 000 euros annuel. La suppression du quotient conjugal rapporterait 5,5 milliards d’euros (HCF 2011) mais coûterait l’ensemble des  RUE versés aux conjoints avec un revenu inférieur qui ont choisi l’individualisation.

[2] Nous avons fait le choix de ne pas prendre en compte ces mécanismes d’optimisation fiscale au sein des ménages mais il est entendu que l’évaluation proposée du coût du dispositif est dès lors sous-estimée.

[3] Le code source et la documentation du modèle de micro-simulation INES a été ouvert au public en juin 2016 (https://adullact.net/projects/ines-libre). Nous utilisons la version en libre accès de 2015 depuis le 1er octobre 2016.

[4] En particulier, l’utilisation d’un modèle de micro simulation comme INES permet d’explorer les conséquences des choix d’articulation sur la situation des intéressés, sur la redistribution nette opérée et sur le reste à financer. Un changement dans les règles d’attribution ou de calcul d’une prestation sociale peut avoir des impacts importants sur le coût net et sur les effets redistributifs.

[5] Le dispositif proposé modifie significativement la distribution des niveaux de vie. De fait, certains ménages voient leur appartenance à un décile de niveau de vie, positivement ou négativement. Les déciles sont ici maintenus à leur niveau avant réforme.

[6] A titre d’illustration, l’âge moyen des personnes de référence des ménages du dernier décile de niveau de vie bénéficiaires du RUE est supérieur à 55 ans. On peut ainsi supposer que ces ménages abritent en leur sein des jeunes adultes  indépendants fiscalement et aux ressources faibles.

[7] L’évaluation présentée ici est dite « statique ». Elle ne prend donc pas en considération les possibles modifications de comportement des individus vis-à-vis de l’emploi engendrées par l’entrée en vigueur de la mesure.




Quand la construction va …

par Pierre Madec et Hervé Péléraux

Les chiffres du troisième trimestre 2016 publiés le 29 novembre par l’INSEE ont confirmé le redressement du secteur de la construction à l’œuvre depuis plusieurs trimestres : le nombre de logements neufs mis en vente sur un an a atteint 116 900, soit une hausse de 17 % par rapport à l’année précédente. Dans le même temps, le nombre de logements autorisés à la construction ou mis en chantier a poursuivi sa progression. Ainsi, entre octobre 2015 et octobre 2016, 363 500 logements ont été commencés et 427 800 ont été autorisés à la construction, soit respectivement 15,4% et 11,3% de plus que l’année précédente (graphique 1).

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Très dégradée depuis 2012, la confiance des professionnels du secteur s’est fortement améliorée ces derniers mois. Ainsi, au deuxième trimestre 2016, pour la première fois depuis la fin 2011, les perspectives de mises en chantier dépassaient leur moyenne de long terme, quel que soit le segment du parc observé (graphique 2). Notons que l’annonce du plan de relance pour la construction intervenue en août 2014 (nouveau PTZ, assouplissement du dispositif d’investissement locatif, …) a pu avoir un effet sur l’arrêt de la dégradation des perspectives des professionnels. Malgré tout, s’il est probable que ces annonces aient participé au redressement des perspectives des professionnels, il est important de rappeler que les déterminants de la construction de logements reposent pour la plupart sur des facteurs plus structurels : l’évolution du pouvoir d’achat des ménages, des taux d’intérêt mais aussi nombre de variables démographiques.

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Dans les comptes nationaux, l’investissement des ménages (hors entrepreneurs individuels) se décompose en construction (82 %) et en frais liés à l’immobilier (18 %). Les frais liés aux acquisitions immobilières dans le neuf ou dans l’ancien – frais de notaire, frais d’architecte, d’agence immobilière et TVA – sont ainsi considérés comme des dépenses d’investissement. La formation brute de capital fixe (FBCF) en logements des ménages recouvre à parts équivalentes la construction neuve et les travaux de rénovation et de gros entretien.  Il est à noter que ces chiffres, fortement révisés du fait notamment des délais de remontée d’informations locales, sont difficilement interprétables lors des premières estimations fournies par la statistique publique (voir encadré).

L’investissement en logements des ménages a particulièrement souffert des effets de la crise. Après une chute sévère dans la première phase de la crise (-17 % entre la première moitié de 2008 et le second semestre 2009), il s’est redressé quelque peu à partir de 2009 avant de replonger à nouveau à partir de la fin de l’année 2011 (-14,3 % entre le premier trimestre 2012 et le deuxième trimestre 2015). Au vu de l’importance de sa contribution au PIB (environ 5 points de PIB), cet effondrement a lourdement pesé sur l’économie française. Entre 2008 et 2015, l’investissement des ménages a amputé la croissance française de 0,2 point en moyenne par an, soit 1,2 point de PIB sur la période. Sous l’effet du redressement du pouvoir d’achat des ménages et du dynamisme retrouvé de l’emploi salarié et sous l’hypothèse d’une relative stabilité des prix et des taux immobilier, l’investissement des ménages devrait croître, malgré un deuxième trimestre négatif (-0,3%), de 0,3% en volume en 2016 et de 2% en 2017 (graphique 3). Malgré tout, ce dernier devrait se maintenir à un niveau très inférieur à celui d’avant-crise. Fin 2018, l’investissement des ménages en volume devrait être inférieur de près de 15% à son niveau de fin 2007…

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Encadré : Les difficultés d’estimer à court terme l’activité dans le secteur de la construction

 Nous avons étudié les révisions de compte de la branche « Construction » provenant de la comptabilité nationale et évalué sa contribution à la révision de la valeur ajoutée (VA) totale.

D’une manière générale, il apparaît une sous-estimation chronique du taux de croissance de la VA totale depuis 2010 entre la moyenne annuelle issue du compte trimestriel (une fois connu le quatrième trimestre de l’année fin janvier de l’année suivante) et la dernière version disponible des comptes (la seconde version du troisième trimestre 2016 publiée le 29 novembre). Au total, sur les 14 dernières années, 11 années ont fait l’objet de révisions positives. Les trois années où les révisions de la VA totale ont été négatives sont les années de récession, 2002, 2008 et 2009. Pour la construction proprement dite, les évaluations préliminaires sont très imprécises, en particulier depuis 2010 où l’on observe des révisions beaucoup plus fortes que par le passé, notamment en 2012.

Les révisions de la VA dans la construction, comprises depuis 2002 entre -6,2 et 3,1 points, sont moindres que dans l’agriculture (entre -7,6 et 12,4 points) mais bien plus marquées que dans l’industrie (entre -1,7 et +2,6 points) et dans les services marchands (entre -1,6 et +1,1 point, graphique 4).

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La construction a néanmoins un poids relativement faible dans la VA totale (5,8 % en 2014, contre 13,8 pour l’industrie et 56,6 pour les services marchands). Il est par conséquent utile de pondérer l’impact de ces fortes révisions par le poids du secteur dans la VA totale afin d’évaluer leur contribution à la révision de la VA d’ensemble. Malgré une volatilité moins prononcée que dans l’agriculture, les révisions de la VA dans la construction affectent significativement le calcul de la VA totale, avec une contribution à sa révision comprise entre -0,4 et + 0,2 point (graphique 5). En regard, la volatilité moins prononcée des estimations de la VA dans les services marchands impacte davantage la VA totale compte tenu de son poids 10 fois plus important que celui de la construction.

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Cette analyse rapide met en exergue les difficultés pour élaborer des estimations préliminaires robustes de l’activité du secteur de la construction. Ces difficultés, illustrées ici par la mesure de la VA par branche, se présentent également lorsqu’il s’agit d’estimer le niveau des mises en chantier, des permis de construire ou encore l’évolution de l’investissement en logement des ménages. De fait, les premières publications de ces nombreuses données quantitatives doivent être interprétées avec la plus grande prudence, tant pour mesurer leur impact sur le calcul des comptes nationaux que pour caractériser la conjoncture du secteur à court terme.

 




2010-2015 : un choc fiscal concentré sur les ménages … les plus aisés ?

par Pierre Madec

La période 2010-2015 a été marquée par une consolidation budgétaire majeure au cours de laquelle les prélèvements obligatoires (PO) sur les ménages se sont accrus de 49 milliards d’euros (voir « 2010-2017 : un choc fiscal concentré sur les ménages »). Cette hausse massive des prélèvements fiscaux et sociaux n’a évidemment pas été sans conséquence sur le pouvoir d’achat des ménages qui s’est contracté sur la période. Néanmoins, la comptabilité nationale ne permet pas de prime abord de conclure quant à l’impact redistributif des réformes menées. Autrement dit, si le choc fiscal à l’adresse des ménages est avéré, il est impossible, sans modèle de micro-simulation fiscal, de chiffrer l’impact de ce choc selon les caractéristiques des ménages et notamment selon leur place dans la distribution des revenus. A l’aide du modèle de micro-simulation Ines (voir encadré), mis à disposition de l’OFCE par l’INSEE et la DREES, nous avons mené cette analyse.

En appliquant à l’année 2015 les paramètres législatifs actualisés de l’année 2010 (voir illustration), le modèle de micro-simulation Ines[1] permet de mesurer l’impact budgétaire et redistributif de certaines des politiques fiscales et sociales menées entre 2010 et 2015. Les politiques fiscales retenues pour cet exercice sont celles qui touchent à l’impôt sur le revenu, aux cotisations sociales et à l’ensemble des prestations sociales simulées par le modèle. Cette analyse, partielle sera complétée ultérieurement. Pour le moment, l’exercice réalisé ici sur la partie fiscale porte sur 43 % des PO pesant sur les ménages. Notons également que les conséquences macroéconomiques des différentes politiques mises en œuvre (au travers par exemple de son impact sur le chômage, de l’évolution des taux d’intérêt ou des prix de l’immobilier) ne sont pas prises en compte.

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Pour conduire cette analyse, il est nécessaire de construire un contrefactuel « législatif » plus complexe que la simple application des paramètres législatifs en place à l’année de référence (ici 2010). En effet, l’exercice aurait consisté à réduire la valeur réelle de l’ensemble des seuils et des barèmes de la législation. Pour la construction du « contrefactuel législatif », nous décidons de fixer les conditions d’évolution de la législation socio-fiscale relative à l’impôt sur le revenu, aux cotisations et aux prestations depuis 2010 (voir Illustration) sous l’hypothèse que celles-ci n’altèrent pas le pouvoir d’achat des ménages. La définition de ce contrefactuel législatif nécessite des choix d’hypothèses qui ont une influence sur les résultats.

Ainsi, le choix a été fait d’indexer unitairement l’ensemble des seuils et barèmes des prélèvements fiscaux et sociaux – impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), les cotisations sociales, la CSG, la CRDS[2] – sur l’évolution du salaire mensuel de base (SMB) de l’année précédente (n-1)[3]. L’ensemble des seuils et barèmes des prestations sociales (allocations familiales, minima sociaux, allocation personne handicapée, bourses, allocations logement et couverture maladie universelle complémentaire) ont été indexés sur l’indice des prix à la consommation (hors tabac) de l’année précédente (n-1). L’ensemble des taux de prélèvements et de prestations (lorsqu’ils sont définis par des taux) sont quant à eux figés à leur niveau de 2010.

A titre d’exemple, le barème de l’IRPP a fortement évolué entre 2010 et 2015. Dans notre contrefactuel législatif, hypothèse est faite notamment que la première tranche d’imposition demeure en 2015 à 5,5% (contre 14%), que la dernière tranche d’imposition s’élève à 41% (contre 45%), que les seuils d’imposition ont suivi l’évolution des salaires, soit 10,9% sur la période (contre 2,7%) tout comme le montant de la décote, ou encore les plafonds du quotient familial.

Nous considérons de fait que l’ensemble des écarts législatifs pouvant exister entre la législation 2010 « actualisée » et la législation en place en 2015 sont le résultat de décisions budgétaires visant à augmenter (ou à réduire) délibérément les prélèvements et/ou les prestations. Nous appliquons ainsi les règles décrites précédemment à l’ensemble des prélèvements et des prestations présents dans le modèle Ines[4] (voir Illustration).

Les simulations sont opérées sur la base de l’enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) de 2013 dont l’échantillon est « vieilli » jusqu’en 2015. La structure de la population et des salaires est donc identique lors de la comparaison entre la législation effective et la législation 2010 « actualisée ». Les allocations chômage et les pensions de retraite étant présentes mais non simulées dans le modèle Ines, nous avons fait le choix de ne pas modifier les cotisations afférentes à ces deux types de prestations. A contrario, l’ensemble des autres cotisations (CSG, CRDS, Santé, …) et l’impôt sur le revenu ainsi que l’ensemble des minima sociaux, les allocations familiales, les allocations logements et la CMUC sont simulés.

Bien qu’ils ne soient pas directement comparables aux évolutions des taux de prélèvements obligatoires (PO) macroéconomiques du fait de l’exclusion dans la simulation de certains prélèvements comme les taxes indirectes (TVA, TICPE, …) et les impôts locaux, les résultats issus de la micro-simulation confirment les quantifications macroéconomiques retenues dans notre prévision. En revanche, la simulation intègre le volet « dépenses sociales » que l’on ne retrouve pas dans l’analyse seule des PO. Hors crédits d’impôts et PPE, le montant collecté de l’IRPP était ainsi, en 2015, 15,7% plus élevé que le niveau qui aurait été le sien s’il avait suivi une simple indexation sur le salaire de base (SMB). Le gel des seuils d’entrée dans l’IR en 2012 et 2013 et la création d’une tranche au taux marginal de 45% ont augmenté le rendement de l’IRPP, et ce malgré la suppression en 2015 de la première tranche d’imposition.

Associées à la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire sur les revenus financiers en 2013 et à l’évolution importante de la CSG, les mesures concernant l’impôt sur le revenu au sens large (IRPP et CSG) ont entraîné une augmentation de ce dernier de 7,6% sur la période 2010-2015, soit près de 11 milliards d’euros.

Si, dans le même temps, les barèmes de certaines prestations sociales ont été réévalués plus rapidement que la simple inflation, d’autres ont été sous-indexés comme les aides au logement ou fortement modifiés comme les allocations familiales. L’évolution relativement positive des prestations sociales (+890 millions d’euros) par rapport au scénario contrefactuel n’a donc pas suffi à compenser l’augmentation de la pression fiscale (+11 milliards d’euros de prélèvements).

Le modèle de micro-simulation Ines permet d’établir, par décile de niveau de vie, l’impact des mesures étudiées (graphiques 1 et 2). Les enseignements d’une telle étude sont nombreux.

D’une part, il apparaît que les revalorisations des minima sociaux et de certaines prestations familiales ont profité aux ménages au niveau de vie inférieur à la médiane. A contrario, les ménages les plus aisés ont logiquement été impactés négativement par la modulation des allocations familiales.

D’autre part, l’ensemble des ménages a subi les conséquences de la hausse importante des prélèvements directs. Ainsi, le gel du barème de la Prime pour l’emploi (PPE), qui a permis une économie de plus de 1,3 milliard d’euros comparativement au contrefactuel législatif, a eu un impact significatif sur l’évolution du niveau de vie des ménages des premiers déciles ne permettant pas de compenser la suppression de la première tranche d’imposition sur le revenu pour les ménages à partir du quatrième décile. De même, la sous-indexation des barèmes, associée au plafonnement des allocations familiales, à l’ajout d’une tranche supplémentaire d’imposition à 45% et à l’alignement des conditions d’imposition des revenus du capital à ceux du travail ont fortement réduit le niveau de vie des ménages appartenant aux quatre derniers déciles de niveau de vie.

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Au final, les mesures étudiées ont eu impact négatif de plus de 10 milliards d’euros sur le niveau de vie des ménages français. Si l’effort a, semble-t-il, été réparti plutôt sur les ménages les plus aisés, notre analyse n’intègre pas les effets induits par la hausse importante de la fiscalité locale et indirecte dont les effets régressifs ont été largement démontrés. Alors qu’elle ne pèse que sur 7,6% du niveau de vie des ménages du dernier décile, la fiscalité indirecte représente 16,6% du niveau de vie des ménages du premier décile[5]. De fait, l’augmentation de la fiscalité écologique, de certaines accises ou des taux normaux et intermédiaires de TVA intervenue en 2014 a, en proportion, davantage impacté les ménages les plus modestes. De même, les augmentations importantes de la fiscalité locale intervenues sur la période ont également pesé sur le pouvoir d’achat des ménages.

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Encadré : Le modèle de micro simulation Ines (Sources : INSEE, DREES)

Ines est l’acronyme d’« Insee-Drees », les deux organismes qui développent conjointement le modèle.

Le modèle est basé sur les enquêtes Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) de l’Insee, qui comprennent plusieurs centaines d’informations sur chaque individu et des données précises et fiables sur les revenus, issues des déclarations fiscales. Il permet de simuler toutes les années législatives récentes sur les millésimes d’ERFS récents.

Ce modèle est utilisé pour réaliser des études à périodicité annuelle, mais il est aussi mobilisé dans le cadre d’études approfondies afin d’éclairer le débat économique et social dans les domaines de la redistribution monétaire, la fiscalité ou la protection sociale. Enfin, il est parfois utilisé comme outil d’appui à la réflexion pour répondre à des sollicitations ponctuelles de divers Hauts Conseils, de ministères de tutelle ou d’organismes de contrôle (IGF, Cour des comptes, Igas).

Le modèle Ines simule :

— les prélèvements sociaux et fiscaux directs: les cotisations sociales, la CSG, la CRDS et l’impôt sur le revenu (y. c. la prime pour l’emploi) ;

— les prestations sociales autres que celles correspondant à des revenus de remplacement : les aides personnelles au logement ; les principaux minima sociaux : le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation pour adulte handicapé (AAH) et ses compléments, les allocations du minimum vieillesse et l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) ; les prestations familiales : allocations familiales (AF), complément familial, allocation de rentrée scolaire (ARS) et bourses du secondaire, prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) et ses compléments (complément libre choix d’activité – CLCA – et complément libre choix du mode de garde – CMG), subventions publiques pour la garde d’enfants en crèches collectives et familiales, allocation de soutien familial (ASF) et allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ; la prime d’activité.

Les principales omissions concernent les taxes et aides locales (taxe foncière par exemple) et l’Impôt de solidarité sur la fortune. Les pensions de retraite, les allocations chômage et la taxe d’habitation ne sont pas simulées mais sont présentes dans les données. Les prélèvements indirects n’entrent pas non plus dans le champ d’analyse du modèle Ines stricto sensu. Le modèle simule, sur barèmes, les différentes prestations auxquelles chaque ménage a droit et les impôts et prélèvements qu’il doit acquitter.  Ines est adossé à l’enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) de l’Insee qui réunit les informations sociodémographiques de l’enquête Emploi, les informations administratives de la Cnaf, la Cnav et la CCMSA et le détail des revenus déclarés à l’administration fiscale pour le calcul de l’impôt sur le revenu.

Ines est un modèle dit « statique » : il ne tient pas compte des changements de comportement des ménages, par exemple en matière de fécondité ou de participation au marché du travail, que pourraient induire les évolutions des dispositions de la législation socio-fiscale.

Depuis 1996, le modèle est mis à jour chaque année durant l’été afin de simuler la législation la plus récente, portant sur la dernière année révolue. Par exemple, à l’été 2016, Ines a été mis à jour pour simuler la législation de l’année 2015. Sur la base de ces mises à jour, les équipes de l’INSEE et de la DREES contribuent annuellement au Portrait social de l’INSEE dans lequel elles analysent le bilan redistributif des mesures de prélèvements et de prestations prises au cours de l’année précédente. La dernière publication s’intitule « Les réformes des prestations et prélèvements intervenues en 2014 pénalisent les 50 % des ménages les plus aisés et épargnent les 10 % les plus modestes » (Cazenave, Fontaine, Fourcot, Sireyjol et André, 2015).

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[1] Le code source et la documentation du modèle de micro-simulation Ines a été ouvert au public en juin 2016 (https://adullact.net/projects/ines-libre). La version 2015 du modèle a été mise à disposition de l’OFCE par l’INSEE et la DRESS depuis le 1er octobre 2016.

[2] Au cours de la période 2012-2015, les impôts locaux ont augmenté de 2,2 milliards d’euros et la taxation indirecte et écologique s’est accrue de 9,5 milliards d’euros.

[3] Bien qu’elle permette de satisfaire l’objectif de stabilité du taux de prélèvements obligatoires des ménages, cette hypothèse forte surestime l’impact des mesures discrétionnaires comparativement à une indexation sur les prix. Selon nos simulations, l’indexation sur les prix des barèmes de prélèvements réduirait l’impact sur le niveau de vie d’en moyenne 0,3 point de niveau de vie par décile.

[4] Pour une description exhaustive des paramètres sociaux et fiscaux présents dans le modèle Ines, voir : http://drees.social-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/open-data/aide-et-action-sociale/article/le-modele-de-microsimulation-ines

[5] Voir N. Ruiz et A. Trannoy (2008), « Le caractère régressif des taxes indirectes : les enseignements d’un modèle de micro-simulation », Economie et Statisitique ou Conseil des prélèvements obligatoire (2015), « Les effets redistributifs de la TVA», Rapport particulier.




France : croissance malmenée

par le Département Analyse et prévision

Ce texte résume les perspectives 2016-2017 pour l’économie française. Cliquer ici pour consulter la version complète.

 

La publication, le 28 octobre, d’une croissance de l’économie française de 0,2 % au troisième trimestre 2016 constitue un signal conjoncturel conforme à notre analyse de la conjoncture de l’économie française. Ce chiffre, proche de notre dernière prévision (+0,3% prévu au troisième trimestre), reste en ligne avec notre scénario de croissance à l’horizon 2018.

En effet, après trois années de croissance très faible (0,5 % en moyenne sur la période 2012-14), un modeste rebond de l’activité s’est dessiné en France en 2015 (1,2 %), tiré par la baisse des prix du pétrole, la dépréciation de l’euro et une consolidation budgétaire moins forte que par le passé. Pour la première fois depuis 2011, l’économie française a renoué avec les créations d’emplois salariés dans le secteur marchand (98 000 sur l’ensemble de l’année), favorisées par les dispositifs fiscaux réduisant le coût du travail. Cumulées à une hausse des effectifs dans le secteur non-marchand (+ 49 000) et des créations d’emplois non-salariés (+56 000), le nombre de chômeurs au sens du BIT a diminué en 2015 (-63 000, soit -0,2 point de la population active). De son côté, dynamisé par le suramortissement fiscal sur les équipements industriels, l’investissement des entreprises a connu un redémarrage en 2015 (+3,9 % en glissement annuel). 

La moins bonne performance de la croissance française par rapport à celle de la zone euro depuis 2014 s’explique, outre le fait qu’elle ait aussi mieux résisté sur la période 2008-2013, par deux éléments majeurs : d’une part, par un ajustement budgétaire plus conséquent que celui de ses voisins européens sur la période 2014-16, et d’autre part par la maigre contribution de ses exportations à la croissance, alors même que les orientations fiscales de la politique de l’offre visent à redresser la compétitivité des entreprises françaises. Or, il semblerait que les exportateurs français aient fait le choix, à partir de 2015, de redresser leurs marges plutôt que de réduire leurs prix à l’exportation, sans effet sur les volumes exportés. Si ce comportement se traduit par des pertes de parts de marché depuis plusieurs trimestres, il peut en revanche, à travers le rétablissement des situations financières des exportateurs hexagonaux, devenir un atout à plus long terme, notamment si ces marges étaient réinvesties dans la compétitivité hors-coût pour favoriser la montée en gamme des produits fabriqués en France.

En 2016, malgré un premier trimestre dynamique (+0,7 %) tiré par une demande intérieure hors stocks exceptionnellement soutenue (+0,9 %), la croissance du PIB plafonnerait à 1,4 % en moyenne sur l’année (tableau 1). Le trou d’air du milieu d’année, marqué par les grèves, les inondations, les attentats ou la fin initialement programmée du suramortissement fiscal, explique en partie la faiblesse de la reprise en 2016. Sous l’effet du redressement du taux de marge, d’un coût du capital historiquement bas et du prolongement du suramortissement fiscal, l’investissement continuerait cependant à croître en 2016 (+2,7 % en glissement annuel). Les créations d’emplois salariés marchands seraient relativement dynamiques (+149 000), soutenues par le CICE, le Pacte de responsabilité ou la prime à l’embauche. Au total, en tenant compte des non-salariés et des effectifs dans le secteur non-marchand, 219 000 emplois seraient créés en 2016. Le taux de chômage baisserait de 0,5 point sur l’année, dont 0,1 serait lié à la mise en place du dispositif « 500 000 formations », et s’établirait à 9,4 % de la population active en fin d’année. Le déficit public, quant à lui, baisserait à 3,3 % du PIB en 2016, après 3,5 % en 2015 et 4 % en 2014.

En 2017, avec un taux de croissance de 1,5 %, l’économie française continuerait à croître à un rythme légèrement supérieur à son potentiel (1,3 %), la politique budgétaire nationale ne pesant plus sur le PIB pour la première fois depuis sept ans. Par contre, la France doit faire face, par rapport à la prévision de printemps, à deux nouveaux chocs, l’impact négatif du Brexit sur le commerce extérieur et celui des attentats sur la fréquentation touristique. Ces deux chocs amputeraient de 0,2 point de PIB la croissance en 2017 (après 0,1 en 2016). L’économie française créerait 180 000 emplois, dont 145 000 dans le secteur marchand, et le taux de chômage se réduirait de « seulement » 0,1 point, en raison du rebond de la population active avec le retour progressif sur le marché du travail des personnes ayant bénéficié du plan formation. Sous l’effet de la remontée du prix du pétrole et de la baisse de l’euro, l’inflation serait de 1,5 % en 2017 (après 0,4 % en 2016). Enfin, le déficit public atteindrait 2,9 % du PIB en 2017, repassant sous la barre des 3 % pour la première fois depuis dix ans. Après s’être stabilisée à 96,1 % du PIB en 2015 et en 2016, la dette publique baisserait très légèrement, pour revenir à 95,8 % en 2017.

L’économie française, bien que malmenée par de nouveaux chocs et loin d’avoir effacé tous les stigmates de la crise, se redresse peu à peu, comme en témoigne l’amélioration graduelle de la situation financière des agents économiques : hausse du taux de marge des entreprises, rebond du pouvoir d’achat des ménages, baisse du déficit et stabilisation de la dette publique.

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