Par Céline Antonin, Christophe Blot et Danielle Schweisguth
Ce texte résume les prévisions d’octobre 2012 pour l’économie de la zone euro.
Après plus de deux années de crise de la zone euro, le Conseil européen, qui s’est tenu les 18 et 19 octobre, n’avait cette fois-ci rien d’un énième sommet de la dernière chance. Même si les discussions sur la future union bancaire[1] furent sources de tensions entre la France et l’Allemagne, il n’y avait aucune épée de Damoclès au-dessus de la tête des chefs d’Etats européens. Pour autant, il serait prématuré de considérer que la crise est proche de son terme. Rappelons simplement que le PIB de la zone euro n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant-crise et qu’il a encore reculé de 0,2 % au deuxième trimestre 2012. Cette baisse devrait se poursuivre puisque nous anticipons une baisse du PIB de 0,5 % en 2012 et encore de 0,1 % en 2013. Par conséquent, le taux de chômage de la zone euro, qui a d’ores et déjà dépassé son précédent record historique qui datait d’avril 1997, continuerait d’augmenter pour atteindre 12,1 % en fin d’année 2013. Quelles sont alors les raisons de cette accalmie ? La zone euro peut-elle rapidement renouer avec la croissance et espérer enfin endiguer la crise sociale ?
Depuis la fin de l’année 2011, l’Europe a adopté un nouveau traité (TSCG : Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) en cours de ratification dans les 25 pays signataires. Concrètement, ce nouveau texte doit permettre de renforcer la discipline budgétaire – via l’adoption de règles d’or nationales – et la solidarité grâce à la création du MES (Mécanisme européen de stabilité) dans la mesure où le recours au MES est conditionnelle à la ratification du TSCG. Le 6 septembre, la BCE a dévoilé les contours de son nouveau programme conditionnel d’achat de titres souverains (voir ici) dont l’objectif est de faire baisser les taux d’intérêt publics des pays placés sous le contrôle du MES. Ainsi, depuis le pic atteint le 24 juillet 2012, les primes de risque, mesurées par l’écart entre les taux d’intérêt publics italien et espagnol et le taux allemand, ont respectivement baissé de 2,2 et 2,5 points (graphiques 1 et 2). On est certes encore très éloigné de la normale mais il n’en demeure pas moins que cette accalmie est la bienvenue et qu’elle témoigne de l’éloignement du spectre d’un éclatement de la zone euro.
Cette nouvelle vague d’optimisme pourrait-elle être le signe précurseur d’une reprise de l’activité dans la zone euro ? La réponse à cette question est malheureusement négative. Les politiques budgétaires des pays de la zone restent en effet fortement restrictives. Elles ont même eu tendance à s’accentuer en 2012 contribuant notamment au retour en récession de l’Italie, de l’Espagne et renforçant celle subie par le Portugal et la Grèce. Sur l’ensemble de la zone euro, l’impulsion budgétaire sera de 1,7 point de PIB en 2012 (tableau). Les votes en cours des budgets nationaux confirment cette stratégie de réduction forcée des déficits budgétaires pour l’année 2013 puisque la consolidation budgétaire globale pour l’ensemble de la zone euro serait de 1,3 %. Les écarts seraient importants entre les pays puisque l’impulsion budgétaire de l’Allemagne serait à peine négative (-0,2 point) mais supérieure à -2 points de PIB en Espagne, en Italie et en Grèce. Or, l’impact récessif de cette consolidation budgétaire synchrone sera d’autant plus important que les pays de la zone euro sont toujours en bas de cycle économique. Dans ces conditions, les objectifs en matière de réduction des déficits budgétaires ne seront pas atteints, ce qui ne manquera pas de soulever la question de l’opportunité de nouvelles restrictions budgétaires. De plus en plus d’Etats membres risquent alors d’être pris dans un cercle vicieux où la faiblesse de la croissance appelle de nouveaux ajustements budgétaires qui renforcent la crise économique et sociale. Toute décision améliorant la gouvernance de l’Union ou la transmission de la politique monétaire est essentielle pour restaurer la confiance et créer les conditions d’un retour de la croissance. Mais ces éléments sont insuffisants pour échapper à la récession et ne doivent pas occulter l’impact de la stratégie budgétaire.