Après une période de taux d’intérêt historiquement bas qui a stimulé l’investissement immobilier, les banques centrales ont procédé depuis 2021 à une hausse rapide et significative des taux d’intérêt dans le but principal de contrôler l’inflation. Cette augmentation des taux a eu pour effet direct de rendre les emprunts immobiliers plus coûteux et moins attractifs pour les ménages. Ces derniers ont alors été contraints de revoir leurs projets d’achat immobilier, préférant souvent reporter ou annuler leurs investissements.
Cette étude se propose d’évaluer les conséquences de cette hausse rapide des taux d’intérêt sur les marchés européens de la construction de logements neufs dans cinq grands pays européens (Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni). Après avoir décrit les évolutions récentes des conditions de crédit, de la situation du secteur de la construction et de l’investissement des ménages dans ces pays européens, nous présenterons une modélisation du comportement d’investissement des ménages ainsi que des prix de l’immobilier pour ces pays. Ces modèles, basés sur des données macroéconomiques, seront estimés séparément et en panel. Enfin nous proposerons une estimation de l’impact des taux d’intérêt sur les décisions d’investissement en logements des ménages et sur l’évolution des prix de l’immobilier dans ces différents pays européens.
1 Un durcissement brutal des conditions de crédit
L’évolution des taux d’intérêt annuels des prêts immobiliers met en évidence plusieurs phases distinctes, marquées par les changements d’orientation de la politique monétaire et les chocs économiques au cours des deux dernières décennies.
Dans les années 2000, on observe une tendance générale à la baisse des taux d’intérêt dans tous les pays étudiés. Cette diminution s’accentue particulièrement à partir de la crise financière de 2008, lorsque les banques centrales adoptent des politiques monétaires accommodantes pour soutenir l’économie. De 2009 à 2014, les taux d’intérêt des prêts immobiliers poursuivent leur baisse avant de se stabiliser à des niveaux historiquement bas entre 2015 et 2021.
A partir de 2021, une forte remontée des taux d’intérêt à l’habitat s’amorce dans tous les pays, en réponse aux pressions inflationnistes accrues, notamment post crise énergétique (OFCE, 2024). Les banques centrales resserrent alors leurs politiques monétaires pour contenir l’inflation. Cette hausse rapide des taux est particulièrement visible en 2023 et 2024, ce qui marque un tournant significatif après une décennie de faibles taux.
Des différences subsistent cependant entre les pays. L’Allemagne et l’Espagne suivent des trajectoires similaires, avec des hausses marquées après 2021, bien que l’Espagne montre parfois une plus grande volatilité dans ses taux de crédit à l’habitat (graphique 1). En France, la courbe est plus stable et lisse, reflétant peut-être des conditions de marché moins sujettes aux variations extrêmes, bien que l’augmentation récente soit également marquée. L’Italie, quant à elle, a souvent enregistré des taux plus élevés, notamment autour de 2007-2008, avant de se rapprocher des niveaux des autres pays après la crise de la zone euro. Le Royaume-Uni, enfin, se distingue par des taux souvent plus élevés avant 2008. La hausse des taux depuis 2021 y est également plus prononcée, suivant la tendance générale.