La croissance à l’épreuve du redressement budgétaire

Perspectives 2024-2025 pour l’économie française

conjoncture
déficit public
politique budgétaire
politique monétaire
taux souverain
inflation
France
Autrices, auteurs & résumé
Par
Affiliations
Mathieu Plane
Elliot Aurissergues
Bruno Coquet
Magali Dauvin
Elsa Feltz
François Geerolf
Eric Heyer
Ombeline Jullien de Pommerol
Pierre Madec
Raul Sampognaro
Publié le

16 octobre 2024

Modifié le

30 janvier 2025

Résumé

La prévision de l’OFCE de la croissance du PIB est de 1,1% pour l’année 2024 et de 0,8% pour l’année 2025. Les conséquences des chocs violents connus par l’économie française s’estompent progressivement comme le montre le ralentissement de l’inflation qui s’étabilirait à 1,5% en moyenne sur l’année 2025. Ceci autorise la Banque Centrale Européenne à réduire les taux d’intérêt ce qui serait un soutien à l’activité en 2025, à hauteur de +0,4 point de PIB.
La dégradation du solde public, particulièrement mal anticipée, oblige à une restriction budgétaire massive dans un contexte politique instable. La réduction du déficit structurel réduirait l’activité économique de -0,8 point de PIB en 2025.

Graphique 1. France, principaux indicateurs économiques

L’année 2023 s’est terminée avec une croissance du PIB de la France de 1,1 % d’après les derniers comptes de l’Insee (30 août 2024, graphique 1), un rythme supérieur à la moyenne de la zone euro (0,5 %, graphique 2). Cette dynamique a permis à l’économie française de combler son retard d’activité par rapport à la zone depuis la crise Covid. Ainsi, à la mi-2024, le PIB de la France se situait 3,8 % au-dessus de son niveau d’avant crise (par rapport à 2019), soit un écart proche de celui de la moyenne de la zone euro (4,3 %), bien au-dessus de celui de l’Allemagne (0,2 %) mais loin derrière les Etats-Unis (12,5 %).

Graphique 2. PIB en écart à 2019

La croissance française atteindrait 1,1 % en moyenne annuelle en 2024. Cette révision à la hausse de 0,6 point de la croissance par rapport à notre prévision d’avril 2023 s’explique par trois éléments :

  1. Le premier concerne la trajectoire budgétaire très différente de celle qui était présenté dans le Programme de Stabilité en avril 2024. Bien que la croissance ait été très peu révisée au cours des différents exercices budgétaires et bien qu’elle soit très proche de celle prévue par Bercy, le déficit public a fortement dérapé par rapport aux prévisions. Il est ainsi attendu à 6,1 % en 2024, contre 5,1 % prévus initialement dans le Programme de Stabilité présenté au printemps de cette année (et 4,4 % dans le PLF 2024 ), en raison de mesures budgétaires annulées, à la suite de la dissolution, d’un important dérapage des dépenses des collectivités locales, ainsi que d’assiettes fiscales moins dynamiques que prévues. Cette différence d’impulsion budgétaire pour 2024 conduit à accroître le PIB de 0,5 point en 2024 par rapport à notre prévision de printemps.

  2. Le deuxième est lié à la révision des comptes pour l’année 2023, l’acquis de croissance pour 2024 a été relevé de 0,3 point de PIB (de 0,2 % à 0,5 %).

  3. Le troisième est lié à la dissolution, et l’incertitude concernant la politique économique nationale amputerait la croissance de -0,1 point en 2024 (voir encadré 2).

En 2025, la croissance française est attendue à 0,8 % malgré les effets positifs de la politique monétaire (+0,4 point de PIB lié à la baisse des taux d’intérêt), mais elle serait contrainte par la suppression de l’ensemble des boucliers tarifaires, et surtout par les nouveaux ajustements budgétaires prévus par le gouvernement Barnier l’année prochaine (estimés à 60 milliards d’euros par le gouvernement1).

1 Selon nos calculs (encadré 6), la baisse du déficit public structurel serait de -1,5 point de PIB en 2025 (ce qui correspond à 44 milliards d’euros), dont 0,3 point de PIB seraient liés à la fin des mesures exceptionnelles (fin des boucliers tarifaires et des mesures de relance). La répartition à l’ajustement structurel primaire se repartirait à environ 60/40 entre hausse des recettes et réduction des dépenses publiques

L’inflation baisserait en 2024 (2,0 % en moyenne après 4,9 % en 2023) et, avec 1,5 % en 2025, serait largement en-dessous de la cible de 2 %, notamment en raison de la décrue attendue des prix de l’électricité. Le retournement du marché du travail se poursuit en raison de la faible croissance de l’activité et du rattrapage partiel des pertes de productivité passées, ainsi que le moindre soutien des politiques de l’emploi et des baisses des exonérations de cotisations, conduisant à une hausse du taux de chômage à 8 % fin 2025 (hors effet de la réforme du RSA ) (contre 7,3% actuellement). Le taux d’épargne resterait élevé en 2024 mais diminuerait en 2025 avec la baisse de l’inflation et des taux d’intérêt, soutenant la consommation des ménages malgré un pouvoir d’achat en baisse l’année prochaine (-0,2 % après +1,1 % en 2024 par unité de consommation). Le déficit public atteindrait 6,1 % du PIB en 2024 et serait encore de 5,3 % du PIB malgré le programme d’ajustement budgétaire prévu.

1 Une croissance tirée par le commerce extérieur et les dépenses publiques

Au cours des quatre derniers trimestres, la croissance a crû de 1 %, en glissement annuel, un rythme légèrement supérieur à la moyenne de la zone euro. La dynamique des composantes de cette croissance est polarisée. D’un côté, elle a été principalement tirée par le fort redressement du commerce extérieur (contribution de 1,2 point de PIB), dont plus de 80 % s’explique par la baisse marquée des importations. Mais aussi par les dépenses publiques, que ce soit à travers la consommation ou l’investissement des administrations publiques (APU), qui ont participé à soutenir la croissance à hauteur de 0,5 point de PIB sur un an (graphique 3 ). Ce soutien public à la croissance, peu compatible avec un fort ajustement budgétaire, a eu pour contrepartie un creusement du déficit public par rapport à la trajectoire attendue dans le Projet Loi de Finances 2024. De l’autre côté, les dépenses des ménages n’ont quasiment pas contribué à la croissance depuis un an, en raison de la poursuite de la baisse de l’investissement immobilier et d’une consommation atone avec un taux épargne toujours élevé.

A noter que l’investissement des ménages a amputé le PIB de -0,9 point entre la mi-2022 et la mi-2024 sous l’effet notamment de la remontée des taux d’intérêts. Enfin, les dépenses des entreprises, que ce soit par l’investissement ou les stocks, ont réduit la croissance de -0,8 point de PIB au cours des quatre derniers trimestres.  En effet, après avoir connu une forte croissance entre la période post-Covid et la mi-2023, l’investissement des entreprises a baissé de -1,5 % en glissement annuel au 2e trimestre 2024. Le seul déstockage des entreprises a contribué à réduire la croissance de -0,7 point et a porté aussi bien sur les matériels de transport que sur les biens d’équipements et les autres produits industriels. Cet effet arrive après la période de restockage post-Covid mais l’ampleur du déstockage est inédit depuis la crise financière de 2009.

Graphique 3. Contribution des composantes à la croissance du PIB

Quatre ans et demi après la crise du Covid, il est intéressant de comparer la situation macroéconomique actuelle avec celle en sortie de crise des subprime. Cette dernière était, avant celle du Covid, le choc le plus important que l’économie française ait connu depuis l’après-guerre. Nous proposons donc d’analyser la variation des composantes du PIB, de la valeur ajoutée des principales branches de l’économie, et des comptes d’agents sur des temporalités comparables (i.e sur dix-huit trimestres après le trimestre de référence pré-crise), afin d’identifier les éventuelles similitudes et d’en tirer des enseignements sur l’efficacité du redressement post-Covid, par rapport à celui post-subprime.

Au deuxième trimestre 2024, soit dix-huit trimestres après le début de la crise du Covid, le PIB de la France s’établit à 3,7% au-dessus de sa niveau pré-crise. En comparaison, dix-huit trimestres après le déclenchement de la crise des subprime, le PIB n’était que de 0,8% supérieur à son niveau d’avant crise. La meilleure performance de la situation du PIB post-Covid est tout d’abord liée au dynamisme de la VA des services marchands, qui s’élève respectivement à 7,4% en 2024, contre seulement 2,9 % en 2012. A noter cependant qu’à très court terme, le choc était beaucoup plus important post Covid, la VA perdant plus de 15% de sa valeur en deux trimestres, là où post-subprime, la VA avait perdu « seulement » 4% de sa valeur, et cela, sur une année. Deuxièmement, une partie de cette meilleure performance s’explique par la moindre chute de la branche de la construction (-7,5 %) dans le contexte post-Covid, et ce malgré le choc inflationniste, la hausse des taux d’intérêt et l’intensification des tensions géopolitiques qui sont venus amoindrir sa reprise, du fait du renchérissement des coûts des matières premières et des problèmes de chaînes d’approvisionnement. La chute de la VA dans la construction a été plus de deux fois plus forte post subprime (-16 %). Elle s’était, elle, totalement effondrée dès le premier trimestre, et avait connu une baisse progressive et continue dans le temps, due au durcissement des conditions d’attribution des crédits et à une chute de la demande de logements. Quant à l’industrie, bien que n’ayant pas retrouvé son niveau d’avant crise au 2e trimestre 2024, elle est globalement moins affectée que lors de la crise des subprime. Elle s’établit en effet à -0.6 % sous sa valeur de pré-crise, contre -3.6 % à la même période post subprime. En revanche, les services non marchands ont, eux, moins soutenu la croissance en sortie de crise Covid (2,8 %) que dans le contexte post-subprime (6,8 %).

Du côté des composantes de demande du PIB, le niveau de la consommation totale (privée et publique) est relativement identique post-subprime et post Covid et contribue à améliorer le PIB de 3,3 points dix-huit trimestres après le début des deux crises. La différence se fait clairement sur l’investissement qui a subi une nette contraction post subprime (-7,7 %) alors qu’il se situe actuellement 1,3 % au-dessus de son niveau pré-Covid. De même, le commerce extérieur contribue actuellement positivement à la dynamique du PIB par rapport à la situation pré Covid (+0,8 point) alors qu’il amputait la croissance de -0,5 point de PIB dix-huit trimestres après la crise des subprime. Ces deux composantes expliquent un écart de plus de 3 points de PIB et laissent à penser que l’impact sur la croissance de long terme de la crise Covid serait inférieur à celui de la crise des subprime.

Tableau 1. Comparaisons des évolutions de certaines variables macroéconomiques après la crise des subprime et la crise Covid
Valeur ajoutée
Poste de la demande
PIB
Industrie Construction Services marchands Services non marchands Consommation privée Consommation publique Investissement Commerce Extérieur
Variation en %
Crise subprime −3,6 −16,0 2,9 6,8 2,7 8,1 −7,7
0,8
Crise Covid −0,6 −7,5 7,4 2,8 2,8 7,0 1,3
3,7
Contribution, en pts. de PIB
Crise subprime −0,4 −1,2 1,6 1,5 1,4 1,9 −1,8 −0,5 0,8
Crise Covid −0,1 −0,4 4,2 0,6 1,5 1,7 0,3 0,8 3,7
Sources : INSEE, calculs OFCE.
Note : crise des subprime : 2008 T1 - 2012 T3, crise Covid : 2019 T4- 2024 T2. <>brLecture : Les variations et les contributions sont calculées entre le trimestre de référence pré-crise et dix-huit trimestres après.

En ce qui concerne la situation financière des agents économiques, il est intéressant de noter qu’avant la crise du Covid et avant celle des subprime, la situation des agents économiques était très proche : les ménages avaient une capacité de financement identique, représentant 2,6 % du PIB, et les entreprises comprises entre 0,6 et 0,8 % du PIB. Les administrations publiques avaient un besoin de financement proche de 3% du PIB, et l’économie française avait un léger excèdent extérieur, de 0,3 % du PIB. Quatre ans et demi après le début des deux crises, le compte des agents est encore relativement similaire, avec toutefois quelques nuances. Tout d’abord, dans les deux cas, on observe une dégradation du solde public, de près de 2,5 points de PIB, le déficit public étant compris entre 5,3 et 5,5 points de PIB, en raison du creusement des output gap, mais aussi d’une dégradation du déficit structurel qui va au-delà des seules mesures de relance budgétaire. Si la situation en termes de déficit est relativement similaire, le niveau de dette publique est différent : de 91,3 % du PIB au 3ème trimestre 2012 contre 112 % au 2e trimestre 2024, même si dans le cas de la crise Covid elle a moins augmenté que durant celle des subprime (13,9 points de PIB contre 24,4 points) . Concernant les entreprises, elles ont des situations assez semblables à celles pré-crise et proches de l’équilibre, même si dans le cas des subprime, c’est en grande partie lié à la contraction de l’investissement, alors que durant la crise Covid le taux de marge des entreprises ne s’est pas détérioré. En sortie de crise du Covid, la situation extérieure est moins défavorable que pour celle des subprime. Elle était quasiment à l’équilibre à la mi-2024, après avoir connu une très forte dégradation, avec un creux à -2,5 points de PIB à la mi-2022, au moment du pic des prix de l’énergie. En revanche, dix-huit trimestres après le début de la crise des subprime, le déficit extérieur était de -0,9 point de PIB. Enfin, du côté des ménages, leur capacité de financement s’est fortement améliorée au cours des deux crises, mais de façon plus importante post crise Covid (5,5 % du PIB contre 4,1% après la crise des subprime). Cela s’explique par une sur-épargne des ménages français qui s’est installée depuis le choc Covid et qui n’est jamais revenue à son niveau pré-Covid. Ce phénomène de sur-épargne a été moins marqué durant la crise des subprime, et l’amélioration de la capacité de financement des ménages est passée par une baisse plus marquée de l’investissement des ménages. Ainsi, au 2e trimestre 2024, les ménages mettaient 17,9 % de leur revenu disponible brut de côté, là où ils n’en épargnaient que 15.9 % en sortie de crise des subprime.

Graphique 4. Besoins/capacités en financement

L’analyse comparative de la crise du Covid avec celle des subprimes permet de mettre en valeur un redressement économique plus favorable en 2024 qu’en 2012, même si concernant les comptes d’agents il existe un certain nombre de similitudes.

Il est important de noter cependant, qu’en 2012 une consolidation budgétaire avait déjà commencé pour rétablir les comptes publics, alors que celle-ci va « seulement » débuter en 2025, ce qui pourrait modifier les trajectoires économiques à venir. D’ailleurs, le spread de taux entre la France et l’Allemagne sur les obligations publiques à 10 ans, était de 0,75 point fin septembre 2012, soit exactement le même que celui de septembre 2024 (voir encadré 5). Avec des différences majeures cependant : un spread sur la pente descendante en 2012 alors qu’il est au contraire sur la pente ascendante aujourd’hui et aussi un niveau de taux nominal différent (3 % aujourd’hui contre 2,2 % en septembre 2012).

2 Un cadrage macroéconomique marqué par les évolutions du policy-mix

Selon nos évaluations (tableau 2), en raison des différents éléments qui affectent l’économie française, la croissance du PIB s’établirait respectivement en 2024 et 2025 à 1,1 % et 0,8 % alors que la croissance hors chocs2 aurait été de 1,5 % et 1,4 %.

2 La croissance hors chocs correspond à la croissance potentielle de 1,3 % en 2024 et 2025, à laquelle s’ajoute l’acquis de croissance (par rapport à la croissance trimestrielle potentielle) de -0,3 point en 2024 et -0,4 point en 2025 et la vitesse de fermeture de l’output gap de 0,5 point en 2024 et 2025.

Après deux années avec un effet très négatif, l’impact du choc énergie est désormais quasiment nul en 2024, même légèrement positif sur la croissance en 2025, et ce malgré la fin progressive du bouclier tarifaire. Cela est dû à la forte baisse des prix spot de l’énergie, notamment les prix de gros de l’électricité qui conduiront à des tarifs plus bas pour les consommateurs en 2025.

L’amélioration des chaînes de production entamée en 2023 continuerait à produire des effets positifs sur la croissance en 2024 (+0,2 point de PIB) mais davantage en 2025.

Si une remontée des tensions géopolitiques est apparue à la fin 2023 et en 2024 à la suite de l’attaque du 7 octobre 2023, réduisant la croissance française de -0,1 point en 2024, nous ne prévoyons pas de nouvelles dégradations en 2025. Bien sûr, un élargissement et une intensification des conflits, au Moyen-Orient ou en Ukraine modifieraient les conditions économiques mondiales, ce qui pèserait sur la croissance française. Mais désormais, l’incertitude politique n’est plus uniquement internationale puisqu’elle existe aussi au niveau national depuis la dissolution de l’Assemblée Nationale en juin 2024. A partir de la mesure d’un indice d’incertitude de politique économique pour la France, et en supposant que la situation mesurée par cet indicateur reste au même niveau que celle observée actuellement, nous estimons que cela amputera la croissance de -0,1 point de PIB en 2024 et de -0,2 point en 2025 (voir encadré 2).

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris ont contribué à accroître la croissance annuelle du PIB de 0,1 point en 2024, en raison du pic d’activité au 3e trimestre. En revanche, cet effet, exceptionnel et non permanent, conduit à revenir au niveau de PIB hors JO en 2025, ce qui réduit la croissance du PIB de 0,1 point.

En raison des effets retardés de la montée des taux d’intérêt sur l’activité, compris entre 12 et 18 mois pour les effets pleins3, la hausse passée des taux4 conduirait à amputer la croissance de -0,6 point de PIB en 2024 (après -0,6 point en 2023). En revanche, dans un contexte d’inflation basse et maîtrisée, la poursuite de la baisse des taux directeurs de la BCE au rythme de -0,25 point par trimestre à l’horizon de la prévision aurait des effets positifs, de +0,4 point sur la croissance en 2025. A l’inverse, la politique budgétaire qui a soutenu la croissance en 2024 (+0,3 point de PIB) l’impacterait très négativement en 2025. La réduction du déficit structurel primaire de -1,2 point de PIB (hors retrait des mesures exceptionnelles) conduirait à réduire la croissance de -0,8 point de PIB en 2025 (@tip–plf). Ainsi, la nature du policy mix change complètement entre 2024 et 2025, passant d’un effet négatif de la politique monétaire et positif de la politique budgétaire en 2024 à une combinaison inverse en 2025. La somme de ces deux effets (hors retrait des mesures exceptionnelles) est évalué à -0,3 point de PIB en 2024 et -0,4 point de PIB en 2025.

3 Pour plus de détails, voir C. Blot et P. Hubert, 2018, « Une analyse de la contribution de la politique monétaire à la croissance économique », Revue de l’OFCE, n° 159.

4 Les canaux de transmission de la hausse des taux sur l’économie sont multiples : la hausse joue négativement sur l’investissement et la consommation des ménages à travers la hausse du coût du crédit hypothécaire ainsi que les effets sur la valeur du patrimoine et la dette immobilière. Du côté des entreprises, la hausse du coût du capital a un effet négatif sur l’investissement des entreprises.

Tableau 2. Evaluation de l’effet des différents chocs sur la croissance du PIB
En pts de PIB 2022 2023 2024 2025
Croissance hors chocs* 4.0 1.5 1.5 1.4
Choc approvisionnements −0.3 0.2 0.2 0.0
Variation des taux −0.1 −0.6 −0.6 0.4
Incertitude internationale et tensions géopolitiques −0.3 0.0 −0.1 0.0
Incertitude politique nationale

−0.1 −0.2
Impact Energie (choc et mesures) −0.3 −0.5 −0.1 0.1
Choc énergie −1.1 −0.7 0.3 0.5
Bouclier et mesures énergie 0.8 0.2 −0.4 −0.4
Mesures budgétaires (hors mesures temporaires) 0.1 0.0 0.3 −0.8
Effet centrales nucléaires (arrêt et rédemarage) −0.5 0.5 0.0 0.0
Effet JO

0.1 −0.1
Croissance observée et prévue 2.6 1.1 1.1 0.8
Note : La croissance hors chocs correspond à la croissance potentielle, plus la fermeture de l’output gap et l’acquis potentiel sur la croissance. Dans le détail, le choc énergie conduit à réduire la croissance du PIB de -1,1 point en 2022, -0,7 point en 2023 et l’augmenterait de 0,3 point en 2024 et 0,5 point en 2025, soit un effet cumulé de -1 point de PIB sur la période 2022-2025. La mise en place de mesures budgétaires spécifiques pour amortir ce choc énergie a eu un effet sur la croissance du PIB de 0,8 point en 2022, 0,2 point en 2023, -0,4 point en 2024 et -0,4 point en 2025, soit un effet cumulé de 0,2 point de PIB sur la période qui devrait s’annuler au-delà de 2025 en raison de l’extinction progressive des mesures budgétaires exceptionnelles.
Sources: Insee, prévisions OFCE octobre 2024.

La dissolution de l’Assemblée Nationale du 9 juin 2024 a ouvert une période d’incertitude politique dans l’Hexagone, qui n’a pas été résolue par le résultat des élections législatives des 30 juin et du 7 juillet. Si la formation d’un gouvernement de coalition minoritaire a pu atténuer l’incertitude, la pérennité de son action est loin d’être garantie, dans un contexte budgétaire tendu au moment même du vote de la Loi des Finances Initiale pour 2025 - alors qu’une procédure de déficit excessif a été initiée le 26 juillet dernier.

Afin d’analyser l’effet de la montée du risque politique sur les perspectives de croissance du PIB français nous avons utilisé les données d’incertitude de politique nationale issues des travaux de Baker, Bloom et Davis (2016)(a). Cet indice utilise les apparitions dans la presse américaine et française (Le Monde et Le Figaro) d’articles où on observe l’occurrence simultanée de mots en lien avec l’incertitude dans les principales politiques économiques en France(b).

Après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale l’indice d’incertitude politique de Baker et al. (2016) a fortement augmenté (graphique 5). Au 3e trimestre 2024 il s’établit à un niveau supérieur de plus de 50 % à sa valeur moyenne observée pendant la XVIe législature (allant de juin 2022 à juin 2024, où il y avait déjà un gouvernement minoritaire). Partant de la méthodologie de Sampognaro (2022)(c), nous avons développé un modèle statistique qui relie l’indice de risque politique national à quelques variables macroéconomiques importantes. Ainsi, l ’incertitude politique française, l’investissement des sociétés non financières, le PIB et le taux d’intérêt à 3 mois sont modélisés simultanément. En outre, l’effet exogène du prix du pétrole, du taux d’intérêt de court terme de la dette allemande et de l’incertitude politique en Europe est contrôlée(d).

Graphique 5. Indice d’incertitude de politique économique