Italie : l’investissement amortit le choc douanier

Perspectives 2025-2026, analyses pays

conjoncture
Italie
Europe
Autrices, auteurs & résumé
Par
Affiliation
Benoit Williatte
Publié le

15 octobre 2025

Modifié le

16 octobre 2025

Graphique 1. Italie, principaux indicateurs économiques

1 Les tensions commerciales pèsent sur l’activité…

L’économie italienne a poursuivi sa faible croissance au premier semestre 2025 (+0,3%, -0,1%), malgré les effets négatifs de la guerre commerciale. Au premier trimestre, la progression du PIB avait été soutenue par quasiment toutes ses composantes, hormis les variations de stocks (graphique 2). Le coup d’arrêt observé au deuxième trimestre (-0,1%) est lié à une contribution fortement négative du commerce extérieure (-0.7%), reflétant la fin du surcroît d’activité commerciale qu’avait impulsé l’anticipation par les entreprises des mesures douanières de l’administration Trump, mais également des pertes importantes de parts de marché. Sur cette première moitié de l’année 2025, les ménages ont connu des gains de pouvoir d’achat : le salaire réel par tête a crû de 1,2% tandis que l’emploi progressait de 0,5% sur le premier semestre, tiré par les non-salariés du secteur marchand. Une hausse du taux d’épargne (+0,6 point de pourcentage au premier trimestre) a toutefois limité l’impact de ces gains sur la consommation des ménages (+0,2%, 0%).

Graphique 2. Niveaux et contributions des composantes du PIB

Alors que l’investissement s’était replié en 2024, les hausses de taux d’intérêts passées et le retrait du soutien à la rénovation des bâtiments (« Superbonus ») ayant pesé sur l’investissement des ménages (de 10,7% du revenu disponible brut, au quatrième trimestre 2023, à 8,6% un an plus tard), la FBCF est revenue à une dynamique positive, bénéficiant des baisses de taux d’intérêt et des dépenses issues du volet italien du plan de relance européen. L’effet de ce dernier est en effet visible dans la progression soutenue de l’investissement en bâtiments non-résidentiels (+1,8% et +0.7%), tandis que l’accumulation de machines et équipements productifs (-0,2%, +2,1%) était principalement soutenue par des conditions de financement plus favorables.

L’inflation au sens du glissement annuel de l’Indice des Prix à la Consommation Harmonisé (IPCH) était de 1,9% au deuxième trimestre (graphique 3). La composante énergétique a exercé une pression à la baisse, reflétant l’évolution des cours du pétrole et du gaz, tandis que la contribution de la composante alimentaire a augmenté le long de l’année 2025. L’effet des services sur l’inflation globale semble s’être stabilisé autour de 1,2%, soit une contribution largement supérieure à celle observée sur les années 2014-2019 : bien que les augmentations récentes de salaires réels aient été en partie compensée par une baisse du taux de marge des sociétés non-financières. En revanche, la contribution des biens manufacturés est revenue à des niveaux quasi-nuls, correspondant à ceux des années pré-COVID.

Graphique 3. Inflation (IPCH) et contributions des principales composantes

2 Marché du travail : l’emploi résiste

Le taux d’emploi a légèrement augmenté au premier semestre, tandis que le taux d’activité retrouvait le pic atteint au début de 2024 (67%, contre 66,3% au dernier trimestre 2024; c.f. graphique 4). Les créations d’emploi se sont poursuivies à un rythme soutenu au premier semestre 2025, bien que reposant sur les non-salariés (+0,5% pour l’ensemble de l’économie, dont 2% pour les non-salariés). Au sein du secteur marchand non-agricole, cette résilience de l’emploi, alors que la valeur ajoutée stagnait, s’est donc traduite par des pertes de productivité importantes, visibles dans le secteur manufacturier ainsi que les services marchands. Dans l’industrie, les pertes de productivité ont accompagné une baisse de la valeur ajoutée liée au contexte commercial défavorable ; le recours accru au dispositif d’activité partielle témoigne également d’un comportement de rétention de main-d’oeuvre1. Au sein des branches de services marchands, la demande de travail a été encore plus forte, tandis que la valeur ajoutée stagnait. En contraste, au sein du bâtiment l’évolution favorable de la production et de la productivité moyenne reflètent le dynamisme d’un secteur porté par l’investissement public.

1 La Cassa Integrazione Guadagni est le dispositif d’activité partielle permettant aux entreprises italiennes, notamment dans l’industrie, de payer des heures non-travaillées. Au premier semestre 2025, le nombre d’heures couvertes par le dispositif était en hausse de 26,9% par rapport à l’année précédente pour les salariés du secteur manufacturier.

Graphique 4. Marché du travail italien

3 La croissance résiste grâce à un policy mix favorable

L’Italie devrait connaître une croissance inférieure à son potentiel en 2025, principalement sous l’effet du choc récessif de demande adressée et d’incertitude que représentent les annonces de tarifs douaniers de l’administration Trump. La demande intérieure serait le moteur d’une croissance faible en rythme trimestriel, tirée notamment par l’investissement des ménages. L’inflation diminuerait sous l’effet de l’appréciation de l’euro et des baisses de prix des matières premières énergétiques.

En 2026, le policy mix serait globalement favorable. D’une part, la transmission de la baisse des taux d’intérêt à l’ensemble de l’économie devrait se poursuivre, stimulant l’investissement privé et la consommation. D’autre part, la politique budgétaire serait neutre dans l’ensemble, malgré les contraintes qui pèsent sur les finances publiques italiennes. Nous anticipons que l’Italie sortira de la procédure pour déficit excessif en 2026, le déficit s’établissant à 2,9%, en-dessous donc du seuil de 3%. Malgré la fin de cette procédure, le gouvernement demeure contraint par le plan structurel de moyen-terme (soumis en 2024), qui prévoit un effort structurel moyen de 0,6% du PIB par an jusqu’en 20231. A court-terme, toutefois, nous anticipons pour 2026 un effort moindre (0,4%) ; de plus, la montée en charge des dépenses d’investissements financées par les subventions du plan NGEU (neutres, donc, du point de vue du solde public) devrait compenser en partie les efforts structurels attendus.

Nous prévoyons donc que la croissance italienne en 2026 reviendrait à un niveau proche de son potentiel. L’effet négatif de l’environnement commercial devrait s’atténuer, permettant des contributions légèrement positives du commerce extérieur à la croissance trimestrielle. Du point de vue de la demande intérieure, l’investissement, tiré en particulier par les administrations publiques et les entreprises, constituerait toujours le principal moteur de la croissance. La consommation des ménages progresserait aussi, soutenue par une légère baisse du taux d’épargne. L’inflation retrouverait en fin d’année un niveau légèrement inférieur (1,7%) à la cible de la BCE, tirée par les services et la composante alimentaire.

Tableau 1. Prévisions 2025-2026 pour l’Italie
en %
2025
2026
de 2025t1
à 2026t4
2024
2025
2026
T1 T2 T3 T4 T1 T2
PIBa  0,3 −0,1  0,1  0,1 0,2  0,2
0 0.31 −0.076 0,3% -0,1% 0,1% 0,1% 0,2% 0,2% 0,3% 0,3%
  0,5   0,5   0,7
PIB par habitanta  0,4 −0,1  0,1  0,1 0,3  0,2
0 0.38 −0.070 0,4% -0,1% 0,1% 0,1% 0,3% 0,2% 0,3% 0,3%
  0,6   0,6   0,8
Consommation ménagesa  0,2 −0,0  0,1  0,1 0,2  0,2
0 0.30 −0.042 0,2% 0% 0,1% 0,1% 0,2% 0,2% 0,3% 0,3%
  0,4   0,5   0,8
Consommation publiquea −0,3  0,2  0,3  0,3 0,1  0,1
0 0.30 −0.26 -0,3% 0,2% 0,3% 0,3% 0,1% 0,1% 0,1% 0%
  1,1   0,6   0,6
FBCF totalea,b  1,1  1,0  0,7  0,3 0,3  0,3
0 1.08 0 1,1% 1% 0,7% 0,3% 0,3% 0,3% 0,4% 0,4%
  0,0   2,8   1,6
Exportationsa,c  2,1 −1,7  0,4  0,4 0,5  0,5
0 2.12 −1.74 2,1% -1,7% 0,4% 0,4% 0,4% 0,5% 0,5% 0,5%
 −0,3   0,4   1,3
Importationsa,c  1,3  0,4  0,4  0,4 0,4  0,4
0 1.26 0 1,3% 0,4% 0,4% 0,4% 0,4% 0,4% 0,4% 0,4%
 −1,5   2,4   1,6
Demande intérieurea,d,e  0,3  0,2  0,3  0,2 0,2  0,2
0 0.33 0 0,3% 0,2% 0,3% 0,2% 0,2% 0,2% 0,3% 0,3%
  0,4   1,0   0,9
Variations de stocksa,e −0,3  0,4 −0,1 −0,1 0,0 −0,1
0 0.40 −0.33 -0,3% 0,4% -0,1% -0,1% 0% 0% 0% 0%
 −0,2   0,1  −0,1
Commerce extérieura,c,e  0,3 −0,7  0,0  0,0 0,0  0,0
0 0.31 −0.67 0,3% -0,7% 0% 0% 0% 0% 0% 0%
  0,3  −0,6  −0,1
Inflationf  1,8  1,9  1,6  1,3 1,1  1,2
0 1.87 0 1,8% 1,9% 1,6% 1,3% 1,1% 1,2% 1,5% 1,7%
  1,1   1,6   1,4
Taux de chômageg  6,2  6,3  6,3  6,4 6,5  6,6
0 6.61 0 6,2% 6,3% 6,3% 6,4% 6,5% 6,6% 6,6% 6,6%
  6,5   6,3   6,6
Solde couranth   1,1   0,9   1,1
Déficit publich   3,4   3,3   2,9
Dette publiqueh 135   137   139  
Impulsion budgétairei  −4,5  −0,1   0,0
a En volume, aux prix chaînés. b FBCF : Formation Brute de Capital Fixe ; APU : Administrations Publiques. c Biens et services. d Demande intérieure hors variation de stocks. e Contribution à la croissance du PIB. f Evolution de l'indice des prix de consommation harmonisés (IPCH, sauf USA et France IPC). Pour les trimestres, glissement annuel (T/T(-4)) des prix. Pour les années, croissance moyenne annuelle des prix. g Au sens du BIT, en % de la population active. Pour les trimestres moyenne trimestrielle, pour les années, moyenne annuelle. h En % du PIB annuel, en fin d'année. i Variation annuelle du déficit public (APU) primaire structurel, en points de PIB.
Sources : IStat, Eurostat, prévision OFCE octobre 2025.