1 La croissance ne dépasserait pas 0,7% par an en 2025 et en 2026
Alors que la croissance spontanée du PIB (qui correspond à la croissance hors chocs1) serait, selon nos évaluations, de 1,4 % pour cette année et l’année prochaine, la croissance prévue ne devrait être que de 0,7 % en 2025 et 0,7 % en 2026, les chocs négatifs l’emportant sur ceux positifs (tableau 1).
1 La croissance hors chocs correspond à la croissance du PIB potentiel, plus la variation spontanée de l’écart de production. Cela suppose implictement une neutralité de l’ensemble des chocs (budgétaire, monétaire, incertitude, politique commerciale…)
La hausse de l’incertitude nationale faisant suite à l’instabilité politique depuis la dissolution de l’Assemblée Nationale, qui est montée d’un cran depuis fin août, amputerait la croissance de -0,4 point de PIB en 2025 (après -0,1 point en 2024)2 et de -0,3 point en 2026. Malgré le vote de la loi de finances initiale pour 2025, les incertitudes sont reparties à la hausse depuis l’annonce le 25 août de F. Bayrou de se soumettre à la confiance du Parlement. Avec la chute de deux gouvernements successifs, Bayrou puis Lecornu, en moins d’un mois, l’incertitude s’est clairement renforcée, avec la problématique de l’adoption d’un budget pour 2026. Même en supposant que le budget soit adopté, nous supposons que l’indice d’incertitude politique restera à ce niveau élevé jusqu’à la fin de l’année, pendant tout le processus budgétaire voir partie incertitude). Même si l’incertitude se dissipe progressivement au cours de l’année 2026, la croissance du PIB en gardera des stigmates l’année prochaine. Au total, depuis la dissolution, la hausse de l’incertitude liée à la politique nationale aputerait le PIB de -0,8 point de PIB sur la période 2024-2026 .
2 Ce calcul est réalisé à partir de la méthodologie développée dans Sampognaro (2024), Effet d’un choc d’incertitude politique sur le PIB français, Revue de l’OFCE, n.187, octobre 2024.
Aux problématiques internes à la France s’ajoutent les incertitudes internationales et des tensions géopolitiques depuis l’élection de Donald Trump dont les effets négatifs attendus sur la croissance française représenteraint -0,2 point de PIB en 2025. Nous supposons qu’elles se stabiliseraient au niveau actuel pour 2026, ce qui serait neutre sur la croissance de 2026.
Autre effet négatif, la consolidation budgétaire attendue en 2025 et 2026 dont nous chiffrons l’impact sur la croissance à -0,4 point de PIB en 2025 et -0,8 point en 2026. Implicitement, nous supposons que la loi de finances sera votée pour 2026, même si le budget n’est pas adopté avant la fin de l’année mais en début d’année prochaine (et donc qu’une loi spéciale pourrait servir uniquement de transition mais ne couvrirait pas l’ensemble de l’année, voir Encadré Loi Spéciale). Par manque d’informations et de visibilité, nous avons réalisé notre exercice de prévision en supposant que le budget 2026 serait dans les clous budgétaires du Rapport d’Avancement Annuel (RAA) présenté en avril 2025 qui prévoyait un effort structurel primaire de 0,9 point de PIB3 (et 0,7 point de PIB si l’on inclut la hausse des charges d’intérêts). Malgré une impulsion budgétaire primaire identique en 2025 et 2026 (-0,9 point de PIB), l’impact négatif sur le PIB passe du simple au double entre ces deux années. Comme l’effort budgétaire s’explique essentiellement par les hausses de fiscalité en 2025, ciblées sur les grands groupes et les hauts revenus, le multiplicateur budgétaire associé à la politique budgétaire serait relativement faible à court terme (évalué à un peu moins de 0,5 à un an). En 2026, le multiplicateur d’ensemble serait proche de l’unité, notamment parce que certaines dépenses qui vont augmenter significativement ont un effet multiplicateur sur le PIB très faible (la hausse de la charge d’intérêts et la contribution à l’UE en sont des exemples) alors que les économies structurelles en dépense auraient un multiplicateur relativement élevé (économies sur les prestations, politiques de l’emploi, collectivités locales…).
3 A noter qu’une marge de manoeuvre budgétaire de 0,2 point de PIB existe par rapport au RAA et qui permet de respecter en 2026 les traités budgétaires européens. Dans ce cas là, la consolidation budgétaire serait allégée et l’effet sur la croissance de la politique budgétaire moins négatif (de -0,8 point à -0,6 point de PIB). En revanche, le déficit public serait 0,1 point de PIB plus elevé que dans le scénario calé sur la politique budgétaire issue du RAA.
En % du PIB | 2024 | 2025 | 2026 |
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Croissance hors choc | 1,4 | 1,4 | 1,4 |
Politique monétaire et taux | −0,6 | 0,3 | 0,6 |
Politique budgétaire nationale | 0,5 | −0,4 | −0,8 |
Energie | −0,1 | 0,1 | 0,0 |
Incertitude globale | −0,2 | −0,6 | −0,3 |
dont politique nationale | −0,1 | −0,4 | −0,3 |
Effets liés au commerce mondial | 0,1 | −0,1 | −0,2 |
dont politique budgétaire des partenaires | −0,2 | 0,0 | 0,1 |
Autres effetsa | 0,1 | −0,1 | 0,0 |
Croissance observée et prévue | 1,1 | 0,7 | 0,7 |
a effets sur les chaines d'approvisionnements, impact des Jeux Olympiques de Paris...
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Note de lecture: L’incertitude globale conduit à réduire la croissance du PIB de 0,4 point en 2025, 0,3 point en 2026. En 2025, la politique monétaire et les taux d’intérêt, ainsi que l’énergie contribuent positivement à la croissance du PIB (+0,3 pt), tandis que la politique budgétaire, l’incertitude et les autres chocs contribuent négativement (-1 pt). Finalement, la croissance prévue du PIB en 2025 est 1,4 + 0,3 - 1 = + 0,7 %. | |||
Note: La croissance hors choc correspond à la croissance potentielle (1,2 %), plus la fermeture de l’output-gap (estimé à -1,0 point de PIB en 2024) et l’acquis potentiel sur la croissance. | |||
Sources: Insee, prévision OFCE octobre 2025. |
A rebours de la politique budgétaire, la politique monétaire et l’évolution des taux apporteraient un soutien significatif à la croissance. Nous tablons sur un taux principal de refinancement de la Banque Centrale Européenne (BCE) qui s’établirait à 1,9 % par an au 4e trimestre 2025, puis se stabiliserait à ce niveau jusqu’à la fin 2026 (contre 2,15 % au 3e trimestre, après avoir atteint un pic à 4,5 % jusqu’en mai 2024; voir partie internationale sur la politique monétaire). Le taux des OAT à 10 ans se stabiliserait à un niveau proche de son niveau actuel, soit à 3,5 % sur toute la période de prévision.4 Si la baisse des taux courts ne s’est pas traduite par une baisse équivalente des taux longs, il n’en reste pas moins que la baisse de plus de 2 points en un an des taux directeurs de la BCE, améliore le refinancement de l’économie, visible à travers la baisse des taux des nouveaux crédits bancaires pratiqués aux ménages ou aux entreprises5. Ainsi, l’évolution passée et anticipée des taux courts et longs conduit à un impact positif mais modéré sur la croissance, estimé à +0,3 % cette année. Il serait plus elévé en 2026, à +0,6 point de PIB en raison des effets de diffusion relativement longs de la politique monétaire sur l’activité (après avoir amputé la croissance de -0,7 point en 2023 et -0,6 point en 2024). Ce soutien à la croissance pour 2025 et 2026 permet contrebalance partiellement les effets négatifs de la politique budgétaire.
4 Implicitement, nous maintenons la prime de risque sur la dette française proche de sa valeur actuelle, soit 80 points de base sur toute la période.
5 Selon les données de la Banque de France, le taux d’intérête (toutes maturités confondues) des crédits nouveaux aux sociétés non financières est passé de 4,7 % en juillet 2024 à 3,6 % en juillet 2025 et le taux des nouveaux crédits aux ménages (hors renegociations) est passé de 4,2 % en janvier 2024 à 3,1 % en juillet 2025.
6 Cet effet direct ne tient pas compte des effets indirects sur la demande adressée à la France en raison des pertes d’activité des partenaires commerciaux, de la réorganisation des flux commerciaux mondiaux et leur impact sur les chaînes de production.
7 L’impact global est négatif en 2026 malgré l’effet positif de 0,1 point de PIB de la politique budgétaire des partenaires européens sur la croissance française, notamment en raison de l’impact la relance budgétaire allemande.
Parmi les autres effets, on peut notamment mentionner l’impact des Jeux olympiques sur l’activité en 2024 (+0,1 point de PIB), suivi d’un contrecoup en 2025 (-0,1 point). Notons surtout les conséquences économiques de la mise en place de nouveaux tarifs douaniers aux Etats-Unis sur le reste du monde. Sur la base d’une hausse de 15 % des tarifs douaniers américains sur les produits importés de France, sans tenir compte des effets induits sur le commerce international des autres pays, les exportations françaises totales reculeraient de 0,6 % (dont 12 % pour les seules exportations françaises aux Etats-Unis) au bout de deux ans, amputerait la croissance du PIB de -0,03 point en 2025 et -0,1 point en 20266. Si l’on tient compte également des effets indirects liés à la dynamique du commerce mondial et des effets négatifs sur la demande adressée à la France, la perte de croissance serait de -0,1 point de PIB en 2025 et -0,2 point en 20267.
2 Une croissance trimestrielle atone
A très court terme, nous prévoyons que la croissance du PIB serait de 0,2 % au 3ème trimestre 2025, soit un peu moins que ce qu’indique notre indicateur de nowcast (Encadré 1) qui projette, sur la base de 80 % de l’information disponible du trimestre, une croissance de 0,3 %. Nous supposons les informations sur l’ensemble du trimestre et l’effet de l’incertitude se matérialiseront plus tardivement dans les variables intégrées du modèle. Cela nous conduit à réviser à la baisse la prévision du nowcast en raison des effets à attendre suite à la nouvelle crise politique depuis fin août. Au 4e trimestre, la croissance tomberait à 0,1 % sous l’effet d’une nouvelle remontée de l’incertitude, puis augmenterait de 0,2 % par trimestre sur l’année 2026 (tableau 2).
(a): M. Dauvin, O. Jullien de Pommerol, R. Sampognaro (2025), « Nowcasting du PIB français: un modèle à facteurs dynamiques », Document de travail OFCE, n°16 (septembre 2025)
Au second semestre 2025, un mouvement de déstockage est attendu qui aurait pour contrepartie un rebond des exportations. Après avoir contribué négativement au 1e semestre, le commerce extérieur soutiendrait la croissance à hauteur de 0,3 point de PIB aux 3e et 4e trimestres 2025 (voir partie [commerce extérieur](comext.qmd)). A l’inverse, le déstockage des entreprises amputerait l’activité de -0,2 point de PIB par trimestre. Pour la dynamique de 2026, les variations de stocks et le commerce extérieur auraient une contribution nulle sur la croissance trimestrielle.
Après un léger rebond attendu au 3e trimestre 2025 (+0,3 %), la consommation des ménages marquerait le pas au 4ème trimestre (+0,1 %) en raison notamment de la remontée de l’incertitude amenant à des comportements particulièrement prudents. En 2026, tirée par une légère baisse du taux d’épargne (qui reste cependant moindre que ce qu’indiquent les fondamentaux) la consommation croitrait au rythme de 0,2 % par trimestre en 2026 (voir partie ménages). Quant à l’investissement des ménages, poussé par la baisse des taux d’intérêt, il poursuivrait son lent redressement.
En revanche, l’investissement des entreprises continuerait à s’ajuster, dans un environnement particulièrement incertain et d’une demande atone, et renouerait avec une croissance positive seulement en fin d’année 2026 (voir partie entreprises).
Enfin, la consommation publique serait largement freinée par le programme d’ajustement budgétaire ciblé en partie sur les économies du côté des services publics en 2026. L’investissement public resterait orienté à la baisse en raison du cycle électoral lié aux élections municipales mais aussi de la politique budgétaire demendant un effort aux collectivités locales (voir partie finances publiques). L’impact négatif serait en partie réduit par la montée en charge des dépenses liées à la défense.
en % |
2025
|
2026
|
de 2025t1 à 2026t4 |
2024
|
2025
|
2026
|
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T1 | T2 | T3 | T4 | T1 | T2 | |||||
PIBa | 0,1 | 0,3 | 0,2 | 0,1 | 0,2 | 0,2 | 1,1 | 0,7 | 0,7 | |
PIB par habitanta | 0,0 | 0,2 | 0,1 | −0,0 | 0,1 | 0,1 | 0,7 | 0,3 | 0,4 | |
Consommation ménagesa | −0,3 | 0,0 | 0,3 | 0,1 | 0,2 | 0,2 | 0,9 | 0,4 | 0,7 | |
Consommation publiquea | 0,2 | 0,4 | 0,3 | 0,3 | 0,1 | 0,1 | 2,1 | 1,4 | 0,8 | |
FBCF totalea,b | −0,1 | −0,1 | −0,4 | −0,5 | −0,2 | −0,1 | −1,5 | −1,0 | −0,7 | |
dont : SNF-EIa | 0,1 | −0,2 | −0,8 | −0,8 | −0,5 | −0,3 | −1,6 | −1,3 | −1,7 | |
ménagesa | 0,2 | 0,4 | 0,3 | 0,2 | 0,4 | 0,4 | −6,0 | −0,0 | 1,4 | |
APUa,b | −0,9 | −0,4 | −0,4 | −0,4 | −0,1 | −0,1 | 3,2 | −1,3 | −0,9 | |
Exportationsa,c | −1,2 | 0,5 | 1,2 | 1,2 | 0,5 | 0,5 | 1,1 | 0,2 | 2,9 | |
Importationsa,c | 0,4 | 1,3 | 0,3 | 0,4 | 0,5 | 0,5 | −1,4 | 1,8 | 1,9 | |
Demande intérieurea,d,e | −0,1 | 0,1 | 0,1 | 0,0 | 0,1 | 0,1 | 0,6 | 0,4 | 0,4 | |
Variations de stocksa,e | 0,7 | 0,5 | −0,2 | −0,2 | 0,0 | 0,0 | −0,4 | 0,8 | 0,0 | |
Commerce extérieura,c,e | −0,5 | −0,2 | 0,3 | 0,3 | 0,0 | 0,0 | 0,8 | −0,5 | 0,3 | |
Inflationf | 1,2 | 1,0 | 0,7 | 1,1 | 1,5 | 0,9 | 2,3 | 1,0 | 1,4 | |
Taux de chômageg | 7,5 | 7,5 | 7,6 | 7,7 | 7,9 | 8,0 | 7,4 | 7,6 | 8,0 | |
Déficit publich | — | — | — | — | — | — | 5,8 | 5,4 | 5,0 | |
Dette publiqueh | — | — | — | — | — | — | 113 | 115 | 118 | |
Impulsion budgétairei | — | — | — | — | — | — | 0,2 | −0,9 | −0,9 | |
a En volume, aux prix chaînés. b FBCF : Formation Brute de Capital Fixe ; APU : Administrations Publiques. c Biens et services. d Demande intérieure hors variation de stocks. e Contribution à la croissance du PIB. f Evolution de l'indice des prix de consommation harmonisés (IPCH, sauf USA et France IPC). Pour les trimestres, glissement annuel (T/T(-4)) des prix. Pour les années, croissance moyenne annuelle des prix. g Au sens du BIT, en % de la population active. Pour les trimestres moyenne trimestrielle,
pour les années, moyenne annuelle. h En % du PIB annuel, en fin d'année. i Variation annuelle du déficit public (APU) primaire structurel, en points de PIB.
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Sources : Insee, prévision OFCE octobre 2025. |