Perspectives 2025-2026 pour l’économie française

conjoncture
déficit public
politique budgétaire
politique monétaire
taux souverain
inflation
France
Autrices, auteurs & résumé
Par
Affiliations
Mathieu Plane
Elliot Aurissergues
Clémence Briodeau
Bruno Coquet
Sandra Daudignon
Magali Dauvin
Eric Heyer
Pierre Madec
Raul Sampognaro
Publié le

15 octobre 2025

Modifié le

28 octobre 2025

Le scénario de finances publiques pour l’année 2026 dépendra notamment des évolutions politiques et de ses conséquences sur le processus budgétaire. Pour mémoire, dans notre scénario central, nous avons considéré que la France réussira à avoir en 2026 un budget qui respecte les annonces du PSMT, confirmées dans le RAA d’avril 2025. Nous pouvons penser un cas où le seul accord possible serait celui du vote d’une loi spéciale, comme fin 2024.

En effet, pour garantir la continuité de l’État, le bon fonctionnement des services publics, la possibilité de prélever les impôts et le recours à l’endettement pour l’État et les administrations publiques, une Loi spéciale « article 45 » peut être adoptée. Cet outil juridique n’autorise pas l’exécutif à modifier la politique économique mais ne dispense pas le gouvernement de présenter un nouveau budget en 2026 et de le faire adopter par le Parlement. De plus, un tel budget, au moins pour le volet recettes doit être réalisé rapidement s’il ne veut pas se heurter au principe de non rétroactivité de l’impôt. Si une Loi spéciale est exempte de tout choix politique, elle n’est pas sans incidence budgétaire. Le scénario ici présenté suppose implicitement que la Loi spéciale soit adoptée pour l’ensemble de l’année 2026 sans vote d’une nouvelle Loi de Finances. Or, il faut rappeler qu’une Loi spéciale ne dispense pas d’adopter une Loi de Finances.

La Loi spéciale empêche de prendre des mesures nouvelles aussi bien sur les prélèvements obligatoires (PO) que sur les dépenses publiques. Ainsi, les PO de 2026 seraient inchangés par rapport à 2025 (à l’exception des mesures fiscales déjà votées). Selon nos calculs, les PO diminueraient de 6,5 milliards (soit 0,2 point de PIB). L’essentiel de la baisse s’expliquerait par fin des contributions exceptionnelles sur les grandes entreprises et les hauts revenus (-10 milliards d’euros). Pour le reste la baisse des PO serait atténuée par le gel du barème de l’impôt sur le revenu et les mesures administratives déjà annoncées en termes de lutte contre la fraude fiscale.

Mais l’essentiel des effets budgétaires passe par la dépense, le principe général étant que les dépenses de l’État soient gelées en valeur, tandis que les autres dépenses, celles des administrations de sécurité sociale et des collectivités locales, ne peuvent pas être pilotées à travers une Loi spéciale. Sans mesures correctrices, ces dépenses évolueraient selon leur trajectoire spontanée. Il faut ajouter que certaines dépenses de l’État sont déjà pré-engagées (charge d’intérêts, contribution au budget de l’UE) et s’établissent à la hausse en 2026 (+0,5 point de PIB sur ces deux postes). Selon nos calculs, l’effort en dépenses publiques induit par le passage par une Loi Spéciale s’établit à 3 milliards d’euros (soit 0,1 point de PIB). Si l’essentiel de l’effort vient de la dépense de l’État (hors dépenses pré-engagées), en 2026 la Sécurité Sociale et les administrations locales verraient cependant leurs dépenses diminuer en points de PIB potentiel.

Au total, en 2026, selon nos calculs, la loi spéciale ne permettrait pas de réduire le déficit structurel (contre -0,7 point de PIB dans le cadre du RAA). Ce chiffre s’explique par des spécificités de l’année 2026: extinction de mesures fiscales passées et montée de la contribution à l’UE. Cet effort primaire serait insuffisant à compenser la hausse de la charge d’intérêts et au final, le solde structurel français connaîtrait une dégradation de 0,1 point de PIB en 2026 dans ce scénario. Dans ce cas de figure il serait donc très difficile à diminuer le déficit public en 2026 qui pourrait s’établir à 5,5 % du PIB. Ce dernier résultat doit être pris avec prudence car même dans un scénario décrit ci-dessus, les futures autorités publiques auront pleine liberté pour corriger la trajectoire de dépenses publiques en cours d’année. Surtout si les tensions politiques empêchent tout accord minimaliste sur les évolutions budgétaires, il faut tenir compte des réactions d’autres variables clés: les taux d’intérêt et l’effet sur les anticipations des agents privés qui peuvent modifier leurs plans dans le sens d’une plus grande prudence (réduction investissement, hausse de l’épargne).